lundi 24 mai 2021

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

 Pierre Tévanian, « Le génocide des arméniens et l’enjeu de sa qualification (première partie) — Réflexions sur "l’affaire Veinstein" », Les mots sont importants, 24 avril 2020 (texte précédemment publié en 2003) :

« Yves Ternon [dans L’Empire ottoman : la chute, le déclin, l’effacement, Paris, éditions du Félin, 2002] rappelle par ailleurs que le total des Turcs assassinés par des activistes [sic] arméniens ne dépasse pas quelques centaines, ce qui fait un rapport de un pour mille. Il rappelle enfin que certains de ces assassinats, s’ils ne sont pas justifiables, s’expliquent par le désir de vengeance de certains Arméniens. »

 

Jeremy Salt, The Unmaking of the Middle East, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 2008, p. 67 :

« Le capitaine C. L. Woolley, un officier britannique voyageant à travers le “Kurdistan” après la guerre, entendit de chefs de tribus kurdes que quatre cents mille Kurdes avaient été massacrés par des Arméniens, rien que dans la région de Van et de Bitlis. Deux volumes de documents ottomans récemment [la première édition date de 1995 et la seconde, augmentée, de 2001, donc bien avant les élucubrations de MM. Ternon et Tévanian] publiés — essentiellement des rapports de réfugiés, de police, de jandarma et de fonctionnaires du corps préfectoral — couvrant la période de 1914 à 1921, indiquent que cette estimation kurde de leurs pertes à cause de massacres par des Russes, par leurs protégés arméniens, ou par les deux à la fois, n’est probablement pas éloignée de la vérité. Comptant par village et par ville, les noms des assassins étant souvent donnés, le nombre de musulmans [Turcs, Kurdes, Lazes, etc.] qui furent massacrés dans la région [de l’Anatolie orientale] est estimé à 518 105. »




 

Général Hassan Arfa (officier iranien né d’une mère britannique et d’un père persan, présent sur les lieux pendant la Première Guerre mondiale et qui a critiqué, en son temps, le déplacement forcé d’Arméniens ottomans), Under Five Shahs, Londres, John Murray, 1964, p. 147 :

« Quand l’armée russe progressa à l’intérieur de l’Anatolie, elle était précédée par un certain nombre de bataillons de volontaires arméniens, combattants irréguliers, brûlant d’un désir de revanche [Hassan Arfa omet, délibérément ou par ignorance, les massacres perpétrés entre novembre 1914 et mai 1915, avant le déplacement forcé ; mais il ne nie manifestement pas ceux commis à partir du milieu de 1915, ce qui est déjà considérable]. Ils commencèrent à massacrer la population, un massacre qui devint général après la révolution [russe de 1917] et le départ des officiers et soldats russes, les Arméniens étant laissés seuls sur le front turc. Le nombre de musulmans tués n’était pas situé très loin de 600 000 [en comptant les dizaines de milliers tués dans le Caucase, entre 1918 et 1920, ainsi que les victimes des volontaires arméniens de l’armée grecque, de 1920 à 1922, on ne doit effectivement plus être loin de 600 000, si tant est que ce chiffre ne soit pas dépassé], mais ce ne fut pas connu à l’étranger ; en Europe et aux États-Unis, on était principalement intéressé par les Arméniens chrétiens, dont le sort avait été rendu public par des missionnaires américains et d’autres nationalités, résidant en Turquie. »

 



Paul Dumont et François Georgeon, « La mort d’un empire (1908-1923) », dans Robert Mantran (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989, p. 625 :

« Il importe cependant de souligner que les communautés arméniennes ne sont pas les seules à avoir été laminées par le fléau de la guerre. Au printemps de 1915, l’armée tsariste s’est avancée dans la région du lac de Van, entraînant dans son sillage des bataillons de volontaires constitués d’Arméniens du Caucase et de Turquie. […] Les statistiques de l’après-guerre font apparaître, pour chacune des provinces soumises à l’occupation russe et aux actes de vengeance des milices arméniennes [même frilosité que ci-dessus à parler des massacres perpétrés avant la fin de mai 1915, par des insurgés, tout en admettant ceux commis à partir de juin], un important déficit démographique — totalisant plusieurs centaines de milliers d’âmes — dû pour une bonne part aux massacres perpétrés par l’ennemi. »

 

Michael A. Reynolds (maître de conférences en histoire à l’université de Princeton), Shattering Empires. The Clash and Collapse of the Ottoman and Russian Empires, 1908-1918, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2011, p. 157 :

