dimanche 29 août 2021

Les volontaires arméniens dans l’armée de la Grèce de Constantin Ier, massacreur de Français et de Turcs (1921-1922)

 


Constantin de Grèce

 

Pour le contexte, voir ici.

 

« Constantin et la Grèce », Le Matin, 19 novembre 1920, p. 1 :

« Le 1er et le 2 décembre 1916, à tous les coins des rues d’Athènes, les marins français étaient fusillés avec une incroyable lâcheté. Cent soixante d’entre eux environ furent victimes de l’agression ordonnée par Constantin et organisée dans les plus honteux détails par son état-major.

Des partisans de M. Venizelos étaient également massacrés. Le Zappeion, où se trouvait le détachement français, était canoné. L’école française et la légation française d’Athènes étaient attaquées.

Le lendemain, l’ordre du jour suivant était adressé, toujours par ordre du roi Constantin, aux troupes de la garnison d’Athènes, sous la signature du ministre de la Guerre :

C’est le cœur débordant de gratitude que je vous adresse, par ordre de Sa Majesté le roi, commandant en chef, mes félicitations et congratulations, pour votre conduite exemplaire pendant les inoubliables journées du 1er et du 2 décembre.

Votre loyalisme, votre esprit de sacrifice et votre courage ont sauvé la patrie, mise en danger par des ennemis qui espéraient troubler t’ordre public et jeter bas la dynastie.

Nos ennemis doivent aujourd’hui savoir que d’aussi vaillantes troupes sont invincibles, et je suis à même maintenant d’envisager l’avenir avec confiance.

N’oublions jamais ce “cœur débordant de gratitude” de Constantin, après l’assassinat de nos marins. »

 

Télégramme de l’amiral Mark Bristol, haut-commissaire américain à İstanbul, au Département d’État, 29 juin 1921, reproduit dans Çağrı Erhan, American Documents on Greek Occupation of Anatolia, Ankara, SAM, 1999, p. 92 :

« Les Grecs ont évacué la zone d’İzmit, occupée le 28 par l’avant-garde turque. Environ 20 000 civils, grecs et arméniens, désormais réfugiés, ont été évacués, les Grecs étant envoyés dans les îles ioniennes, il est probable que les Arméniens iront là-bas aussi. Durant l’évacuation des troupes grecques et avant l’arrivée des forces turques, des bandes arméniennes en armes ont massacré plusieurs milliers de Turcs à İzmit. »

 

« Général » Torcom (Archak Torkomian, à qui aucune armée n’a conféré ce grade), « La Légion arménienne du général Torcom », texte reproduit dans Aram Turabian, L’Éternelle victime de la diplomatie européenne : l’Arménie, Marseille, Imprimerie nouvelle, 1929, pp. 146-152 :

« 1° La Légion arménienne a été formée en mars 1922 par un ordre du Gouvernement hellénique au commandement en chef de l’armée d’Asie-Mineure ;

2° Le nombre des légionnaires devait être de 1 000. Ce nombre devait être augmenté « au fur et à mesure que les circonstances le permettraient », dit l’ordre gouvernemental, « pour devenir une unité tactique ».

L’idée d’une coopération militaire gréco-arménienne date du début de 1919 après les entretiens que j’avais eus à Londres avec M. Venizelos et M. Caclamanos. Il s’agissait, à cette époque, d’une formation importante de trois divisions arméniennes et d’une division de Grecs du Pont.

En septembre 1919, je m’étais rendu aux États-Unis pour demander l’appui financier du Gouvernement américain. En octobre 1919, le Comité des Relations extérieures du Sénat américain avait donné son consentement pour la formation aux frais du Gouvernement américain d’une armée arménienne et télégraphié au président de la délégation nationale arménienne à Paris d’appuyer ce programme. Mais Boghos Nubar rejeta ce projet, disant qu’il préfère le mandat américain !... […]

3° La Légion arménienne était composée uniquement de volontaires arméniens, officiers, sous-officiers et soldats ;

4° Elle se trouvait sous le commandement immédiat du commandant en chef de l’armée d’Asie-mineure ;

5° Le chef de la Légion était le général Torcom ;

6° Le commandement en langue arménienne ;

