mercredi 11 juin 2025

Le dachnak Haytoug Chamlian vitupère la politique de paix du Premier ministre arménien et injurie la majorité de ses compatriotes (diaspora incluse)

 



 Haytoug Chamlian, « Non! à cette Arménie », armenews.com, 8 juin 2025 :

« Il y a des Arméniens dans ce monde, qui ne veulent PAS de la soi-disant “Arménie” préconisée par ses dirigeants actuels [c’est-à-dire dans ses frontières internationalement reconnues].

Ils n’en veulent plus.

Ils préfèrent la disparition totale de cette Arménie dénaturée, plutôt que de se laisser bercer par l’illusion qu’elle existerait vraiment. […]

Alors, si l’“Arménie” va être, ne va être que, cette “Arménie réelle” dont on nous bassine et qu’on veut nous faire avaler maintenant, alors nous avons le droit de penser qu’il vaut mieux que la fable se termine totalement.

Qu’on en finisse enfin, une fois pour toutes!

Cela serait plus acceptable. Plus honnête.

Plus honorable. […]

On n’entend donc plus que l’apologie de la lâcheté, de la veulerie et de la couardise, dans l’univers des perdants triomphants, des vaincus bienheureux, que sont devenus la majorité des Arméniens. Dont le seul courage consiste à présent à attaquer les quelques ceux qui refusent encore un tel abaissement. […]

Dans le cas spécifique des Français d’origine arménienne, cette posture stupéfiante n’est pas sans rappeler un certain esprit de collaborationnisme, durant l’Occupation. […]

Et la tentative précipitée, irréfléchie, irresponsable, aventuriste et puérile de libérer ce semblant d’État du joug de la Russie, aura eu pour effet direct de la jeter dans les bras de la Turquie. »

 

Précisons que cette proclamation ultranationaliste vient de Montréal… C’est dire le courage physique de son auteur.

 

Lire aussi :

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Le consensus poutiniste chez les nationalistes arméniens

samedi 7 juin 2025

Édouard Broussalian : complotiste, putschiste, antisémite, poutiniste, diffamateur et nationaliste arménien (ensemble connu)

 



« Non, l'ivermectine n'est à ce jour pas considéré comme un traitement contre le cancer », AFP, 31 mars 2025 :

« Depuis quelques semaines, un tableau circule ainsi sur les réseaux sociaux, prétendant montrer le protocole à base d'ivermectine à suivre, selon son cancer et son stade.

"L’ivermectine dans les indications cancéreuses. Le plus facile est de trouver des flacons à 10ml qui représentent 315 mg de produit", écrit ainsi un internaute qui se présente comme Dr Edouard Broussalian, homéopathe.

"Il est incroyable que un traitement inoffensif, connu depuis 50 ans, efficace contre certains cancers et le COVID, sans effets secondaires, soit interdit dans toutes ces indications uniquement parce que il ne rapporte pas assez d'argent à l'Industrie pharmaceutique [sic]", affirme cet autre internaute.

 

L'ivermectine, un traitement antiparasitaire

Le tableau partagé a initialement été publié en juillet 2024 sur Substack par William Makis qui se présente comme "radiologue, oncologue et chercheur sur les cancers" sur son compte Instagram - mais qui était en réalité spécialiste en médecine nucléaire à l'Institut Cross Cancer jusqu'à son licenciement en octobre 2016 pour faute professionnelle, comme le relate le Edmonton Journal (lien archivé ici).

William Makis - dont la licence est "inactive" - est connu pour régulièrement partager de fausses informations, que l'AFP a déjà vérifiées ici ou ici.

[…]

L'ivermectine est un médicament antiparasitaire utilisé en médecine vétérinaire, mais aussi chez l'homme. »

 

Tweet supprimé d’Édouard Broussalian :



 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1895949586172141879

« Pour tous les malcomprenants je décide un peu. Blackrock c’est les Rothschild. Ceux ci ne sont pas seulement riches. Ils SONT l’argent.

La russie s’est fait massacrer en 1917 par la même clique de financiers. Total de 40 millions de morts.

Ils [sic] vous reste à vous battre ou à fuir. »



BlackRock est un fonds d’investissement américain créé en 1988. Aucune banque Rothschild ne figure parmi les actionnaires en détenant plus de 2 % des actions. Aucune non plus ne figure parmi les dix banques les plus puissantes du monde.

L’antisémitisme est ici particulièrement grossier, car il mêle le mythe des « banquiers juifs qui tiennent le monde » avec celui du « judéo-bolchevisme ». Ni Lénine, ni Staline, ni Félix Dzerjinski (premier chef de la police politique soviétique), ni Lavrenty Beria (responsable de la police politique de 1938 à 1946, éphémère successeur de Staline en 1953), ni Anastase Mikoyan (cadre bolchevique dès la guerre civile, puis membre du Politburo et finalement président de l’URSS) n’étaient juifs. Léon Trotski ne se considérait pas comme juif et a envoyé au diable ceux qui lui demandaient d’agir contre les auteurs de pogromes, durant la guerre civile. Il n’a jamais été un « financier ». Lev Kamenev, pas plus « financier » que Trotski, mais rejetant peut-être moins son ascendance juive, a été vaincu, en même temps que Trotski, en 1925, par Staline. Il a été condamné à mort et exécuté en 1936. La proportion de cadres de famille juive a diminué lors des grandes purges de 1936-1938, et la plupart des hauts fonctionnaires juifs encore en place ont été démis de leurs fonctions par Staline en 1947.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1887142124254011597

