samedi 28 août 2021

La proposition d’İsmet İnönü, à la conférence de Lausanne, pour un retour massif, en Turquie, de réfugiés arméniens


 

 

Notes prises par Alexandre Khatissian pendant la conférence de Lausanne, reproduites dans ses Mémoires : Éclosion et développement de la République arménienne, Athènes, Publications de la F.R.A. Dachnaktsoutioun, 1989 (1re édition, en arménien, 1930), p. 380 :

« Le 5 décembre [1922], nous avons eu des entretiens avec quelques personnalités turques, que nous avions déjà rencontrées auparavant, ayant vu entretemps Ismet [Inönü, négociateur en chef, pour la Turquie, à Lausanne, puis Premier ministre, plus tard président de la République] étaient en mesure de nous donner des réponses précises à nos questions. En premier lieu, Ismet a confirmé que le point de vue turc est déjà connu de la Délégation arménienne, c’est-à-dire que : I) La République arménienne existe d’ores et déjà et a conclu un traité avec les Turcs. Les Arméniens de Turquie peuvent vivre tranquilles dans le pays, les autres peuvent rentrer en toute quiétude. Par conséquent, il n’y a pas actuellement d’élément justifiant une nouvelle entrevue ; II) Les Turcs sont implacables à l’égard des Grecs. Ils veulent qu’ils quittent la Turquie jusqu’au dernier [ce qui ne concerne ni les Turcs orthodoxes, qui ont fait scission du patriarcat grec en 1922, ni les Grecs d’Istanbul], tandis que les Arméniens peuvent rester. Ils trouveront protection de toutes les manières ; III) Les Arméniens peuvent profiter du départ des Grecs, prendre leur place dans le commerce, les Turcs les y aideront ; IV) Pour le moment, la question arménienne n’a pas été posée, le serait-elle que les Turcs donneraient toutes les explications et, s’ils apprenaient de façon certaine que les deux délégations représenteraient toute la communauté arménienne, ils parleraient avec nous [ce qui ne se produisit pas, la Société pour l’amitié turco-arménienne, créée en décembre 1922 à Istanbul, n’ayant aucune affinité avec les deux délégations exilées] »

 

Lettre des Délégations arméniennes réunies à Lord Curzon, 2 février 1923, reproduite dans Tolga Başak (éd.), British Documents on the Armenian Question (1912-1923), Ankara, AVIM, 2018, pp. 421-422 :

« Monsieur le président,

Les déclarations faites dans les commissions de la Conférence de Lausanne et le projet du Traité de paix qui vient d’être rendu public [l’inclusion d’un régime transitoire inspiré des capitulations a finalement provoqué l’échec de ce projet, mais le texte définitivement signé à Lausanne, en juillet 1923, ne parle pas davantage des revendications arméniennes] ont appris aux Délégations soussignées que la création du Foyer national arménien a été abandonnée par les Puissances alliées.

Dans les circonstances actuelles, les Délégations arméniennes n’ont pas à chercher et à discuter les causes de cet abandon, qui est profondément à déplorer, tant au point de vue des Alliés et des Arméniens que des Turcs eux-mêmes. Mais elles ont le devoir de faire observer que la question arménienne est restée ainsi de nouveau non résolue et que le sort de notre malheureuse nation est devenu encore plus tragique et incertain. [...]

Dans ces conditions, les Délégations soussignées ont fondées à élever la voix et, au nom de toute une nation martyre, à demander une fois de plus aux Puissances alliées de statuer, en toute justice et équité, sur le sort du peuple arménien, pour réparer une injustice dont l’immensité même devrait la rendre impossible et que ne pourrait tolérer, certes, la conscience du monde civilisé. Du reste, il ne serait pas exagéré de dire que, sans une telle réparation, une paix durable ne saurait être assurée dans le Proche-Orient. »

 

C’est justement ce refus grandiloquent, encore aggravé par la tentative, par la Fédération révolutionnaire arménienne, d’assassiner İsmet İnönü à Lausanne, en mai 1923, qui a empêché le retour des réfugiés en Turquie.

 

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