mardi 19 janvier 2021

Hrant Dink : entre racisme antiturc et refus de l’irrédentisme arménien

 Hrant Dink, éditorial paru dans Agos, 13 février 2004 :

« La meilleure façon de créer de nouveaux mots forgeant l’identité arménienne consiste à aider l’Arménie. Une fois que le “Turc” sera retiré, nous aurons, au lieu de ce sang empoisonné, du bon sang propre, coulant dans les artères des Arméniens, créées avec l’Arménie. »

ð  Pour ceux qui crient « Contexte ! Contexte ! », comme si ce seul mot feraient disparaître la phrase au goût nazi citée ci-dessus : le contexte ne fait que l’aggraver. Hrant Dink parlait textuellement de « soutenir l’Arménie » en 2004, c’est-à-dire presque quatre ans après l’érection, près d’Erevan, du mausolée de Drastamat « Dro » Kanayan, général de Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale ; et presque trois ans après la réception, en grande pompe, par le Premier ministre arménien de l’époque, de Varoujan Garbidjian, le boucher d’Orly. Dink n’a d’ailleurs jamais cherché à faire croire, par le moindre article, qu’il réprouvait les attentats de l’ASALA et des CJGA, ou qu’il était en désaccord avec la glorification obsessionnelle des nazis Dro et Garéguine Nejdeh, exactement ce qui enkyste le plus la haine, alors que les enfants ne naissent pas plus pour haïr à Erevan qu’ailleurs. Bien au contraire, dans un de ses derniers articles, il présentait comme scandaleux le slogan « Dieu maudisse l’ASALA ».

 

 Hrant Dink, déclaration pour le documentaire Sarı Gelin, 2005 :

« Les Arméniens ont-ils tué les Turcs ? Oui. Ils l’ont fait en 1918, avec les Russes, ils ont pris leur revanche. Revanche… Je maudis ce mot. »

ð  En quelques phrases, il niait ainsi, sans le commencement d’un argument, tous les massacres de civils musulmans commis par les nationalistes arméniens avant 1918, notamment ceux de 1914, 1915 et 1916. Par comparaison, même un historien aussi résolument antiturc que Donald Bloxham parle sans équivoque de ceux de 1916, devant la masse de sources britanniques à ce sujet (Donald Bloxham, The Great Game of Genocide, Oxford-New York, Oxford University Press, 2009, p. 100 et 103-105). Dans le « dialogue », la « paix » et la « réconciliation » selon Dink, il ne saurait être question d’évoquer seulement les centaines de milliers de Turcs et autres musulmans massacrés avant 1918 ; quant aux tueries de cette année-là, elles devraient être à moitié excusées, comme de simples actes de « revanche ». On rappellera au passage que ce partisan autoproclamé du « dialogue » ne publiait, dans sa feuille Agos, que des auteurs tels que le falsificateur de sources Taner Akçam, alors même que certaines de ses falsifications avaient été exposées par l’historien Ferudun Ata au colloque contradictoire d’İstanbul Üniversitesi, en avril 2006, devant un Ara Sarafian et un Hilmar Kaiser (deux historiens partisans de qualification de « génocide ») fort peu soucieux de défendre M. Akçam. Dink, qui ne pouvait ignorer ce qui s’était dit lors de ce colloque, agissait donc en toute connaissance de cause.

 

Même déclaration pour le même documentaire :

« D’abord, la question du Karabakh doit être résolue. L’Azerbaïdjan, la Turquie, l’Arménie, la Russie et peut-être les États-Unis doivent se concerter sur ce problème. Je le dis clairement, l’Arménie doit se retirer des territoires occupés. »

ð  Si cette déclaration est effectivement claire, elle semble tenir plus de la situation géographique de Dink que d’autre chose ; seul le refus des revendications territoriales pouvait lui donner, dans sa situation, une apparence de crédibilité auprès des naïfs.

 

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