« Ce n’est pas fait pour nous rassurer. En 1917 il y avait 2% de Juifs en russie. Et ensuite dans l’ensemble des rouages bolchéviques et la Cheka il y en avait 98%. Je me comprends. »



Ce chiffre de 98 % est évidemment sorti de nulle part.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1891299846176350484

« Faut vraiment qu’on dorme ! Mais oui le bolchevisme est juif. Telle est la dure réalité. Moins de deux pourcents de la population russe a l’époque est juive. Regardez quelle est la proportion de juifs dans les instances bolchéviques. Ça c’est pour les travaux pratiques de la nuit »



 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1929994113383850015

« On ne pourra pas m'empêcher de penser que ces racailles ont été lâchées là exprès pour des buts bien précis, sans doute en relation avec la situation au moyen orient. »

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1922329320745255328

« Il faut comprendre que ceci n'est pas nouveau. Bien avant la création de l'état d’Israël, Theodor Hertzl a gagné la Palestine en offrant le soutien des médias Juifs au Sultan dans ses massacres arméniens. Ainsi il est permis de dire qu’Israël a été bâti sur le sang des arméniens. »



Abdülhamit II n’a jamais ordonné de massacres d’Arméniens et a au contraire nommé des Arméniens à des postes clés, comme celui de ministre des Finances, occupé par Mikael Portakalian Pacha. Theodor Herzl n’a jamais « gagné la Palestine » mais l’estime d’Abdülhamit et une amnistie pour les immigrants sionistes installés sans autorisation dans la province de Jérusalem. Le soutien du mouvement sioniste à l’État ottoman sur la question arménienne n’était qu’un des aspects de l’accord entre les deux hommes.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1898380805405114866

« Er cela nous le savons depuis que les sionistes ont vendu les médias Juifs au sultan pour justifier le massacre des arméniens. On n’oublie pas. »



 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1901744810215534915

« Toute forme de racisme est à combattre sans pitié. Avons nous encore le droit de critiquer le Judaïsme qui traite Marie de pute, et renie la messianité du Christ?

Si vous aviez lu Quigley, ce que je me permets de vous conseiller, vous verriez le lien entre les Juifs d'Espagne, de Hollande, la création de la City et la création de l'alliance entre les anglicans et la synagogue.

A partir de la je vous conseille de lire par exemple la Guerre des Monnaies et de découvrir comment les Rothschild sont devenus l'argent. Et de vous document sur l'argent de la City pour acheter les députés de la convention vie des pourris comme Danton pour faire voter la mort du Roi. Bon, enfin bref je ne compte pas vous faire un cours. Juste: lisez, et réfléchissez par vous mêmes. Merci »



M. Broussalian accumule ici en quelques lignes quelques-uns des pires clichés antisémites. Londres était déjà une place financière considérable au XVIIIe siècle, or les Britanniques juifs n’ont été émancipés qu’en 1858, contre 1829 pour les catholiques, et le premier israélite fait lord par Sa Majesté, Isaac Goldsmid, n’a été anobli qu’en 1885. Le passage sur le vote de la mort de Louis XVI est trop grotesque pour qu’on s’y attarde. Même les principaux auteurs contre-révolutionnaires, comme Joseph de Maistre ou Louis de Bonald, n’ont jamais cru à ces fariboles.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1890271893082751029

« Le président Poutine invite Xi Jinping et Donald Trump à assister au défilé de la Victoire de la Russie, le 9 mai à Moscou.

Ça nous change des rats européens qui n’avaient pas convié les Russes pour les commémorations du débarquement.

Ah oui j’oublie: Vive Poutine ! »


Les Soviétiques n’ayant pris aucune part au débarquement du 6 juin 1944, et Staline ayant été l’allié d’Hitler contre la France et le Royaume-Uni entre 1939 et 1941, le gouvernement russe n’avait effectivement pas à être invité.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1895756877767594097

« C’est vraiment fastoche de faire le joli cœur. Les populations du Donbas se faisaient massacrer par leur propre gouvernement. La russie a fini par agir. Ce clown de zelensky a été placé là pour faire la guerre et la préparer.

Tout cela pour le bénéfice de l’état profond (je me comprends) avec le sang des braves ukrainiens.

Et on aurait du le traiter gentiment? Mais putain sur quelle planète vit ce mec ???? »

Le boniment du « massacre des populations du Donbas » a été réfuté plusieurs fois, y compris par le mercenaire russe Evguéni Prigojine.

 

https://x.com/DrEdBroussalian/status/1885551036451922340

« De la pédophilie aggravée [allusion à Brigitte Macron, qui n’a eu aucune relation charnelle avec son célèbre élève tant que celui-ci était mineur] puisqu’il y a une relation de subordination.

