mardi 20 avril 2021

L’antisémitisme de Mevlanzade Rifat, nationaliste kurde, menteur et référence du nationalisme arménien contemporain


 

Résumé : Mevlanzade Rifat (mort en 1930) était un pionnier du nationalisme kurde et de l’alliance de ce dernier avec le nationalisme arménien. En 1929, il publia un livre où il se présentait comme un ancien dirigeant du Comité Union et progrès (CUP, parti autrefois au pouvoir dans l’Empire ottoman), ce qu’il n’avait jamais été. Ce livre reproduit le compte-rendu de réunions imaginaires, notamment une où le CUP aurait décidé d’exterminer les Arméniens. Dans le même livre, ainsi que dans une brochure parue dès 1923, Rifat présentait aussi le CUP comme l’instrument d’un complot juif international. En dépit du parcours de son auteur et de son antisémitisme, Rifat demeure cité de nos jours comme « une source » prouvant le « génocide arménien ».

 

Gwynne Dyer (docteur en histoire militaire ottomane), « Correspondence », Middle Eastern Studies, IX-3, octobre 1973, pp. 379-382 :

« Mevlanzade Rifat n’était pas un Turc mais un Kurde. En outre, il appartenait à la famille Bedrhan, riche et influente, l’une des trois ou quatre principales familles de type féodal au Kurdistan. Il était né à Sulaimani [seule ville où des Kurdes ont attaqué des Juifs, à l’époque ottomane, au nom d’une accusation calomnieuse de « crime rituel »]. À ma connaissance, il n’a jamais été membre de l’Ittihad ve Terakki [Comité Union et progrès, CUP] ; au contraire, à partir de la révolution de 1908, il fut un membre éminent de l’alliance hétéroclite de traditionnalistes, d’anciens ittihadistes qui s’estimaient lésés et de groupes minoritaires qui constituaient “l’opposition” à İstanbul, en dirigeant l’un des principaux journaux d’opposition, Hukuk-u Umumiye autant qu’en appartenant à la Kürt Teavun Cemiyeti [association kurde qui fit la transition entre les révoltes claniques du XIXe siècle et le nationalisme kurde à proprement parler, qui émergea, lui, en 1919].

C’était aussi un membre éminent de la Fedakârane Millet Cemiyeti, créée dans la foulée de la proclamation de la Constitution en 1908 (Hukuk-u Umumiye était son organe officiel). Le parti devint, dès le tout début, un opposant implacable à l’Ittihad [le CUP] ; ses membres étaient politiquement divers, mais ils étaient très souvent kurdes et son opposition à l’Ittihad devint si extrême, jusqu’à entreposer des armes et recruter des fedai [combattants] qu’il fut visé par une descente de police et que bon nombre de ses membres furent arrêtés le 14 janvier 1909. Le procès commença le 24 mars, mais avant qu’il ne fût terminé, le “31 Mart Olayi” [coup d’État raté du 31 mars] conduisit à l’interdiction totale du parti. (Tarik Zafer Tunaya, Türkiye’de Siyasi Partiler. 1859-1952, Istanbul, 1952, pp. 233-239). […]

Après l’élimination de la contre-révolution, Mevlanzade Rifat s’enfuit à Paris. […] D’après un document que j’ai vu, je pense qu’il a passé les années de guerre [1914-1918] à Vienne.

Il doit être clair que Rifat n’était guère en position d’avoir des informations de première main à propos de décisions essentielles et secrètes qui auraient été prises par les dirigeants de l’Ittihad, ni que ce fût un homme méritant d’être cru lorsqu’il produit les “minutes” accablantes de “réunions secrètes” où l’exécution d’un génocide contre les innocents et pacifiques Arméniens aurait été décidés. Mais il y a plus encore à dire sur sa carrière.

Mevlanzade Rifat retourna à Istanbul immédiatement après l’armistice et le 5 novembre 1918, il fonda l’éphémère Radikal Avam Firkasi (Tunaya, pp. 405-406). Cependant, il abandonna rapidement cette entreprise, au profit du séparatisme kurde. Dès le début de la période de l’armistice, il fut un membre éminent du Comité national kurde (Kürt Taali Cemiyeti), qui, dès le 5 janvier 1919, soumit au haut-commissariat britannique son premier mémorandum réclamant l’indépendance du Kurdistan. Il relança aussi son journal, Serbesti. […]

Mevlanzade Rifat arriva en Irak en octobre 1921, bien fourni en argent grec, pour commencer la préparation d’une révolte kurde contre les kémalistes. Les Britanniques d’Irak refusèrent d’encourager cette initiative, et la mission revint, déçue, à Istanbul, à la fin de 1921. Les nationalistes d’Ankara connaissaient cette tentative et en particulier le rôle de Mevlanzade Rifat là-dedans : il dut donc partir de nouveau en exil, en 1922 ou 1923 (FO 371/5068 ; 5069/11 ; 371/6346 et 6347/43 ; 371/6369/12028 ; 371/10089/88/11625). [Gwynne Dyer cite ici la cote de divers documents diplomatiques britanniques, à l’appui de ce qu’il vient d’écrire.]

