lundi 21 décembre 2020

Patrick Devedjian à Antony : méthodes mafieuses et idées d’extrême droite

 


 

Frédéric Charpier, Nicolas Sarkozy. Enquête sur un homme de pouvoir. Nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Presses de la Cité, 2007, pp. 229-230 :

« En 1983, Chirac et Pasqua le [Patrick Devedjian] poussent ainsi naturellement à se présenter aux élections municipales d’Antony. Le RPR applique alors la nouvelle “stratégie de reconquête du pouvoir par la base” qu’il a définie l’année précédente et ne lésine pas pour s’emparer des villes communistes. […] Pour autant, à Antony, Devedjian devra s’y reprendre à deux fois. Ce ne sera pas faute d’avoir mis le paquet. “On a mobilisé tous les militants du département pour le soutenir”, se souvient Jean-François Probst, alors bras de droit de Pasqua dans les Hauts-de-Seine. Patrick Devedjian dispose de gros moyens, en hommes et en argent. Ce sera une campagne musclée, virulente, émaillée de nombreuses bagarres mais recourant aux techniques les plus variées du marketing, telle celle de la relance téléphonique des électeurs. Antony bouillonne et ressemble peu à peu à une ville en état de siège. Le Parti communiste l’emporte tout de même [en mars 1983], quoique sa victoire soit de courte durée. Patrick Devedjian dépose en effet un recours administratif qui aboutit à l’invalidation de [l’élection de] son adversaire. À l’automne, nouvelle campagne. Celle-là encore plus musclée et agitée que la première. Le domicile du maire communiste est gardé nuit et jour par la police et des cars de CRS stationnent dans la ville. Cette fois, Patrick Devedjian gagne sur le fil et bien que ses adversaires aient à leur tour fait appel (celui-là est rejeté). Le voilà élu.

Antony servira désormais de tremplin à sa carrière politique. […] Son maire adjoint chargé de la culture Jean-Yves Le Gallou, alors dirigeant du Club de l’Horloge [boîte à idées xénophobe] et futur député du Front national, expurge la bibliothèque municipale d’une partie de la littérature marxiste ou marxisante. Il résilie les abonnements pris par la ville à des publications antiracistes, comme celles du MRAP, ou du Parti communiste, comme le fera des années plus tard Jacques Bompard, dans la ville d’Orange [département du Vaucluse]. »

 

« Jean-Yves Le Gallou — L’ethnarque du Front », Les Dossiers du « Canard enchaîné », n° 69, octobre 1998, p. 29 :

« Son ethnicisation systématique des problèmes, ses positions radicales — “la survie démographique de la nation justifie tous les sacrifices” —irritent parfois la vieille garde [du Front national]. “Tant que je serai là, ce parti ne sera jamais un parti raciste, tu m’entends, Le Gallou !” s’est énervé en 1992 Roger Holeindre, alias Popeye, dans le huis clos du bureau politique. Qu’on se rassure, le vieux grognard du FN n’a pas pris sa carte au MRAP. La discussion portait sur le programme que le parti s’apprêtait à présenter à sa convention nationale au Bourget. C’est là que le député européen Jean-Claude Martinez, farouche adversaire des “horlogers” [surnom donné aux membres du Club de l’Horloge], fera devant des journalistes un récit amusé de cet accrochage entre l’ancien baroudeur et le technocrate.

Holeindre, en tout cas, se croyait bel et bien investi d’une mission. “On est une vingtaine à tenir et à faire la ligne du parti”, confie-t-il. “Si on s’en va, vous aurez un vrai parti nazi.” »

 

Commentaires :

1) Si la violence politique sous la Cinquième République n’est pas le monopole de Patrick Devedjian, ni même du RPR, les campagnes de 1983 à Antony représentent néanmoins une singularité. En effet, après le meurtre d’un colleur d’affiches communiste par un adversaire gaulliste, près d’Arras, en 1968, après celui d’un colleur d’affiches socialiste, à Puteaux (Hauts-de-Seine, comme Antony), en 1971, la condamnation, au civil, du maire gaulliste de Puteaux, pour sa responsabilité indirecte dans ce crime, en 1974, la diffusion du film Adieu poulet, inspiré par ces crimes, en 1975, et la dissolution du Service d’action civique (SAC, service d’ordre du RPR, aux méthodes souvent plus que douteuses), en 1981, l’essentiel de la droite classique a pris certaines précautions. Le choix de recourir, dans le contexte de 1983, à la même tourbe qui avait fourni au SAC ses éléments les plus propices aux scandales est donc particulier à Patrick Devedjian ;

2) De même, si l’intégration d’éléments d’extrême droite, aux municipales de 1983, n’est pas propre à Patrick Devedjian, le choix d’un homme aussi fanatique que Jean-Yves Le Gallou reste très rare.

 

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