Et vive la Russie de tout [sic] manière. L’aire [sic !] devient irrespirable par ici. »

 

Édouard Broussalian, « Réponse à une tribune sur les Azéris », Francesoir (blog complotiste, qui a perdu son statut de journal en ligne et a été condamné pour diffamation), 13 mars 2022 :

« Premier indice important à considérer : sur mille ans, si nous faisons la liste comptable des atrocités commises, la balance penche quasi exclusivement vers le côté Turc/Azéri. […]

Finalement, l’article de M. Medina se résume à de la propagande pro-azérie, ce qui est indigne d’un journal comme FranceSoir, le seul qui se soit battu avec courage devant le délire Covid. Une rétractation en grandirait l’auteur. »

 

M. Broussalian figurait parmi les parties civiles représentées par l’avocat Philippe Krikorian en 2013, pour tenter de contraindre le gouvernement français à faire voter une loi liberticide sur la tragédie de 1915-1916. Cette action a été rejetée par le tribunal administratif de Marseille, puis par la cour administrative d’appel d’Aix-en-Provence. Le même Philippe Krikorian s’est signalé, en 2020, comme un des plus ardents défenseurs de l’hydroxychloroquine comme traitement contre la covid 19, or, outre que son efficacité était déjà plus que douteuse à l’époque, il a été confirmé depuis que cette traitement était contre-productif, ce qui a valu deux ans d’interdiction d’exercer la médecine au Dr Didier Raoult.

 

Lire aussi, sur les origines de ces vomissures :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le rôle de l’URSS et de l’ASALA dans la réactivation des thèmes antisémites et antimaçonniques du nationalisme arménien

La remarquable complaisance d’Aurore Bruna pour l’antisémitisme visant Kemal Atatürk

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

1897 : le choc entre le loyalisme juif à l’État ottoman et l’alliance gréco-arménienne

Arthur Tchérep-Spiridovitch : arménophile militant, antisémite professionnel, raciste aryaniste et inspirateur du nazisme

Les massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)

 

Sur l’inféodation du nationalisme arménien à l’expansionnisme grand-russe :

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

Le consensus poutiniste chez les nationalistes arméniens

Jean-Marc « Ara » Toranian relaie la désinformation russe contre l’Ukraine et la Turquie

L’hostilité intangible des nationalistes arméniens à l’égard de l’Ukraine

Les séparatistes arméniens de Khankendi (« Stepanakert ») hissent une nouvelle fois des drapeaux russes

La rage ukrainophobe des nationalistes arméniens : des exemples en septembre 2023

 

Par contraste :

L’aide turco-azerbaïdjanaise à l’Ukraine contre l’invasion russe

 

Sur la question des massacres :

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Nationalisme arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils musulmans

L’exaspération de Lord Curzon face à la politique de purification ethnique mise en œuvre par l’Arménie (1920)

 

Sur l’antisémitisme arménien ces dernières années :

Les dachnaks (nationalistes arméniens) s’identifient une fois de plus au terrorisme palestinien

La page Instagram « Arménie France » revendique son antisémitisme, son antisionisme et sa violence

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

Une association juive américaine dénonce l’antisémitisme de Dan Bilzerian

Alain Soral de nouveau mis en examen : rappels sur Jean Varoujan Sirapian et le soralisme

Facebook censure les pages de Dieudonné M'Bala M'Bala : Gérard Boyadjian entonne l’air du « privilège juif »

L’obsession des nationalistes arméniens pour le « complot judéo-maçonnique derrière le CUP » : un exemple en octobre 2022

Des partisans de Robert Kotcharyan se revendiquent d’Adolf Hitler

jeudi 5 juin 2025

Le rôle de l’URSS et de l’ASALA dans la réactivation des thèmes antisémites et antimaçonniques du nationalisme arménien




Résumé : dans le cadre d’une production antisémite très abondante en URSS entre les années 1960 et 1980, et d’un soutien de l’URSS au nationalisme arménien à partir du milieu des années 1960, John Guiragossian (Kirakosian), dirigeant clé de la République soviétique d’Arménie, a publié, en arménien en 1982 puis en russe en 1983, un ouvrage accusant l’Empire ottoman de « génocide », et reprenant la théorie du « complot des banquiers juifs derrière le sultan Abdülhamit » et celle du « complot judéo-maçonnico-dönme derrière le Comité Union et progrès ». La très prosoviétique Armée secrète pour la libération de l’Arménie (ASALA) a publié en 1985 une traduction française. En Arménie comme dans la diaspora, très au-delà des seuls soutiens de l’ASALA, et jusqu’à nos jours, ce livre est présenté comme une référence solide.

 

Un peu de contexte pour commencer :

Nicolas Lebourg, Le Monde vu de la plus extrême droite, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2010, pp. 137-138 :

« L’U.R.S.S. consacre le maximum de sa production propagandiste, au-delà même de ce qui est consacré aux “déviances” marxistes-léninistes, à la dénonciation du “sionisme” : entre 1967 et 1978, cent quatre-vingt ouvrages antisémites-antisionistes sont publiés, dont environ une cinquantaine de thèses universitaires, ainsi que plusieurs milliers d’articles dans la presse officielle.

En 1969, Prudence : Sionisme, fantasmant sur l’alliance entre sionistes et nazis, et sur l’équivalence doctrinale entre sionisme et nazisme, est tiré à cinq cent mille exemplaires. Cette pente dialectique mène l’U.R.S.S. à être, à la fin des années 1970, le premier éditeur mondial d’écrits sur les complots des “sages de Sion”. Elle essaime ainsi sa dialectique. »



Araignée « sioniste » à Moscou, 9 mai 1972 (copiée de l’« araignée juive » de la propagande nazie)

 

Allons-y maintenant.

