Notes prises par Alexandre
Khatissian pendant la conférence de Lausanne, reproduites dans ses Mémoires :
Éclosion et développement de la
République arménienne, Athènes, Publications de la F.R.A. Dachnaktsoutioun,
1989 (1re édition, en arménien, 1930), p. 380 :
« Le 5 décembre [1922], nous
avons eu des entretiens avec quelques personnalités turques, que nous avions
déjà rencontrées auparavant, ayant vu entretemps Ismet [Inönü, négociateur en chef, pour la Turquie, à Lausanne, puis Premier
ministre, plus tard président de la République] étaient en mesure de nous
donner des réponses précises à nos questions. En premier lieu, Ismet a confirmé
que le point de vue turc est déjà connu de la Délégation arménienne, c’est-à-dire
que : I) La République arménienne existe d’ores et déjà et a conclu un traité avec les
Turcs. Les Arméniens de Turquie peuvent vivre tranquilles dans le pays, les autres peuvent rentrer en toute quiétude.
Par conséquent, il n’y a pas actuellement d’élément justifiant une nouvelle
entrevue ; II) Les Turcs sont implacables à l’égard des
Grecs. Ils veulent qu’ils quittent la Turquie jusqu’au dernier [ce qui ne concerne ni les Turcs orthodoxes,
qui ont fait scission du patriarcat grec en 1922, ni les Grecs d’Istanbul],
tandis que les Arméniens peuvent rester.
Ils trouveront protection de toutes les manières ; III) Les Arméniens peuvent profiter du départ
des Grecs, prendre leur place dans le commerce, les Turcs les y aideront ;
IV) Pour le moment, la question arménienne n’a pas été posée, le serait-elle
que les Turcs donneraient toutes
les explications et, s’ils apprenaient de façon certaine que les deux
délégations représenteraient toute la communauté arménienne, ils parleraient
avec nous [ce qui ne se produisit pas, la
Société pour l’amitié turco-arménienne, créée en décembre 1922 à Istanbul, n’ayant
aucune affinité avec les deux délégations exilées] »
Lettre des Délégations
arméniennes réunies à Lord Curzon, 2 février 1923, reproduite dans Tolga Başak (éd.), British Documents on the
Armenian Question (1912-1923), Ankara, AVIM, 2018, pp. 421-422 :
« Monsieur le président,
Les déclarations faites dans les commissions de la Conférence de Lausanne
et le projet du Traité de paix qui vient d’être rendu public [l’inclusion d’un régime transitoire inspiré
des capitulations a finalement provoqué l’échec de ce projet, mais le texte
définitivement signé à Lausanne, en juillet 1923, ne parle pas davantage des
revendications arméniennes] ont appris aux Délégations soussignées que la
création du Foyer national arménien a été abandonnée par les Puissances
alliées.
Dans les circonstances actuelles, les Délégations arméniennes n’ont pas à
chercher et à discuter les causes de cet abandon, qui est profondément à
déplorer, tant au point de vue des Alliés et des Arméniens que des Turcs
eux-mêmes. Mais elles ont le devoir de faire observer que la question
arménienne est restée ainsi de nouveau non résolue et que le sort de notre
malheureuse nation est devenu encore plus tragique et incertain. [...]
Dans ces conditions, les Délégations soussignées ont fondées à élever la
voix et, au nom de toute une nation martyre, à demander une fois de plus aux
Puissances alliées de statuer, en toute justice et équité, sur le sort du
peuple arménien, pour réparer une injustice dont l’immensité même devrait la
rendre impossible et que ne pourrait tolérer, certes, la conscience du monde
civilisé. Du reste, il ne serait pas exagéré de dire que, sans une telle réparation,
une paix
durable ne saurait être assurée dans le Proche-Orient. »
C’est justement ce refus grandiloquent, encore aggravé par la tentative,
par la Fédération révolutionnaire arménienne, d’assassiner İsmet İnönü à
Lausanne, en mai 1923, qui a empêché le retour des réfugiés en Turquie.
Lire aussi :
Les
Arméniens d’Ankara et la victoire turque d’août-septembre 1922
Les
Arméniens d'Ankara pendant la Première Guerre mondiale et après l'armistice de
Moudros
L’évolution
et les remords de James Barton
Non,
il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le
contraire)
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