dimanche 31 décembre 2023

L’énergumène arménien qui avait menacé de mort l’ambassadrice d’Azerbaïdjan à Paris récidive

 Un fanatique arménien du Vaucluse avait menacé de mort l’ambassadrice d’Azerbaïdjan en France le 24 novembre dernier. Son compte Twitter avait été supprimé. Il en a créé un autre, supprimé le 28 décembre, pour menaces de mort, injures raciales, etc. Il a récidivé dès le 29, en y ajoutant la menace de tuer le Premier arménien Nikol Pachinyan, vainqueur des élections de juin 2021 :

https://twitter.com/Armeniano84/status/1740758802125996093 



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Après la condamnation de Loris Toufanian pour violence avec arme, une membre de Charjoum menace de mort l’ambassade d’Azerbaïdjan









mardi 19 décembre 2023

La gauche française et la question turco-arménienne dans les années 1920



Fanny Clar (socialiste et féministe), « L’escroquerie à la pitié », Le Populaire (organe de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste), 3 mars 1920, p. 2 :

« Il y a longtemps déjà que, pour la première fois, nous avons entendu un appel à la pitié en faveur de l’Arménie. Ces jours-ci encore, la Ligue des Droits de l’Homme nous adressait une protestation contre le massacre des Arméniens par les Turcs.

J’allais m’émouvoir, lorsqu'on m’apporta un document qui me fit réfléchir. Paraphées d’une signature dont personne ne contestera l’autorité, dont nul ne mettra en doute l’impartialité, je lis les lignes suivantes :

“Oh ces Arméniens, dont j'ai tant de fois constaté les propagandes effrénées, ils viennent de faire, en l’espèce, un véritable coup de maître !

Nous allons donc bientôt voir en France ce film sensationnel, qui a déjà fait le tour des États-Unis. Les journaux qui, en termes dithyrambiques, l'annoncent comme un tour de force d'une habileté insurpassable (sic) n'hésitent pas d'ailleurs à nous confier qu'il est faux de toutes pièces et qu'il a été composé en Amérique, d'après les récits de quelques Arméniens, mais à l'aide de figurants quelconques, camouflés, grimés et peinturlurés; ils croient pouvoir ajouter toutefois ajouter toutefois, — contradiction et naïveté stupéfiantes, — que rien n'est plus convaincant ni plus poignant, et que le martyre de l'Arménie y est représenté avec la plus émouvante vérité !”

Ah ! non, non ! La vérité, nous apprit-on, vint nue au monde. Sous cet affublement, parée pour le film, je ne la reconnais plus. Elle ne pourrait en appeler à la pitié.

Pierre Loti, qui signa les lignes dessus, dans l'Écho de l'Islam, ajoute que l’entreprise est ingénieuse, hardie et qu’elle pourra devenir très lucrative, ce qui ne saurait déplaire aux Arméniens. Je le crois volontiers, mais s'il est des âmes simples qui croiront que “c’est arrivé”, j’estime que cette escroquerie à la pitié manque de dignité autant que de loyauté.

Quant aux Turcs, plus discrets et plus loyaux, ils se sont bornés à photographier dus charniers de cadavres des leurs préparés par les Arméniens, mais au moins c’est d’après nature.

L’écrivain ajoute qu’il a communiqué à L’Illustration “quelques lugubres images de ces charniers-là, qui, pour comble d'horreur, ne se composaient guère que de femmes, d'enfants, et de vieillards, les Arméniens ayant opéré surtout pendant la dernière invasion russe, dans des villages turcs d'où toute la population masculine venait d'être levée pour la guerre.” »

 

Édouard Daladier (député radical-socialiste et futur président du Conseil), « À San Remo », Le Rappel, 21 avril 1920, p. 1 :

« D’autre part, il [le Royaume-Uni de David Lloyd George] a mis la main sur la Perse, la Mésopotamie, le Kurdistan et la Palestine, découvert ou inventé l’émir Feyçal. Pour joindre l’empire anglais d’Afrique à celui des Indes par une chaîne ininterrompue de protectorats et de pays annexés, il reste à constituer une grande Arménie et à détruire le mouvement nationaliste turc dont l’Anatolie est le foyer. […]

Refusons de nous associer à la curée de la Turquie et demeurons fidèles à la doctrine républicaine et française de la liberté des peuples. »

 

Journal officiel de la République française, 26 juin 1920, p. 2430 :

« M. [Édouard] Daladier. Je parlerai tout à l’heure de la question des Arméniens. Je constate, en passant, que nul ne parle plus [en France] de la grande Arménie, dans la presse ou le Parlement. »

 

« Les musulmans persécutés en Arménie », Le Radical (journal soutenant, comme son nom l’indique, le Parti radical-socialiste), 25 juillet 1920, p. 3 :

« Batoum, 24 juillet.

La situation des Musulmans en Arménie est devenue critique. Les persécutions en masse auxquelles se livrent le gouvernement d’Erivan et le Parti “dachnak” contre ces Musulmans, les massacres et les violences qui se sont renouvelés ces deux mois derniers poussent les débris des populations musulmanes à s’enfuir en Perse en abandonnant leurs foyers et leurs biens. Le gouvernement arménien a organisé une commission spéciale pour enregistrer les moissons abandonnées par les Musulmans et les Grecs dans le district de Kars. Dans le district de Zanguibazar, vers la fin de juin, une vingtaine de villages musulmans furent détruits à coups de canon et leurs habitants massacrés. À l’heure actuelle, la population musulmane de Transcaucasie se trouve prise entre Arméniens et bolchevistes. Le nombre des victimes dépasserait plusieurs dizaines de mille, en dehors des réfugiés. »

 

Bernard Guinaudeau, « Le problème oriental », Le Radical, 22 novembre 1920, p. 1 :

