Constantin de Grèce
Pour le contexte, voir
ici.
« Constantin et
la Grèce », Le Matin, 19 novembre
1920, p. 1 :
« Le 1er et le 2 décembre 1916, à tous les coins des rues d’Athènes,
les marins français étaient fusillés avec une incroyable lâcheté. Cent soixante
d’entre eux environ furent victimes de l’agression ordonnée par Constantin et
organisée dans les plus honteux détails par son état-major.
Des partisans de M. Venizelos étaient également massacrés. Le Zappeion, où
se trouvait le détachement français, était canoné. L’école française et la
légation française d’Athènes étaient attaquées.
Le lendemain, l’ordre du jour suivant était adressé, toujours par ordre du
roi Constantin, aux troupes de la garnison d’Athènes, sous la signature du
ministre de la Guerre :
C’est le cœur débordant de
gratitude que je vous adresse, par ordre de Sa Majesté le roi, commandant en
chef, mes félicitations et congratulations, pour votre conduite exemplaire
pendant les inoubliables journées du 1er et du 2 décembre.
Votre loyalisme, votre
esprit de sacrifice et votre courage ont sauvé la patrie, mise en danger par
des ennemis qui espéraient troubler t’ordre public et jeter bas la dynastie.
Nos ennemis doivent aujourd’hui
savoir que d’aussi vaillantes troupes sont invincibles, et je suis à même
maintenant d’envisager l’avenir avec confiance.
N’oublions jamais ce “cœur débordant de gratitude” de Constantin, après l’assassinat
de nos marins. »
Télégramme de l’amiral Mark
Bristol, haut-commissaire américain à İstanbul, au Département d’État,
29 juin 1921, reproduit dans Çağrı Erhan, American Documents on Greek Occupation of Anatolia, Ankara, SAM,
1999, p. 92 :
« Les Grecs ont évacué la zone
d’İzmit,
occupée le 28 par l’avant-garde turque. Environ 20 000 civils, grecs et
arméniens, désormais réfugiés, ont été évacués, les Grecs étant envoyés dans
les îles ioniennes, il est probable que les Arméniens iront là-bas aussi. Durant l’évacuation des troupes grecques et
avant l’arrivée des forces turques, des bandes arméniennes en armes ont
massacré plusieurs milliers de Turcs à İzmit. »
« Général » Torcom
(Archak Torkomian, à qui aucune armée n’a conféré ce grade), « La Légion
arménienne du général Torcom », texte reproduit dans Aram
Turabian, L’Éternelle victime de la
diplomatie européenne : l’Arménie, Marseille, Imprimerie nouvelle, 1929,
pp. 146-152 :
« 1° La Légion arménienne a été formée en mars 1922 par un ordre du
Gouvernement hellénique au commandement en chef de l’armée d’Asie-Mineure ;
2° Le nombre des légionnaires devait être de 1 000. Ce nombre devait être
augmenté « au fur et à mesure que les circonstances le permettraient », dit l’ordre
gouvernemental, « pour devenir une unité tactique ».
L’idée d’une coopération militaire gréco-arménienne date du début de 1919
après les entretiens que j’avais eus à Londres avec M. Venizelos et M.
Caclamanos. Il s’agissait, à cette époque, d’une formation importante de trois
divisions arméniennes et d’une division de Grecs du Pont.
En septembre 1919, je m’étais rendu aux États-Unis pour demander l’appui
financier du Gouvernement américain. En octobre 1919, le Comité des Relations
extérieures du Sénat américain avait donné son consentement pour la formation
aux frais du Gouvernement américain d’une armée arménienne et télégraphié au
président de la délégation nationale arménienne à Paris d’appuyer ce programme.