 

Claire Tréan, « Un problème de compétence plus que de complaisance », Le Monde, 8 novembre 1986 :

« On ne peut enfin évoquer le problème du terrorisme en Grèce sans une allusion au Mouvement populaire arménien, un groupe apparemment peu nombreux, qui a pignon sur rue à Athènes et qui n'est autre, de l'avis général, que la couverture légale de l'ASALA. Ce groupe, qui semblait moins actif depuis quelque temps, s'est fait à nouveau remarquer ces dernières semaines, avec le Comité de soutien aux prisonniers politiques arméniens (CSPPA), par des conférences de presse au cours desquelles il a justifié les attentats commis à Paris. Il propage une abondante littérature en diverses langues (arménien, grec, français, anglais, arabe, iranien), de ton extrêmement violent, très antifrançaise et toujours antisémite. Une des brochures s'intitule le Rôle du sionisme dans le génocide arménien, et on a même trouvé à Atatürk un lointain ancêtre juif de Salonique... »

 

Le Rôle du sionisme dans le génocide arménien, Athènes, ASALA, 1985 (les nombreuses fautes de français sont dans l’original) :

« Pendant la période la plus favorable pour l’animation de la Cause Arménienne, au début de la première guerre mondiale, les impérialistes et les sionistes avaient déjà endormi les notables arméniens avec de belles mensonges. Une partie de ceux-là était attirée par ses rêves bourgeoises [sic] ; tandis que l'autre partie avait pris volontairement la voie du trahison envers le peuple arménien. Le résultat fut le carnage d’un million et demi d’arméniens, le pillage de leurs richesses matérielles, et la formation définitive de l’occupation de l’Arménie Occidentale en la transférant de l’Empire Ottoman, à la république Kémaliste ... Jusqu’à le [sic !] fascisme militaire Evrénien. Cette belle somnolence organisée par les états impérialistes occidentaux qui se nourrissaient tous d’un même chaudron, le sionisme ; par l'intermédiaire des loges Francs-Maçonniques existantes dans leurs pays.

À côté de la lutte armée de libération, l’A.S.A.L.A. a entamé déjà avec son organe “HAYASTAN” et avec d’autres publications la révélation du grand secret historique, qui consiste de faire parvenir massivement au peuple la réalité qui fut la cause pour parvenir à la situation actuelle de la grande partie des arméniens de l’ouest en se dispersant sur toute l’étandue du monde dans des conditions infernales.

Les sionistes étant les organisateurs et les metteurs en éxécution éffectifs du grand massacre des arméniens, ils allaient établir naturellement un mur de silence comploteur contre la Cause Arménienne sur le plan international, pour qu’avec le temps en assimilant et en dégénérant les arméniens de la diaspora et même les arméniens de l’Arménie aussi, s’ils l’auraient pu, pour mettre fin au problème de l’Arménie occidentale et à la question arménienne en général - en enterrant définitivement l’Arménie et les arméniens. » (p. 4)

« Avec le travail écrit du feu Professeur John Guiragossian [aussi translittéré en Kirakosian], ex-ministre des Affaires étrangères de l’Arménie soviétique [de 1975 à sa mort, dix ans plus tard], l’œuvre titré[e] : “Les Jeunes-Turcs devant le tribunal de l’histoire”, Erevan, 1982, il mettait directement son doigt sur la plaie, en diffusant la lumière sur les moyens infâmes dont les sionistes ont procédé dans l’organisation des massacres de masses arméniennes. » (p. 5)

« Le Département d’information de l’A.S.A.L.A., en prenent [sic] en considération l’indispesabilité [sic : le caractère indispensable] de faire parvenir cette vérité aux masses arméniennes, voici qu’il republie la partie du travail du Professeur John GUIRAGOSSIAN, cette partie qui englobe les complots des sionistes contre notre nation dans l’intention de son extermination. » (p. 6)

 

Commentaire : Par conséquent, les citations suivantes sont du dirigeant soviétique John Guiragossian, et non plus de l’ASALA.

 

« Les sionistes jouaient déjà un rôle détérminant dans la vie politique de l’empire ottoman, surtout dans la politique anti-arménienne que le sultan AbdulHamid II pratiquait depuis les années 90 du 19ème siècle. Les dirigeants sionistes essayaient de se servir de tous les moyens possibles pour réaliser leur propre projet. De-même ils essayaient de profiter de la question arménienne et de l’antagonisme international propagé autour d’elle. […]

Le mouvement jeune-turc encore dans son berceau avait déjà des sympathisants et des protecteurs juifs. Mais avant de passer à clarifier ce problème, essayons en quelques mots de décrire les liens de dirigeants sionistes avec le pouvoir du sultan à propos de la question arménienne. Rappelons aussi au lecteur que les plus sombres parties du problème jusqu’aujourd’hui encore ne sont pas claires. Quoique ces dernières années des pages d’histoire jusqu’aujourd’hui confuses, sont devenues des propriétés publiques ; cela grâce à la publication des éléments d’archives dans différents pays.

Déjà, en 1898, Arpiar Arpiarian [membre du parti nationaliste arménien Hintchak] avait écrit que “Le Judaïsme n’a pas d’armée mais il a de l’argent. De grands talents juifs brillent en Europe, sa force est énorme. Chaque Etat est plus ou moins sous la domination juive” (15b, N° 20, 1898).