[…]

Ce fut dans ces circonstances que Mevlanzade Rifat, une des principales figures de la conspiration arméno-kurde [l’alliance de la Fédération révolutionnaire arménienne et du Hoyboun kurde] publia son tract antiturc à Alep en 1929. »

 



 Mevlanzade Rifat, L’Empire ottoman et les sionistes. Les Juifs qui ont ruiné la Turquie, Constanza (Roumanie), L’Institut graphique du journal Dobrogea Juna, 1923 :

« On voit que les troubles qui, depuis des siècles, désorganisent les affaires intérieures et extérieures de l’Empire ottoman, présentent parfois des phases aussi aigües que dangereuses. Surtout, la dictature militaire exercée depuis ces quatorze dernières années emmena la ruine complète du pays. [Parler de « dictature militaire » est particulièrement ironique pour des gouvernements majoritairement dirigés par des civils, comme Talat, et issus d’élections. C’est un gouvernement « libéral », auquel Rifat était d’ailleurs lié, qui a perdu la Macédoine et c’est le Comité Union et progrès qui a repris Edirne en 1913. Enfin, c’est le mouvement national turc, auquel s’est opposé Rifat, qui a vaincu l’Arménie et la Grèce, convaincu l’Italie, dès 1919, puis la France, en 1920-1921, de composer.] Il est naturel que ces troubles aient des fauteurs et qu’il y ait des personnes qui en profitent. Qui sont ces fauteurs, qui sont ceux qui en profitent ? […]

L’histoire ne parle-t-elle pas en détail du rôle joué, pendant le règne du sultan Sélim II, pour le compte des Juifs, par Yassef Nassi [Joseph Nassi] et par sa sœur Rebecca [sic], qui, dans le harem impérial, avait pris le nom de Nour Banou Halimé [il est possible que la sultane Nur Banu fût juive à l’origine, mais elle n’était, en tout état de cause, pas la sœur de Joseph Nassi], ainsi que les millions qu’ils avaient gagnés et les grandes propriétés qu’ils avaient acquises en Palestine ? [Joseph Nassi a loyalement servi l’Empire ottoman, comme bien d’autres Juifs, notamment au XVIe siècle. Rien n’indique qu’il ait été davantage cherché à s’enrichir davantage que la moyenne des dirigeants de son temps, juifs, chrétiens ou musulmans, ottomans ou non.] […]

Les contemporains du règne du sultan Abdül Hamid se rappellent les noms et qualités des Juifs qui, s’étant introduits au palais de Tzitli Kiosk [le palais de Yıldız, probablement] le 17 septembre 1315 (1899), par le chambellan Arif Bey et par le bibliothécaire Hassib Bey, avaient osé proposer ouvertement au sultan une gratification pour l’autonomie de la Palestine. Ces contemporains cherchent la raison pour laquelle les mêmes personnes avaient été chargées de notifier au même sultan son détrônement. [La fameuse délégation notifiant au sultan Abdülhamit II qu’il était destitué ne comptait qu’un seul Juif sur quatre membres : Emmanuel Carasso, les autres étant deux musulmans et un Arménien catholique, Aram Efendi. Rien n’indique que Carasso ait proposé de l’argent à Abdülhamit II contre une autonomie sioniste, ni en 1899 ni à une autre date.]

