dimanche 29 mars 2020

Patrick Devedjian et le négationniste-néofasciste François Duprat





François Duprat (1940-1978) fut cofondateur du Parti nationaliste français en 1959 (dissous une semaine après sa déclaration en préfecture), du groupuscule néofasciste Occident en 1964, la tête pensante du mouvement Ordre nouveau (continuation d’Occident) à partir de 1969, cofondateur du Front national en 1972 puis idéologue et stratège du parti de 1974 à sa mort (attentat à la voiture piégée). Dès son adolescence, l’antisémitisme fut son substrat idéologique. Bien avant Robert Faurisson (qui lui a largement emprunté ses idées), il a répandu le négationnisme, le vrai, c’est-à-dire la contestation de l’existence de la Shoah en général et des chambres à gaz en particulier.

Abel Mestre et Caroline Monnot, « La “folle jeunesse” de Madelin et Devedjian revient sur le devant de la scène », Lemonde.fr, 26 février 2010 :
« Dans son livre paru en 2005 au Seuil, Génération Occident, Frédéric Charpier raconte : “Une vingtaine d'individus, blousons et manteaux de cuir noir a transpercé le brouillard. Ils brandissent des barres de fer, l'un d'eux, un trident. Ils hurlent “Occident vaincra, Occident passera, De Gaulle au poteau!”, se ruent avec une hargne incroyable sur les porteurs de pancarte du Comité Viet-Nâm et s'emparent du drapeau Viet-Cong. [...] Certains militants agressés ne se relèvent pas. Ils gisent à terre au milieu des débris de verre, des boulons des barres de fer et des chaises tordues, dans des flaques de sang. Un militant de la JCR, Serge Bolloch [qui deviendra journaliste au Monde] est dans le coma. Un coup de clé anglaise lui a enfoncé la boîte crânienne. On retrouvera dans sa chair un éclat de métal, c'est dire avec quelle violence le coup a été asséné.
L'enquête de la police à la suite de ce raid crée un climat de suspicion généralisée dans le groupe. Chacun soupçonne l'autre d'avoir parlé. François Duprat est d'ailleurs frappé et pourchassé. Des interrogations se font jour sur Patrick Devedjian. Un piège lui est tendu. “Il est convoqué rue Soufflot prétendument pour une réunion. A peine a-t-il franchi le pas de la porte qu'il est frappé, déshabillé, jeté dans une baignoire. Quatre de ses camarades l'accusent d'avoir balancé aux flics et l'immerge sous l'eau. Ils veulent lui faire signer des aveux”, raconte encore Frédéric Charpier. M. Devedjian parviendra à s'échapper en sautant par la fenêtre. Et sera ramassé par les policiers. »

François Duprat, « Le mystère des chambres à gaz », Défense de l’Occident, n° 63, juin 1967, p. 30 :
« Suite à une attaque lancée par Le Monde contre le NDP, le 10 mai, ce journal [Le Monde] vient d'annoncer dans un discret entrefilet que l'assertion des militants NPD, selon laquelle: “Aucun camp de concentration comportant une chambre à gaz n'a existé sur le territoire du Reich” est exacte.
Citant la déclaration de l'Institut d'Histoire Contemporaine de Munich en date du 19 août 1960: “Il n'y a eu de chambre à gaz en aucun camp de concentration sur le territoire de l'ancien Reich”, Le Monde admet ainsi la remise en cause fondamentale d'une des légendes le plus tenaces de la IIe guerre mondiale.
On ne peut certes qu'admirer l'objectivité du Monde, reconnaissant avec pas mal de retard tout de même, un fait si important.
Mais l'on peut s'étonner à bon droit de voir Le Monde s'arrêter en si bon chemin; les journalistes de ce journal si sérieux n'ont pas d'archives très au point sur la question. Nous allons nous efforcer de leur apporter une telle documentation, qu'ils sauront, nous n'en doutons pas, exploiter avec la même objectivité.
Le SS Oberstummbannführer Sühren a été condamné à mort et pendu pour avoir fait construire et utiliser, à partir de mars 1945 (!) une chambre à gaz dans le konzentration läger de Ravensbruck, situé sur le territoire du Reich Grand-Allemand. Sühren a fait les aveux les plus complets et les Cahiers d'Histoire de la 2e guerre mondiale (Le système concentrationnaire allemand, No 15-16, juillet-septembre 1954) ont étudié en détail l'histoire de cette fameuse chambre à gaz, avec force témoignages à l'appui. Nous pouvons donc considérer que la déposition de Sühren à son procès est un faux pur et simple, probablement extorqué par des moyens douteux.
Les témoignages du Comité d'Histoire de la 2e guerre mondiale sont donc, eux aussi, nuls et non avenus.
Mais tout ceci est fort grave, car si Sühren a été contraint de mentir, d'autres SS n'ont-ils pas été, eux aussi, obligés à altérer la vérité? Si les témoins de Ravensbruck sont des faux témoins, l'historien ne doit-il pas jeter un regard plein de soupçons sur les témoins d'Auschwitz et de Dachau ? »

ð  François Duprat manipulait ici une lettre de l’historien Martin Broszat dans un hebdomadaire allemand (Martin Broszat, « Keine Vergasung in Dachau », Die Zeit, 19 août 1960, p. 16). En réalité, le professeur Broszat affirmait qu’il n’y avait pas eu de chambres à gaz dans certains camps de concentration situés dans les frontières allemandes de 1937 ; mais il n’affirmait en aucune manière qu’aucun camp de concentration de cette sorte n’avait de chambre à gaz.