Le père du sionisme, Herzl, avait établi des liens étroits avec Abdul-Hamid II. En 1979, à l’initiative de N. Hovhannessian fut présenté à l’attention publique l’article de l’historien arabe Marouan Bouheïry “Théodore Herzl et la question arménienne” (71), qui décrivait précisément le sale rôle joué par les sionistes pendant la période difficile des arméniens de l’ouest. Le guide des sionistes essayait de profiter de la question arménienne pour fondamentaliser les objectifs politiques du mouvement qu’il dirigeait. En Europe il tentait de convaincre les comités révolutionnaires arméniens de se soumettre au sultan. Il essayait de parvenir à cela, pour que la presse européenne n’écrive pas en faveur des arméniens, et ne donne pas d’importance à la question arménienne. » (p. 8)

« Certains journaux français, justifiaient le gouvernement turc, l’armée et les fonctionnaires; ils surnommaient les arméniens d'agitateurs et sujets déloyaux. Sabah Kulian [Stepan Sabah Kulian, dirigant du parti nationaliste arménien Hintchak] écrivait à propos des rapports de ces journaux avec l'ambassade de la Turquie. Il démontre qu’à la direction du “Journal des Débats” se trouvaient des capitalistes juifs [le Journal des débats était contrôlé par la famille Colas et par Étienne Bandy de Nalèche, qui n’étaient pas juifs], qui reconnaissaient le turc comme leur ami “et qui” considéraient la défense de la Turquie une forme de patriotisme juif (15a, No 149, 1895). En parlant à propos de certains députés juifs de la grande Assemblée Nationale Française, Sabah Kulian avait écrit que “ Sans éxeptions ils sont tous, plus que le turc des ennemis aux arméniens” (15a, N° 202, 1895). 

Le journalisme bourgeois juif presque sans exeption présentait les arméniens comme des demi-sauvages, des brigands” . Le dommage de cette presse était trop grand pour la cause arménienne. Ainsi avait écrit le journal “Haïg” de New-York (11a. N° 9 page, 139-140).

Les journaux “Kôlniche Zeïtung” et “Berliner Bakerbaald” étaient entre les mains des juifs au détriment du problème des arméniens [outre que le nom du second journal est Berliner Tageblatt, rien n’indique que ces journaux aient appartenu à des Juifs : ils ont été mis au pas en 1933, en tant que journaux défendant la démocratie, mais jamais « aryanisé » ; il ne semble pas les nazis eux-mêmes aient affirmé que les rédacteurs juifs y jouaient un rôle particulier]. Le journal “Berliner Bakerbaald” “était plutôt l’organe de l'ambassade turque que celui du parti Libéral allemand”. Ce journal renia [encore une faute de français : il eût fallu écrire « démentit »] les massacres des arméniens, il présenta les arméniens comme “Des révoltés rêveurs d’indépendance”. “Kôlniche Zeïtung” a écrit que “Le sultan, homme tendre était un monarque éclairé et libéral, qui voulait la quiétude et l'amélioration de la situation de tous ses sujets” ; envers lui les arméniens étaient des ingrats (11a. No 9, 1896, page 139). » (pp. 14-15)

 

Commentaire : il est particulièrement intéressant de noter que le complotisme antisémite était déjà prégnant chez les nationalistes arméniens (du moins les hintchakistes) dans les années 1890, et que le mythe du « complot judéo-maçonnico-dönme derrière le Comité Union et progrès » n’est qu’une variante d’un mythe inventé contre le sultan Abdülhamit II dans les années 1890.

 

« En profitant de la concurrence éxistante dans l’état ottoman entre les bourgeoisie arméniennes et juives dans les carrières du commerce et d’agencement ; les jeunes-turcs ont mis avec habileté à leur profits les services anti-arméniennes des sionistes. D’abord, les sionistes de tendance germano-turque avaient encore l'espoir de créer une Palestine autonome sous la protection du pouvoir Jeune-turc de la Porte Sublime.

Par la suite l’évacuation des arméniens hors des circuits commerciaux du Levant, devait être aussi avantageuse pour le capital juif. » (p. 17)

 

Commentaire : ce passage reprend de façon explicite l’antisémitisme socio-économique de certains Arméniens (et plus généralement de certains chrétiens) dans l’Empire ottoman tardif, les entrepreneurs juifs étant alors des concurrents relativement nouveaux, et jouissant d’une meilleure réputation quant à leur honnêteté.

 

« L’un des principaux théoriciens des jeunes-turcs le docteur Nazem était d’origine juif [le docteur Nazım n’était pas d’origine juive] ; en compagnie d’un juif crypto de Salonique (Fayek-Bey Toledo) [je n’ai pas trouvé à qui Guiragossian pensait] il avait visité la branche parisienne de l’organisation juive connue, pour précipiter l’écoulement vers la Mésopotamie des groupes juives [les sionistes n’avaient pas de plans pour une émigration vers la Mésopotamie ; les Jeunes-Turcs, comme Abdülhamit II, favorisaient l’immigration juive dans l’ensemble de l’Empire ottoman, sans vouloir la concentrer sur une région] (78, page, 99) » (p. 22)

« Lowther [diplomate britannique obsédé par les théories du complot] a démontré que les juifs avaient pris en main les points pivotables du mécanisme du gouvernement jeunes-turc [affirmation dénuée de toute apparence de fondement]. Ils ont fait des efforts pour prendre en main le ministère des travaux publics aussi ; mais celui-là a été livré à Halladjian Effendi, et cela pour la seule raison, qu’après le carnage d’Adana il a été indispensable politiquement de laisser entre les mains d’un arménien n’importe quelle portefeuille ministerielle [affirmation grotesque : entre la révolution jeune-turque de juillet 1908 et les affrontements et les massacres réciproques d’Adana et ses environs, en avril 1909, Gabriel Norandounkian avait été ministre du Commerce]. Halladjian consolida sa position lorsqu’il s’est fit inscrire comme membre à la Loge FrancMaçonnique dirigée par Talaat et Djavid. […]