Vu les mobiles secrets exposés plus haut, reste-t-il de doute que le comité “Union et Progrès”, formé à Salonique, sous la fausse devise de liberté, justice, égalité, fût chargé de ruiner le pays, de jeter la discorde parmi les éléments ottomans, au point de s’entretuer [il s’agit là, évidemment, de rejeter sur les Juifs la responsabilité des massacres réciproques entre Kurdes et Arméniens, pendant la Première Guerre mondiale ; autrement, l’alliance du nationalisme kurde, dont Rifat était un précurseur, avec la Fédération révolutionnaire arménienne eût été impossible à justfier], de travailler pour la réalisation de l’idéal des Juifs et non pour le rétablissement de la Constitution ? » (pp. 1-5)

Faisons une pause. Les passages cités ci-dessus (je n’ai pas tout reproduit pour ne pas avoir à réfuter l’ensemble des contrevérités) suffisent à prouver que l’antisémitisme de Mevlanzade ne visait pas uniquement les Juifs sionistes et ceux qu’il considérait comme tels : sa vision du Juif conspirateur prend des exemples antérieurs de plusieurs siècles à la création de la première organisation sioniste (1882).

 

« Nous [le] voyons, la conséquence de la guerre générale (1) fut désastreuse pour l’Empire [ottoman]. Plusieurs petits États furent fondés sur ses ruines. Le société juive de Sion jeta les fondements du royaume d’Israël. Elle bâtit son foyer en pays arabe, en Palestine. Les Juifs, pour ne pas laisser ce foyer s’éteindre parmi la majorité arabe [rappelons ici que Jérusalem avait une majorité juive avant la création de la première organisation sioniste, en 1882 et que Tel-Aviv fut créée à partir d’un terrain nu] et le transformer en État puissant ont vu la nécessité d’exterminer en Palestine et en Syrie cette majorité [la Syrie ne faisait pas partie des projets sionistes ; et s’agissant des Arabes de la Palestine mandataire, le projet des dirigeants sionistes était de leur donner l’égalité civique dans le futur Israël]. Déjà, pendant les années sanglantes de la guerre mondiale, ils sentirent cette nécessité et travaillèrent à la mettre à exécution.

Je crois qu’on n’a pas oublié la persécution des Arabes de Syrie par les commandants appartenant à l’organisation “Union et Progrès” et qu’on se rend compte maintenant que cette persécution avait pour but la réalisation de l’idéal juif. [Outre que le sionisme n’était pas aussi répandu parmi les Juifs en 1914-1918 qu’aujourd’hui, Cemal Paşa n’a pas « persécuté les Arabes de Syrie », mais réprimé les séparatistes ; et il était le dirigeant du CUP le plus opposé au sionisme, bien qu’il fût favorable à l’immigration juive en tant que telle.] 

Cependant, l’armistice fut conclu avant que l’œuvre d’extermination fût arrivée au point désiré. La création du foyer juif en Palestine vient d’augmenter l’importance de cette œuvre.

Les Juifs avaient compris qu’ils ne pourraient pas vivre et se développer, comme ils le désiraient, parmi la majorité arabe. Ils pensèrent que l’unique moyen, c’était de préparer en Anatolie une armée turque “indépendante” et se trouvant sous leurs ordres [sic], pour l’employer, au besoin, à cette œuvre d’extermination. Ils procédèrent à la mise à exécution de ce projet sans que le monde en ait pris connaissance. En Europe, ils employèrent leurs secrètement des influences auprès des puissances de l’Entente et ils firent créer l’incident connu de Smyrne [ce passage délirant se réfute de lui-même]. Ils réussirent à faire envoyer en Anatolie — avec des vastes pouvoirs — contre l’incident créé, et sous le couvert d’une résistance légitime, Moustafa Kemal Pacha, homme de leur confiance, en trompant le sultan Vahid Eddin et en gagnant à leur cause quelques-uns de ses ministres. [La décision d’envoyer Kemal (Atatürk) en Anatolie est antérieure au débarquement grec du 15 mai 1919 et elle a été prise par le gouvernement de Damat Ferit Paşa, celui-là même qui s’était plié à l’injonction de laisser l’armée grecque débarquer.] Nous avons vu : aujourd’hui, l’organisation et l’armée tant désirées se trouvent être créées.

En effet, les Grecs furent battus et chassés d’Anatolie. Mais par la manœuvre juive [sic : le gouvernement de Kemal (Atatürk) ne comptait pas un seul Juif] de séparation du Halifat [califat] et du Sultanat, les Juifs conduisirent l’Empire à la ruine. Comme récompense, ils obtinrent la création d’une soi-disant entente — bien qu’éphémère — entre les puissances de l’Entente et l’organisation de Moustafa Kemal se trouvant sous leurs ordres. [Rappelons ici que la Turquie kémaliste et le Royaume-Uni ne se sont réconciliés qu’à partir de 1926, après l’accord sur Mossoul.]

