mercredi 29 décembre 2021

Les omissions et les contrevérités de Séta Papazian

 



 Séta Papazian avait cofondé, en 2004, le collectif Vigilance arménienne contre le négationnisme (collectif VAN), à l’initiative de l’ancien chef de la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) en France, Jean-Marc « Ara » Toranian — dans un contexte de crise interne au Comité de défense de la cause arménienne (CDCA), créé en 1970 par la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA). Le collectif VAN, particulièrement virulent pendant des années, y compris contre la justice française et européenne, s’est ensuite délité : son site Internet a disparu, sans un mot d’explication, en 2020, et son blog n’est plus mis à jour depuis mai 2021. Sa présidente revient, cette fois sur le site de La Règle du jeu, c’est-à-dire celui du repris de justice Bernard-Henri Lévy (condamné pour diffamation). L’article est du niveau attendu.

 

« Éric Zemmour s’est envolé pour l’Arménie le 11 décembre comme on part en croisade, en compagnie du souverainiste Philippe de Villiers. »

M. de Villiers, ce fameux défenseur des valeurs familiales, ennemi acharné, en son temps, de la loi dite Gayssot (celle qui interdit de contester les crimes contre l’humanité commis par le régime nazi et jugés par le tribunal militaire international de Nuremberg), par ailleurs condamné pour diffamation et qui s’est signalé par son complotisme, contre l’Europe et contre la vaccination (entre autres énormités), défend la cause arménienne depuis fort longtemps, au point d’avoir été reçu en 2008 par le président arménien de l’époque, Serge Sarkissian. Son soutien n’avait jamais gêné Mme Papazian, du temps où le groupuscule de cette dernière avait encore un site Internet.

 

« De quoi alimenter des articles tels ceux que Libération a publiés en 2020 durant l’offensive meurtrière Azerbaïdjan/Turquie contre le Haut-Karabakh [Artsakh] : la présence solitaire dans l’enclave arménienne assiégée, de Marc de Cacqueray-Valménier, leader du groupe néo-nazi Les Zouaves, avait été pointée par deux journalistes spécialistes de l’extrême-droite, qui avaient préféré dénoncer avec gourmandise cet épiphénomène regrettable plutôt que fustiger le fascisme turc mortifère qui sévissait au même moment en France et au Caucase. »

Ces deux journalistes ont été victimes de menaces de mort, proférées publiquement et qui ont conduit au retrait de l’article du site de Libération. Une recherche sur le blog et le compte Twitter du collectif VAN conduit à ne trouver aucune trace d’une quelconque réprobation, ou même d’une simple désapprobation, de ces menaces. Au lieu de se positionner contre cette méthode terroriste, Mme Papazian remet une cible sur le dos des victimes.

Ce passage est par ailleurs contraire à la vérité. L’engagement de M. Cacqueray-Valménier est tout sauf un « épiphénomène ». L’Arménie a constamment célébré, de 1991 à 2020, ses « héros nationaux » qui ont porté l’uniforme du Troisième Reich, comme Garéguine Nejdeh et Drastamat « Dro » Kanayan. Ces derniers ont combattu pour Hitler, qui leur avait promis le Karabakh, après avoir écouté son ami et ministre Alfred Rosenberg, converti à l’arménophilie depuis 1930 environ. Encore en 2020, le gouvernement arménien et la « république » autoproclamée du Haut-Karabakh se sont vantés de leurs liens chaleureux avec le principal parti de l’extrême droite allemande.

En France même, après que le CDCA fut débouté de son action contre l’historien Bernard Lewis, et condamné aux dépens, c’est l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française (Agrif), alors satellite du Front national, qui donna l’exemple d’un changement de tactique, en attaquant l’historien anglo-américain sur l’article 1382 du code civil. M. Toranian vint remercier le président de l’Agrif, Bernard Antony. Le même Bernard Antony écrivait dans Présent du 26 novembre 1984 : « Est-ce tabou de le dire ? Tout est organisé pour qu’il y ait de moins en moins de petits Européens et de plus en plus de Maghrébins. Cela va dans le sens de l’Europe cosmopolite et affairiste prônée par Guy Sorman. » (Pour ceux qui ne le sauraient pas, M. Sorman est de famille juive : tout le monde a maintenant compris l’allusion.) M. Antony s’était entouré, pour diriger l’Agrif, de Serge de Beketch, lequel se définissait comme « raciste » et « antidémocrate », une autodéfinition d’autant plus justifiée qu’il avait invité le négationniste Robert Faurisson à s’exprimer durant l’émission qu’il animait sur Radio Courtoisie, pour l’interroger avec une grande complaisance ; et de Richard Haddad, disciple de l’antisémite arménophile Édouard Drumont.

La première organisation arménienne à suivre l’exemple de l’Agrif fut l’Union médicale arménienne de France (UMAF), également composée, à l’époque, de membres et d’électeurs du Front national. La seconde fut le Forum des organisations arméniennes de France, qui choisit comme avocat le néofasciste Patrick Devedjian, dont l’engagement à l’extrême droite est très loin de se limiter à ses années (1964-1967) au groupuscule néofasciste Occident.

