samedi 30 mai 2020

L’approbation du terrorisme par les polygraphes de la cause arménienne


Fusillade à l’aéroport d’Ankara-Esenboğa, par l’ASALA, le 7 août 1982.


Plaidoirie de Me Jean Loyrette, avocat de la partie civile et docteur en histoire, au procès de l’attentat d’Orly, 1er mars 1985 :
« Les trois ouvrages publiés en français (Carzou, Chaliand, Ternon), et qui sont sans cesse repris dans les procès arméniens ou dans les tracts des groupuscules révolutionnaires sont l’œuvre d’amateurs qui n’ont pas une véritable formation d’historien, ignorent la langue turque et ne font jamais référence, ne serait-ce que pour le critiquer, au moindre document turc.
Ils portent une responsabilité dans cette œuvre de désinformation, et cette responsabilité est d’autant plus lourde qu’ils savent parfaitement que des deux côtés, les passions devant l’ampleur du drame sont à vif. »

Gérard Chaliand et Yves Ternon, Le Génocide des Arméniens, Bruxelles, Complexe, 1980, p. 177 (partie écrite par Gérard Chaliand) :
« Durant trois ou quatre ans, sans échec grave, au terme d’opérations préservant l’anonymat des exécutants, le terrorisme des groupes arméniens a servi la cause arménienne dans la mesure où la réalité et l’ampleur du génocide motivant ces attentats dépassaient largement dans leur horreur la réprobation à l’égard de ces crimes.
Le terrorisme publicitaire, qu’on le déplore ou non, trouve là sa justification. »

« Compte-rendu du meeting-débat du 21 septembre — Mise au point sur sept années d’actions armées », Haïastan, octobre 1982, pp. 6-8 :
« Les orateurs de ce meeting, à savoir : Yves Ternon (historien), [Philippe] Raffi Kalfayan (porte-parole de la F.R.A. Nor Seround), Gérard Chaliand (écrivain, journaliste et professeur à l’E.N.A.) et Kevork Kepenekian (représentant de la F.R.A. Dachnaktsoutioun) ont pris tour à tour la parole.
Le meeting était présidé par M. Ara Biberian, qui a fermement condamné l’horreur des massacres de Sabra et Chatlia. Rappelant que Sabra et Chatila sont “des images sorties de notre mémoire”, il a exigé une minute de silence à la mémoire de ceux qui sont morts, victimes d’un assassinat collectif prémédité.
Ensuite, Ara Biberian a donné la parole à Yves Ternon, qui a abordé le thème en faisant un historique des actions armées arméiennes depuis près d’un siècle. M. Ternon souligna que ces actions armées étaient menées par la F.R.A. Dachnaktsoutioun [affirmation exagérée : les premières insurrections et les premiers attentats, par des nationalistes arméniens, sont antérieurs à la création de ce parti, en 1890, même si la F.R.A. a commis beaucoup d’attentats et organisé plusieurs soulèvements après cette date].
Puis, M. Yves Ternon insista sur le fait qu’il voyait trois causes justifiant le recours aux actions armées :
— Un réveil de la diaspora arménienne, consciente que les seules démarches diplomatiques ne pouvaient aboutir ;
— L’attitude de la Turquie, qui refuse de dialoguer avec les Arméniens pour une juste résolution de notre cause [allusion aux revendications territoriales de la F.R.A.] ;
— Le Liban. En effet, selon M. Yves Ternon, le “terrorisme” arménien est né au Liban [affirmation pour une fois exacte]. La communauté arménienne du Liban, la mieux structurée, ne pouvait pas ne pas réagir, “ils devaient faire quelque chose”.
D’autre part, M. Ternon regrette l’attitude des gouvernements occidentaux qui sont complices de la Turquie en refusant de reconnaître la réalité du génocide arménien. […]
Puis, ce fut au tour du camarade [Philippe] Raffy Kalfayan de prendre la parole au nom de la F.R.A. Nor Seround. Il rappela que les premiers attentats d’octobre 1975 [assassinat de l’ambassadeur turc à Vienne, le 22, puis de l’ambassadeur à Paris, le 24], revendiqués par les Commandos des justiciers du génocide arménien [branche terroriste de la F.R.A., à ne pas confondre avec l’Armée secrète pour la libération de l’Arménie], marquent “le retour de la donnée militaire dans la lutte de libération du peuple arménien.”
“Le retour aux actions armées dans le combat national a créé un immense espoir au sein de la jeunesse arménienne de la diaspora.”
Il insiste aussi sur le réveil des jeunes qui ont pris conscience que le peuple arménien devait récupérer ses [sic !] territoires pour assurer sa survie en tant que peuple.
[…]
Enfin, M. [Gérard] Chaliand insista sur une idée fondamentale : “Depuis les attentats, les Arméniens ne sont plus seulement des victimes, ce sont aussi des gens qui peuvent récupérer une identité.” Mais le combat doit continuer sans renier aucune forme de lutte.
[…]
En effet […], nous n’avons fait en aucun cas le procès de l’A.S.A.L.A. »