« De même en Cilicie. Il est entendu que, là, nous devons évacuer bientôt. En attendant, force nous est de reconnaitre que, si nous avons subi les échecs et les pertes si nous militaires que nous avons subis, c’est notre faute. Si les kémalistes nous ont attaqués en Cilicie, c'est à la suite du débarquement des Grecs à Smyrne, débarquement opéré d'accord avec nous. Et si les Turcs sont exaspérés contre les Arméniens, dont on redoute le massacre au cas où nous nous retirerions trop tôt, nous ne pouvons nous en prendre nous qu'à nous-mêmes. C'est nous qui avons fait venir et groupé en Cilicie les Arméniens de Syrie, de Palestine, d’Anatolie, d’Amérique même, qui les avons armés, qui les avons alignés contre les Turcs, sous des uniformes français. »

 

Paul Louis, « La Cilicie sera évacuée… Mais quand donc évacuera-t-on la Syrie ? », L’Humanité, 12 mars 1921, p. 3 :

« Le traité de Sèvres, dont la caducité apparaissait dès le premier jour à tous les yeux, est définitivement anéanti. Voilà un fameux coup de pioche dans l'édifice des paix de vengeance et de rapine. »

 

André Pierre, « Une victoire kémaliste — L’accord franco-turc », Le Populaire, 13 mars 1921, p. 1 :

« Bekir Sami Bey a bien travaillé pour son pays à [la conférence de] Londres. Il s’est imposé aux Alliés comme le seul représentant de la Turquie. Il a brisé la superbe britannique qui ne voulait pas reconnaître le Kémalisme. Il a imposé hier, à la France, la signature de l'accord par lequel notre gouvernement s'engage à cesser les hostilités en Cilicie dans un délai de sept jours et à évacuer le pays dans le mois [plus exactement, un accord de ce type était recherché par le gouvernement français depuis 1919, et plus particulièrement depuis le retour au pouvoir d’Aristide Briand, en janvier 1921 ; rejeté par le Parlement d’Ankara à cause, notamment, de ses clauses économiques et de la présence d’officiers français dans l’encadrement de la gendarmerie turque, il est finalement signé puis ratifié, sous une forme modifiée, en octobre de la même année. Dans sa version de mars comme d’octobre, l’accord franco-turc est violemment combattu par les nationalistes arméniens.].

Par son action à Londres, le géant d'Anatolie a prouvé que la force seule en impose aux vainqueurs. Était-ce au nom du droit et de la justice que les Alliés avaient imposé la signature du traité de Sèvres au sultan de Constantinople ? Non. Ils avaient cru pouvoir donner libre cours à leurs appétits et dépecer à leur gré l'Empire ottoman, parce qu'ils pensaient que l’”Homme malade” était à l'agonie et se laisserait dépouiller. Ils avaient compté sans la résistance d'Angora, sans la force militaire des nationalistes. »

 

Claude Marsey, « Pour la Turquie », Floréal (hebdomadaire socialiste), 23 avril 1921, p. 401 :

« Un article récent paru dans la presse parisienne vient de nous décrire l'aspect nouveau de Constantinople depuis que la malheureuse Turquie, épuisée par la guerre, n'est plus qu'une belle captive âprement disputée par les ambitions occidentales.

Stamboul n'est plus le merveilleux Stamboul que Pierre Loti nous avait appris à aimer, comme un mirage attirant et lointain. La vie turque en a disparu. L'ordre, ou ce qu'on veut bien nommer ainsi, est maintenu par des policemen anglais. Les rues sont encombrées de matelots yankees, de tirailleurs sénégalais, de cosaques et de carabiniers italiens. Ce pays de l'honnêteté est infesté de pickpockets arméniens. Dans les bouges où fréquente la racaille du monde, on se bat à coups de revolver. Les vrais Turcs se sont réfugiés dans l'intérieur de l'Asie. Les mystérieux harems les ont suivis. Il n'en reste plus qu'un —et c'est un Français converti à l'Islam, Durdeau bey, qui le tient!

Quelle étrange destinée que celle de ce peuple! Nul ne l'a dépassé en puissance, lorsqu'au XVIIe siècle il s'étendait sur trois continents et balançait l'empire espagnol. Nul n'est tombé aujourd'hui aussi bas. On l'a accablé d'outrages. Il a trouvé, chez ses ennemis mêmes, les plus ardents défenseurs. Dans de telles conditions, à qui croire? Comment se faire une opinion sur lui?

Pour ceux qui n'ont, comme moi, jamais mis les pieds sur les rives du Bosphore, la solution pourtant me semble aisée. Il suffit de réfléchir à ceci : ont dit du mal des Turcs ceux qui n'en ont jamais approché.

Au contraire, qui a vécu de la vie orientale, là-bas, avec les vrais Osmanlis, c'est-à-dire avec le peuple, en a rapporté un enthousiasme que rien ne peut amoindrir.

Ces témoins-là, il me semble équitable d'y ajouter foi. Le plus important de tous, je l'ai déjà cité, est Loti. Mais tout le monde connaît Azyadé, Fantôme d'Orient, Les Désenchantées et aussi ses livres de propagande, le dernier de tous, le plus beau des plaidoyers : La Mort de notre chère France en Orient.

C'est à des souvenirs pour moi plus directs que je veux faire appel aujourd'hui. Un de mes amis a parcouru en tous sens l'empire ottoman à l'époque où régnait encore Abdul-Hamid De retour à Paris, il ne tarissait pas d'éloges sur le peuple qu'il avait appris sur place à aimer.

— Nul n'est plus attachant, disait-il. Loyal : vous pouvez croire en sa parole. Honnête: vous pouvez laisser votre argent sur une table, quelle qu'elle soit, et serez sûr de le retrouver le lendemain. Sobre: il vit de peu et boit de l'eau claire. Philosophe: il bâtit ses maisons en bois, car il sait que rien n'est éternel. »

 

Léon Blum, « Les interpellations à la Chambre — Le discours de M. Briand », Le Populaire, 22 octobre 1921, p. 1 :

« Au milieu de ce développement [d’Aristide Briand sur l’Allemagne], un effet de surprise, un petit coup de théâtre, unanimement applaudi : les préliminaires de paix avec la Turquie, votés par l’Assemblée d’Angora [Ankara]. »

 

Paul Allain, « En passant — Le poète a raison », Le Radical, 21 octobre 1921, p. 1 :

« Oui, je sais bien qu’on ne fait pas de la politique avec du sentiment. Mais, peut-être, le sentiment, quand il est fondé en raison, — ce qui peut arriver, n'est-ce pas ? —est-il un guide que, même en politique, il serait imprudent de dédaigner.

