mardi 16 février 2021

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès


 Vahakn Dadrian et son étudiant de thèse Taner Akçam

 

Vahakn Dadrian, « The Convergent Roles of the State and a Governmental Party in the Armenian Genocide », dans Levon Chorbajian et George Shirinian, Studies in Comparative Genocide, New York-Londres, St Martin’s Press, 1999, p. 120, n. 16 :

« […] Général Chérif Pacha [pionnier du nationalisme kurde, antisémite, lié aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et admirateur déclaré du régime de Vichy], “L’Asie Mineure en danger”, La Revue, XXIV-9, 1er mai 1913, p. 11. Le troisième auteur, bien connu pour son histoire générale [sic] de la Cilicie moderne, insiste, dans son livre, sur le fait que ce fut sous la pression des loges maçonniques de Salonique que l’Ittihad [Comité Union et progrès] décida du massacre d’Adana : Paul du Véou, La Passion de la Cilicie, Paris, Paul Geuthner, 1954, p. 101. »

 

Il a déjà été vu ici que Paul de Rémusat, alias Paul du Véou, était un agent d’influence de l’Italie fasciste, obsédé par le « complot judéo-maçonnique » ou « judéo-maçonnico-dönme » (les dönmes étant un rameau de l’islam formé de descendants de Juifs convertis, très attaqué par de Paul de Rémusat/Paul du Véou). L’antimaçonnisme de feu Dadrian, sociologue qui jouait à l’historien, est ici explicite, l’antisémitisme à peine implicite, puisqu’il choisit délibérément un passage où il est question des loges de Salonique, formées en majorité de Juifs, puisque la majorité des habitants de cette ville, à l’époque, étaient israélites. Sur l’affaire d’Adana elle-même, l’auteur est plus radical que la Fédération révolutionnaire elle-même, puisque celle-ci a dit, à l’époque, et répété pendant des décennies, que le CUP n’avait rien organisé de criminel à Adana en 1909 : cf., par exemple, Sarkis Atamian, The Armenian Community, New York, Philosophical Library, 1955, p. 178, n. 20.

Or, Vahakn Dadrian n’était pas n’importe qui : très actif de 1964 à 2008, il a été, du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, la référence principale, au niveau international, et tout particulièrement aux États-Unis, pour la qualification de « génocide arménien ». Ce fut le mentor de Taner Akçam, à qui il a appris à falsifier les sources historiques. Vincent Duclert, qui a dû reconnaître tout récemment : « Je ne suis pas spécialiste du génocide arménien », mais qui se comporte depuis vingt ans comme si c’était le cas, n’a que du bien à dire de feu Dadrian, et surtout pas la moindre critique à présenter (cf., par exemple, son article « Les historiens et la destruction des Arméniens », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 81, 2004/1, pp. 137-153). Il est vrai que M. Duclert cite aussi Paul du Véou/Paul de Rémusat, de façon très favorable, dans son livre La France face au génocide des Arméniens, Paris, Fayard, 2015. En 1998, peu après avoir été élu à l’Académie arménienne des sciences, Vahakn Dadrian a été décoré par le président Robert Kocharyan.

 

Lire aussi, sur l’affaire d’Adana :

Le gouvernorat de Cemal Bey (futur Cemal Paşa) à Adana (1909-1911)

 

Sur la théorie du « complot judéo-maçonnico-dönme » :

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

Le vrai visage de « l’alternative libérale » au Comité Union et progrès et au kémalisme

L’« antisionisme » constant de Jean-Marc « Ara » Toranian

La place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien

 

Et sur son contexte :

L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

L'arménophilie de Lauro Mainardi

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

L’arménophilie de Johann von Leers

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