« Les Arméniens s’étaient vus promettre une patrie par les grandes
puissances, mais ces promesses ne furent jamais concrétisées [affirmation doublement inexacte :
aucune des grandes puissances, pas même la Russie, n’a fait de promesse précise
pour « une patrie » ; et la nouvelle URSS a non seulement créé
une République soviétique d’Arménie, mais pris acte de la purification ethnique
au Zanguezour, en attribuant à l’Arménie soviétique cette région, majoritairement
azerbaïdjanaise jusqu’en 1920]. À la Société des nations, leur cause
menaçait de devenir un scandale international [aux yeux de qui ?] lorsque [Fridtjof] Nansen la prit en charge en 1924. Ses motifs étaient
entièrement humanitaires ; durant sa visite en Sibérie avant la guerre, il
avait rencontré de malheureux exilés arméniens, envoyés là-bas en raison de
leur lutte pour l’indépendance [vision
simpliste : il s’agissait de membres de la Fédération révolutionnaire
arménienne, souvent terroristes, qui avaient combattu la Russie aux côtés des
Jeunes-Turcs, avant de se
retourner contre ses derniers, au profit de la Russie justement, en
1912]. Quisling [alors très lié à Nansen, y compris sur la
question arménienne] ajoutait à cette question une part d’idéologie :
les Arméniens, déclara-t-il quelques années plus tard [en 1933, ce qui n’est pas innocent, vu son évolution idéologique] “représentent
le dernier avant-poste de l’Europe chrétienne et constituent dès lors le
principal canal par lequel les idéaux et la culture occidentaux pénètrent en
Asie.”
Le voyage que Nansen et Quisling firent en Arménie et dans le reste du
Caucase en juin 1925 fut prometteur et marqué par l’optimisme. Partout ils
rencontrèrent des autorités qui se montraient coopératives. Au moins
semblait-il possible de faire quelque chose pour les Arméniens. L’idée était d’aider
la République soviétique d’Arménie à rapatrier autant que possible — peut-être
cinquante mille — des trois cents mille Arméniens qui vivaient en Turquie ou
comme réfugiés au Proche et Moyen-Orient. »
Le projet périclita, au grand déplaisir de Nansen et Quisling.
Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe,
Paris, Gallimard, 2006, tome II, pp. 1017-1022 :
« En 1939, quelque 1 800 Juifs vivaient en Norvège sans être
inquiétés, principalement à Oslo et Trondheim. Un demi-Juif, Hambro, avait
accédé à la direction du Parti conservateur et au poste de délégué principal de
la Norvège auprès de la Société des nations. La position d’Hambro, ainsi que le
statut dont jouissaient tous les Juifs du pays, agaçait un petit groupe politique, le Rassemblement national (Nasjonal Samling, ou NS) d’inspiration
nationaliste, pronazie et antisémite, fort de 15 000 membres, et qui avait à sa
tête un ancien officier de l’état-major et du ministère de la Guerre, Vidkun
Quisling [le NS a été créé en 1933, l’année
même où Quisling a exprimé son arménophilie de suprémaciste chrétien].
Quand, au printemps de 194[0], la Norvège fut occupée à la suite d’une
invasion éclair Quisling devint le chef du gouvernement norvégien. […] Au-dessous
de lui, Quisling se heurtait à un peuple frondeur, dont les éléments
indisciplinés se rebellaient, même au sein de son propre parti.
[…]
À la suite d’une demande de Redless, le ministre norvégien de la Police,
Jonas Lie, ordonna le 17 janvier 1942 qu’un J
soit apposé sur les cartes d’identité des Juifs. Cette mesure nécessitait une
définition du mot “Juif” : on suivit alors le principe de Nuremberg, avec
une stipulation complémentaire, à savoir que tous les membres de la communauté
religieuse juive devaient être considérés comme “Juifs”. […]
Le samedi 24 octobre 1942, l’Hauptsturmführer Wagner [officier de la Gestapo chargé des Juifs en Norvège] se rendit au
domicile du chef de la Police d’État norvégienne Karl Mathinsen, avec pour
instruction d’étendre ces arrestations à tous les Juifs du pays. Cette police d’État
était une petite organisation formée dans le courant de l’été 1941 et
exclusivement composée de SS sûrs. Pendant le week-end, elle dressa des listes
avec l’aide du Bureau de la statistique et, le 26 octobre, Marthinsen lança les
rafles avec ses propres hommes, secondés par des membres de la Police
criminelle, de la Police régulière dans les zones rurales et les
circonscriptions policières, ainsi que d’hommes de la division norvégienne
Germanske SS-Norge. […]
Toujours le 26 octobre, le
cabinet Quisling s’empressa de décréter la mise sous séquestre des biens juifs. […]
Le 17 novembre le gouvernement Quisling ordonna à tous les citoyens qui
avaient au moins un grand-parent juif de se faire connaître aux bureaux locaux
de la police. À ce moment-là, la rumeur de ce qui se tramait se propageait déjà
rapidement. Beaucoup de Juifs se cachèrent, et les dimanches 15 et 22 novembre
des services spéciaux furent célébrés dans les églises luthériennes de Suède
pour les victimes des arrestations. […]
Après que ce premier lot de victimes eut été embarqué [vers l’Allemagne, puis Auschwitz], une vive agitation s’empara de
toute la péninsule norvégienne. L’émoi de la population gagna les cercles de la
collaboration, qui firent preuve d’un “manque de compréhension” (Verständnislosigkeit) manifeste, et l’on
parla même de démissions dans le propre mouvement de Quisling. »
Lire aussi, sur le versant nationaliste arménien :
La
popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en
Arménie même
La
collaboration de la Fédération révolutionnaire arménienne avec le Troisième
Reich
Les
massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)
Sur l’arménophilie nazie et fasciste :
L’arménophilie
d’Alfred Rosenberg
L’arménophilie
de Johann von Leers
L’arménophilie
de Paul Rohrbach
L’arménophilie
fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi
L’arménophilie
de Lauro Mainardi
Sur l’arménophilie d’extrême droite en France à la même époque :
L’arménophilie
du régime de Vichy
De
l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian
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