mardi 29 décembre 2020

L’arménophilie aryaniste, antimusulmane et antisémite de D. Kimon


 

Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 2005, p. 212 :

« KIMON (docteur)

Littérateur antisémite

[…] On ne sait rien de ce curieux personnage. Était-il grec ? Médecin ? Une seule certitude existe : son antisémitisme.

Dans le sillage de Drumont, Kimon publie chez [Albert] Savine plusieurs études sur et contre les Juifs : la Politique israélite en 1889, la Pathologie de l’Islam en 1897, etc., dans lesquelles il réécrit l’histoire de France à travers les seules lunettes de l’antisémitisme et au prix d’un fatras érudit d’un aloi fort douteux. 

Fin 1897, Kimon passe à la politique plus active. On le voit hanter les réunions de la Ligue antisémitique et y discourir interminablement ; il signe également plusieurs articles dans L’Antijuif. »

 

Fernando Bravo López, « The Genocidal Islamophobia of a Late Nineteenth-Century French Anti-Semite: D. Kimon and The Pathology of Islam », Islam and Christian-Muslim Relations, XXV-1, 2013, pp. 102-103 :

« On sait peu de choses sur cet auteur. Selon les informations que Vicki Caron (2009) a obtenues de la police française, il était peut-être d'origine grecque et a servi dans la Légion étrangère française. Il était également membre de l'Union nationale, une organisation catholique, nationaliste et antisémite dirigée par l'abbé Théodore Garnier, et de la Ligue nationale antisémitique de France dirigée par Édouard Drumont, Jacques de Biez et Jules Guérin, jusqu’à ce qu'il en soit apparemment expulsé [en 1899] en raison de disputes avec Guérin.

Son premier livre, La Politique israélite, publié en 1889, le fait remarquer, lui permettant de se tailler une place sur la scène antisémite. En 1897, il publie l'ouvrage dont cet article traite : La Pathologie de l’Islam, suivie d’un autre ouvrage antisémite l’année suivante, La Guerre antijuive (1898). Il a aussi publié des articles dans les organes des associations auxquelles il appartenait, tant dans La Libre Parole antisémite de Drumont que dans Le Peuple français de l’Union nationale (Joly 1992 ; Caron 2009). 

Bien que sa véritable identité reste une énigme, nous savons de ce qui s'est passé avant qu’il était bien connu dans le domaine des groupes antisémites et ultra-nationalistes en France vers la fin du XIXe siècle. Ses articles ont été lus et ses textes bien reçus à la fois dans cette sous-culture et même au-delà des limites de cette dernière. Mais c'est clairement l'importance acquise par le mouvement antisémite à la suite de l'affaire Dreyfus qui a donné des gens comme Kimon — sans trajectoire sociale, politique ou intellectuelle à proprement parler — un degré d’influence sociopolitique qui aurait été impensable dans d’autres circonstances. »

 

D. Kimon, La Pathologie de l’Islam et les moyens de le détruire, Paris-Orléans, Imprimerie G. Morand, 1897 :

« Pour expliquer à un Français l’Islam et l’Islamisme, pour lui rendre tangible l’action dissolvante des peuples sémitiques et notamment du peuple Israélite, il faut que ce Français ait la conscience absolue de sa nationalité, de sa race, et, pour parler ainsi, qu’il soit capable de se regarder à tout moment, dans le miroir de son type psychologique. » (p. 6)

« Le Christianisme dérive d’une évolution, de la civilisation aryenne, qui eut pour dernière étape l’apogée de la philosophie hellénique, du paganisme grec dans sa forme morale et élevée, de l’art, de la science, de la stratégie, de la navigation, des vertus grecques et romaines, du culte des idées abstraites anthropomorphosées, etc. » (p. 10)

« D[emande]. — Quelles sont les sociétés parasitaires ?

R[éponse]. — La nomenclature en est vaste, je ne citerai que les principales, celles qui intéressent la France et les sociétés européennes.

1° La société israélite, ou plus exactement l’armée d’Israël : parasite dissolvant, décomposant, destructeur par la ruse et par la perfidie, dominateur mortel.

Toute société laborieuse, attaquée par le Judaïsme, sans se défendre contre lui, est appelée, à disparaître.

2° L’Islam : parasite violent, absorbant, dévastateur sanguinaire.

