vendredi 26 avril 2024

Talat Pacha et les Arméniens


 


« Les affaires arméniennes », Stamboul, 8 mai 1914, p. 1 :

« Nous avons dit hier que les électeurs du second degré de la communauté d’Erzéroum [Erzurum] avaient décidé de s’abstenir de participer à l’élection des deux députés arméniens de cette ville, convaincus que les délégués désignés par le patriarcat, Mourad et Vartkès [Serengülyan] Effendis, ne pourront pas obtenir la majorité de voix nécessaire à leur élection.

Mgr Zavène, au cours de sa visite au ministre de l’Intérieur, a entretenu aussi Talaat Bey de cette question. Il a prié le ministre de prendre les dispositions voulues pour assurer le succès des deux candidats du patriarcat.

Le ministre a assuré Mgr Zavène que ces candidats seraient élus. »

 

Şaduman Halıcı, « 1914 Meclis-i Mebusan Seçimlerinde Ermeniler » :

« Cinq des députés élus au Parlement de 1914 (Halladjian, Zohrab, Der Garabetyan, Boşgezenyan et Serengülyan) ont été députés pendant trois mandats. »

 

Le vice-consul de France à Van à Son Excellence Monsieur Delcassé, ministre des Affaires étrangères, 10 octobre 1914, Archives du ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, microfilm P 16745 :

« Tahsin Bey […] fut appelé l’année dernière [par Talat, ministre de l’Intérieur] à diriger ce vilayet [celui de Van, comptant la plus forte proportion d’Arméniens dans l’Empire ottoman].

C’est un fonctionnaire de la plus haute valeur. En quelques mois, il a réussi à enrayer complètement le brigandage qui sévissait dans ce pays, à neutraliser l’influence des éléments féodaux [kurdes] et à rétablir partout l’ordre et la sécurité. Personne avant lui n’avait su s’imposer ni manœuvrer avec autant de sens politique et d’autorité. Il est vrai que toutes ses actions étaient approuvées d’emblée par le gouvernement central et que cet appui lui assurait une pleine liberté d’action. »  




 

Télégramme de Talat au préfet d’Alep, transmis au sous-préfet d’Antep le 28 avril 1915, saisi par l’armée britannique fin 1918, Salâhi Sonyel, « The Armenian Question in the Light of New Documents », Belleten, XXVI/141, janvier 1972, pp. 59-60 :

« Veuillez fermer en une fois les sections des comités Hintchak et Dachnak. […] Comme cet ordre est exclusivement destiné à empêcher l’extension des comités, vous devez vous abstenir de l’exécuter d’une façon telle qu’il entraînerait les éléments musulman et arménien à se massacrer. »

 

Note de Talat  à Sait Halim Pacha, 26 mai 1915, Hikmet Özdemir et Yusuf Sarınay (éd.), Turkish-Armenian Conflict Documents, Ankara, TBMM, 2007, pp. 58-59 :

« Les aspirations séparatistes, suscitées par les promesses et les menaces répandues parmi les sujets arméniens par des individus que des mensonges ont dupés, sont entretenues par divers moyens. Les manifestations de ces aspirations séparatistes, qui ont été observées de temps à autre sous la forme d’attaques contre les forces de sécurité et de soulèvements armés, suscitent des sentiments de haine de la part d’autres sujets fidèles à l’État et imposent, dès lors, d’agir pour protéger l’existence même de l’État. Cela pourrait entraîner des événements fort déplaisants, qui ne seraient pas souhaités par l’État. Malgré le fait que des résultats concrets aient été obtenus grâce aux politiques suivies et aux réformes à grande échelle mises en œuvre, des pays étrangers continuent leurs actions de tromperie.

[…]

Malheureusement, pendant que l’on cherche les moyens d’apporter une solution définitive à ce problème, certains des Arméniens vivant à proximité des champs de batailles se sont récemment employés à créer des difficultés pour notre armée dans sa lutte contre l’ennemi [russe] et pour protéger les frontières ottomanes. Ces Arméniens tentent d’entraver les opérations de l’armée et le transfert de ravitaillements et de munitions. Ils combinent leurs aspirations et leurs activités avec celles de l’ennemi et combattent contre nous dans les rangs de l’ennemi. À l’intérieur du pays, ils osent mener des attaques armées contre les forces militaires et les civils innocents, commettre des meurtres et des pillages dans les villes et villages ottomans, approvisionner la marine ennemie [britannique] et pour les informer des places avec des postes fortifiés.

