Paul Chack (1876-1945) était un officier de Marine français devenu écrivain. Patriote, républicain, et défenseur des Juifs et des Turcs pendant la plus grande partie de sa vie, il renia ses convictions au moment du Front populaire, devenant un pourfendeur du « judéo-bolchevisme » et du « complot judéo-maçonnique », puis prônant la collaboration avec l’Allemagne nazie à partir de 1941.
Pierre Loti, La
Mort de notre chère France en Orient, Paris, Calmann-Lévy, 1920,
pp. 219-220 :
« LETTRE D’ENVOI
DE M. LE CAPITAINE DE CORVETTE [PAUL] CHACK (1)
Toulon, 3 février
1920.
Commandant, C'est
un des plus grands honneurs de ma vie d'avoir été chargé de porter vers vous
l'expression de ces âmes belles et suppliantes.
Puis-je vous dire
aussi qu'en ce Constantinople, d'où j'arrive, nous sommes légion, marins et soldats qui luttons de toutes nos forces
pour que la “Suprême Injustice” [le démembrement de la Turquie] ne
s'accomplisse pas, parce que nous avons compris et que nous aimons ce pays pour
sa beauté, pour son âme, pour tout ce que nous en avons vu par nos yeux, et
par tout ce que vos œuvres nous ont fait comprendre.
Puis-je vous
demander, Commandant, de me dire si vous avez reçu ce pli afin que je puisse aussitôt
prévenir ces dames qui sont anxieuses de savoir que leur pensée vous a rejoint.
Je vous demande
aussi d'agréer l'hommage d'admiration respectueuse d'un officier qui a autrefois
vécu deux années à Stamboul et qui vient d'y passer quatre mois, avec l'émotion
d'un pèlerinage vers sa jeunesse, avec la joie toujours nouvelle de revoir un
pays que vous avez chanté !
Signé : CAPITAINE DE CORVETTE CHACK.
1. Qu'une
association de dames turques chargea de transmettre une lettre de sympathie. »
« Une
réunion au Trocadéro », Paix et Droit, mai 1933, p.
8 :
« Une
grandiose et émouvante manifestation contre les persécutions antisémites allemandes
et l'autodafé des livres “d'esprit non allemand”, a été organisée, le 10 mai,
en présence d'une assistance énorme, dans la grande salle du Trocadéro, par le “Comité français pour la protection des
intellectuels juifs persécutés”.
M. Louis Rollin, député
de Paris, ancien ministre, membre du Comité, présidait, ayant à ses côtés MM,
François Piétri, député, ancien ministre : le R. P. Sanson, le chanoine
Desgranges, député du Morbihan ; le pasteur Wilfrid Monod, le professeur
Jean-Louis Faure, de l'Académie de Médecine ; MM. François Mauriac, Claude
Farrère, le vice-amiral Mornet et les autres membres du Comité.
Autour d'eux,
avaient pris place : le bâtonnier de SaintAuban, le docteur Souques, président
de l’Académie de Médecine […] ; Paul
Chack, de nombreux membres de l'Académie de Médecine, les présidents des
Syndicats et Associations de presse, etc. »
« La
réunion des “Camarades du Feu” à Wagram », L’Action
française, 22 décembre 1938, p. 5 :
« La réunion
des Camarades du Feu, hier soir, à Wagram, a été une manifestation
d'antibolchevisme et d’antisémitisme.
Le capitaine de vaisseau Paul Chack, qui présidait
la séance, a déclaré dans un vigoureux discours que la vie de la nation est la
seule chose qui compte et qu'elle est minée, menacée par la conjuration
judéo-maçonnique. »
Paul Chack, Survivants
prodigieux, Les éditions de France, 1941 :
« Rallions
nous-mêmes la baie d’Antioche. Là, des hommes appellent au secours, des hommes dont
les signaux sont aperçus le 5 septembre [1915] par le croiseur Guichen, en patrouille devant le rempart
rocheux coupé de ravins énormes qui aboutissent à la mer, comme feraient de
gigantesques torrents, dont les lits desséchés se seraient épanouis en longues
plages complètement séparées les unes des autres par les falaises à pic.
Deux grands
pavillons blancs sont hissés au faîte des plus grands arbres du Djebel-Moussa
ou montagne de Moïse, dernière croupe des monts Amanus contre laquelle s’adosse
le petit port turc de Souaidieh.
Un des pavillons
porte, en français, ces mots : “Chrétiens en détresse. Sauvez-nous.”
Ces chrétiens
sont des Arméniens. Ils vivaient dans la basse vallée de l’Oronte toute proche.
Nées au temps des croisades, leurs bourgades ont recueilli les fuyards éperdus
que pourchassaient les Mongols à la fin du XIe siècle. Et les descendants des
Mongols poursuivent les fuyards d’aujourd’hui. Ici encore, l’histoire renaît.
En 1914, ces Arméniens ont échappé à prix d’or aux recruteurs turcs. Les hommes
se sont rachetés d’abord pour 2 livres turques, puis le tarif a augmenté
jusqu’à 10 livres. Au surplus, les médecins turcs vendaient 5 livres les
certificats de réforme. Puis, la rage au cœur, les Arméniens ont subi le
pillage — baptisé réquisition — de leurs récoltes et de leur bétail. A Bitias,
cette razzia s’est accompagnée de l’enlèvement des femmes et des jeunes filles.
Les gens de Bitias ont alors gagné la montagne.