Mais Boghos Nubar rejeta ce projet, disant qu’il préfère le mandat américain
!... […]
3° La Légion arménienne était composée uniquement de volontaires arméniens,
officiers, sous-officiers et soldats ;
4° Elle se trouvait sous le commandement immédiat du commandant en chef de
l’armée d’Asie-mineure ;
5° Le chef de la Légion était le général Torcom ;
6° Le commandement en langue arménienne ;
7° En avril et mai 1922, le chef de la Légion avait pris des dispositions pour
l’arrivée sans retard à la base de Baltchova (près Smyrne), où se formait la
Légion de 2 500 volontaires de la région de Brousse [Bursa], de 3 500 de Syrie [ce
à quoi les autorités mandataires françaises se sont vivement opposées], et
autant de Constantinople. La Légion aurait ainsi l’effectif d’une division à
trois régiments, type français, en y ajoutant des armes spéciales : artillerie,
aviation, etc., qui auraient été fournies par l’armée grecque. Malheureusement,
en mai 1922, le général Papoulas quittait le commandement de l’armée,
provoquant un important changement dans la situation. C’est alors que, anxieux
et prévoyant une catastrophe, je m’adressais au Conseil et aux notabilités arméniennes
de Smyrne en leur demandant de faire un léger sacrifice et de payer les frais
de passage de mes hommes de Constantinople, Moudania et Alexandrette. Vous
savez qu’il s’agissait d’une somme dérisoire, à peine de 20 à 25 000 livres
turques en papier. Les Smyrniotes m’ont promis et m’ont indignement trompé. Ils
sont même allés plus loin. Avec leur métropolite Tourian, ils essayèrent de
démolir ma Légion en excitant mes troupes à la rébellion et à la désertion. Ils
n’y parvinrent pas. [Précisons ici que le
« général » Torcom était membre de la Fédération révolutionnaire
arménienne, alors que Boghos Nubar, auquel il s’est opposé dès 1919, et les
riches nationalistes arméniens d’İzmir, étaient, eux, du Ramkavar, parti souvent
concurrent de la FRA. Ioannis Hassiotis, « Shared Illusions: Greek-Armenian
Cooperation in Asia Minor and the Caucasus », dans Greece and Great Britain
During World War I, Thessalonique,
Institute for Balkan Studies, 1985, p. 175, confirme que c’est un ordre de
Nubar qui, en 1922, a bloqué toute aide, par ses partisans d’İzmir,
à Torcom. Quant à l’archevêque Léon Tourian, devenu entretemps archevêque
arménien de New York, il fut
finalement assassiné, le 24 décembre 1933, par cette même FRA.] […]
Du 21 au 23 août [sic : la
confusion est ici manifeste avec les jours qui ont suivi la défaite grecque du 30
août 1922], la Légion était armée jusqu’aux dents par les armes laissées
des unités grecques en retraite. Elle avait notamment huit mitrailleuses et 24
fusils mitrailleuses ;
[…]
13° Le chiffre global des groupes de combattants arméniens qui n’ont pu
rejoindre la Légion et qui furent autorisés à coopérer avec l’armée hellénique
partout où ils se trouvaient, région Magnésie-Afion Karahissar, région
Brousse-Eski-Chehir était d’environ 1 500 et 1 000 dans la région de Brousse...
En tout, les volontaires arméniens étaient donc 2 500 — sans parler des
Arméniens engagés dans l’armée hellénique [ni
des autres bandes de volontaires, auxquelles Torcom ne fait curieusement pas
allusion] ;
[…]
17° Il est exact que la Légion a
pris part aux combats d’arrière-garde avec des éléments helléniques sains (en
particulier le 1er régiment et le groupe Plastiras) jusqu’à Tchesmé [Çeşme,
à l’ouest d’İzmir]
d’où elle s’embarqua pour Chios ; »
Salâhi Sonyel, Turkey’s Struggle
for Liberation and the Armenians, Ankara, SAM, 2001, p. 206 :
« Le 9 septembre [1922], le vice-consul des États-Unis à İzmir,
Maynard B. Barnes, rapporta au secrétaire d’État que, malgré les incendies de
villages et de villes, à l’intérieur des terres, par l’armée grecque et par des
réfugiés chrétiens, malgré aussi les jets de bombes, par des Arméniens, sur la
cavalerie turque, le calme régnait à İzmir pour un moment. Mais des Arméniens
continuaient à jeter des bombes et à tirer. De larges secteurs de l’Anatolie
occidentale avaient été “démolis dans le seul but de faire du mal, par les
Grecs qui évacuaient, et un grand nombre
de paysans turcs ont été tués, avec une brutalité et une sauvagerie qui défient
l’imagination, par les Grecs ainsi que par les bandes de ‘chettehs’ arméniens
organisés durant les six derniers mois par le général Torcom, un Arménien
paradant en uniforme arménien”, écrivit Barnes. »
Philippe de Zara (journaliste
présent à İzmir en septembre 1922 et qui a vertement critiqué
les conditions du déplacement forcé de 1915-1916), Mustapha Kémal, dictateur, Paris, Fernand Sorlot, 1936, p. 299 :
« Quatre jours plus tard [le 13
septembre 1922], alors que la vie commençait à redevenir normale, un
incendie, qui débuta aux environs de la cathédrale arménienne où se tenait un
îlot de résistance, détruisit la plus grande et la plus belle partie de la
ville [İzmir]. Les auteurs du sinistre demeurèrent
inconnus. On soupçonna fortement les formations arméniennes du “général”
Torkom, aventurier au service des Grecs. »
Lire aussi :
L’amiral
Charles Dumesnil et Raymond Poincaré sur les causes de l’incendie d’İzmir («
Smyrne »)
La
grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de
Michel Paillarès
Les
Grecs en Asie mineure (1919-1922) : une défaite annoncée
Les Arméniens d’Ankara et la victoire turque d’août-septembre 1922
Turcs,
Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français
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