Et il semble bien que nous en ayons sous les yeux une éclatante démonstration.

De quelles railleries n’a-t-on pas criblé Pierre Loti, à cause de ce que l’on appelait sa faiblesse, sa partialité, son inexcusable tendresse pour les Turcs ! Raisons de poète, disait-on quand il plaidait leur cause, mauvaises raisons.

Eh bien ! elles étaient bonnes, et les faits prouvent qu'il eût été sage de ménager les Turcs.

Il est vrai que les faits auraient pu, dans une certaine mesure, se tourner contre eux et contre Pierre Loti ; car la force, nous ne le savons que trop, n’est pas toujours du côté de la justice.

On a essayé de les réduire ; on a cru qu’ils l’étaient. On a voulu leur imposer le traité de Sèvres, aussi absurde qu'injuste.

Les Turcs ont refusé de l'accepter et ils ont continué de se battre pour l’annuler. Ils l’emportent. Annulera-t-on le traité de Sèvres ?

Dans sa tranquille maison de Rochefort, où il a accumulé tant de belles choses qui perpétuent sous ses yeux le vivant spectacle de tous sous les pays yeux où il passa, vécut, aima, avec quelle angoisse Pierre Loti a dû suivre les péripéties du grand drame autour qui vient, on peut l’espérer, de s’achever autour d'Eski-Cheir et de Smyrne [l’offensive grecque de l’été 1921, arrêtée en septembre de la même année] Avec quelle joie il en apprendra le dénouement !

Dans le dernier livre qu'il vient de publier, le dernier qu'il publiera, Suprêmes visions d'Orient, il a écrit : “Le suprême avertissement d'un homme qui va entrer demain dans la grande nuit a toujours chances d'être entendu.” Et il adresse aux Anglais une ardente prière. Il les adjure de ne pas s'acharner contre les Turcs, “de ne pas contribuer à exterminer cette race loyale, courageuse et douce, en fournissant à leurs odieux petits adversaires, si comiquement infatués, tous les moyens modernes de destruction”. Les Anglais ne l'ont pas écouté hier ; il faut souhaiter qu'ils l'écoutent aujourd'hui et avisent à faire la paix.

Sans doute, Pierre Loti, en poète toujours, caractérise les Grecs et les Turcs en des termes dont les diplomates pourront prendre et laisse. Il est entendu que le sentiment n'est pas tout en cette affaire.

Mais, sentiment à part, Pierre Loti a vu juste et, comme toujours, il a le mot propre. De cela, les diplomates auront avantage à tenir compte.

Même politiquement, le poète a raison. »

 

Léon Guerdan (dirigeant du parti nationaliste arménien Ramkavar), Je les ai tous connus, New York, Bretano’s, 1942, p. 17 :

« Et tandis que, dans sa modeste chambre, il [Édouard Herriot] se faisait la barbe […], j’exposai du mieux que je pus le problème arménien [la rencontre n’est pas datée par Guerdan avec exactitude, mais il précise qu’elle a eu lieu après la signature l’accord d’Ankara, donc après le 20 octobre 1921].

— De solides liens d’amitié m’attachent aux Turcs, dit-il. Mes amis de Constantinople m’accueillirent au lendemain de leur révolution de 1908 avec un enthousiasme dont le souvenir ne s’effacera jamais de mon esprit. Il m’est impossible d’agir contre eux, et cela, malgré tout le désir que j’aurais de vous plaire.

Puis, il se lança dans une tirade ; il exposa la nécessité pour la France de rétablir une alliance scellée par François Ier  et Soliman le Magnifique, il célébra les Capitulations et les énormes services que la Turquie nous avait rendus au cours des siècles ; il chanta avec un lyrisme à la Loti la générosité d’un peuple débonnaire, loyal, et alla jusqu’à excuser son intervention aux côtés de l’Allemagne en 1914, l’attribuant au besoin impérieux de se défendre contre la Russie tzariste, notre alliée, dont nous favorisions les ambitions à ses dépens. »

 

[Victor Snell], « Coin des lettres et des arts », La Lanterne, 21 janvier 1922, p. 3 :

« L'auteur est sans conteste —ou alors les contestants ont tort — le meilleur conteur d'aujourd'hui. Nul mieux que lui ne sait tirer d'une donnée narrative le “dramatique” qu'elle peut renfermer, de le lui adjoindre si elle ne le contient pas naturellement. Cette aventure (voici le titre exact) : d'Achmet Pacha Djedaleddine, pirate, amiral, grand d'Espagne et marquis, est extraordinaire, en effet, et on y prendra un plaisir extrême — le même qu'aux “six autres singulières histoires” qui l'accompagnent. Dirai-je que la sympathie que je me sens pour ce livre charmant lui était gagnée d'avance par une vigoureuse préface sur “les Turcs”. Claude Farrère y lave ce peuple noble et loyal de toutes les sottises qu'on a colportées contre lui à l'occasion de la guerre dans laquelle il est entré de force. (Flammarion, éd.). »

 

« La ville de Smyrne a bien été incendiée par les Arméniens et par les Grecs », Le Rappel (quotidien de tendance radicale-socialiste), 23 septembre 1922, p. 1 :

« Les Grecs ont tenté d'accréditer la version que ville de Smyrne avait été incendiée par les Turcs. Il  s'est trouvé des journaux français [essentiellement le Journal des débats, sous la plume du turcophobe antisémite Auguste Gauvain] pour accepter de propager cette nouvelle, aussi fausse qu’invraisemblable.