François Duprat, « L’agression israélienne », Défense de l’Occident, n° 64, juillet-août 1967, pp. 22-25 :
« Les Israéliens sont-ils débarrassés des tares physiques de leur race ? […] En fait, là aussi, il n’y a guère de changements sur le ghetto, sauf un teint moins livide. […]  Israël, un pays débarrassé de la lèpre de l’internationalisme, de cet internationalisme juif, plaie de tous les peuples de ce monde ? Rien de moins vrai : si les Israéliens n’apprécient que modérément leurs frères de l’intérieur, ils savent pouvoir compter en toute circonstance sur la juiverie internationale, toujours prête à entrer en action lorsque les intérêts de la “race élue” sont menacés, n’importe où dans le monde. […]
Bâti sur une injustice et un véritable génocide (car l’expulsion de tout un peuple de patrie est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa “solution finale” du problème arabe. […]
L’exploitation des pseudo “six millions de morts” du national-socialisme a arraché à l’Allemagne fédérale un milliard de dollars depuis 1952. […] Le frénétique impérialisme sioniste se donne libre cours, grisé par son écrasante victoire militaire. […] Le but de la diplomatie juive est donc clair : il faut, pour Tel-Aviv, réaliser le plus vite possible le plus grand Israël, et asservir totalement les peuples arabes. »

ð  François Duprat théorisait ici le triangle antisémitisme-antisionisme-négationnisme, repris par Robert Faurisson à la fin des années 1970 et plus récemment par Alain Soral.

Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, François Duprat, l’homme qui inventa le Front national, Paris, Denoël, 2012 :
« L’antisionisme n’est ici pas séparable de l’accusation de génocide à l’encontre des Palestiniens et du négationnisme. Le sionisme est censé concerner tous les Juifs, il devient le meilleur instrument de la délégitimation antisémite, puisqu’il permet de faire reposer sur celle-ci une rationalité politique et non raciale, et ainsi de contourner l’ombre réprobatrice du judéocide. […]
Pour développer cette propagande, Duprat crée deux structures et prend langue avec divers interlocuteurs. Il constitue un Centre d’études et de documentation des problèmes du Proche-Orient et un Rassemblement pour la libération de la Palestine. » (p. 83)
« En effet, des réunions ont lieu afin de mettre en place un “Front commun antimarxiste” […] Y participent, pour le Mouvement Jeune Révolution, Jean Caunes et Nicolas Kayanakis […] et Patrick Devedjian, en qualité de secrétaire-trésorier du Centre d’études et de documentation des problèmes du Proche-Orient présidé par Duprat. » (p. 91)
« Poursuivis pour coups et blessures au Centre d’Assas, [François] Duprat et [Alain] Robert ont pour avocat P. Devedjian, qui obtient leur relaxe — RGPP, 28 novembre 1972, 3 p. ; idem, 11 décembre 1972 (APP, GAD8 666.293). » (p. 298)
« Ce que [Duprat,] le leader des GNR [Groupes nationalistes révolutionnaires] vise bien est la liquidation du libéralisme politique tel que connu depuis le siècle des Lumières, au profit d’une vision de fusion organique de la communauté du peuple et de l’État. Un point de vue qui justifie son autoqualification comme fasciste, mais qui relève donc de la branche “droite” de ce dernier, soucieuse de sa revanche contre la Révolution française […]. » (p. 223)

Patrick Devedjian, entretien au Monde, 13 février 2005 :
« Je ne me suis jamais caché de mon passé. J’étais d’origine arménienne et c’était aussi une façon, pour moi, de me sentir français. J’étais anticommuniste et, finalement, je n’ai pas changé. Je me suis engagé pour la cause de l’Algérie française. J’ai quitté Occident en 1966, après avoir découvert Raymond Aron. Ce mouvement n'avait rien à voir avec l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen. C'était une autre époque, on ne peut pas comparer. »
Patrick Devedjian parvenait ainsi à cumuler plusieurs mensonges en quelques lignes :
  •   Il a d’abord nié, en 1983, avoir milité, à quelque moment que ce fût, à l’extrême droite ;
  •   Il n’a pas quitté Occident en 1966, de sa propre initiative : il en a été exclu en 1967 (voir plus haut) ;
  •  Les anciens dirigeants d’Occident, après la dissolution de 1968, ont créé, l’année suivante, Ordre nouveau, c’est-à-dire le mouvement qui a créé, en 1972… le Front national (le tout sous l’inspiration de François Duprat). Et le choix de Jean-Marie Le Pen, aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, était justement une première tentative de « dédiabolisation », un national-populiste comme Jean-Marie Le Pen faisant moins peur que les néofascistes à barre de fer d’Ordre nouveau et les vétérans de la collaboration comme Victor Barthélémy.

Il est à relever cependant qu’encore en 2005, Patrick Devedjian ne regrettait rien, ni de son passage à Occident, ni de ses affinités avec François Duprat : bien au contraire, il justifiait son passé au nom de « l’anticommunisme », éternel alibi des fascistes, de même que « l’antifascisme » est celui des staliniens et autres partisans du communisme totalitaire. Voilà qui est très ironique pour quelqu’un qui n’avait que « négationnisme » (quand ce n’était pas « fascisme turc ») à la bouche pour répondre à ses contradicteurs sur le conflit turco-arménien.

Quoi qu’il en soit, tout cela conduit nécessairement à se demander pourquoi Patrick Devedjian s’est tellement acharné contre l'historien anglo-américain Bernard Lewis (encore dans un entretien à Marianne, numéro spécial d'avril 2015) alors qu'il n'a jamais rien dit contre l'universitaire français Xavier de Planhol, dont les conclusions sur le conflit turco-arménien n'étaient pas foncièrement différentes de celles de feu Lewis, et alors que le défunt de Planhol les exprimait de manière au moins aussi nette.


Lire aussi : Patrick Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et antiturc

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