Jean Longuet, « Les
prétentions russes — La France va-t-elle les favoriser ? », L’Humanité,
9 décembre 1911, p. 1 :
« On rectifie l’allure des nouvelles prétentions que la
Russie vient d’énoncer à Constantinople. D’après les déclarations faites hier
soir par M. Sazonof [ministre russe des Affaires étrangères] au Temps,
il ne s’agirait que d’“observations sur le danger des mines sous-marines
placées dans les détroits.”
Mais le ministre des affaires étrangères du tsar nous paraît
manquer quelque peu de sincérité — c’est d’ailleurs bien conforme aux
traditions de la diplomatie moscovite. En vérité, les renseignements qui
parviennent de [Saint-]Pétersbourg même indiquent que la Russie a posé la
question du passage des détroits [Bosphore et Dardanelles]. On ajoute qu’elle n’a
fait qu’émettre un “désir”, mais formulé dans les circonstances présentes,
alors que la Turquie est sous le coup de l’agression italienne, le “désir” de l’autocratie
russe ressemble singulièrement à une menace.
Quoi qu’il en soit, le cabinet de Pétersbourg aurait ainsi
délimité son “désir” : il s’agirait d’obtenir “seulement en temps de paix”
le passage pour les navires “sortant de la mer Noire pour se rendre par la
Méditerranée en Extrême-Orient”.
Tout cela est fort joli, mais qui ne voit que la proposition
aboutit de toutes les façons à placer Constantinople et, par conséquent, le cœur
même de la Turquie, sous la menace perpétuelle du canon russe ? […]
Quelle déchéance et quelle honte ! […] À l’étranger,
ils [les hommes au pouvoir en France] oublient, ils méprisent toutes les
traditions de la France — même avant qu’elle ne fût républicaine ! Faut-il
rappeler son rôle séculaire en Orient et en particulier sa défense constante de
la Turquie contre les agressions tsaristes ? »
Remarque : Ici, Jean Longuet se méprend sur l’action
réelle du gouvernement français de l’époque, mais là n’est pas le sujet ;
ce qui compte, c’est son soutien sans faille à l’intégrité territoriale de l’Empire
ottoman.
Jean Longuet, « L’Islam et le Socialisme », Le Populaire, 29 mai 1920, p. 1 :
« Le meeting qui réunissait, hier soir, aux Sociétés Savantes, une joule ardente de socialistes parisiens et d’Orientaux — de toutes nos colonies de l’Afrique du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc; de l’Égypte, des Indes comme des différentes régions de la Turquie — eut une portée qu’on ne saurait exagérer. Douze à quinze cents personnes se pressaient à étouffer dans une salle qui peut contenir tout au plus un millier. Ce fut un véritable “bain turc”, observait une citoyenne d’esprit. Ils ne cessèrent d’acclamer les paroles des orateurs venus pour dénoncer le démembrement de la Turquie, sa véritable destruction, en un mot le nouveau crime perpétré par le Capitalisme et l’Impérialisme contre le droit des peuples.
Les quelques interruptions inintelligentes ne poignée de jeunes échauffés royalistes et de quelques Grecs embarqués dans la galère de Venizelos et atteints, comme les impérialistes de tous les pays, de la folie des grandeurs, ne firent que souligner davantage la quasi-unanimité des aspirations de cette foule généreuse et enthousiaste. »
Jean Longuet, « Turcs et Arméniens »,
Le Populaire, 1er juin 1920, p. 1 :
« Aujourd’hui, après l’infortuné paysan, ouvrier ou
marchand arménien, c’est le misérable paysan turc — de l’avis de tous ceux qui
le connaissent, il n’a jamais pris l'initiative d'aucune cruauté et c’est un
être droit, honnête et laborieux — qui est l’opprimé. C’est le Musulman
après le Chrétien. Nous n’entendons pas plus sacrifier le premier au second que
nous n’avons voulu tolérer l’inverse.
Partout et toujours nous sommes avec tous les opprimés. »
Deux remarques :
1) La situation dans le Caucase et dans la zone d’occupation française de la Turquie, en 1919-1920, confirme ce paragraphe ;
2) Gilles Candar, « Jean Longuet et les Arméniens »,
dans Claire Mouradian (dir.), Arménie, une passion française. 1878-1923, Paris, Magellan & Cie, 2007, p. 93, ne cite de cet article que les mots « avec tous les opprimés »,
occultant les remarques sur les Turcs. C’est une conception de l’honnêteté
intellectuelle qui n’était manifestement pas celle de Longuet.
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