Moustafa Kemal était dans les rangs actifs des sionistes jeunes-turcs de Salonique [affirmation absurde : n’étant pas, contrairement à une légende tenace, de famille juive, Kemal n’avait aucune raison de militer dans une organisation sioniste et n’en a jamais fait partie ; son appartenance à la franc-maçonnerie avant 1914 est possible, mais n’a jamais été prouvée]. Il lui était donné le nom frère de Vetouza Loge. La “Loge” était une partie de l’organisation nihiliste intérnationale [les nihilistes étaient un mouvement spécifique à l’Empire russe et n’a jamais créé d’organisation « internationale »], dans laquelle existaient beaucoup de gens qui avaient perdu leur citoyenneté, leur face nationale, qui parlaient des massacres anti-juifs de la Russie, ou bien à propos des juifs riches de Vienne. […]

« Le professeur d’histoire de l’université de Téhéran Ismaïl Rahine a écrit à propos de la coopération antiarménienne entre les sionistes et les jeunes-turcs [il semble que cet ouvrage soit paru en 1972, donc bien avant la révolution islamique, et pourrait donc relever d’un antisémitisme racial, comme dans les années 1930]. En reconnaissant comme les responsables des massacres arméniens les jeunes-turcs, les allemands, le nationalisme turc, et le panturquisme: l’histoien iranien invite [sic : en bon français, on dit « attire »] l’attention du lecteur sur le rôle négatif des personnages influents juifs de l’empire ottoman. Il mentionne du livre d’un français, “le Dernier bal”, les pages 1-36 et 46-86 où sont inscrites des preuves et des démonstrations à propos des activités anti-arménienne du sionisme international [référence au Dernier bal du grand soir, ouvrage frénétiquement antisémite, publié à Beyrouth en 1957, sous le pseudonyme de Pierre Hépess, par un Arménien libanais, nostalgique du régime de Vichy et même du Troisième Reich]. […]

Ismail Rahine démontre que le plan des turcs était d’éloigner le “danger” de l’Arménie de la voie de l’expansionisme panturquiste afin d’établir des rapports par-dessus l’Azerbaidjian avec l’Asie centrale » (pp. 23-25)

 

Rien n’autorise à prétendre que ces thèses ouvertement antisémites et antimaçonniques n’auraient qu’une audience limitée. La revue Ararat, organe, aux États-Unis, du parti nationaliste arménien Ramkavar (lequel contrôle aussi l’Armenian Assembly of America, l’un des deux principaux groupes arménien de pression politique outre-Atlantique), a publié, dans son numéro du printemps 1988, un compte-rendu nettement positif du livre de John Guiragossian, sans critiquer, si peu que ce fût, la théorie du « complot judéo-maçonnique » qui structure ce volume. Il est également cité, comme si c’était un livre de référence, dans L’Actualité du génocide des Arméniens, Maisons-Alort, Edipol, 1999 (pp. 279 et 290) — c’est-à-dire dans l’ouvrage collectif suscité par la Fédération révolutionnaire arménienne pour justifier la « reconnaissance » inconstitutionnelle du « génocide arménien ». Encore en 2015, la chaîne de télévision arménienne n° 1 a fait l’éloge de Guiragossian, surtout pour ce livre-là. En 2016, Hranush Karatyan, ancienne adjointe au maire d’Erevan, anthropologue de profession, publiait, dans un livret coédité par le ministère allemand des Affaires étrangères (!), un texte où l’ouvrage précité de Guiragossian figure, sans avertissement, en bibliographie.

Le site officiel de l’Église grégorienne arménienne aux États-Unis a publié en 2020 une biographie entièrement favorable de John Guiragossian, où l’on lit, notamment, que son ouvrage ouvertement antisémite de 1982 a été traduit en anglais en 1992, donc après la chute du régime communisme. Cette traduction figure, sans commentaire, dans une bibliographie du Zoryan Institute, association satellite de la Fédération révolutionnaire arménienne. Elle figure aussi, sans commentaire non plus, dans une bibliographie établie par Claire Mouradian et publiée par la… Revue d’histoire de la Shoah (ce qui en dit long sur l’ignorance du comité de rédaction quant à la question arménienne).

La traduction est citée plusieurs fois par une certaine Patricia Marchak, dans son livre Reigns of Terror, publié en 2003 par l’université canadienne McGill-Queen, supposée la plus sérieuse du pays. Encore en 2007, Richard G. Hovannisian, l’un des deux principaux diffuseurs du nationalisme arménien dans le monde universitaire nord-américain, citait sans précaution et de façon positive le livre antisémite et antimaçonnique de Guiragossian. Et ce ne sont là que des exemples parmi d’autres.

En 2009, un livre (évidemment favorable) consacré à Guiragossian a été publié et présenté à la Bibliothèque nationale d’Arménie, laquelle lui avait précédemment consacré une exposition. Une médaille et une école portent également son nom.

 

Lire aussi, sur le caractère central et structurant du thème antijudéomaçonnique dans la littérature nationaliste arménienne et assimilée :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

L’antisémitisme de Mevlanzade Rifat, nationaliste kurde, menteur et référence du nationalisme arménien contemporain

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

L’Entente libérale (référence des « historiens » défendant le nationalisme arménien) : antijudéomaçonnisme, racisme antitsigane, putschisme, etc.