« Meeting de la FRA à Paris », Hay Baykar, 29 septembre 1982, p. 16 :
« Gérard Chaliand […] approuva la prise d’otages à l’aéroport d’Ankara [il s’agit plutôt d’une fusillade sur des civils désarmés, qui fit neuf morts, dont deux touristes étrangers, sans compter un des deux terroristes, tué dans la fusillage] et au consulat de Turquie à Paris [prise d’otages qui fit un mort]. »

Yves Ternon, entretien à Hay Baykar, 2 juin 1983, pp. 6-7 :
« J’ai essayé d’être historien [sic]. […] Je me suis toujours battu pour une vision des choses qui était celle de la non-violence, sans récuser la violence : elle doit être nécessaire et analysée comme nécessaire. […] Il y a quelque chose de positif dans cette lutte, c’est l’association avec les Kurdes. Je me souviens, alors que l’ASALA n’était pas encore connue, avoir dit aux Arméniens : “Mais qu’est-ce que c’est que cette lutte où vous vous placez tout seuls, comme s’il n’existait que vous ?”
L’association des Arméniens avec les Kurdes est quelque chose de fondamental, d’indispensable. »

Michel Marian, « Le terrorisme arménien après l’âge d’or », Esprit, n° 10-11, octobre-novembre 1984, p. 47 :
« Il y a eu un âge d’or du terrorisme arménien. Entre 1975 et 1981, les attentats sont apparus à la communauté purs, utiles et agréables. Purs parce qu’ils visaient des représentants de l’État turc, auteur, profiteur et apologiste du génocide. Utiles parce qu’ils ont fait en quelques années avancer une cause qui stagnait depuis plus d’un demi-siècle. Agréables parce que les Arméniens savouraient cette ironie de l’histoire qui mettait aux quatre coins de la planète les héritiers des bourreaux sous la menace permanente des petits-fils des rescapés éparpillés dans le monde. »

Jean Marie-Carzou (Zouloumian), Discours prononcé à l’appel du Comité de défense de la cause arménienne (branche de la Fédération révolutionnaire arménienne), à Marseille, le 21 octobre 1972, reproduit dans Arménie 1915. Un génocide exemplaire, Paris, 2006, p. 322 :
« Si le terrorisme a connu depuis un certain temps la recrudescence que l’on sait, c’est bien parce qu’il offre aux vrais pauvres, à ceux qui sont dénués de tout moyen et de toute aide [sic : l’Organisation pour la libération de la Palestine est alors abondamment financée par l’Arabie saoudite et ses dirigeants vivent dans le luxe], la possibilité, désespérée mais efficace, d’attirer à eux la lumière : quelles que soient leurs erreurs et leurs excès, les Palestiniens [discours prononcé peu après le massacre des athlètes israéliens à Munich par un commando terroriste de l’O.L.P.] et les Tupamaros en fournissent la démonstration évidente. Et je crois que [souligné dans l’original] si les Arméniens d’Europe se décidaient à des actions terroristes contre tout ce qui est turc, il n’y a pas de doute qu’une actualité en surgirait, ramenant au grand jour les vrais problèmes demeurés en suspens de la cause arménienne. »

Jean-Marie Carzou (Zouloumian), « Et alors ? », ibid., p. 264 (ajout de 2005) :
« Vint cependant un jour où, après des scissions et, de multiples scissions et secousses souterraines, une bombe placée devant le comptoir de la compagnie aérienne nationale turque (T.H.Y., Turkish Airlines) fit des victimes non concernées [d’où il faut déduire que, selon M. Zouloumian, la Française Renée Morin, tuée par une bombe de l’A.S.A.L.A. le 28 février 1983, était « concernée », de même évidemment que les diverses victimes turques, dont aucune n’était née en 1915] : c’était à Orly, le 15 juillet 1983. Le problème changeait de dimension et l’on se retrouva aussitôt dans la dialectique habituelle du terrorisme ; mais je dois avouer que ce qui me choqua le plus alors, ce fut de voir la communauté arménienne de France, plus encore qu’à l’époque de l’occupation [sic] du consulat [de Turquie à Paris] (où elle était venue jusqu’à la télévision faire littéralement acte d’obédience au ministre français de l’Intérieur — Gaston Defferre en l’occurrence, de surcroît maire de Marseille, qui compte l’une des trois plus fortes concentrations d’originaires arméniens en France), se dresser unanime contre les auteurs de l’attentat [faux : le Mouvement national arménien a payé leurs frais de justice jusqu’à la rupture de la fin de 1984, non désirée par le M.N.A., et a quand même appelé à venir les soutenir, lors du procès de février-mars 1985 ; par ailleurs, le mensuel Arménia de Marseille a explicitement refusé de condamner l’attentat]. Pour regrettables [sic !] que fussent ses conséquences, ils l’avaient quand même perpétré pour nous, afin que cessent l’oubli et l’injustice. »

Il est donc clair comme le jour que les polygraphes, sans formation d’historien, ceux-là même que les Claire Mouradian et les Vincent Duclert nous présentent comme de respectables et courageux pionniers, ont pris très nettement parti pour le terrorisme, que leurs publications sont indissociables de leur engagement en faveur des auteurs d’attentats.

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