Le comportement de ces éléments rebelles a rendu nécessaire leur retrait de la zone d’opérations militaires et l’évacuation des villages servant de bases opérationnelles et d’abris aux rebelles. […]

Une décision a été prise pour assurer le confort de ces sujets [arméniens] en route vers les lieux alloués à leur réinstallation. Assurer l’arrivée des sujets sur les lieux de réinstallation, faciliter leur repos et protéger leur vie et leurs biens pendant leur voyage. De même, leur fournir de la nourriture et un abri grâce au fonds des immigrants jusqu’à leur installation définitive, et leur répartir les biens immobiliers et les terres proportionnellement à leur situation financière et économique antérieure. Construire des maisons pour ceux qui sont dans le besoin et, si nécessaire, distribuer des semences aux agriculteurs et des outils aux artisans, restituer les biens transférés de manière convenable, les propriétés et les possessions qu’ils avaient laissées derrière eux, ou l’équivalent monétaire de ces propriétés et possessions, installer les immigrants et les tribus dans les villages évacués et répartir les biens immobiliers et les terres entre eux après avoir évalué les prix de ces propriétés. »

 

Minutes du conseil des ministres ottoman, 29 septembre 1915, ibid., p. 294 :

« Résumé

Le rapport du ministre de l’Intérieur [Talat] a été lu.

 

Décision

Comme il est indiqué dans le rapport mentionné ci-dessus, il a été entendu que lors du transfert des Arméniens, dont il avait été décidé de se déplacer vers d’autres endroits pour des raisons militaires et pour le maintien de l’ordre public, des actions illégales et des abus de ont été commis, dans un certain nombre d’endroits. C’est pourquoi, afin de mener l’enquête nécessaire et de traduire les auteurs de tels actes devant les tribunaux militaires, il a été décidé de former trois commissions qui seront envoyées dans trois secteurs différents. […] »

 

Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Paris, Triangle, 1984 :

« La note codée du 14 juin 1915 (1er juin 1331) est assez importante :

“La préfecture d’Erzurum nous a informé qu’une colonie de 500 Arméniens qu’on avait fait partir d’Erzurum a été tuée par des tribus entre Erzincan et Erzurum. Il faudra veiller à défendre la vie des Arméniens que l’on met sur les routes ; il faudra, bien entendu, châtier ceux qui, pendant leur transfert, tenteront de fuir ainsi que ceux qui attaqueront les personnes chargées de la protection. Mais il ne faudra jamais mêler à cela la population. Nous ne devons laisser absolument aucune possibilité à ce que se reproduise ce genre d’événements. En conséquence, il faudra prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger les Arméniens contre les attaques des tribus et des villageois ; il sera également nécessaire de punir sévèrement les meurtriers et les voleurs.” » (p. 256)  

« Ceux qui furent reconnus coupables furent déférés au tribunal de siège. Voici le nombre des cas dans quelques provinces et arrondissements :

Sivas : 648

Mamuretelazi: 223

Diyarbakir : 70

Bitlis : 25

Eskisehir : 29

Sebinkarahisar : 6

Nigde : 8

Izmit : 33

Ankara : 32

Kayseri : 69

Syrie : 27

Hüdavendigar : 12

Konya : 12

Urfa : 189

Canik : 14 » (pp. 258-259)

 

Gilles Veinstein (professeur d’histoire ottoman au Collège de France), « Trois questions sur un massacre », L’Histoire, n° 187, avril 1995, p. 41 :

« Au demeurant, quels que soient les indices qu’on estimera pouvoir en tirer en faveur d’une implication du gouvernement ottoman, il restera à expliquer comment dans le même temps les autorités d’Istanbul dénonçaient les exactions commises contre les Arméniens, en interdisaient le renouvellement, traînaient les coupables devant des cours martiales. On a ainsi connaissance de 1 397 cas de condamnations d’agents ottomans pour crimes contre les Arméniens, dont des condamnations à mort [9]. Dans la région de Harput en particulier, où de terribles violences contre les Arméniens étaient commises, selon le témoignage du consul américain Leslie A. Davis, avec l’accord du gouverneur qui affirmait agir sur ordre de la capitale [10], 233 procès en cour martiale furent intentés contre des officiels ottomans accusés de crimes contre les Arméniens, suivis de condamnations [11]. »