7° En avril et mai 1922, le chef de la Légion avait pris des dispositions pour l’arrivée sans retard à la base de Baltchova (près Smyrne), où se formait la Légion de 2 500 volontaires de la région de Brousse [Bursa], de 3 500 de Syrie [ce à quoi les autorités mandataires françaises se sont vivement opposées], et autant de Constantinople. La Légion aurait ainsi l’effectif d’une division à trois régiments, type français, en y ajoutant des armes spéciales : artillerie, aviation, etc., qui auraient été fournies par l’armée grecque. Malheureusement, en mai 1922, le général Papoulas quittait le commandement de l’armée, provoquant un important changement dans la situation. C’est alors que, anxieux et prévoyant une catastrophe, je m’adressais au Conseil et aux notabilités arméniennes de Smyrne en leur demandant de faire un léger sacrifice et de payer les frais de passage de mes hommes de Constantinople, Moudania et Alexandrette. Vous savez qu’il s’agissait d’une somme dérisoire, à peine de 20 à 25 000 livres turques en papier. Les Smyrniotes m’ont promis et m’ont indignement trompé. Ils sont même allés plus loin. Avec leur métropolite Tourian, ils essayèrent de démolir ma Légion en excitant mes troupes à la rébellion et à la désertion. Ils n’y parvinrent pas. [Précisons ici que le « général » Torcom était membre de la Fédération révolutionnaire arménienne, alors que Boghos Nubar, auquel il s’est opposé dès 1919, et les riches nationalistes arméniens d’İzmir, étaient, eux, du Ramkavar, parti souvent concurrent de la FRA. Ioannis Hassiotis, « Shared Illusions: Greek-Armenian Cooperation in Asia Minor and the Caucasus », dans Greece and Great Britain During World War I, Thessalonique, Institute for Balkan Studies, 1985, p. 175, confirme que c’est un ordre de Nubar qui, en 1922, a bloqué toute aide, par ses partisans d’İzmir, à Torcom. Quant à l’archevêque Léon Tourian, devenu entretemps archevêque arménien de New York, il fut finalement assassiné, le 24 décembre 1933, par cette même FRA.] […]

Du 21 au 23 août [sic : la confusion est ici manifeste avec les jours qui ont suivi la défaite grecque du 30 août 1922], la Légion était armée jusqu’aux dents par les armes laissées des unités grecques en retraite. Elle avait notamment huit mitrailleuses et 24 fusils mitrailleuses ;

[…]

13° Le chiffre global des groupes de combattants arméniens qui n’ont pu rejoindre la Légion et qui furent autorisés à coopérer avec l’armée hellénique partout où ils se trouvaient, région Magnésie-Afion Karahissar, région Brousse-Eski-Chehir était d’environ 1 500 et 1 000 dans la région de Brousse... En tout, les volontaires arméniens étaient donc 2 500 — sans parler des Arméniens engagés dans l’armée hellénique [ni des autres bandes de volontaires, auxquelles Torcom ne fait curieusement pas allusion] ;

[…]

17° Il est exact que la Légion a pris part aux combats d’arrière-garde avec des éléments helléniques sains (en particulier le 1er régiment et le groupe Plastiras) jusqu’à Tchesmé [Çeşme, à l’ouest d’İzmir] d’où elle s’embarqua pour Chios ; »

 

Salâhi Sonyel, Turkey’s Struggle for Liberation and the Armenians, Ankara, SAM, 2001, p. 206 :

« Le 9 septembre [1922], le vice-consul des États-Unis à İzmir, Maynard B. Barnes, rapporta au secrétaire d’État que, malgré les incendies de villages et de villes, à l’intérieur des terres, par l’armée grecque et par des réfugiés chrétiens, malgré aussi les jets de bombes, par des Arméniens, sur la cavalerie turque, le calme régnait à İzmir pour un moment. Mais des Arméniens continuaient à jeter des bombes et à tirer. De larges secteurs de l’Anatolie occidentale avaient été “démolis dans le seul but de faire du mal, par les Grecs qui évacuaient, et un grand nombre de paysans turcs ont été tués, avec une brutalité et une sauvagerie qui défient l’imagination, par les Grecs ainsi que par les bandes de ‘chettehs’ arméniens organisés durant les six derniers mois par le général Torcom, un Arménien paradant en uniforme arménien”, écrivit Barnes. »

 

Philippe de Zara (journaliste présent à İzmir en septembre 1922 et qui a vertement critiqué les conditions du déplacement forcé de 1915-1916), Mustapha Kémal, dictateur, Paris, Fernand Sorlot, 1936, p. 299 :

« Quatre jours plus tard [le 13 septembre 1922], alors que la vie commençait à redevenir normale, un incendie, qui débuta aux environs de la cathédrale arménienne où se tenait un îlot de résistance, détruisit la plus grande et la plus belle partie de la ville [İzmir]. Les auteurs du sinistre demeurèrent inconnus. On soupçonna fortement les formations arméniennes du “général” Torkom, aventurier au service des Grecs. »

 

Lire aussi :

Le soutien nationaliste arménien à l’irrédentisme grec-constantinien, massacreur de marins français et de civils turcs

L’amiral Charles Dumesnil et Raymond Poincaré sur les causes de l’incendie d’İzmir (« Smyrne »)

Le témoignage de Paul Grescovitch (chef d’une brigade de pompiers) sur l’incendie d’İzmir (« Smyrne ») en 1922

Le consensus de la presse française pour attribuer l’incendie d’İzmir (« Smyrne ») aux nationalistes arméniens (1922)

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

Les Grecs en Asie mineure (1919-1922) : une défaite annoncée

Cinq témoignages américains contredisant la prétendue « extermination des chrétiens du Pont-Euxin » en 1921

Les Arméniens d’Ankara et la victoire turque d’août-septembre 1922

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

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