jeudi 23 juillet 2020

L’arménophilie stalinienne de Léon Moussinac




Léon Moussinac, « L’Ararat, haut lieu du monde », Les Lettres françaises, 16 août 1946, p. 5 :
« La politique des nationalités poursuivie par l’Union soviétique a rendu à l’Arménie sa vie propre, cela est un fait historique, et les Arméniens de l’exil, non moins que les autres, s’exaltent dans la renaissance de leur culture nationale. Cette terre de vieille civilisation est redevenue une terre du monde.
J’ai eu le privilège, en 1937, de séjourner quelque temps en Arménie soviétique. J’en ai rapporté l’amour de son peuple. […]
Comment donc pourrions-nous ne point faire nôtre la cause de l’Arménie qui, en réclamant aujourd’hui de la conférence de la paix qu’elle reconnaisse ses droits sur l’Arménie turque [des provinces anatoliennes qui sont à majorité musulmane depuis le XVIe siècle], droits que le président Wilson fixa lui-même en 1918 [sic : par l’arbitrage du 6 décembre 1920, rendu au nom du traité de Sèvres, alors que l’Arménie, en cours de soviétisation, avait répudié Sèvres par le traité de Gümrü, signé dans la nuit du 2 au 3 décembre 1920] et qui furent “oubliés” à la conférence de Lausanne, ne fait qu’exiger le prix du sang, puisqu’aussi bien, plus d’un million de ses fils y sont morts assassinés, puisqu’aussi bien, pendant les deux dernières guerres, non seulement en Europe orientale, mais sur notre sol même, les Arméniens ont été si généreux de leur vie pour la liberté. »



« MOUSSINAC Léon, Pierre, Guillaume, dit PEYRALBE Jean, MIGENNES Pierre, AYMÉ Jacques d’ », Le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – mouvement social :
« Né le 19 janvier 1890 à Migennes (Yonne), mort le 10 mars 1964 à Paris. Écrivain, journaliste, historien et théoricien du cinéma. Directeur de l’Institut des hautes études cinématographiques (1948-1950), directeur de l’École des arts décoratifs (1950-1959). Membre du PCF de 1924 à sa mort. Créateur des "Amis de Spartacus" (1928). Fondateur de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (1932), directeur de l’hebdomadaire Regards (1935-1939), directeur littéraire de l’Humanité, directeur des Éditions sociales internationales (1935-1939), membre puis président du Comité directeur du Comité national des écrivains. […]
Après le Pacte germano-soviétique, Moussinac resta au parti et demanda à Henriette Nizan de désavouer publiquement son mari [qui avait déchiré sa carte par antifascisme et par patriotisme ; Paul Nizan mourut en mai 1940, en défendant le rembarquement des troupes britanniques et françaises à Dunkerque]. Dès juillet 1940, au cours d’une réunion clandestine de communistes au camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) où il était incarcéré, il reconnaissait l’erreur qui avait été la sienne en septembre 1939 : croire quelques jours "qu’il pouvait y avoir une véritable guerre antifasciste faite par la France et l’Angleterre quoique l’URSS n’y participât point, et malgré des hommes tels que Chamberlain et Daladier qui avaient signé les "accords" de Munich. La guerre finno-soviétique a ouvert plus tard les yeux des plus aveugles" (le Radeau de la Méduse). En avril 1940 en effet, Moussinac avait été arrêté, incarcéré à la Santé d’où il était envoyé au camp de Gurs. Transféré à Périgueux en novembre 1940, il fut mis en liberté provisoire par le Tribunal militaire de la XIIe région [sous Vichy, donc], astreint à résider à Périgueux. Aragon et Elsa Triolet accoururent pour le voir ; Aragon évoqua cette rencontre dans Blanche ou l’oubli. En mai 1941 [toujours sous Vichy], Moussinac fut acquitté par le Tribunal militaire ; menacé d’internement administratif, il quitta immédiatement Périgueux, trouvant refuge chez Madame de Molène à Plazac (Dordogne), puis chez Renaud de Jouvenel au château de Varetz près de Brive-la-Gaillarde. […]
Léon Moussinac resta toujours un militant fidèle à la ligne du Parti auquel il avait adhéré dans les années vingt. À l’occasion du 50e anniversaire de Maurice Thorez, il écrivit une chanson "Fils du peuple" (sur une musique de Roger Désormière) qui fut publiée dans l’Humanité-Dimanche (16 avril 1950) et enregistrée au Chant du Monde. Il composa, sous le pseudonyme de Paul Migennes, de nombreuses chansons pour le Mouvement de la Paix et les mouvements des jeunes. Cependant cette fidélité n’alla pas sans déchirements intimes. J. Bouissounouse raconte que le rapport Khrouchtchev [exposant une partie des crimes de Staline] auquel d’abord, lui et sa femme, ne voulurent pas croire, les avait terriblement atteints. »

Ce refus d’admettre publiquement l’évidence sur les crimes de Staline (ou même une partie) conduit à rappeler que Les Lettres françaises, journal où Léon Moussinac exprima son arménophilie, est le même qui publia un article où tout était faux, jusqu’au nom de l’auteur (il était signé Sim Thomas, alors qu’ils étaient rédigés par l’agent stalinien André Ulmann), pour diffamer et discréditer le transfuge soviétique Viktor Kravchenko, auteur de J’ai choisi la liberté, témoignage très précis sur le système stalinien, y compris la famine en Ukraine. Kravchenko fit condamner Les Lettres françaises pour diffamation.

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