L’envoyé spécial du Matin, qui vient de faire son enquête dans la ville sinistrée, remet les choses au point. Nous lui cédons bien volontiers la parole :

“Smyrne, 19 septembre. L'incendie qui s'était déclaré à Smyrne le mercredi 13 septembre, à 11 heures, était maîtrisé dès le jeudi 14. Il fut activé par un vent du sud-ouest, qui rabattait les flammes vers la mer. Les maisons ont été détruites sur une superficie de 280 hectares. Les deux tiers de la ville ont été anéantis. Poussée sur le front de mer, la population fut prise de panique. Un grand nombre de personnes tombèrent dans l’eau ou s’y jetèrent par frayeur. Hier encore de très nombreux cadavres flottaient dans le port.

Je me suis promené longuement parmi les décombres, qui recèlent aussi des cadavres. La puanteur est affreuse.

Mon enquête personnelle confirme absolument que l'incendie fut allumé par les Arméniens dans leur quartier avant de l'abandonner. Le pillage qui s'ensuivit fut l'œuvre des Kurdes qui suivent l'armée turque et de la racaille de Smyme, sans distinction de nationalité ni de race.

Mustapha Kemal pacha semble avoir gardé un parfait contrôle sur les troupes régulières, sur lesquelles les Arméniens, tous armés et surexcités par leurs prêtres, ont tiré et jeté des grenades.

Les Français ont été respectés et écoutés par les Turcs. Pendant l'incendie, nos marins ont eu toutes facilités pour procéder au sauvetage des réfugiés aussi travaillent-ils sans relâche et avec un dévouement admirable à transporter des réfugiés à bord du Jean-Bart, de l'Edgar-Quinet et des autres navires de guerre.

Le transport Tourville embarque aujourd'hui 1.200 réfugiés. Le Pierre-Loti emmène à Constantinople 300 malades, tous Arméniens ou Grecs provenant de camps de concentration [le terme n’a évidemment pas, en 1922, la connotation sinistre que lui ont donné les systèmes concentrationnaires nazis et communistes ; le Goulag est encore peu connu, en Europe occidentale] visités par la Croix-Rouge américaine.

Le général Pellé est venu conférer avec l'amiral Dumesnil et les autorités kémalistes au sujet de l’évacuation des réfugiés.” »

 

A. Delhay, « La paix de Lausanne a été signée hier », L’Humanité, 25 juillet 1923, p. 3 :

« Le traité de Lausanne comporte pourtant un grand avantage : il consacre l'existence de la Turquie libre. Les impérialismes alliés ont dû reconnaître au gouvernement d'Angora une souveraineté égale à celle de tous les États modernes. »

 

Albert Milhaud (député radical-socialiste, rapporteur pour la ratification du traité de Lausanne en 1924, futur secrétaire général du parti), « La République turque », France & Monde, 1er septembre 1924, p. 287 :

« La Turquie est devenue à la fois une République et un Etat laïque. Contre l'éviction de la Turquie hors de l'Europe et contre l'établissement des Grecs à Smyrne et en Anatolie, Moustapha Kemal a pris son parti et a triomphé.

Son second, Ismet Pacha, est le véritable vainqueur de la bataille diplomatique qui s'est livrée à Lausanne ; il est considéré comme le libérateur du territoire. Grâce à lui, la Turquie a fait reconnaître sa domination sur Constantinople, Andrinople et Karagatch, c'est-à-dire sur la Thrace Orientale ; elle conserve le contact qu'elle veut garder avec la civilisation occidentale. Elle évite le morcellement de l'Anatolie en écartant le danger d'un établissement de la Grèce d'Europe dans la Turquie d'Asie, en supprimant le projet d'une République arménienne indépendante.

Les Turcs, après leur défaite, s'étaient laissé dicter une paix qui les chassait de la Thrace, de la province de Smyrne, de l'Arménie [au sens d’Anatolie orientale], sans parler des pays de mandat [Syrie, Liban, Irak, etc.]. D'où la protestation violente des Congrès d'Anatolie.

Le général diplomate Ismet Pacha a obligé l'Angleterre à abandonner de grands rêves : un empire grec sous protectorat anglais dans la mer Egée, une influence anglo-saxonne en Arménie, portant sur les voies de la Mer Noire, le Caucase, etc.

Il est indispensable que le Parlement français répare les fautes commises et que nos ministres de l'Instruction publique et des Affaires étrangères reprennent, d'accord avec la République turque, l'œuvre de diffusion de la langue française, en dehors de tout prosélytisme religieux. Il ne faut pas s'attarder dans le regret des Capitulations ; il importe de sauvegarder l'influence intellectuelle et spirituelle de la France en Orient. En la sauvegardant, ils ne desserviront pas les vœux de la Turquie nouvelle. Alors que les congrégations catholiques ont pu vivre en bonne intelligence avec le Commandeur des Croyants, il serait décevant que le régime républicain des deux pays ne trouvât pas une formule d'accord. »

 

Henri Barbusse (compagnon de route du Parti communiste), Voici ce qu’on a fait de la Géorgie, Paris, Flammarion, 1929, pp. 39-40 :

« Oui, dit Akopian. Cette affaire cosmique, provenant de causes qui nous échappent jusqu'à nouvel ordre, prouve la tyrannie de la nature, et que l'Arménie n'a pas de chance. Mais sous ces détritus du tremblement de terre, il y a d'autres plaies, plus grandes, plus profondes, faites par les hommes, et qu'il faut regarder.

