Résumé : Mevlanzade Rifat (mort en 1930) était un pionnier du nationalisme kurde et de l’alliance de ce dernier avec le nationalisme arménien. En 1929, il publia un livre où il se présentait comme un ancien dirigeant du Comité Union et progrès (CUP, parti autrefois au pouvoir dans l’Empire ottoman), ce qu’il n’avait jamais été. Ce livre reproduit le compte-rendu de réunions imaginaires, notamment une où le CUP aurait décidé d’exterminer les Arméniens. Dans le même livre, ainsi que dans une brochure parue dès 1923, Rifat présentait aussi le CUP comme l’instrument d’un complot juif international. En dépit du parcours de son auteur et de son antisémitisme, Rifat demeure cité de nos jours comme « une source » prouvant le « génocide arménien ».
Gwynne Dyer (docteur en histoire militaire ottomane),
« Correspondence », Middle Eastern Studies,
IX-3, octobre 1973, pp. 379-382 :
« Mevlanzade Rifat n’était pas un Turc mais un Kurde. En outre, il
appartenait à la famille Bedrhan, riche et influente, l’une des trois ou quatre
principales familles de type féodal au Kurdistan. Il était né à Sulaimani [seule ville où des Kurdes ont attaqué des Juifs, à l’époque ottomane, au nom d’une accusation calomnieuse de « crime
rituel »]. À ma connaissance, il n’a jamais été membre de l’Ittihad ve
Terakki [Comité Union et progrès, CUP] ;
au contraire, à partir de la révolution de 1908, il fut un membre éminent de l’alliance
hétéroclite de traditionnalistes, d’anciens ittihadistes qui s’estimaient lésés
et de groupes minoritaires qui constituaient “l’opposition” à İstanbul,
en dirigeant l’un des principaux journaux d’opposition, Hukuk-u Umumiye autant qu’en appartenant à la Kürt Teavun Cemiyeti [association kurde qui fit la transition
entre les révoltes claniques du XIXe siècle et le nationalisme kurde
à proprement parler, qui émergea, lui, en 1919].
C’était aussi un membre éminent de la Fedakârane Millet Cemiyeti, créée
dans la foulée de la proclamation de la Constitution en 1908 (Hukuk-u Umumiye était son organe
officiel). Le parti devint, dès le tout début, un opposant implacable à l’Ittihad
[le CUP] ; ses membres étaient
politiquement divers, mais ils étaient très souvent kurdes et son opposition à
l’Ittihad devint si extrême, jusqu’à entreposer des armes et recruter des fedai
[combattants] qu’il fut visé par une
descente de police et que bon nombre de ses membres furent arrêtés le 14
janvier 1909. Le procès commença le 24 mars, mais avant qu’il ne fût terminé,
le “31 Mart Olayi” [coup d’État raté du
31 mars] conduisit à l’interdiction totale du parti. (Tarik Zafer Tunaya, Türkiye’de Siyasi Partiler. 1859-1952,
Istanbul, 1952, pp. 233-239). […]
Après l’élimination de la contre-révolution, Mevlanzade Rifat s’enfuit à
Paris. […] D’après un document que j’ai vu, je pense qu’il a passé les années
de guerre [1914-1918] à Vienne.
Il doit être clair que Rifat n’était guère en position d’avoir des
informations de première main à propos de décisions essentielles et secrètes
qui auraient été prises par les dirigeants de l’Ittihad, ni que ce fût un homme
méritant d’être cru lorsqu’il produit les “minutes” accablantes de “réunions
secrètes” où l’exécution d’un génocide contre les innocents et pacifiques
Arméniens aurait été décidés. Mais il y a plus encore à dire sur sa carrière.
Mevlanzade Rifat retourna à Istanbul
immédiatement après l’armistice et le 5 novembre 1918, il fonda l’éphémère
Radikal Avam Firkasi (Tunaya, pp. 405-406). Cependant, il abandonna rapidement
cette entreprise, au profit du séparatisme kurde. Dès le début de la période de
l’armistice, il fut un membre éminent du Comité national kurde (Kürt Taali
Cemiyeti), qui, dès le 5 janvier 1919, soumit au haut-commissariat britannique
son premier mémorandum réclamant l’indépendance du Kurdistan. Il relança aussi
son journal, Serbesti. […]
Mevlanzade Rifat
arriva en Irak en octobre 1921, bien fourni en argent grec, pour commencer la
préparation d’une révolte kurde contre les kémalistes. Les Britanniques d’Irak
refusèrent d’encourager cette initiative, et la mission revint, déçue, à
Istanbul, à la fin de 1921. Les nationalistes d’Ankara connaissaient cette
tentative et en particulier le rôle de Mevlanzade Rifat là-dedans : il dut
donc partir de nouveau en exil, en 1922 ou 1923 (FO 371/5068 ; 5069/11 ;
371/6346 et 6347/43 ; 371/6369/12028 ; 371/10089/88/11625). [Gwynne Dyer cite ici la cote de divers
documents diplomatiques britanniques, à l’appui de ce qu’il vient d’écrire.]