 

« Instrumentaliser la souffrance des Arméniens est aisé : ces derniers portent en héritage un puissant sentiment d’abandon depuis le génocide de 1915 que n’a jugé aucun Nuremberg. »

Cette phrase est une confirmation de plus que l’accusation de « génocide » sert à justifier l’expansionnisme arménien, au mépris du droit international : quatre résolutions du conseil de sécurité de l’ONU et une de l’assemblée générale ont confirmé l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et exigé le retrait sans délai des forces d’occupation, ce qui fut finalement obtenu par la force, le seul langage que les nationalistes arméniens comprennent, en 2020.

Quant à la référence à l’absence de Nuremberg, rappelons que les autorités britanniques ont tenté de juger pas moins de 144 anciens dignitaires ottomans, arrêtés en 1919 et 1920, avant de renoncer en 1921, aucune preuve ne pouvant être retenue contre eux ; bien au contraire, les documents ottomans saisis montraient un État ottoman interdisant de tuer et punissant les coupables de crimes, pendant la Première Guerre mondiale (cf., par exemple, Salâhi Sonyel, Le Déplacement des Arméniens : documents, Ankara, TTK, 1978).

 

« le tout avec l’accord tacite de l’OTAN, la vacuité de l’Union européenne, du Groupe de Minsk, de l’ONU et de l’UNESCO. Sans omettre Israël qui, malgré une fraternité de destin avec les Arméniens, a continué durant le conflit à armer Bakou avec ses drones tueurs. »

Mme Papazian ne serait pas cohérente avec elle-même sans une pointe d’antisionisme fielleux, enrobée de mythes pour faire passer cela sur un site qui se prétend favorable à Israël. De quelle « communauté de destin » parle-t-elle ? De la vénération de Garéguine Nejdeh, théoricien du nazisme à l’arménienne et criminel hitlérien, par l’ensemble des forces représentées au Parlement arménien, de 1991 à 2020 (il reste la référence idéologique par excellence de l’opposition organisée) ? De la collaboration de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA, groupe terroriste dont les membres décédés sont inhumés dans un cimetière d’honneur près d’Erevan) avec le Fatah, le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), le groupe Carlos, le régime du colonel Kadhafi, etc. ? De la rage antisémite vomie ces temps-ci sur Twitter par le Comité national arménien d’Amérique ?

 

« en portant un Éric Zemmour à la Présidence de la République, ses soutiens feront de son grand ami Me Olivier Pardo, un potentiel Garde des Sceaux. Or, le cabinet Pardo Sichel & Associés est le Conseil – très offensif – de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh comme l’indique La Lettre A du 15 juillet 2017 où sont évoquées ses pressions “depuis 2015 sur le Quai d’Orsay pour annuler les chartes d’amitié signées par des élus locaux avec les autorités du Haut-Karabakh.” »

Outre que le cabinet de Me Olivier Pardo a changé de nom depuis un an, et que l’article de La Lettre A est paru en 2019, et non en 2017, ces chartes ont été annulées par la justice administrative, en première instance puis en appel. Pourquoi ne pas le préciser ?

 

« Me Pardo est bien connu des militants arméniens pour les procès qu’il intente au nom de Maxime Gauin, un Français rémunéré par un think-tank nationaliste d’Ankara pour poursuivre quiconque le qualifierait de “négationniste du génocide arménien”. Dans ce cadre, Olivier Pardo dépose des QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) visant à abroger la loi du 29 janvier 2001 par laquelle “La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915”. »

Il s’agit, pour être exact, d’une seule QPC, partiellement reformulée entre la première instance et l’appel, mais qui conserve tous ses principaux arguments. Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu que la loi du 29 janvier 2001 est « applicable au litige », notamment en raison du fait qu’elle est invoquée en défense. Il a refusé de la transmettre en invoquant une jurisprudence périmée sur les dispositions législatives dépourvues de toute portée normative (jugées indignes d’être même censurées par le Conseil constitutionnel, elles sont systématiquement censurées depuis 2005). Cette jurisprudence périmée n’a de toute façon guère de pertinence, puisque nous arguons que la loi du 29 janvier 2001 a une portée normative incertaine, or à chaque fois que le Conseil constitutionnel a eu à trancher sur une disposition législative de ce genre, il a censuré.

Nous verrons ce que dira la cour d’appel. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que Me Frédéric Forgues, membre de l’Association des avocats et juristes arméniens de France (AFAJA), contrairement à ce que son patronyme pourrait laisser croire, a ouvertement menacé la cour d’une campagne de presse hostile, si elle transmettait la QPC, avouant ainsi qu’il ne se fait aucune illusion sur le sort que réserverait le Conseil constitutionnel à cette loi, s’il venait à en être saisi.

Enfin, le terme « nationaliste », non défini, est appliqué à la boîte à idées où je travaille sans un commencement d’explication. Venant de quelqu’un qui a toujours refusé de qualifier de terroriste l’attentat d’Orly, c’est assez osé.

 

Lire aussi :

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« L’Assiette au beurre » : soutien à la cause arménienne, turcophobie et antisémitisme prénazi

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