[…] La révolution de février se présenta à nous sous la figure des dachnaks. Le parti Dachnaktzoutioun [Fédération révolutionnaire arménienne, au pouvoir dans l’Arménie indépendante de 1918 à 1920-1921], c'est le parti révolutionnaire arménien. Du moins le mot révolutionnaire se trouve dans son titre, mais nonobstant cette pancarte (dans jésuite, il y a bien : Jésus), son but est avant tout et par-dessus tout, de provoquer le Turc et de se battre contre lui — pour créer après, quand il ne restera plus personne, un paradis terrestre exclusivement arménien ! »

 

Lire aussi, sur la France :

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Le soutien public d’Henri Rollin (officier de renseignement) aux conclusions de Pierre Loti

La turcophilie de Pierre Loti vue par l’antifasciste Victor Snell

L’arménophile Jean Longuet et les Turcs

L’évolution d’Émile Wetterlé sur la question arménienne et les Turcs

La vision communiste du conflit turco-arménien (avant le tournant turcophobe imposé par Staline)

Maurice Barrès : de l’antisémite arménophile au philosémite turcophile

La France briando-poincariste contre l’axe FRA-Hoyboun (alliance de nationalistes arméniens et kurdes)

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

L’arménophile Francis de Pressensé sur l’impossibilité démographique du séparatisme arménien en Anatolie (1895)

 

Sur la question de Cilicie :

La conduite exécrable des légionnaires arméniens en 1918-1919

Février-mars 1920 : une campagne francophobe et turcophobe des organisations nationalistes arméniennes

23 avril 1920 : la justice française condamne l’ex-archevêque Moucheg Séropian pour terrorisme

1920-1921 : l’irréductible conflit des points de vue français et nationaliste arménien sur Çukurova (« la Cilicie »)

 

Sur les massacres de la Première Guerre mondiale en Anatolie :

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

1917-1918 : la troisième vague de massacres de musulmans anatoliens par les nationalistes arméniens

Nationalisme arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils musulmans

 

Sur les massacres dans le Caucase :

Les massacres d’Azéris par les dachnaks et les divisions entre Arméniens à ce sujet (1918-1920)

L’exaspération de Lord Curzon face à la politique de purification ethnique mise en œuvre par l’Arménie (1920)

Les massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)

vendredi 15 décembre 2023

L’Entente libérale (référence des « historiens » défendant le nationalisme arménien) : antijudéomaçonnisme, racisme antitsigane, putschisme, etc.


 


 

Gaïdz Minassian, « "L’Europe a-t-elle besoin des intellectuels turcs ?", de Vincent Duclert : en quête de la Turquie démocratique », Le Monde, 9 juin 2010 :

« Ni kémaliste ni islamiste, mais démocrate. Ainsi aurait pu s’intituler le dernier ouvrage de l’historien Vincent Duclert, qui démontre l’existence d’une communauté de destin entre l’Europe et les intellectuels turcs. […]

Ces intellectuels turcs ne constituent pas une anomalie dans l’histoire du pays.

Au contraire, leur généalogie remonte à la période des sultans éclairés du XIXe siècle [la première révolte nationaliste arménienne, celle de Zeytun en 1862, a justement eu lieu contre un de ces sultans éclairés, Abdülaziz], puis à celle de la révolution de 1908 avec le prince Sabbahadin [dirigeant de l’Entente libérale], avant de s’incarner autour d’héritiers de renommée mondiale, comme Nazim Hikmet [stalinien déclaré, y compris au moment de la persécution stalinienne des Turcs de Bulgarie en 1950-1951 et des campagnes antisémites de 1952-1953 en Tchécoslovaquie et en URSS] ou Yasar Kemal. »

 

« Génocide arménien : "La France aurait dû décider d’abord de soutenir les chercheurs" » (entretien avec Vincent Duclert), Le Monde, 29 décembre 2011 :

« Les principaux responsables s’enfuient en Allemagne après l’armistice de 1918. S’installe un gouvernement issu de l’Entente libérale, dont les membres sont décidés à juger les responsables du génocide. Des procès commencent [M. Duclert omet évidemment de dire que les accusés n’avaient pas le droit à l’assistance d’un avocat pendant l’instruction, ni celui de faire interroger par leur conseil les témoins de l’accusation durant le procès, ni celui de demander une expertise indépendante des « documents » produits par l’accusation, et que, lors des procès d’avril-septembre 1920, ils n’eurent même plus droit à un avocat, à quelque moment que ce fût. M. Duclert ne voit pas davantage la nécessité de préciser que les condamnations de 1920 ont, pour la plupart, été annulées en appel, en 1921 ; quant aux condamnations prononcées en 1919, il est toujours resté interdit de les contester en appel]. Mais cette logique sera mise en échec, après l’isolement progressif des libéraux [on se demande bien pourquoi…] face à la croisade nationaliste de Mustafa Kemal. »

 

Vincent Duclert, « Le génocide des Arméniens ottomans », avril 2015 :

« Les vainqueurs de la Première Guerre mondiale ont voulu, au lendemain de la fin des combats, que la vérité soit établie sur le ‘crime contre l’humanité et la civilisation’ défini par la déclaration du 24 mai 1915 [déclaration réclamée et préparée par le fort peu démocratique gouvernement du tsar, et faite avant le déplacement forcé d’Arméniens, dans le but nullement dissimulé d’intimider le gouvernement ottoman et de l’empêcher de prendre cette mesure contre-insurrectionnelle, comparable à celle prise par le gouvernement contre les Boers, en 1899-1902]. Ils sont rejoints par le gouvernement ottoman de l’Entente libérale qui obtient, par un décret impérial du 21 novembre 1918, la constitution d’une commission d’enquête administrative au sein du Bureau de la Sûreté générale. »

 

ðVoyons donc précisément qui étaient ces « démocrates », témoins de moralité et arguments d’autorité.

 

Putschisme et financements étrangers (fort peu turcophiles)

 

Edward F. Knight, The Awakening of Turkey. The Turkish Revolution of 1908, Boston-Tokyo, J. B. Millet C°, 1910 :

« L’Entente libérale, par conséquent, se prononce pour l’autonomie [des provinces périphériques de l’Empire ottoman]. L’Entente est largement soutenue par l’élément grec, et ce fait ne lui vaut pas de félicitations de la part de ceux qui désirent l’unité ottomane. Il est connu que ce parti largement financé par des marchands grecs de Turquie, toujours généreux dans leurs souscriptions à une cause nationale grecque ; mais on ne peut pas penser que l’intégrité de l’Empire ottoman est en sécurité entre leurs mains. » (p. 290)

« L’Entente libérale a apparemment pris la tête du complot [de mars-avril 1909, finalement raté] contre le gouvernement [issu des élections de 1908] et il est devenu évident que ce complot était bien financé. » (pp. 299-300)

 