Aujourd’hui, les sionistes sont occupés à préparer des agressions pour porter atteinte à la tranquillité de la Syrie et des régions du Jourdain et pour faire attaquer les pays arabes par l’armée d’Anatolie, qui se trouve à leur disposition. » (pp. 6-7)

Ici, il suffira de rappeler que l’armée turque n’a jamais attaqué la Syrie et n’y est intervenue qu’à l’occasion de la guerre civile syrienne, 92 ans après la parution de cette brochure. Citer le reste de façon exhaustive serait rébarbatif, tant le thème des « Juifs contrôlant la Turquie » se répète. Un seul passage mérite d’être relevé ici, pour des raisons qui vont être explicitées juste après.

« Il est connu qu’après le détrônement [en 1909] du sultan Abdul Hamid, le gouvernement ottoman tomba dans les mains des hommes d’État et commandants appartenant à l’organisation de l’“Union et Progrès” [affirmation inexacte : outre l’intermède « libéral » de juillet 1912-janvier 1913, le CUP ne prit que progressivement le contrôle du gouvernement, n’exerçant le pouvoir seul, ou presque, qu’à partir de l’été 1913], dépendant elle-même de la Société juive de Sion [sic]. En octobre 1325 [1909] — je ne me souviens pas le jour —, l’Union et Progrès tint à Salonique son grand congrès, avec la participation de toutes ses succursales. En dehors de cette assemblée générale, un conseil composé des principaux membres et des présidents tint une séance secrète, au cours de laquelle elle étudia la question suivante posée par la société de Sion et par la loge maçonnique dépendant de cette Société [aucune loge maçonnique ne dépendait la Société des amants de Sion, laquelle n’avait pas de liens particuliers avec le CUP et avait d’ailleurs perdu beaucoup de son importance après 1897] : “À l’avenir, comment sera gouvernée la Turquie ?” Il fut répondu à cette question par une décision de quatre points, à savoir :

1.       À l’avenir, briser en Turquie la force et l’influence de la religion ;

2.     Partager entre les frères [allusion au fameux « complot judéo-maçonnique »] les ressources financières et économiques de la Turquie ;

3.       Séparer le Sultanat du Halifat afin de réduire ce dernier à la faiblesse ;

4.       Proclamer la République et exterminer la dynastie ottomane dès que possible.

L’exécution de cette décision à l’intérieur du pays, ainsi que la propagande à faire en sa faveur à l’étranger furent confiées à des émissaires de la Société de Sion. Ces émissaires, avant tout, gagnèrent, par différents moyens, à leur cause la presse turque et procédèrent à la diriger vers ce but. »

Il est à peine besoin de préciser que, loin de « briser en Turquie la force et l’influence de la religion », le CUP élut comme secrétaire général Sait Halim Paşa (pour qui l’islam était la source de sa pensée politique), en 1913, non pas certes que Sait Halim représentât beaucoup de monde au CUP, mais parce qu’il fallait se choisir un dirigeant rassurant pour les masses. Le CUP ne chercha jamais à supprimer le califat ou le sultanat.

Ce passage a été choisi pour être le dernier cité ici, car c’est le même Mevlanzade Rifat qui a donné, en 1923, ce compte-rendu entièrement faux (et foncièrement antisémite) d’une réunion du CUP, et qui, en 1929, dans un ouvrage tout aussi imprégné du thème du « complot judéo-maçonnique » (et même davantage : en 1929, il y ajoutait le « judéo-bolchevisme »), voulait persuader ses lecteurs qu’une autre réunion du CUP, en 1915, a eu lieu pour décider de « l’extermination des Arméniens ». Ce n’est sûrement pas un hasard si la brochure de 1923 fut publiée en Roumanie. En effet, le congrès de 1923 de la Fédération révolutionnaire arménienne s’est tenu dans ce même pays.

Malgré la réfutation dévastatrice, par Gwynne Dyer, des mensonges de Rifat sur sa vie et sur la prétendue réunion de 1915, son livre de 1929 a continué d’être utilisé dans la littérature nationaliste arménienne. Raymond Kévorkian (qui ne répugne pas non plus à s’appuyer sur l’antisémite Jean Naslian), persiste à faire de Rifat « une source », certes pas toujours complètement fiable, mais utilisable (sans dire un mot des mensonges du même Rifat sur sa vie, ni sur la place centrale de l’antisémitisme dans sa production écrite) : Raymond Kévorkian, Le Génocide des Arméniens, Paris, Odile Jacob, 2006, pp. 311 et 325, n. 707 (référence maintenue intacte, cinq ans plus tard, dans la traduction en anglais du livre).