[…]
Ce fut dans ces
circonstances que Mevlanzade Rifat, une des principales figures de la conspiration
arméno-kurde [l’alliance de la
Fédération révolutionnaire arménienne et du Hoyboun kurde] publia son tract
antiturc à Alep en 1929. »
« On voit que les troubles qui, depuis des siècles, désorganisent les
affaires intérieures et extérieures de l’Empire ottoman, présentent parfois des
phases aussi aigües que dangereuses. Surtout, la dictature militaire exercée
depuis ces quatorze dernières années emmena la ruine complète du pays. [Parler de « dictature militaire »
est particulièrement ironique pour des gouvernements majoritairement dirigés
par des civils, comme Talat, et issus d’élections. C’est un gouvernement
« libéral », auquel Rifat était d’ailleurs lié, qui a perdu la
Macédoine et c’est le Comité Union et progrès qui a repris Edirne en 1913.
Enfin, c’est le mouvement national turc, auquel s’est opposé Rifat, qui a
vaincu l’Arménie et la Grèce, convaincu l’Italie, dès 1919, puis la France, en
1920-1921, de composer.] Il est naturel que ces troubles aient des fauteurs
et qu’il y ait des personnes qui en profitent. Qui sont ces fauteurs, qui sont
ceux qui en profitent ? […]
L’histoire ne parle-t-elle pas en détail du rôle joué, pendant le règne du
sultan Sélim II, pour le compte des Juifs, par Yassef Nassi [Joseph Nassi] et par sa sœur Rebecca [sic], qui, dans le harem impérial,
avait pris le nom de Nour Banou Halimé [il
est possible que la sultane Nur Banu fût juive à l’origine, mais elle n’était,
en tout état de cause, pas la sœur de Joseph Nassi], ainsi que les millions
qu’ils avaient gagnés et les grandes propriétés qu’ils avaient acquises en
Palestine ? [Joseph Nassi a
loyalement servi l’Empire ottoman, comme bien d’autres Juifs, notamment au XVIe
siècle. Rien n’indique qu’il ait été davantage cherché à s’enrichir davantage que la
moyenne des dirigeants de son temps, juifs, chrétiens ou musulmans, ottomans ou
non.] […]
Les contemporains du règne du sultan Abdül Hamid se rappellent les noms et
qualités des Juifs qui, s’étant introduits au palais de Tzitli Kiosk [le palais de Yıldız,
probablement] le 17
septembre 1315 (1899), par le chambellan Arif Bey et par le bibliothécaire
Hassib Bey, avaient osé proposer ouvertement au sultan une gratification pour
l’autonomie de la Palestine. Ces contemporains cherchent la raison pour
laquelle les mêmes personnes avaient été chargées de notifier au même sultan
son détrônement. [La fameuse
délégation notifiant au sultan Abdülhamit II qu’il était destitué ne comptait
qu’un seul Juif sur quatre membres : Emmanuel Carasso, les autres étant
deux musulmans et un Arménien catholique, Aram
Efendi. Rien n’indique que Carasso ait proposé de l’argent à Abdülhamit II
contre une autonomie sioniste, ni en 1899 ni à une autre date.]
Vu les mobiles secrets exposés plus haut, reste-t-il de doute que le comité
“Union et Progrès”, formé à Salonique, sous la fausse devise de liberté,
justice, égalité, fût chargé de ruiner le pays, de jeter la discorde parmi les
éléments ottomans, au point de s’entretuer [il
s’agit là, évidemment, de rejeter sur les Juifs la responsabilité des massacres
réciproques entre Kurdes et Arméniens, pendant la Première Guerre
mondiale ; autrement, l’alliance du nationalisme kurde, dont Rifat était
un précurseur, avec la Fédération révolutionnaire arménienne eût été impossible
à justfier], de travailler pour la réalisation de l’idéal des Juifs et non
pour le rétablissement de la Constitution ? » (pp. 1-5)
Faisons une pause. Les passages cités ci-dessus (je n’ai pas tout reproduit
pour ne pas avoir à réfuter l’ensemble des contrevérités) suffisent à prouver
que l’antisémitisme de Mevlanzade ne visait pas uniquement les Juifs sionistes
et ceux qu’il considérait comme tels : sa vision du Juif conspirateur
prend des exemples antérieurs de plusieurs siècles à la création de la première
organisation sioniste (1882).