Berthe Georges-Gaulis, Angora — Constantinople — Londres. Moustafa Kémal et la politique anglaise en Orient, Paris, Armand Colin, 1922, p. 65 :

« En 1910, Fitzmaurice, premier drogman de l’ambassade d’Angleterre, l’un de ses agents les mieux doués [et frénétiquement antisémite, ce qui permet d’éclairer beaucoup de citations ci-dessous], organise un groupe de protestataires. Il acquiert un dissident de l’Union et Progrès, le colonel Sadik bey, mécontent de la politique radicale de ses collègues. Fitzmaurice stimule l’esprit conservateur de l’élément religieux récemment rallié au Comité. Il gagne ainsi une centaine de députés ; ils vont se séparer du Comité central, mais, au dernier moment, ils hésitent, se dérobent et finissent par rentrer dans le giron. De cette coûteuse tentative, les Anglais ne conservent que le colonel Sadik bey, désormais chef et grand maître de l’Entente libérale, et une dizaine de députés hodjas [musulmans conservateurs].

La ténacité britannique ne s’émeut pas devant l’échec. On recommencera, voilà tout. Après plus d’une déception, en 1911, le parti de l’Entente libérale est formé. Il a pour mission d’unir les dissidents de l’Union et Progrès aux éléments chrétiens du pays. Damad Férid présidera de haut le Parti. Une active propagande est menée dans l’armée, quelques officiers supérieurs se laissent séduire, intriguent contre le ministère de la Guerre, que dirige Mahmoud Chevket, et provoquent la chute du cabinet unioniste Saïd pacha en juillet 1912. »

 

Feroz Ahmad, The Making of Modern Turkey, Londres-New York, Routledge, 1993, p. 37 :

« Mais il existait aussi des officiers favorables à l’Entente libérale, principalement des non-Turcs (Arabes et Albanais) [ce fait rend particulièrement ironique l’obsession de la presse de ladite Entente libérale, consistant à présenter le Comité Union et progrès (CUP) comme entièrement contrôlé par les Juifs et les Tsiganes, et ces derniers comme des non-Turcs] qui soutenaient la décentralisation. De fait, en juillet 1912, un groupe mené par le colonel Sadik Bey et s’appelant lui-même “les officiers sauveurs” forcèrent le cabinet de Mehmed Said Pacha, qui penchait du côté du CUP, à démissionner et ouvrirent ainsi la voie à un gouvernement de l’Entente libérale. »

ð La division provoquée par ce coup d’État et l’incompétence du gouvernement « libéral » sont deux des raisons principales pour lesquelles la première guerre balkanique a éclaté, avec son cortège de catastrophes territoriales et démographiques pour les Turcs ; le retour du CUP au pouvoir, en janvier 1913 a, inversement, contribué à sauver ce qui pouvait l’être (récupération d’Edirne lors de la seconde guerre balkanique). Par ailleurs, la pratique du coup d’État contre un gouvernement issu des urnes montre la réalité du « libéralisme » de ce parti. 

 

Rapport du lieutenant-colonel Mougin (bientôt promu colonel, puis général en 1924), 1er avril 1920, Service historique de la défense, Vincennes, 7 N 3210, dossier 2, sous-dossier 2 :

« Les Anglais veulent un gouvernement Damad Férid Pacha qui sera tout à leur dévotion et leurs agissements sont tels que tout est à craindre. Leurs agents sont nombreux, leur presse bien menée, l’Entente libérale est leur chose. »

« N° 10. REFY DJEVAD. Directeur de “l’Alemdar” [journal de l’Entente libérale à partir de 1919], aventurier et agent anglais. Il a ouvert le club d’Anatolie, dont il a fait une maison de jeu, avec la protection du général anglais Maxwell, dont il est l’espion, pour surveiller les Anglais et les Italiens.

N° 11. Colonel SADIK BEY. Âgé de 60 ans, serait épuisé physiquement et dont le nom servirait de drapeau aux partisans anglais.

Il est le chef du parti de l’Entente [libérale] ; il est au service de l’Angleterre, comme il a été leur espion en Égypte, durant la guerre. »





 

Obsession pour le « complot judéo-maçonnico-dönme-tsigane » derrière le CUP et le mouvement kémaliste

 


« Revue parlementaire », Mècheroutiette (organe du Parti radical ottoman, puis de l’Entente libérale, après leur fusion), juin 1911, p. 55 :

« On a peine à retenir le tzigane, Talaat bey [dirigeant du Comité Union et progrès, qui, d’ailleurs, n’était pas tzigane], chez qui quelques mois passés dans un ministère, n’ont nullement éteint l’atavisme, et qui porte la main à la poche de derrière de son pantalon pour y prendre son revolver. »

 

« Revue parlementaire », Mècheroutiette, juillet 1911, p. 48 :

« Séid bey s’exprime ainsi au sujet des dissentiments unionistes : “Je tiens à déclarer à la face du monde qu’au sein du parti parlementaire de l’Union et Progrès, il ny a absolument aucune divergence (applaudissements prolongés au centre).

Tant qu’existera l’Empire ottoman, cette association existera aussi. Elle est aujourd’hui au même point qu’auparavant !

— Loutfi bey. — Qui croire?

Séid bey. — Ancien groupe, ou nouveau groupe, tant que notre devise sera «Union et Progrès» rien ne pourra se faire en dehors de cette formule. L’union a pris naissance parmi nous sous la tente, elle restera notre premier objectif, et le progrès continuera à rester le second.

Il est évident que la tente fait bien dans ce paysage, dans le désert de ce discours. Mais Séid bey aurait dû préciser sous quelle tente est née cette union, une tente de soldats ou une tente de tziganes. »

 

« Un avertissement », Mècheroutiette, août 1911, p. 21 :

« Nulle part les Juifs n’ont été traités aussi libéralement qu’en Turquie, à n’importe quelle époque, malgré le fameux passeport rouge.

