Stanford Jay Shaw, From Empire to
Republic. The Turkish War of National Liberation, 1918-1923, Ankara, TTK,
2000, volume III-2, pp. 1434-1435 :
« En outre, à partir du milieu de septembre 1921, avant même que l’accord d’Ankara
[prévoyant l’évacuation, par l’armée
française, des zones occupées dans le sud-est de la Turquie, ce qui permit un
redéploiement turc sur le front occidental, contre les Grecs], les agents
turcs en France furent autorisés, à la suite des négociations menées par l’agent
kémaliste Hamit Bey avec le haut-commissaire français, le général [Maurice] Pellé, à acheter à des
compagnies privées installées en Angleterre, en France et en Allemagne [rappelons ici que l’industrie de guerre
allemande était étroitement contrôlée, à l’époque, par l’Entente, et notamment
par la France] 100 000 fusils allemands ainsi qu’1 300 000 cartouches
anglaises et autres munitions, ainsi que des uniformes d’hiver, des chaussettes
et des bottes, d’autres vêtements d’hiver encore, puis de les faire convoyer
par des navires français à Antalya, en Cilicie, ou encore, de temps en temps, à
Inebolu sur la mer Noire, tout cela arrivant sans problème à la fin de
novembre. Un rapport du renseignement britannique daté du 22 février 1922
estimait qu’entre la signature de l’accord d’Ankara et le 1er
février 1922, les agents turcs en France avaient aussi acheté au moins un canon
lourd et 194 000 obus. Tout cela constituait une contribution significative à l’armée
qu’Ismet (Inönü) construisait à la suite de la victoire sur la Sakarya en 1921,
afin de mener une grande offensive qui pousserait les Grecs à la mer durant l’été
suivant. »
M. Briand, président du
Conseil, ministre des Affaires étrangères, M. Barthou, ministre de la guerre,
11 janvier 1922, document reproduit dans in Christian Blaecher (éd.), Documents diplomatiques français. 1922,
volume I, Berne, Peter Lang, 2007, pp. 70-72 :
« Je réponds à vos télégrammes des 7 et 9 janvier.
La liste des cessions [aux Turcs,
gratuitement] comprend en effet :
— 10 000 tenues neuves ou bonnes avec chaussures ;
— [10 000] fusils Mauser et les
cartouches récupérées ;
— 2 000 chevaux ;
— 10 avions, 10 moteurs de rechange, 10 tentes abri et le matériel de la
station T.S.F. [c’est-à-dire radio] d’Adana.
[…]
Je vous prie donc d’adresser d’urgence à Beyrouth les ordres nécessaires
pour que ces cessions soient immédiatement réalisées […] Tout nouveau retard
nuirait gravement aux intérêts français, comme nous le signalent nos agents sur
place. »
Roger de Gontaut-Biron et L.
Le Révérend, D’Angora à Lausanne,
Paris, Plon, 1924, p. 100 :
« L’Hellé [navire grec]
ayant menacé la ville de Mersine d’un bombardement, le commandant du
stationnaire français sur cette rade signifia même au croiseur hellène que tout
acte de cette sorte sur la côte de Cilicie serait considéré par la France comme
un acte d’hostilité. En prévision de toute éventualité, l’amirauté française
doubla l’aviso-stationnaire du croiseur Cassard
et l’Hellé reprit la mer.
Au commencement de juin [1922],
le vapeur français Saint-Marc se
dirigeait sur Mersine, avec un important chargement de camions automobiles
Berlier, 10 000 fusils mitrailleurs, 7 avions et 150 tonnes de matériel
sanitaire, à destination de l’armée turque. »
Annotation du ministère des Affaires étrangères la lettre du général Maurice Pellé annonçant, le 14 août 1922, la reconquête turque, Archives du ministère des Affaires étrangères, microfilm P 1378 :
« Cela m’a été confirmé par M. Franklin-Bouillon [négociateur de l’accord d’Ankara en 1921 puis de l’armistice de Moudania en 1922], qui a conseillé aux Turcs d’attaquer. »
Lettre du colonel Louis Mougin
au général Henri Gouraud, 7 octobre 1922, reproduite dans Paul Dumont, « À
l’aube du rapprochement franco-turc : le colonel Mougin, premier
représentant de la France auprès du gouvernement d’Ankara (1922-1925) », La Turquie et la France à l’époque d’Atatürk,
Paris, ADET, 1981, p. 104 :
« Mes télégrammes vous ont mis au courant au jour le jour. Les
opérations [contre la Grèce] se sont
déclenchées suivant le plan que le G[énér]al
Buat [chef des armées françaises] m’avait
développé à mon départ de Paris et que j’avais soumis et discuté avec Ismet Pacha, d’abord à Akcheir, et avec Mustafa Kémal Pacha à Angora. Ce plan a été
adopté et tout a été réglé par Fevzi Pacha dans les moindres détails. Attaquer
sur un front en rapport avec les forces possibles. Percer, faire passer la
cavalerie pour couper les communications. Nous avons discuté longuement du
choix du terrain, de la largeur du front à attaquer avec 12 divisions + 3 en
réserve et 4 divisions de cavalerie prêtes à franchir les lignes. Cela a collé
au-delà de toutes les espérances. »
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