« Nous [le] voyons, la
conséquence de la guerre générale (1) fut désastreuse pour l’Empire [ottoman]. Plusieurs petits États furent
fondés sur ses ruines. Le société juive de Sion jeta les fondements du royaume
d’Israël. Elle bâtit son foyer en pays arabe, en Palestine. Les Juifs, pour ne
pas laisser ce foyer s’éteindre parmi la majorité arabe [rappelons ici que Jérusalem avait une majorité juive avant la création
de la première organisation sioniste, en 1882 et que Tel-Aviv fut créée à
partir d’un terrain nu] et le transformer en État puissant ont vu la
nécessité d’exterminer en Palestine et en Syrie cette majorité [la Syrie ne faisait pas partie des projets
sionistes ; et s’agissant des Arabes de la Palestine mandataire, le projet des
dirigeants sionistes était de leur donner l’égalité civique dans le futur
Israël]. Déjà, pendant les années sanglantes de la guerre mondiale, ils
sentirent cette nécessité et travaillèrent à la mettre à exécution.
Je crois qu’on n’a pas oublié la persécution des Arabes de Syrie par les
commandants appartenant à l’organisation “Union et Progrès” et qu’on se rend
compte maintenant que cette persécution avait pour but la réalisation de
l’idéal juif. [Outre que le sionisme
n’était pas aussi répandu parmi les Juifs en 1914-1918 qu’aujourd’hui, Cemal Paşa
n’a pas « persécuté les Arabes de Syrie », mais réprimé les
séparatistes ; et il était le dirigeant du CUP le plus opposé au sionisme,
bien qu’il fût favorable à l’immigration
juive en tant que telle.]
Cependant, l’armistice fut conclu avant que l’œuvre d’extermination fût
arrivée au point désiré. La création du foyer juif en Palestine vient
d’augmenter l’importance de cette œuvre.
Les Juifs avaient compris qu’ils ne pourraient pas vivre et se développer,
comme ils le désiraient, parmi la majorité arabe. Ils pensèrent que l’unique
moyen, c’était de préparer en Anatolie une armée turque “indépendante” et se
trouvant sous leurs ordres [sic],
pour l’employer, au besoin, à cette œuvre d’extermination. Ils procédèrent à la
mise à exécution de ce projet sans que le monde en ait pris connaissance. En
Europe, ils employèrent leurs secrètement des influences auprès des puissances
de l’Entente et ils firent créer l’incident connu de Smyrne [ce passage délirant se réfute de lui-même].
Ils réussirent à faire envoyer en Anatolie — avec des vastes pouvoirs — contre
l’incident créé, et sous le couvert d’une résistance légitime, Moustafa Kemal
Pacha, homme de leur confiance, en trompant le sultan Vahid Eddin et en gagnant
à leur cause quelques-uns de ses ministres. [La
décision d’envoyer Kemal (Atatürk) en Anatolie est antérieure au débarquement
grec du 15 mai 1919 et elle a été prise par le gouvernement de Damat Ferit Paşa,
celui-là même qui s’était plié à l’injonction de laisser l’armée grecque
débarquer.] Nous avons
vu : aujourd’hui, l’organisation et l’armée tant désirées se trouvent être
créées.
En effet, les Grecs furent battus et chassés d’Anatolie. Mais par la
manœuvre juive [sic : le
gouvernement de Kemal (Atatürk) ne comptait pas un seul Juif] de séparation
du Halifat [califat] et du Sultanat,
les Juifs conduisirent l’Empire à la ruine. Comme récompense, ils obtinrent la
création d’une soi-disant entente — bien qu’éphémère — entre les puissances de
l’Entente et l’organisation de Moustafa Kemal se trouvant sous leurs ordres. [Rappelons ici que la Turquie kémaliste et
le Royaume-Uni ne se sont réconciliés qu’à partir de 1926, après l’accord sur
Mossoul.]