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

Le regard sans complaisance de Nune Hakhverdyan et Arman Grigoryan sur la situation intellectuelle en Arménie et en diaspora

Alain Soral de nouveau mis en examen : rappels sur Jean Varoujan Sirapian et le soralisme

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

L’obsession des nationalistes arméniens pour le « complot judéo-maçonnique derrière le CUP » : un exemple en octobre 2022

 

Sur la politique soviétique :

1915 : le Premier ministre arménien ébrèche le tabou du « génocide »

L’alliance soviéto-nazie (1939-1941) et les projets staliniens contre la Turquie

L’agitation irrédentiste dans l’Arménie soviétique à l’époque de l’alliance entre Staline et Hitler

La participation de la Fédération révolutionnaire arménienne à la répression sanguinaire des Soviétiques contre les patriotes d’Asie centrale en 1918-1919

 

Sur le contexte des années hamidiennes et jeunes-turques :

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

1897 : le choc entre le loyalisme juif à l’État ottoman et l’alliance gréco-arménienne

L’antisémitisme arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien

Le rôle des Arméniens loyalistes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale

Le loyalisme constant de Manuk Azaryan envers les Turcs

 

Sur le déplacement forcé :

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Le 24 avril 1915 : mythe, réalités, contexte

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Talat Pacha et les Arméniens

Les destins parallèles de Simon Petlioura et Talat Pacha

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

mardi 3 juin 2025

Le courageux historien Pierre Nora : admiré par ses pairs, haï par les fanatiques arméniens

 



« L’historien Pierre Nora est mort », Le Monde, 3 juin 2025 :

« Son nom restera surtout attaché à l’une des productions historiographiques les plus innovantes des quarante dernières années : Les Lieux de mémoire, entreprise gigantesque de sept volumes, publiés entre 1984 et 1993. Grand maître d’œuvre, il mobilisa 130 historiens, dont Raoul Girardet, Maurice Agulhon, Antoine Prost et Pascal Ory, pour décrypter notamment les symboles de la République (les trois couleurs, le calendrier républicain, La Marseillaise) et ses monuments (le Panthéon, la mairie, les monuments aux morts).

La réputation des Lieux de mémoire fut vite établie. René Rémond en fit l’éloge. “C’est notre Légende des siècles. Cathédrale de la mémoire, pyramide édifiée à l’histoire.” Pierre Nora était le “sourcier de l’identité française”, selon l’expression de Mona Ozouf. Outre une traduction américaine, Rethinking France, des adaptations furent publiées en Espagne, en Allemagne et en Italie. »

 

Pascal Ory, déclaration à France Inter, 3 juin 2025 :

« Le personnage le plus impressionnant qui soit pour un jeune historien. […] Je pense qu’il il n'y a pas d'équivalent à Pierre Nora dans l’histoire française de l’Histoire. »

 

« France : l'historien Pierre Nora, membre de l'Académie française, est décédé », Rfi.fr, 3 juin 2025 :

« Un temps directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), puis enseignant à Sciences Po Paris, Pierre Nora est élu à l'Académie française en 2001. Au cours de sa vie, le lauréat du Grand prix national d'histoire 1993 a inscrit plus de 700 titres chez Gallimard. Un parcours retracé déjà dans une biographie parue de son vivant, celle d'un homme avide de curiosité, accoucheur d'idées, sacrifiant ses passions pour faire écrire les autres.

Sa disparition a suscité nombre d'hommages du monde de la littérature et des représentants politiques. La librairie Mollat, fleuron de la librairie indépendante, salue une “figure essentielle de la vie intellectuelle de la seconde moitié du XXe siècle”. Rachida Dati, la ministre de la Culture, évoque un « cartographe de la France et de la façon dont les souvenirs bâtissent notre identité commune ». Le président de la République, Emmanuel Macron, écrit à propos de Pierre Nora : “Éditeur des voix de courage, historien de notre imaginaire, il fit de la mémoire une discipline pour le plus grand nombre. Écrivain du temps perdu, de la Nation imaginée, de la France tant aimée.” »

 

Pierre Nora, « Gare à la criminalisation générale du passé ! », Le Figaro, 17 mai 2006 :

« La tempête déclenchée, il y a quelques années en France, autour de Bernard Lewis relève du terrorisme intellectuel. »

 

Appel de Blois lancé en 2008 par Pierre Nora :

« L'Histoire ne doit pas être l'esclave de l'actualité ni s'écrire sous la dictée de mémoires concurrentes. Dans un Etat libre, il n'appartient à aucune autorité politique de définir la vérité historique et de restreindre la liberté de l'historien sous la menace de sanctions pénales.

Aux historiens, nous demandons de rassembler leurs forces à l'intérieur de leur propre pays en y créant des structures similaires à la nôtre et, dans l'immédiat, de signer individuellement cet appel pour mettre un coup d'arrêt à la dérive des lois mémorielles.

Aux responsables politiques, nous demandons de prendre conscience que, s'il leur appartient d'entretenir la mémoire collective, ils ne doivent pas instituer, par la loi et pour le passé, des vérités d'Etat dont l'application judiciaire peut entraîner des conséquences graves pour le métier d'historien et la liberté intellectuelle en général.

