samedi 29 novembre 2025

L’anticatholicisme rabique de l’Église apostolique arménienne, du XVIIe siècle à nos jours

 


Précision liminaire : l’Église apostolique arménienne est une Église nationale, schismatique depuis la fin de l’Antiquité ; néanmoins, il existe aussi des Arméniens catholiques (et protestants).


 Xavier de Planhol, Minorités en Islam, Paris, Flammarion, 1997, p. 341 :

« Enfin, la montagne libanaise […] fonctionna à nouveau comme un refuge aux XVIIe et XVIIIe siècles pour ceux [des Arméniens] qui se rattachaient à l’époque à la catholicité, et étaient persécutés par leurs congénères restés fidèles à l’Église apostolique arménienne (monophysite). Le siège du patriarcat arménien catholique y fut transféré, à Kerim (1742), puis à Bzommar en 1750. La plus grande partie d’entre eux, cependant, s’était progressivement fondue dans la population maronite locale. »

 

« Correspondance », Les Missions catholiques, 5 mars 1880, p. 116 :

« Trébizonde (Asie mineure). On nous écrit de Trébizonde :

“Depuis la fin du schisme des Kupélianistes, les Arméniens, partisans de la secte d'Etchmiazine, ont déclaré guerre ouverte aux catholiques, leurs nationaux. Leur évêque, à Trébizonde, a fait tout son possible pour empêcher Mgr Marmarian de siéger au conseil de l'autorité locale, mais le gouverneur général, S. Exc. Siiri pacha a invité Mgr Marmarian à y prendre part ; et la première fois que l'évêque catholique s'y est rendu, il a été reçu par le gouverneur avec tous les égards dus à son rang.” »

 

« Arménie », Œuvre des écoles d’Orient, n° 167, juillet 1888, p. 317 :

« Mouche. — Le diocèse de Mouche a reçu l’année dernière un vaillant pasteur en la personne de Mgr Ohannessian, prélat doué des qualités précieuses qu’il fit valoir durant plus de dix années à Arapkir. C’est une véritable bénédiction que le Ciel envoie dans ce pauvre diocèse où tout est à refaire, ou plutôt à commencer. L’objet des plus vives préoccupations de Mgr Ohannessian (1), en partant pour son diocèse, a été, après la construction d’une église dans la ville épiscopale, d’établir dans toutes les missions du diocèse de Mouche un système scolaire qui fût à la fois peu coûteux et propre à faire faire de rapides progrès aux enfants.

(1) Le zèle de Mgr Ohannessian pour les écoles lui a valu la haine des sectaires grégoriens. Il y a quelques semaines, un maître d’école schismatique a tenté de l’assassiner à coups de couteau pendant son sommeil. — Voir les détails dans notre Revue illustrée du 15 juin dernier. »

 

R. P. Donat Verdier, Histoire du patriarcat arménien catholique, Lyon-Paris, Delhomme et Briguet, 1891, pp. 6-8 :

« C’est alors que l’évêque arménien de Smyrne, Melchisédech Mouradian, s’est empressé de rompre le silence pour détruire l’impression favorable produite par le bref pontifical, et il a écrit au pape, en date du 23 août 1888, une longue lettre que nous nous contenterons d’analyser.

Il commence par rappeler l’invitation adressée par le Pape aux Arméniens [toujours en 1888], afin qu’ils se réunissent à l’Église catholique en se soumettant à la suprématie du siège apostolique. Puis il ajoute : “Pour se rendre à l’invitation que vous leur faites, par votre circulaire, les Arméniens doivent déserter l’institution du christianisme et l’apostolicité de leur Eglise; ils doivent abandonner leur indépendance et leur liberté spirituelle; ils doivent condamner l’esprit populaire de leur Eglise, esprit qui est le type des premiers siècles du christianisme; ils doivent renier leur très sainte profession de croire qu’il y a un seul chef de l’Église, Jésus-Christ ; ils doivent méconnaître l’autorité de leurs patriarches et de leurs docteurs, qui ont ainsi dogmatisé et enseigné ; ils doivent renier leurs héros et leurs martyrs, qui, pour ne pas s’éloigner du seul et unique chef de l’Église, ont souffert la mort; ils doivent anathématiser leurs excellents et dévoués pasteurs, qui, pour conserver l’indépendance de leur Église, se sont opposés comme des champions aux attaques et aux sollicitations du clergé grec et du romain ; pour tout dire en un mot, ils doivent apostasier une Église de mille huit cent cinquante-quatre ans qui en Orient, dans des temps malheureux, a conservé le christianisme, a gardé le nom et la langue arménienne, les souvenirs et les monuments arméniens, et qui, dans toutes les persécutions et les terreurs, a été leur asile et leur consolation, le temple de leur foi, de leur espérance et de leur amour, soit dans cette vie terrestre, soit dans la vie céleste, et cela pour accepter la suprématie des pontifes romains.”

