dimanche 17 janvier 2021

Les Arméniens turcs et l’émergence de l’accusation de « génocide »


 

Nubar Gulbenkian (millionnaire vivant entre Londres, Cannes et İstanbul, fils de Calouste Gulbenkian), entretien à Hürriyet, 24 avril 1965, traduit dans Réalités exprimées par des Arméniens turcs, İstanbul, Jamanak, 1980, p. 17 :

« Personne ne désire que les évènements oubliés soient ranimés. D’ailleurs, les provocations de cette sorte ne viennent pas de l’intérieur mais de l’extérieur. De toute façon, je suis sûr que même un seul Arménien ne servira pas d’instrument aux provocations extérieures de cette sorte.

Nous tous, nous sommes nés en Turquie. Nous avons reconnu la Turquie comme notre patrie. Aujourd’hui, nous avons reconnu la Turquie comme notre patrie [Nubar Gulbenkian a effectivement demandé puis obtenu la nationalité turque]. Aujourd’hui, en Turquie, il n’y a aucune distinction entre les Turcs et les Arméniens. Les Arméniens y mènent une vie pleine de tranquillité et de sécurité. Ils ne seront jamais la dupe des jeux politiques. »

 

Torkom İstepanyan (réinstallé avec sa famille à Simav, dans la province de Kütahya, en 1915), Hepimize bir Bayrak, İstanbul, Tarla yayınevi, 1967, cité ibid., pp. 23-24 :

« Après une dizaine de jours que nous étions arrivés  Simav et installés dans une auberge, j’ai attrapé une dysenterie aigüe. Cette maladie m’avait épuisé. […]

En quelques secondes, un soldat a apparu à la porte. Juste au moment où ma tante allait lui parler, on a entendu une voix en haut de l’escalier ordonnant au soldat : “Fais monter vite le malade ici !” Le médecin [Hüseyin Bey] lui a dit : “Ne vous en faites pas ma petite ! Vous allez voir votre malade dans peu de temps grimper ces arbres.” (en montrant par la fenêtre les arbres d’en face). Et il a commencé à écrire une ordonnance pour moi. Pendant qu’il écrivait, ma tante, touchée des pensées du médecin, était en train de chercher son mouchoir dans ses poches pour essuyer ses larmes. Le médecin, croyant qu’elle voulait le payer, lui a dit : “Ma fille, sors vite ta main de ta poche, parce que moi, je ne reçois jamais d’argent de ceux qui se trouvent dans votre situation.” »

 

Şınorhk Kalustyan (patriarche de 1962 à sa mort, en 1990), entretien à Yeni İstanbul, 25 juillet 1968, cité ibid., p. 27 :

« En tant que compatriotes turcs, nous n’agissons que selon les intérêts de notre patrie sur chaque question concernant la Turquie. Qu’elles soient faites aux États-Unis ou n’importe où, toutes les manifestations et actions visant la Turquie nous tourmentent.

Aujourd’hui, les hommes ont à regarder l’avenir et non le passé. En tant qu’humain, mener une vie fraternelle doit être notre but. Nous sommes attachés à notre patrie, soit comme individu, soit comme communauté. Je prie toujours pour la prospérité et le progrès de notre patrie. »

 

Dr Andresiyan, entretien à Hergün, 31 mai 1969, cité ibid., p. 28 :

« En 1915, j’étais hospitalisé à l’hôpital militaire de Hayarpacha, parce que je faisais mon service militaire dans l’armée turque.

Tous les Arméniens [loyalistes] défendaient leur patrie côté à côte avec leurs frères musulmans dans les rangs de l’armée turque. Je suis un citoyen qui a connu l’époque du sultan Abdülhamit. Nous n’avons pas oublié la sympathie témoignée pour nous par l’administration ottomane et par les musulmans, ainsi que le respect montré aux droits civils des citoyens. La même sympathie et le même respect sont laissés en héritage à la jeune République turque. C’est injuste de faire semblant d’ignorer ceci et s’efforcer pour le voiler aux yeux du monde.

Nous, les Arméniens qui étions au service de l’État à chaque époque de l’Empire ottoman, nous nous inquiétons des propagandes subversives faites par des traîtres qui se trouvent parmi nous et les Arméniens qui vivent à l’étranger. Nous, qui sommes de même âge, avons vécu soit sur le territoire ottoman, soit sur celui de la République turque, nous ne nous sommes jamais sentis étrangers sur ces territoires, parce que personne ne nous a traités d’étrangers, sauf nos stupides frères arméniens vivant en France ou ailleurs. »

 

Levon Panos Dabağyan (cofondateur du Parti d’action nationaliste, MHP, avec Alparslan Türkeş), entretien à Son Havadis, 10 janvier 1970, cité ibid., p. 29 :

« Les communistes doivent notamment savoir qu’il est possible de trouver entre les Arméniens turcs quelques malheureux qui pourront leur servir de valets. Cela se peut dans n’importe quelle nation. Mais ils ne pourront jamais acquérir tous les Arméniens turcs. Nous sommes attachés à notre patrie : la Turquie.

Que l’on sache que nous sommes grégoriens de religion, mais que de nationalité, nous sommes turcs. »

 

Me Agop Binyat, avocat, entretien à Cumhuriyet, 22 février 1973, cité ibid., p. 34 :

« Je suis stupéfait [par le double assassinat du consul général de Turquie à Los Angeles et de son adjoint, commis par Gourgen Yanikian]. Je ne peux pas y croire. Je ne veux pas croire à l’assassinat commis par un maniaque, soi-disant écrivain [Yanikian avait commis quelques livres, bien avant son double crime], qui n’a pas encore tiré de leçon de l’histoire.

En un seul mot, ma douleur est insupportable. Le degré de la sincérité de mes paroles pourrait être apprécié par mes collaborateurs, qui travaillent pour moi depuis environ vingt-sept ans, dans le domaine de la politique, par les membres du barreau d’İstanbul, auquel j’adhère depuis près de vingt-quatre ans, par les juges et les membres distingués du conseil municipal d’İstanbul dont moi aussi j’étais membre à l’époque [1963-1968] où M. Hasim Işcan était le maire [CHP], et finalement par tous mes amis familiers. »


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