L’attentat d’Orly a été commis le 15 juillet 1983 par l’Armée secrète
arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA), faisant huit morts et une
soixantaine de blessés, dont plusieurs estropiés à vie. Il est souvent prétendu
que cet attentat fut « unanimement condamné par la communauté arménienne
de France ». Ah vraiment ?
René Dzagoyan, « Le
désespoir », Arménia,
juillet-août 1983, p. 4 :
« Voilà donc, une fois de plus, que le nom d’arménien s’est tâché [sic :
pour « taché »] de sang. À l’annonce de la nouvelle, la plupart d’entre
nous ont frémi à l’horreur et l’ont condamnée, prouvant si c’était nécessaire que
l’on est homme avant d’être arménien.
Nous ne parlerons pas de ce crime. Tous les qualificatifs ont déjà été
employés et il n’est pas nécessaire d’ajouter le nôtre.
Une indignation de plus ne servirait à rien, sinon à oublier que derrière
ce drame se cache un drame encore plus terrible :
Celui de notre responsabilité, à nous, arméniens, et celle des nations.
À qui la faute ? [en gras dans l’original]
[…]
Qui a semé le grain ?
Nous étions un
peuple paisible qui ne demandait que “JUSTICE”,
mais nous n’avions pas de voix, nous n’avions pas
de mains.
Et les
États, doucement, au fur et à mesure des années, nous rangeaient peu à peu
dans les oubliettes de l’histoire.
Nous avons essayé
le dialogue, mais personne ne nous
a écoutés.
Nous avons essayé la patience, mais la patience n’a rien donné.
Certains, alors, ont essayé
la violence. Et, qui peut le nier, la violence a porté ses fruits, car
alors les journaux du monde entier ont parlé de la question arménienne. C’est
ainsi que, pour
la première fois dans notre histoire, notre nation a connu les vertus
de la Force, non pas
parce qu’elle l’aimait, mais parce qu’elle faisait parler d’elle.
Y aurait-il aujourd’hui un terrorisme arménien si les arméniens avaient
obtenu “Justice” ?
Y aurait-il des attentats si les
nations occidentales, au lieu de fermer complaisamment les yeux devant une Turquie
Criminelle, avaient contraint cet État, par tous les moyens possibles, à
reconnaître son
crime ?
Y aurait-il des “Orly” si les
États-Unis et d’autres pays encore, au lieu de tenir à bout de bras l’État
ottoman, l’avaient forcé à rendre aux arméniens… pas grand-chose : Leur
dignité ? »
« Éditorial », Hay Baykar, 11 mars 1985 :
« Un militant arménien vient d’être condamné à la réclusion criminelle à
perpétuité [pour l’attentat d’Orly]. Ainsi la montée de la répression
anti-arménienne que nous dénonçons inlassablement depuis des mois aura atteint,
le dimanche 3 mars, à 3 heures du matin, son point culminant.
[…]
Ce scénario s’est reproduit avec Soner Nayir, lui aussi désigné à la
vindicte publique au moment de son arrestation comme l’auteur de l’attentat d’Orly.
[…] Quant à Ohannès Semerci, simple porteur de valise, il aura lui aussi été
sacrifié au nom à la fois que de la responsabilité collective, de la psychose
antiterroriste gagnant actuellement le pays et sur l’autel du rapprochement
franco-turc.
Ces trois condamnations
constituent un nouveau coup porté à la cause arménienne. »
La haine antioccidentale (antifrançaise, notamment) et antiturque, la
haine, au fond, tout ce qui n’est pas soi, s’exprime suffisamment dans ces deux
textes pour que nul commentaire ne soit nécessaire. Deux mots cependant : Hay Baykar, pour mes lecteurs qui ne le
sauraient pas déjà, était dirigé par Jean-Marc « Ara » Toranian ;
et M. Dzaogyan, cité ci-dessus, écrit presque tous les mois dans Les Nouvelles d’Arménie magazine,
mensuel dirigé par le même Toranian.
Lire aussi :
L’arménophilie
de Lauro Mainardi (ou comment le thème de « l’abandon des Arméniens par
les démocraties » se trouvait dans la littérature fasciste)
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