[…]

Après ce commentaire qu’il a tiré des doctrines protestantes et qui se retourne contre son auteur pour lui arracher toute supériorité, Mouradian poursuit en ces termes : « Laissez la sainte Eglise arménienne libre et sans souffrance, laissez-la dans son état primitif comme une antiquité précieuse, comme un type des premiers siècles chrétiens. » Ensuite il explique le retour des Arméniens à l’Eglise catholique par l’ignorance, par la force ou par l’indifférence religieuse ; il traite d’étranger quiconque s’est fait catholique : à ses yeux, ce n’est plus qu’un renégat de sa famille, de sa patrie et de sa nationalité. L’histoire écrase Mouradian sous le poids de ses témoignages irréfragables. Il cherche à s’en débarrasser en traitant d’apocryphes tous les documents historiques et en avançant, sans en donner la preuve, qu’ils ont été plus d’une fois réfutés. »

 

Comte de Cholet, Arménie, Kurdistan et Mésopotamie, Paris, Plon, 1892, pp. 63-64 :

« Très riches et maîtres de presque tout le commerce de la ville, ils [les Arméniens apostoliques de Kayseri] vivent en assez bons termes avec les autorités turques et sont certainement moins éloignés des Musulmans que de leurs compatriotes catholiques. Mgr Bogos, l’évêque latin de la ville, nous dit ce sujet qu’il n’a jamais avec le gouvernement [ottoman] que des rapports fort corrects, même très courtois, et que tous ses ennuis, toutes ses difficultés (entre autres le feu qu’on a voulu mettre à sa cathédrale) ne proviennent que des Arméniens orthodoxes [apostoliques], qui, fort jaloux des nombreuses conversions de leurs coreligionnaires au culte catholique, font tout au monde pour leur nuire. Leur clergé se rend compte peut-être du peu de stabilité de la foi de ses ouailles et c'est, de son point de vue, avec juste raison, qu'il se défend autant que faire se peut contre l'arrive de nouveaux missionnaires ou la création de nouvelles écoles gratuites. »

 

Département d’État des États-Unis, Rapport sur la liberté religieuse, Arménie, 2017 :

« Les détracteurs du cours d’histoire arménienne (HAC) affirmaient qu’il s’agissait d’un “endoctrinement religieux déguisé en cours d’histoire”. Des ONG et d’autres groupes religieux ont fait remarquer l’importance accordée à la Bible et aux traditions et au langage de l’AAC [Église apostolique arménienne], notamment les affirmations “nous, les Arméniens, sommes un peuple chrétien” et “grâce à l’AAC, le christianisme est devenu une composante indissociable de l’identité nationale du peuple arménien”, présentes dans les manuels scolaires de CM1 et CM2. […] Les ONG ont également noté que le manuel de 4e présentait les activités des missionnaires catholiques sous un jour négatif, avec des citations telles que : “La propagande catholique a causé des ravages particulièrement terribles au sein des communautés arméniennes d’Europe.” Les critiques des ONG ont déclaré que le manuel de 3e présentait les mouvements évangéliques comme une menace pour l’AAC, accusant d’autres groupes religieux de “chasse aux âmes“, tandis que le manuel de 1re affirme : “Les Arméniens sont chrétiens par la foi et apostoliques par croyance.” […]

Le 8 décembre, lors des célébrations du 20e anniversaire du programme d'aumônerie militaire, le ministre de la Défense, Vigen Sargsyan, a déclaré : “L'Église [apostolique] ne peut être séparée ni de l'État ni de l'armée. Ceci est inscrit dans notre constitution, notre législation et, surtout, dans le cœur de chaque Arménien.” »


Notons que l’Église apostolique arménienne est l’ennemi numéro 1, en Arménie, de la politique de paix mise en œuvre par le Premier ministre Nikol Pachinyan, et que le Parti républicain d’Arménie, dans l’opposition depuis 2018, s’y oppose aussi.

 

Lire aussi, sur les catholiques :

L’Empire ottoman tardif et ses catholiques (y compris les Arméniens catholiques)

Les catholiques (y compris les Arméniens catholiques) et la guerre d’indépendance turque

Aram Effendi et Süleyman al-Boustani contre les crimes de guerre grecs (1922)

Les Arméniens d’Ankara et la victoire turque d’août-septembre 1922

La haine anticatholique sur le forum d’armenews.com

 

Sur l’intolérance du nationalisme arménien (sujet inépuisable), lire, notamment :

L’ingratitude de Vahan Cardashian envers les missionnaires américains

Le racisme aryaniste, substrat idéologique du nationalisme arménien

Le rôle de l’URSS et de l’ASALA dans la réactivation des thèmes antisémites et antimaçonniques du nationalisme arménien

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Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

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La rage ukrainophobe des nationalistes arméniens : des exemples en septembre 2023

mardi 25 novembre 2025

1921 : l’union sacrée des populations du Karabakh et du Zanguézour (Azéris, Arméniens et Kurdes) contre l’occupation bolchevique

 


« Les Républiques du Caucase — L’insurrection en Azerbaïdjan », Le Temps, 28 avril 1921, p. 2 :

« On nous écrit de Constantinople :

D'après le récit d'un réfugié qui avait quitté Bakou vers la fin du mois de mars, les soulèvements de la population de l'Azerbeïdjjan contre les bolchevistes russes continuent presque sans relâche.