Mais ce n’est pas une raison pour qu’ils prennent dans notre pays la revanche des humiliations qu’ils subissent ailleurs. Parce qu’ailleurs ils ont été et sont encore opprimés, ce n’est pas une raison pour qu’ils nous tyrannisent. Et c’est ce qu’ils font sous le manteau du comité Union et Progrès depuis la révolution de juillet 1908. Quand en 1909 le député juif Carasso signifia sa déchéance au Sultan Abdul-Hamid, se présenta-t-il comme un successeur ? Sa visite marquait-elle l’avènement de sa race au pouvoir absolu ?

[…] Nous disons : “il faut que les ‘donméhs’ ou ‘mamins’ et autres Juifs de Salonique cessent leurs provocations, s’ils ne veulent pas que les autres races, tant chrétiennes que musulmanes, y répondent.” »

ð Le procédé est grossier, car E. Carasso n’était qu’un des membres de la délégation notifiant au sultan sa destitution, les autres étant deux députés musulmans et un sénateur arménien catholique, Aram Efendi. Il a déjà été expliqué sur ce blog que le nombre de Juifs et de dönmes (les dönmes sont un rameau de l’islam issus de la conversion de certains Juifs ottomans à la religion musulmane) parmi les dirigeants du CUP a été fortement exagéré dans la propagande hostile à ce parti, le lecteur non prévenu peut s’y référer.

 

« Le danger des vertus négatives », Mècheroutiette, octobre 1911, pp. 34-35 :

« C’est ce qui constitue le péril que nous mentionnions au début, car les Juifs, aidés dans la circonstance par leurs congénères les “donméhs” ou “mamins” ont réussi, à prendre la direction de la politique dans l’Empire ottoman. Ils ne songent plus à reconstituer un État indépendant sur les bords du Jourdain, mais, leur sionisme étant devenu politique, et par le fait économique et financier, avec les mêmes appuis extérieurs, ils étendent sur tout l’Empire une influence que l’on peut sans exagération qualifier de néfaste.

Quelques Juifs et donméhs de Salonique, parvenus à s’élever un peu au-dessus du niveau social de leurs coreligionnaires, prétendent avoir provoqué et réalisé, avec le Comité Union et Progrès, dont ils faisaient partie, la révolution de juillet 1908. C’est faux. Ils n’ont pas fait la révolution, c’est la révolution qui les a faits. Ainsi que nous l’avons montré à plusieurs reprises, les véritables promoteurs et auteurs du mouvement révolutionnaire furent des officiers et des notables albanais, qui n’avaient à l’époque rien de commun avec le comité, et qui furent seulement après coup embrigadés par celui-ci, pour la plus grande gloire et surtout le plus grand profit de certains fils d’Israël et de Shabbethaï [le chef de ce courant du judaïsme finalement converti à l’islam et à l’origine des dönmes]. Nous avons d’ailleurs entre les mains la preuve que leur grand homme, Djavid bey, n’a été admis dans le comité qu’après la révolution de juillet 1908.

Qu’ils aient manigancé quelque chose dans les réunions secrètes, tenues dans des loges ou ailleurs, nous l’admettons, car c’est assez conforme à leur caractère. Mais comme ils n’ont pas pu aboutir par eux-mêmes dans cette tâche pour laquelle ils sont faits, ne montrent-ils pas ainsi clair comme le jour que leurs vertus politiques sont en effet bien négatives ?

Et si, allant plus loin, nous admettons même, contrairement à la vérité, et pour leur faire plaisir, qu’ils aient apporté un réel secours à la cause de la révolution, est-ce que leurs vertus politiques cesseraient pour cela d’être négatives ? Toute révolution même la plus juste, n’est-elle pas une négation?

Doués donc de quelques aptitudes à détruire, ils se sont révélés tout à fait inaptes à construire. Et tout d’abord ils se sont servis du comité Union et Progrès, qui passa et qui reste dans leurs mains, comme d’un terrible instrument de sabotage. […]

Le manche turc ! comment trouver un meilleur symbole de notre politique stupide et brutale depuis trois ans ?

Avec quelle virtuosité, les Juifs, devenus nos maîtres, l’ont manié, les événements qui suivirent la révolution le proclament assez haut. »


« Un ver dans le fruit », ibid., p. 60 :

« Et d’ailleurs, le comité [Union et progrès] de 1908 n’était point ce qu’il est maintenant. Il était composé de militaires et de vrais Ottomans, mais peu à peu ils se trouvèrent supplantés par les renégats juifs de Salonique. »

 

« Un mémoire », Mècheroutiette, novembre 1911, p. 36 :

« Nous voudrions bien que Djemal Nouri bey éclairât sa lanterne, en nous nommant ces quatre ou cinq personnes à la néfaste influence et qui ne sont douées d’aucun génie, car tout le monde, en Turquie comme à l’étranger, s’accorde à dire que le Comité [Union et progrès] a été jusqu’à présent soumis aux Juifs et crypto-juifs (mamins) de Salonique. […]

Qu’en pense Djemal Nouri bey? Peut-être obéit-il lui-même à ces conseils un peu tardivement venus d’Europe. Dans ce cas, qu’il reconnaisse franchement que les Ottomans ont tout avantage à ce que les Juifs restent politiquement à leur place, et que l’Empire serait exposé au plus grand des dangers, si l’on tentait sous une autre forme une expérience qui a si mal réussi une première fois. C’est pourquoi le bloc enfariné de son pangermanisme plus ou moins sioniste ne nous dit rien qui vaille. »

 

« La dissolution de la chambre », Mècheroutiette, février 1912, p. 19 :

« Ainsi donc, les députés, avant de recevoir la bénédiction des pontifes “mamins” [encore une référence aux dönmes…] de Salonique, devront, comme on dit en religion, prononcer leurs grands vœux solennellement. »

 

Chérif Pacha, « Une nouvelle aurore », Mècheroutiette, juillet 1912, p. 1 :

« En 1908, l’armée seule avec le concours de quelques patriotes albanais avait renversé le régime hamidien. Les vautours de la rue Bonaparte, à Paris, s’abattirent sur Constantinople comme sur une proie. Et comme après une bataille, vinrent aussi les pillards, représentés dans la circonstance par les “mamins” de Salonique, et certains “tchinguénés”, pour s’approprier le fruit des efforts de l’armée et de quelques patriotes civils. »