La nationaliste kurde Fatma Müge Gökçek (très appréciée par Vincent Duclert : décidément…) s’appuie sans réserve aucune sur Rifat : Denial of Violence, 2014, pp. 580, 586 et 591. Le même faux est cité dans un ouvrage collectif dirigé par Richard Hovannisian, un universitaire très apprécié par les nationalistes arméniens, sur les deux rives de l’Atlantique : R. Hrair Dekmejian, « Determinants of Genocide: Armenians and Jews as Case Studies », dans Richard G. Hovannisian (dir.), The Armenian Genocide in Perspective, New Brunswick-Londres, Transaction Publishers, 2007, p. 96, n. 6 (cette référence en dit d’autant plus long sur le sérieux des auteurs qu’un compte-rendu critique de la première édition avait pointé diverses atteintes à la vérité, notamment la citation de Rifat : Michael M. Gunter, « Book review », International Journal of Middle East Studies, XXI-3, août 1989, pp. 419-421).

Vahakn Dadrian, encore plus apprécié par les militants arméniens et leurs amis sur les deux rives de l’Atlantique, cite aussi Mevlanzade Rifat : Vahakn Dadrian, « The Convergent Roles of the State and a Governmental Party in the Armenian Genocide », dans Levon Chorbajian et George Shirinian, Studies in Comparative Genocide, New York-Londres, St Martin’s Press, 1999, p. 100. La raison est limpide : dans le même chapitre, vingt pages plus loin, il reprend explicitement à son compte la théorie du « complot judéo-maçonnico-dönme ».

Une mention toute spéciale mérite, néanmoins, d’être attribuée à l’Association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne (ARAM, Marseille) : depuis quelques années, ils ont mis en ligne, sans prise de distance, le tiré à part (réimpression sous forme de brochure) d’un article publié en 1965 par H. Kazarian, traduisant les principaux passages du livre publié par Rifat en 1929, et paraphrasant sans la moindre critique une de ses affirmations sur le « complot judéo-maçonnique derrière le CUP ». La même ARAM a aussi mis en ligne, sans avertissement aucun, les Mémoires de l’antisémite Jean Naslian (qui reprend les mêmes obsessions). Toujours sur le site de l’ARAM, on trouve en PDF, et, là encore, sans le moindre avertissement, Le Désastre d’Alexandrette (1938) et Chrétiens en péril au Moussa Dagh (1939), deux ouvrages marqués par le complotisme antimaçonnique, rédigés par un agent d’influence de l’Italie fasciste (pas moins). On ne peut donc pas dire que la lutte contre les théories du complot répandues parmi leurs coreligionnaires soit une priorité pour les membres de l’ARAM.

 

Lire aussi, sur Mevlanzade Rifat et le contexte de son action :

Mevlanzade Rıfat : mensonges grossiers et antisémitisme

Contre le kémalisme : le rapprochement entre les dachnaks, les nationalistes kurdes et les réactionnaires ottomans

La France briando-poincariste contre l’axe FRA-Hoyboun (alliance de nationalistes arméniens et kurdes)

 

Sur le thème du « complot judéo-maçonnico-dönme » :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

L’antijudéomaçonnisme de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain

Le vrai visage de l’« alternative libérale » au Comité Union et progrès et au kémalisme

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

 

Sur l’antisémitisme arménien en général :

Les massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)

L’antisémitisme arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

La propagande nationaliste arménienne sur le réseau social Facebook : de la turcophobie à l'antisémitisme (sa forme mortifère incluse), il n'y a qu'un pas, allégrement franchi par ces excités potentiellement dangereux

 

Sur la corrélation entre antisémitisme et soutien au nationalisme arménien, des années 1890 aux années 1940 :

L’arménophilie-turcophobie d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal

L’arménophilie aryaniste, antimusulmane et antisémite de D. Kimon

Maurice Barrès : de l’antisémite arménophile au philosémite turcophile

Albert de Mun : arménophilie, antidreyfusisme et antisémitisme

Auguste Gauvain : arménophilie, grécophilie et croyance dans le « complot judéo-bolchevique »

L’arménophilie de Johann von Leers

L’arménophilie d’Alfred Rosenberg

L’arménophilie du nazi norvégien Vidkun Quisling

L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

Paul Chack : d’un conservatisme républicain, philosémite et turcophile à une extrême droite collaborationniste, antisémite, turcophobe et arménophile

Camille Mauclair : tournant réactionnaire, antisémitisme, turcophobie, soutien à la cause arménienne, vichysme

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