Toute société laborieuse qui est attaquée par l’Islam perd graduellement les idées du labeur et par conséquent de la production. L’Islam ne peut exister que dans une région très fertile et très riche. Il ne peut s’implanter en Norvège, en Poméranie [région d’Allemagne], en Belgique, en Irlande. » (pp. 11-12)

« Je souligne cette dernière phrase, pour faire ressortir le discret reproche du Père Didon à l’égard de l’Église qui, malgré l’évidence historique, persiste à se bercer dans cette immense erreur, à savoir que le Christianisme aryen serait une continuation du Judaïsme sémitique; qu’il serait l’opposite de la philosophie hellénique, que les Juifs qui ont crucifié le Christ, c’est-à-dire la Vertu, étaient inspirés de la philosophie grecque, tandis que, au contraire, ils en étaient les ennemis implacables. » (pp. 14-15)

« Les Musulmans, en général, ne peuvent être examinés autrement que comme une sorte de bêtes féroces : fauves, reptiles, rongeurs, à conformation humaine.

Ils doivent être classés en plusieurs catégories :

1° Musulmans féroces comparables à la panthère et à l’hyène : les Kurdes, les Tcherkesses de la Transcaucasie, les Yésidis du Sindjar, les Turcs d’origine tatare, les Arabes du Nedjed, les Druses de la Syrie, les Touaregs ; […] » (pp. 28-29)

« Il faut conclure que le fonctionnement cérébral des Musulmans diffère extraordinairement du fonctionnement cérébral du reste des hommes, et aussi du plus grand nombre des animaux. » (p. 92)

« Oui, cette force existe ; elle plane au-dessus de tous les peuples ! elle menace de la guerre universelle et d'un cataclysme, l'ordre de choses établi dans les sociétés humaines. Cette force que les gouvernements européens redoutent, c’est la Finance, c'est la hideuse finance israélite, c’est la haute Banque israélite, c’est l 'Empire israélite financier, détenteur des fonds turcs, des valeurs turques et qui ordonne à la politique européenne, de respecter l’intégrité de l’empire ottoman. » (p. 195)

« Le [sic] Sublime-Porte a, en effet, donné aux puissances, depuis le jour de la rédaction de cette clause, c’est-à-dire depuis 1878 jusqu’à la fin de l’année 1896, connaissance de son système politique, de ses mesures prises à l’égard des Arméniens, c’est-à-dire qu’elle a fait connaître l’égorgement systématique de la population arménienne, le pillage de leurs biens, la destruction de leurs habitations et de leurs édifices, enfin l’émigration en masse des Arméniens de leur territoire et de Constantinople [rappelons ici que la population arménienne ottoman a augmenté, en nombre absolu, de 1885 à 1914[1]]. Non seulement elle n’a pu garantir leur sécurité contre les Kurdes et les Circassiens, mais au contraire elle a fortifié ces deux éléments destructeurs, elle les a organisés avec des armes perfectionnées en vue d’un carnage futur des Arméniens [autant d’affirmations contraires à la vérité]; et cette Sublime-Porte, a fait mieux, elle y a créé, depuis le traité de Berlin , trois autres éléments, plus destructeurs que les Kurdes et les Circassiens (Tcherkesses ) ; elle y a créé la cavalerie hamidieht les bandits Katchacks et les rîdifs. Ces trois éléments islamiques et osmaniques ont massacré et brûlé ! […]

Pouvait-elle, la Sublime-Porte, porter atteinte aux éléments parasitaires islamiques de cette partie de son empire et favoriser le développement des populations chrétiennes ? Sï elle l’avait fait, elle n’aurait plus été elle-même; la Sublime Porte deviendrait, comme par enchantement, un gouvernement chrétien qui contribuerait aux progrès de la civilisation et de l’humanité. » (pp. 196-198)

« Pour préserver les populations chrétiennes, arméniennes ou grecques de la destruction totale de l’Islam, je ne puis indiquer qu’un seul remède, un seul moyen pratique, efficace, susceptible de rétablir dans cette région un état d'ordre nouveau et bienfaisant. Ce remède serait la création d'un corps de gendarmerie chrétienne, formée avec des éléments militaires : généraux, officiers, soldats volontaires, de tous les pays chrétiens du monde entier : français, anglais, Scandinaves, américains du Nord et du Sud, espagnols, russes, grecs, etc. » (p. 208)

 

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[1] Youssef Courbage et Philippe Fargues, Chrétiens et Juifs dans l’islam arabe et turc, Paris, Payot, 1997, pp. 197 et 216-217 ; Justin McCarthy, Muslims and Minorities. The Population of Ottoman Anatolia and the End of the Empire, New York-Londres, New York University Press, 1983, pp. 57-63 ; Stanford Jay Shaw, « The Ottoman Census System and Population, 1831-1914 », International Journal of Middle East Studies, IX-3, octobre 1978, p. 337.

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