En démocratie, la liberté pour l'Histoire est la liberté de tous. »

 

Pierre Nora, « Lois mémorielles : pour en finir avec ce sport législatif purement français », Le Monde, 28 décembre 2011 :

« On ne pouvait imaginer pire [que le texte voté par l’Assemblée nationale en décembre 2011 et censuré par le Conseil constitutionnel en février 2012]. Et si le Sénat devait confirmer cette funeste loi sur "la pénalisation de la contestation des génocides établis par la loi", ce sont les espoirs de tous ceux qui ont désapprouvé la généralisation des lois mémorielles et tous les efforts de l'association Liberté pour l'histoire depuis 2005, qui se trouveraient anéantis. A peine y avait-il une cinquantaine de députés en séance pour voter à main levée. Je ne doute pas que les plus conscients d'entre eux ne tarderont pas à se mordre les doigts devant les conséquences de leur initiative. L'ampleur du désastre est telle qu'il faut reprendre la question à zéro.

[…]

Ce qui frappe dans la loi adoptée le 22 décembre, son urgence, son téléguidage par l'Élysée, c'est le cynisme politicien, la volonté de couper l'herbe sous le pied d'une initiative parallèle de la gauche au Sénat, son arrière-pensée d'en finir avec toute candidature à l'UE de la Turquie, ainsi diabolisée, et pratiquement "nazifiée".

Il en va de même de la notion de crime contre l'humanité, associée dans la loi à celle de génocide. La notion est entrée dans le droit en 1945 au procès de Nuremberg, et son imprescriptibilité signifiait qu'aucun des auteurs du crime n'était à l'abri de poursuites jusqu'à sa mort. On l'a vu pour les nazis. Mais l'Arménie ? Aucun des acteurs n'étant encore en vie et le crime datant de près d'un siècle, faut-il que ce soient les historiens qui en portent la responsabilité ? Comment ceux-ci pourraient-ils travailler sur un sujet désormais tabou ? »

 

Déclaration à La Nouvelle République, 15 octobre 2011 :

« Je suis un attaqué permanent. Il y a un an, alors que des Arméniens manifestaient au Sénat en faveur de la “Gayssotisation” de la loi [il s’agit de la proposition de loi Masse, rejetée par le Sénat en mai 2011], on a vu une banderole “Nora est le Himmler des Turcs”. Bernard-Henry Lévy m’en a fait une photo. »

Remarque : cette manifestation était organisée par le Conseil de coordination des associations arméniennes de France, déjà présidé par Jean-Marc « Ara » Toranian et Franck « Mourad » Papazian ; rien n’indique les organisateurs ont demandé aux porteurs de la banderole de la replier.


https://x.com/N_Kechichian/status/1447005344383873025 

« Simone Veil, Pierre Nora, Robert #Badinter... Des fossoyeurs de mémoire, de petits laquais qui ont rendu service aux negationnistes du génocide des Arméniens. Leurs insultes aux martyrs de 1915 ne resteront pas impunis. De + en + de voix s'élèveront pour dénoncer leurs saloperies. »


https://x.com/YerazYera/status/1929853119002820958 

« Cette phrase de Pierre Nora illustre l’élitisme mémoriel de certains intellectuels français, qui ont nié le terme génocide aux Arméniens, aux Rwandais ou aux Cambodgiens pour préserver l’“unicité” de la Shoah.

Souffrance hiérarchisée, mémoire instrumentalisée. 

Il est enfin mort ce jour. Il devra rendre des comptes à tous ceux qui sont morts dans ces génocides niés. »

 

Lire aussi, sur le fanatisme des nationalistes arméniens en France et ailleurs :

Le terrorisme arménien (physique et intellectuel) envers des historiens, des magistrats, des parlementaires et de simples militants associatifs

Avril 2001 : le boucher d’Orly libéré après le vote de la loi inconstitutionnelle « portant reconnaissance du génocide arménien »

L’affaire Bernard Lewis (1993-1995)

L’affaire Gilles Veinstein : la liberté des historiens attaquée

Le terroriste d’extrême droite Franck « Mourad » Papazian s’en prend à TF1 ; deux de ses lecteurs appellent au meurtre ; un seul commentaire est effacé

Un nostalgique de l’ASALA menace de mort des journalistes français

 

Sur la tragédie de 1915 :

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Talat Pacha et les Arméniens

Les destins parallèles de Simon Petlioura et Talat Pacha

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

L’évolution et les remords d’Arnold Toynbee

L’évolution et les remords de James Barton

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

 

Sur la perception de la question arménienne en France :

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

L’arménophile Francis de Pressensé sur l’impossibilité démographique du séparatisme arménien en Anatolie (1895)

Les milieux coloniaux français face à la fin de l’Empire ottoman, au conflit turco-arménien et au conflit turco-grec

L’hostilité de l’opinion française (presse, Parlement) au traité de Sèvres (Grande Arménie incluse)

La gauche française et la question turco-arménienne dans les années 1920

Le soutien public d’Henri Rollin (officier de renseignement) aux conclusions de Pierre Loti

L’évolution d’Émile Wetterlé sur la question arménienne et les Turcs

Le dachnak Haytoug Chamlian vitupère la politique de paix du Premier ministre arménien et injurie la majorité de ses compatriotes (diaspora incluse)

    Haytoug Chamlian, « Non! à cette Arménie » , armenews.com , 8 juin 2025 : « Il y a des Arméniens dans ce monde, qui ne veulent PAS d...

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