La situation dans la province de Lenkoran [Lankaran], où règne l'insurrection, n'a pas changé  beaucoup en faveurdes bolchevistes, qui n'occupent que la ville seule [depuis décembre 1920], et encore, grâce à la flotte de la Caspienne. Les alentours, ainsi que la majeure partie de la province, se trouvent entre les mains des insurgés qui repoussent les demandes d'armistice. Les Soviets de Bakou ont envoyé d'urgence à Lenkonan le commissaire “le plus à la mode”, Husseinof (étudiant imberbe) pour qu'il tente de se faire entendre par la population, mais il n'a pas pu se servir de son éloquence, la population de la ville, étant mal disposée envers les bolchevistes. Après avoir attendu en vain trois jours sans pouvoir se faire entendre, l'envoyé de Bakou fut obligé de se rembarquer devant l'attitude menaçants des habitants.

Dans le Karabagh, le mouvement insurrectionnel commence à prendre un nouveau caractère. Jusqu'ici, les bolchevistes appliquaient dans cette région à la population mélangée leur politique traditionnelle “Diviser pour régner.” C'est elle qui leur a permis de réprimer les grands soulèvements de Gandjà et d'Agdan [Agdam], grâce au concours de la population arménienne. Après l'installation des bolchevistes en Arménie, et depuis que les Arméniens ont connu par eux-mêmes ce régime, leur attitude s'est modifiée. Les régions montagneuses du Karabagh, et surtout du Zanghezour, sont devenues l'asile des réfugiés arméniens poursuivis par les bolchevistes d'Erivan. Ainsi est née la solidarité entre les deux populations qui veulent s'entendre dans la lutte contre l'ennemi commun.

Au moment où la personne qui nous donne ces détails s'apprêtait à quitter Bakou, on venait d'y recevoir la nouvelle de l'entrée à Choucha (capitale du Karabagh) des détachements tartaro-kurdo-arméniens de Sultan bey Sultanof, le frère de l'ancien gouverneur général du Karabagh, emprisonné traîtreusement par les bolchevistes. On l'avait fait venir à Bakou par ruse, en lui promettant un accueil somptueux, et une fois qu'il fut entré en ville, il fut jeté en prison. Les Kurdes sont l'élément le plus guerrier de l'Azerbeïdjan, et, une fois engagés dans la lutte, ils la font avec fermeté et persévérance. Vu ce caractère nouveau de l'insurrection du Karabagh, ainsi que la situation stratégique de la région montagneuse et la difficulté des communications, les préoccupations des maîtres de Bakou doivent être sérieuses, et l'œuvre de “pacification” de l'Azerbeïdjan sera une tâche assez difficile pour les “pacifistes” de Moscou. »

 

Audrey Altstadt, The Azerbaijani Turks, Stanford (Californie), Hoover Institution Press, 1992, p. 111 :

« La bataille de Gandja [mai-juin 1920] fut le début, et non la fin, de la résistance armée à la conquête de l’Azerbaïdjan par les bolcheviques. Après l’écrasement de Gandja, des soulèvements se sont produits au Karabakh et au Zakatala. […] Des batailles similaires eurent lieu dans chaque grande ville d’Azerbaïdjan — à Choucha et dans les autres villes du Karabakh, à Nuka, à Barda, dans les régions du Zanguézour et du Nahçivan. […] 

La résistance armée au pouvoir communiste était récurrente a continué jusqu’en 1924 au moins. »

 

Lire aussi :

Les massacres d’Azéris par les dachnaks et les divisions entre Arméniens à ce sujet (1918-1920)

L’exaspération de Lord Curzon face à la politique de purification ethnique mise en œuvre par l’Arménie (1920)

La participation de la Fédération révolutionnaire arménienne à la répression sanguinaire des Soviétiques contre les patriotes d’Asie centrale en 1918-1919

La popularité du stalinisme dans la diaspora arménienne

L’alliance soviéto-nazie (1939-1941) et les projets staliniens contre la Turquie

L’arménophilie stalinienne de Léon Moussinac

L’Union générale arménienne de bienfaisance et le scandale des piastres

Le rôle de l’URSS et de l’ASALA dans la réactivation des thèmes antisémites et antimaçonniques du nationalisme arménien


Et sur les aspects contemporains :

Le consensus poutiniste chez les nationalistes arméniens

Jean-Marc « Ara » Toranian relaie la désinformation russe contre l’Ukraine et la Turquie

Édouard Broussalian : complotiste, putschiste, antisémite, poutiniste, diffamateur et nationaliste arménien (ensemble connu)

Le dachnak Haytoug Chamlian vitupère la politique de paix du Premier ministre arménien et injurie la majorité de ses compatriotes (diaspora incluse)

Le poutiniste Franck « Mourad » Papazian n’aime ni la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ni l’OTAN

L’hostilité intangible des nationalistes arméniens à l’égard de l’Ukraine

L’aide turco-azerbaïdjanaise à l’Ukraine contre l’invasion russe