 

« La ruine d’un Titan », Mècheroutiette, novembre 1912, p. 60 :

« Un Grand-Vizir est allé présenter le Sultan aux hébreux saloniciens, car c’est de Salonique qu’est parti le mouvement révolutionnaire, et il n’est pas trop paradoxal d’indiquer qu’il est en quelque sorte judéo-turc. Si la résurrection ottomane devait évoluer dans ce sens, ce serait la solution élégante et imprévue du Sionisme, ce serait la véritable conquête de Jérusalem et de l’Empire Turc par les juifs. »

 

« Le moyen d’assurer la paix », Mècheroutiette, novembre 1913, p. 4 :

« Le comité [union et progrès] a d’ailleurs de bons conseillers car il obéit dans la circonstance avec plaisir à une direction judéo-maçonnique, qui prodigue en sa faveur non seulement son expérience, mais encore son influence en Europe, laquelle est considérable. »

 

Izzet Bey, ministre par intérim de l’Intérieur de janvier à mars 1919, membre de l’Entente libérale et oncle de Chérif Pacha, déclaration de février 1919 citée dans Arthur Beylerian, Les Grandes Puissances, l’Empire ottoman et les Arméniens dans les Archives françaises (1914-1918), Paris, 1983, p. LVI :

« Les criminels ne sont pas les vrais musulmans, mais ce sont les deunmehs ! »

 

Michel Paillarès (agent d’influence de la Grèce et lié à l’Entente libérale), Le Kémalisme devant les Alliés, Istanbul-Paris, éditions du Bosphore, 1922, p. 50 :

« À en croire Damad Ferid pacha [dirigeant de l’Entente libérale, grand vizir de mai à septembre 1919, puis d’avril à octobre 1920], il [Kemal Atatürk] serait d’origine juive. »

ð Kemal n’était ni juif ni dönme, mais descendant de Turkmènes yörüks de tradition sunnite. Diaboliser un adversaire qu’on judaïse par ailleurs est un thème antisémite connu.

 

Lettre de Chérif Pacha à André Tardieu, 24 mai 1939, Archives nationales, Pierrefitte, microfilm 324 AP 6 :

« En attendant, tous les pays sont en train de se ruiner financièrement […] La juiverie [sic], qui forme en somme la puissance financière de l’Amérique et de l’Angleterre, voire celle de la France, en profite largement. »



 

La conséquence logique

 

« Après le discours de l’amiral Darlan — Les témoignages de loyalisme affluent à Vichy », L’Ouest-Éclair, 7 juin 1941, p. 2 :

« Par ailleurs, un grand ami de la France, le général d’armée Chérif Pacha, a envoyé le télégramme suivant à l’amiral Darlan :

“L’énergique déclaration que vous venez de faire à Paris est digne de la nation et de l’armée françaises, dans laquelle j’ai eu l’insigne honneur de recevoir, en 1887, les épaulettes d’officier.”

Et le général Chérif Pacha, avec l’expression de son admiration, envoie lui aussi à l’Amiral et au Maréchal [Philippe Pétain], ses respectueuses et sincères félicitations. »

 

Jordi Tejel Gorgas, Le Mouvement kurde de Turquie en exil, Berne, Peter Lang, 2007, p. 154 :

« Les Allemands prennent également contact [en 1942] avec Chérif Pacha [ethniquement kurde et passé au nationalisme kurde], qui se trouve en France à cette époque-là. »

 

Mirella Galletti, « Deux lettres de Chérif Pacha à Benito Mussolini », Études kurdes, n° 2, novembre 2000, p. 65 :

« Dans les archives italiennes - Archivio Centrale dello Stato, Segreteria particolare del Duce, n. 541.245, 1922-43, dossier “Chérif Pacha” - nous avons trouvé deux lettres du Général Chérif Pacha datées du 27 juillet 1942 et du 16 décembre 1942 adressées à Benito Mussolini.

Dans sa lettre du 27 juillet 1942, Chérif Pacha révèle qu’il s’était rendu à Paris le 22 juin 1942 à l’invitation du gouvernement allemand. […]

Dès 1936, Chérif Pacha, qui vivait alors à Monte Carlo, avait déjà essayé d’entrer en contact secrètement avec le “Duce”, à travers le Consul italien à Nice. Je n’ai malheureusement pas retrouvé ce courrier marqué “confidentiel”, daté du 8 décembre 1936, mais il existe des “Notes” du secrétaire personnel de Mussolini qui se réfèrent à cette lettre qui n’avait été remise au Duce que le 17 juillet 1937. »



Lire aussi, sur les prudhommeries de Vincent Duclert :

Non, il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le contraire)

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

 

Sur la question de 1915 et sur le CUP :

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Le rôle des Arméniens loyalistes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale

Zareh Dilber Efendi : conseiller d’État sous Abdülhamit II, sénateur jeune-turc et admirateur de Pierre Loti

Artin Boşgezenyan : un Jeune-Turc à la Chambre des députés ottomane

Le rôle du député jeune-turc Dikran Barsamian dans la reconstitution du Comité Union et progrès, fin 1918

 

Sur la place centrale du thème du « complot judéo-maçonnico-dönme » (la composante tsigane semble avoir disparu après 1923) dans l’historiographie nationaliste arménienne et le militantisme arménien contemporain :

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Alain Soral de nouveau mis en examen : rappels sur Jean Varoujan Sirapian et le soralisme

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

L’antisémitisme de Mevlanzade Rifat, nationaliste kurde, menteur et référence du nationalisme arménien contemporain

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

Le regard sans complaisance de Nune Hakhverdyan et Arman Grigoryan sur la situation intellectuelle en Arménie et en diaspora

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

L’obsession des nationalistes arméniens pour le « complot judéo-maçonnique derrière le CUP » : un exemple en octobre 2022

23 avril 2024 : à Erevan, la Fédération révolutionnaire arménienne brûle de nouveau un drapeau turc et un drapeau azerbaïdjanais

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