Aujourd’hui, les sionistes sont occupés à préparer des agressions pour
porter atteinte à la tranquillité de la Syrie et des régions du Jourdain et
pour faire attaquer les pays arabes par l’armée d’Anatolie, qui se trouve à
leur disposition. » (pp. 6-7)
Ici, il suffira de rappeler que l’armée turque n’a jamais attaqué la Syrie
et n’y est intervenue qu’à l’occasion de la guerre civile syrienne, 92 ans
après la parution de cette brochure. Citer le reste de façon exhaustive serait
rébarbatif, tant le thème des « Juifs contrôlant la Turquie » se
répète. Un seul passage mérite d’être relevé ici, pour des raisons qui vont
être explicitées juste après.
« Il est connu qu’après le détrônement [en 1909] du sultan Abdul Hamid, le gouvernement ottoman tomba dans
les mains des hommes d’État et commandants appartenant à l’organisation de
l’“Union et Progrès” [affirmation
inexacte : outre l’intermède « libéral » de juillet 1912-janvier
1913, le CUP ne prit que progressivement le contrôle du gouvernement,
n’exerçant le pouvoir seul, ou presque, qu’à partir de l’été 1913],
dépendant elle-même de la Société juive de Sion [sic]. En octobre 1325 [1909]
— je ne me souviens pas le jour —, l’Union et Progrès tint à Salonique son
grand congrès, avec la participation de toutes ses succursales. En dehors de
cette assemblée générale, un conseil composé des principaux membres et des
présidents tint une séance secrète, au cours de laquelle elle étudia la
question suivante posée par la société de Sion et par la loge maçonnique
dépendant de cette Société [aucune loge
maçonnique ne dépendait la Société des amants de Sion, laquelle n’avait pas de
liens particuliers avec le CUP et avait d’ailleurs perdu beaucoup de son
importance après 1897] : “À l’avenir, comment sera gouvernée la
Turquie ?” Il fut répondu à cette question par une décision de quatre
points, à savoir :
1. À l’avenir, briser en Turquie la force et l’influence de la religion ;
2. Partager entre les frères [allusion au fameux « complot judéo-maçonnique »] les ressources financières et économiques de la Turquie ;
3. Séparer le Sultanat du Halifat afin de réduire ce dernier à la faiblesse ;
4. Proclamer la République et exterminer la dynastie ottomane dès que possible.
L’exécution de cette décision à l’intérieur du pays, ainsi que la
propagande à faire en sa faveur à l’étranger furent confiées à des émissaires
de la Société de Sion. Ces émissaires, avant tout, gagnèrent, par différents
moyens, à leur cause la presse turque et procédèrent à la diriger vers ce
but. »
Il est à peine besoin de préciser que, loin de « briser en Turquie la
force et l’influence de la religion », le CUP élut comme secrétaire
général Sait Halim Paşa (pour qui l’islam était la source de sa pensée
politique), en 1913, non pas certes que Sait Halim représentât beaucoup de
monde au CUP, mais parce qu’il fallait se choisir un dirigeant rassurant pour
les masses. Le CUP ne chercha jamais à supprimer le califat ou le sultanat.
Ce passage a été choisi pour être le dernier cité ici, car c’est le même
Mevlanzade Rifat qui a donné, en 1923, ce compte-rendu entièrement faux (et
foncièrement antisémite) d’une réunion du CUP, et qui, en 1929, dans un ouvrage
tout aussi imprégné du thème du « complot judéo-maçonnique » (et même
davantage : en 1929, il y ajoutait le « judéo-bolchevisme »),
voulait persuader ses lecteurs qu’une autre réunion du CUP, en 1915, a eu lieu
pour décider de « l’extermination des Arméniens ». Ce n’est sûrement
pas un hasard si la brochure de 1923 fut publiée en Roumanie. En effet, le
congrès de 1923 de la Fédération révolutionnaire arménienne s’est tenu dans ce
même pays.
Malgré la réfutation dévastatrice, par Gwynne Dyer, des mensonges de Rifat
sur sa vie et sur la prétendue réunion de 1915, son livre de 1929 a continué
d’être utilisé dans la littérature nationaliste arménienne. Raymond Kévorkian
(qui ne répugne pas non plus à s’appuyer sur l’antisémite Jean
Naslian), persiste à faire de Rifat « une source », certes pas
toujours complètement fiable, mais utilisable (sans dire un mot des mensonges
du même Rifat sur sa vie, ni sur la place centrale de l’antisémitisme dans sa
production écrite) : Raymond Kévorkian, Le Génocide des Arméniens, Paris, Odile Jacob, 2006, pp. 311 et
325, n. 707 (référence maintenue intacte, cinq ans plus tard, dans la
traduction en anglais du livre).