« Un fonctionnaire tsariste, le prince Vassili Gadjemoukov, exposa carrément les accusations contre les Arméniens dans un rapport à Youdenitch. La participation arménienne dans les opérations militaires n'avait produit “que des résultats négatifs”. Les marchands arméniens abîmaient la logistique de l'armée en abusant de leur accès aux chemins de fer pour expédier des biens commerciaux. Pire encore, le pillage incontrôlé du fait des bandes arméniennes éveillait l'hostilité des Kurdes et des autres musulmans. Par leur massacre général des musulmans à Van [en avril-mai 1915, soit avant la loi sur le déplacement forcé], expliquait-t-il, “les Arméniens eux-mêmes” avaient donné le “signal de la destruction barbare de la nation arménienne en Turquie”. »

 

Documents [sur les Arméniens ottomans], Ankara, Direction générale de la presse, tome I, 1982, pp. 59-61 :

« Liste de la population masculine du village de Mergehu [village de la province de Van] tuée et massacrée à la suite de cruautés jamais vues, perpétrées par des Arméniens de la région, qui se sont joints aux bandes d’Arméniens renforçant les forces russes

Le fils d’Abdi, Haci Ibrahim           Par balle et par baïonnette

Le fils d’Haci Ibrahim, Abdi           Par balle et par baïonnette

Le fils d’Abdi, Reso                          Battu et coupé en morceaux

Le fils d’Ömer, Sado                        Battu et coupé en morceaux

Le fils de Reso, Oso                         Battu et coupé en morceaux

Le fils de Canko, Kulu                     Par un coup de baïonnette dans l’œil

Le fils de Mollah Hamit, Emin      Par un coup de baïonnette dans l’œil

Le fils de Hamit, Molla Abdullah Par un coup de baïonnette dans l’œil

Le fils de Canka, Abdullah             Coupé en morceaux

Le fils d’Ahmet, Ibo                         Éventré

Le fils d’Ibo, Ismail                          Grillé vif

[Suivent encore des dizaines de cas de ce genre, y compris des femmes et des enfants dont le cadavre a été retrouvé dans un four]

4 mars 1915

Copie retranscrite à partir du livre d’enquête

Le gouverneur, Kemal »

 

René d’Aral, « Le spectacle de l’Orient », Le Gaulois, 12 septembre 1922, p. 1 :

« On demeure stupéfait de la candeur des plénipotentiaires de 1919 qui, tranquillement, sans se préoccuper ni des questions de races, d’orgueil, de patriotisme, ni des passions allumées, ni des rancunes qu’ils laissaient vivaces, ni des considérations d’ordre national ou ethnique, décrétaient la suppression ou presque de la Turquie d’Europe, la réduction de la Turquie d’Asie au profit de la Grèce, et se figuraient que les bons Turcs se soumettraient à ce dépeçage, trop heureux encore de ne point avoir été totalement rayés de la carte du monde Il faut reconnaître, il est vrai, que nous étions assez sceptiques sur les conséquences de cette singulière décision mais quand nous tentions d’y objecter, nous trouvions en face de nous le puritanisme anglo-américain, hérissé et furibond, qui invoquait en faveur de sa thèse l’éternelle histoire des massacres arméniens, et nous n’osions répliquer que les statistiques des agents de l’Entente avaient maintes fois démontré que les massacreurs étaient de part et d’autre à égalité. »

 

Une fois encore, ceux qui hurlent « négationnisme » pour tenter de censurer les thèses historiennes qui démontent rationnellement la qualification de « génocide arménien » ne se gênent pas pour nier grossièrement des massacres parfaitement avérés — tombant ainsi sous le coup de leur propre définition, à usage purement polémique, du terme « génocide ». Ni M. Ternon, ni M. Tévanian n’ont mis les pieds de leur vie dans un seul dépôt d’archives, turc, français, britannique, américain, russe, arménien, ou autre, relatif à la question arménienne, ni n’ont prétendu apporter la moindre réponse aux diverses sources sur les massacres musulmans (et de juifs), par des nationalistes arméniens, avant 1917. Notons aussi que dans Les Arméniens, histoire d’un génocide, Paris, Le Seuil, 1996, pp. 341 et 409, M. Ternon cherche à faire croire à son lecteur que le recueil Documents sur les atrocités arméno-russes, İstanbul, 1917, concerne son année de parution, alors qu’il s’agit, notamment, de documents sur les massacres commis en 1915, y compris avant la loi sur le déplacement forcé.

 

Lire aussi :

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Le « négationnisme » peu connu d’Anahide Ter Minassian

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