Paul Dumont, « La structure sociale de la
communauté juive de Salonique à la fin du dix-neuvième siècle », Revue historique, n° 534, avril-juin
1980, p. 387 :
« Les polémiques suscitées par l’affaire Dreyfus commençaient à peine à
s’atténuer lorsque, en avril 1897, la guerre éclata entre la Turquie et la Grèce.
Cet événement allait aussitôt raviver les dissensions au sein de la population
salonicienne. D’ordinaire pleins de circonspection, les Israélites s’étaient
dès le début des hostilités laissés emporter par leur zèle loyaliste. Ils
avaient pris une part importante à la souscription ouverte pour la réorganisation
de l’armée ottomane et avaient multiplié les gestes spectaculaires de
dévouement à l’Empire. C’est ainsi, en particulier, qu’à l’annonce des
premières victoires remportées par la Turquie, la communauté avait organisé sur
ordre du Grand-Rabbin de Constantinople il est vrai des actions de grâce pour
louer Dieu du succès qu’Il venait d’accorder aux généraux du sultan. Chez les Grecs, ces manifestations de patriotisme
provoquèrent bien entendu une immense consternation. Dans l’immédiat, les
journaux de Salonique n’étaient pas en mesure de monter à l’assaut, mais en
territoire hellène, la presse se montra implacable. L’Acropolis du 2 mai 1897 alla jusqu’à prétendre que les Juifs de
Salonique, perdant toute retenue, crachaient au visage des femmes chrétiennes
et profanaient les églises. »
Julia Philips Cohen, « “Zeal and Noise”. Jewish Imperial Allegiance and
the Greco-Ottoman War of 1897 », dans Michael M. Laskie et Yaakov Lev (dir.), The Divergence of Judaism and Islam,
Gainesville, University Press of
Florida, 2011, pp. 29-50 :
« Des Juifs se joignirent aux efforts organisés par des groupes de femmes,
d’hommes et de jeunes gens musulmans à Salonique. En particulier, ils
commencèrent à participer aux nouveaux projets patriotiques, tels que l’organisation
du Croissant rouge, récemment créée. Quand des souscriptions pour les efforts
du Croissant rouge [en faveur de soldats
ottomans blessés] sont parues dans la presse, des noms de philanthropes
juifs figuraient régulièrement à côté de ceux de philanthropes musulmans. Les journaux
ont également écrit sur la façon dont les sociétés de femmes juives envoyaient
de l’argent aux hôpitaux de campagne, organisés près du front. Vers la même
époque, un groupe des jeunes juifs ont commencé à collecter de l’argent pour
faire envoyer des lits sur le front, une autre action parallèle aux projets du
Croissant-Rouge. Bientôt des nouvelles parurent, selon lesquelles des médecins
juifs de Vienne et des étudiants en médecine, Juifs ottomans, récemment rentrés
de leurs études à Paris se portèrent volontaires pour soigner dans la région
frontalière où se déroulaient les combats. Les souscriptions en faveur des
musulmans expulsés de Crète ont été constamment abondées par des dons faits par
des Juifs aussi bien que par des musulmans. La presse juive de Salonique a
également publié des notes du grand rabbin de Crète, racontant comment 100 des familles musulmanes de cette île
ont trouvé refuge dans les maisons de Juifs locaux. » (pp. 31-32)
« Ce jour-là [28 avril 1897],
alors qu’un train chargé de prisonniers grecs blessés revenait de le champ de
bataille a traversé Salonique, des musulmans et des juifs locaux se seraient
rassemblés à la gare et ont commencé à narguer les passagers du train. »
(p. 35)
« Les Juifs de la ville [İzmir] et de ses environs ont organisé des
cérémonies spéciales pour leur armée [l’armée
ottomane] et ont prié pour sa victoire rapide et totale. Ils ont également
prononcé des discours publics en ladino et en turc soulignant leur dévouement à
la cause et à leur État ; beaucoup ont donné de l’argent, des vêtements ou de
fournitures à des fonds créés pour les soldats majoritairement musulmans de l’armée
ottomane.
En fait, cette forme particulière d’identification s’est concrétisée par la
participation juive aux activités du Croissant-Rouge et à d’autres projets
visant directement à aider les populations musulmanes déplacées par la guerre,
notamment celles de Crète. L’alignement
avec les musulmans ottomans locaux et même éloignés était devenu une partie
intégrante de la façon dont les Juifs ottomans ont exprimé leur loyauté à l’empire
pendant la guerre, à İzmir comme à Salonique. » (pp. 40-41)
Archag
Tchobanian, « L’Arménie, avant-garde de la civilisation gréco-latine en
Orient », dans La Renaissance de l’Orient,
Paris, Ernest Leroux, 1919, p. 14 :
« Les
luttes grecques pour l’indépendance ont trouvé jadis parmi nous [les nationalistes arméniens] l’accueil
le plus enthousiaste, et les héros de cette épopée sont des plus populaires
chez nous ; la révolte crétoise nous passionna autant que nos propres
luttes menées contre la même tyrannie ; à la guerre gréco-turque de 1897, des volontaires arméniens allèrent se
battre dans l’armée grecque contre le Turc, et la joie que nous éprouvâmes
lorsque la Crète fut libérée
du joug ottoman se renforçait en nous par la pensée que le discrédit jeté
sur la Turquie par le retentissant martyre de l’Arménie sous Abdul-Hamid avait
contribué à cette délivrance […] »
Lire aussi :
L’antisémitisme
arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien
L’arménophilie-turcophobie
d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal
L’arménophilie
aryaniste, antimusulmane et antisémite de D. Kimon
La
grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de
Michel Paillarès
L’amiral
Charles Dumesnil et Raymond Poincaré sur les causes de l’incendie d’İzmir («
Smyrne »)
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