La nationaliste kurde Fatma Müge Gökçek (très appréciée par Vincent
Duclert : décidément…) s’appuie sans réserve aucune sur Rifat : Denial of Violence, 2014, pp. 580, 586
et 591. Le même faux est cité dans un ouvrage collectif dirigé par Richard
Hovannisian, un universitaire très apprécié par les nationalistes arméniens,
sur les deux rives de l’Atlantique : R. Hrair Dekmejian, « Determinants of
Genocide: Armenians and Jews as Case Studies », dans Richard G. Hovannisian (dir.),
The Armenian Genocide in Perspective,
New Brunswick-Londres, Transaction Publishers, 2007, p. 96, n. 6 (cette
référence en dit d’autant plus long sur le sérieux des auteurs qu’un
compte-rendu critique de la première édition avait pointé diverses atteintes à
la vérité, notamment la citation de Rifat : Michael M. Gunter, « Book
review », International Journal of
Middle East Studies, XXI-3, août 1989, pp. 419-421).
Vahakn Dadrian, encore plus apprécié par les militants arméniens et leurs
amis sur les deux rives de l’Atlantique, cite aussi Mevlanzade Rifat : Vahakn
Dadrian, « The Convergent Roles of the State and a Governmental Party in the
Armenian Genocide », dans Levon Chorbajian et George Shirinian, Studies in Comparative Genocide, New
York-Londres, St Martin’s Press, 1999, p. 100. La raison est limpide :
dans le même chapitre, vingt pages plus loin, il reprend
explicitement à son compte la théorie du « complot
judéo-maçonnico-dönme ».
Une mention toute spéciale mérite, néanmoins, d’être attribuée à
l’Association pour la recherche et l’archivage de la mémoire arménienne (ARAM,
Marseille) : depuis quelques années, ils ont mis
en ligne, sans prise de distance, le tiré à part (réimpression sous forme
de brochure) d’un article publié en 1965 par H. Kazarian, traduisant les
principaux passages du livre publié par Rifat en 1929, et paraphrasant sans la
moindre critique une de ses affirmations sur le « complot judéo-maçonnique
derrière le CUP ». La même ARAM a aussi mis
en ligne, sans avertissement aucun, les Mémoires de l’antisémite Jean
Naslian (qui reprend les
mêmes obsessions). Toujours sur le site de l’ARAM, on trouve en PDF, et, là
encore, sans le moindre avertissement, Le
Désastre d’Alexandrette (1938) et Chrétiens
en péril au Moussa Dagh (1939), deux ouvrages marqués par le
complotisme antimaçonnique, rédigés par un agent d’influence de l’Italie fasciste
(pas moins). On ne peut donc pas dire que la lutte contre les théories du complot
répandues parmi leurs coreligionnaires soit une priorité pour les membres de
l’ARAM.
Lire aussi, sur Mevlanzade Rifat et le contexte de son action :
Mevlanzade
Rıfat : mensonges grossiers et antisémitisme
Sur le thème du « complot judéo-maçonnico-dönme » :
L’antijudéomaçonnisme
de Jean Naslian, référence du nationalisme arménien contemporain
Le
vrai visage de l’« alternative libérale » au Comité Union et progrès et au
kémalisme
L’helléniste
Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble
connu)
Sur l’antisémitisme arménien en général :
Les
massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)
L’antisémitisme
arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien
Jean-Marc
« Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son
lectorat
Sur la corrélation entre antisémitisme et soutien au nationalisme arménien,
des années 1890 aux années 1940 :
L’arménophilie-turcophobie
d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal
L’arménophilie
aryaniste, antimusulmane et antisémite de D. Kimon
Maurice
Barrès : de l’antisémite arménophile au philosémite turcophile
Albert
de Mun : arménophilie, antidreyfusisme et antisémitisme
Auguste
Gauvain : arménophilie, grécophilie et croyance dans le « complot
judéo-bolchevique »
L’arménophilie
de Johann von Leers
L’arménophilie
d’Alfred Rosenberg
L’arménophilie
du nazi norvégien Vidkun Quisling
L’arménophilie
fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi
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