Dans les autres
villages, dévastés eux aussi, les malheureux s’obstinaient à vivre. C’était
abuser, car 900 familles turques, évacuées des Balkans et campées à Souaidieh
attendaient que disparussent ces infidèles pour prendre leurs maisons et leurs
fermes. Et l’héritage tardait à venir...
Au mois d’août
1915, estimant que le sursis a assez duré, Djemal pacha ordonne que s’exécute la
sinistre relève sans autre délai et suivant le rite habituel. Ordre est donné
aux Arméniens de se rassembler pour quitter le pays et gagner Damas.
La sentence d’exil
cache la condamnation au massacre. Les condamnés le savent. Depuis que notre
pavillon ne protège plus la Syrie, bien des colonnes sont ainsi parties pour
Damas, pour Alep ou pour l’Anatolie, sans que les déportés aient atteint le but
assigné à leur exode. Les cadavres des hommes jonchent les routes d’Asie mineure,
tandis que les femmes et les jeunes gens des deux sexes ont été enlevés, par
des bandes irrégulières, disent les Turcs... L’obéissance à l’ordre reçu serait
proprement un suicide. Seule l’insurrection donne une chance de vivre. Eh bien
! va pour l’insurrection. » (pp. 32-34)
« Revenons aux
insurgés. Tandis qu’ils brûlent leurs dernières cartouches, le contre-amiral
Daret M. Defrance, notre ministre au Caire, finissent par arracher, le 12 septembre,
aux autorités anglaises d’Egypte, la permission d’amener à Port-Saïd les gens
du Djebel-Moussa. Le même jour, à l’aube, par une houle de deux mètres qui déferle
sur la plage du Ras-el-Mina, les embarcations et les radeaux de nos croiseurs
commencent d’embarquer la foule des malheureux. Nos navires sont prêts à ouvrir
le feu si les Turcs se montrent. Mais le bombardement de Souaidieh a effet
moral autant que matériel et l’ennemi n’intervient pas.
A neuf heures, la
Foudre part avec 1042 réfugiés. A
quatorze heures, le D’Estrées en emmène 459. Le 13 au matin l’embarquement
reprend, le Guichen appareille avec 1 941 Arméniens. Cependant les combattants
continuent de tenir les crêtes. Dans la journée, ils évacuent progressivement
leurs postes. 347 d’entre eux sont pris à bord de l’Amiral-Charner et 303 sur
le Desaix. Le sauvetage est achevé. » (p. 39).
Commentaire :
Paul Chack n’était
pas beaucoup plus exact sur cette affaire que sur l’imaginaire « conjuration
judéo-maçonnique ». Comme en atteste le journal du prêtre arménien
(grégorien) Abraham der Kaloustian, « Au début de la guerre, les Turcs
laissèrent les Arméniens en paix », les « corvées pour la
construction de tranchées » ne commençant qu’en mars 1915 et la
conscription (ou le paiement d’une taxe d’exemption, selon la volonté ou les
moyens de chacun) qu’en juin 1915 (traduction française aux Archives du
ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, reproduite en fac-similé dans
Hasan Dilan [éd.], Les Événements
arméniens dans les documents diplomatiques français, Ankara, TTK, 2005,
tome I, p. 296).
Loin d’être une
simple réaction, la révolte de Musa Dağ fut une partie d’une seconde vague de
révoltes, à l’été et à l’automne 1915 (Edward J. Erickson, Ottomans and Armenians. A
Study in Counter-Insurgency, New York-Londres, Palgrave MacMillan, 2013,
pp. 197-212). Enfin, « en l’absence
d’une forte population kurde, aucun massacre n’eut lieu [en 1915-1916] en
Cilicie » (Guenter Lewy, The
Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah
Press, 2005, p. 252) et Cemal Paşa joua un rôle déterminant dans le sort
comparativement meilleur des Arméniens réinstallés de force dans la partie de l’Empire
ottoman dont il était responsable (ibid., pp. 112-113 et 218-220), ce que même
un historien partisan de la qualification de « génocide arménien »
admet, avec force documents à l’appui (Hilmar Kaiser, « Regional resistance to
central government policies: Ahmed Djemal Pasha, the governors of Aleppo, and
Armenian deportees in the spring and summer of 1915 », Journal of Genocide Research, XII-3/4, 2010, pp. 173-218) :
prétendre que « la sentence d’exil cach[ait] la condamnation au massacre »
est donc presqu’aussi faux que de parler de « conjuration judéo-maçonnique ».
« Le
Cercle aryen a été inauguré », Le Matin,
22 novembre 1943, p. 2 :
« Le Bureau de presse du Parti populaire
français communique :
En présence du
docteur Elassen […] et de nombreuses personnalités, le Cercle aryen a inauguré
samedi au 5, boulevard Montmartre, son existence au cours d'un amical déjeuner
que présidait le commandant Paul Chack :
Que nous soyons ou non fascistes
ou nationaux-socialistes,
a déclaré celui-ci dans
une brève allocution, nous nous réclamons de l'idée
aryenne pure. C'est un idéal autour duquel doivent s'unir tous les
hommes épris de propreté morale, tous ceux qui, dans leur passé, n'ont à se
reprocher aucune compromission avec les Juifs, les francs-maçons ou les
politiciens qui ont pourri la France. Je suis heureux de constater que c'est à
Paris qu'est prise l'initiative de constituer l’alliance aryenne
universelle. »
Condamné à mort
en décembre 1944, Paul Chack fut fusillé en janvier 1945.
Lire aussi :
Et en sens inverse :
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