 

Télégramme de Talat au directeur des Migrations, 27 octobre 1915, Hikmet Özdemir et Yusuf Sarınay (éd.), Turkish-Armenian Conflict…, p. 351 :  

« Il a été communiqué par télégramme du 23 octobre 1915 du commandement de la IVe armée qu’un montant minimum de cent mille livres ottomanes est nécessaire pour l’approvisionnement alimentaire des convois arméniens, étant donné que chaque jour, une partie des personnes faisant partie de ces convois meurent de faim. Puisque cette demande d’argent nous laisse penser que les mandats ne sont pas entièrement payés par les bureaux locaux du Trésor public, nous avons besoin de votre avis sur la situation exacte, c’est-à-dire savoir si la somme déjà allouée à cet effet est suffisante ou non. »

 

Guenter Lewy, The Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press, 2005, p. 65 :

« William Peet, responsable de l’assistance américaine [principalement pour les Arméniens] à Constantinople, se souvient que Talat Pacha “accordait toujours une prompte attention à mes requêtes, me saluant fréquemment par ces mots lorsque je lui rendais visite dans son bureau : ‘Nous sommes partenaires, que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?’” »

 

Yücel Güçlü, The Holocaust and the Armenian Case in Comparative Perspective, Lanham-Boulder-New York, University Press of America, 2012, p. 86 :

 « Durant la Première Guerre mondiale [et en fait jusqu’à la dissolution de l’Empire ottoman, en 1922], Hrant Abro, arménien, était le conseiller juridique du ministère ottoman des Affaires étrangères et il accompagna Talat Paşa, Grand vizir, et Ahmed Nesimi Bey, ministre des Affaires étrangères, lors des négociations de paix tenues à Brest-Litovsk, avec les Soviets, qui conduisirent au traité du 3 mars 1918 restituant aux Ottomans les districts de Kars et Ardahan, annexés par la Russie en 1878, et abandonnant toute revendication russe en matière de privilèges capitulaires dans l’Empire ottoman.. »

 

Discours de Talat Pacha, 1er novembre 1918, reproduit dans Yusuf Hikmet Bayur, Türk lnkliâbi Tarihi, Ankara, TTK, 1983, tome III, volume 3, p. 43 :

« La question de l’émigration des Arméniens a été l’une de celles dont on a le plus entendu parler dans les cabinets de guerre, à l’intérieur du pays et surtout à l’étranger.

En premier lieu, il faudrait préciser que les rumeurs sur le déplacement et le massacre ont été très excessives. Les publications arméniennes et grecques ont répandu les accusations d’atrocités à grand fracas et en grossissant les choses, certaines de l’effet que de telles accusations produiraient sur l’opinion publique en Europe et en Amérique, une opinion qui ne connaît pas les Turcs, ou qui ne les connaît que fort peu.

En disant cela, je ne veux absolument pas nier les faits. Je désire seulement dire la vérité et faire table rase des exagérations. Si l’on met de côté celles-ci, beaucoup d’affaires tragiques sont effectivement survenues lors du transfert. Mais aucune de celles-ci ne s’est produite sur un ordre donné par la Sublime Porte. La responsabilité de ces actes incombe avant tout à des éléments qui ont agi de manière inadmissible. Sans aucun doute, les Arméniens ne sont pas tous responsables de ce qui s’est produit. Mais pendant une guerre qui devait décider de la vie ou de la mort d’un pays, il était nécessaire de ne montrer aucune indulgence envers ceux qui gênaient les mouvements de l’armée et qui mettaient en danger la sécurité de celle-ci et la sûreté du pays en fomentant des insurrections sur les arrières. Les bandes de francs-tireurs arméniens gênaient les mouvements de nos armées dans la région d’Erzurum et trouvaient aide et protection dans tous les villages arméniens.

Lorsqu’ils se trouvaient en position difficile, sur un appel lancé, tous les villageois couraient dans les églises chercher les fusils qu’ils y avaient cachés et accouraient pour les aider. Nous ne pouvions pas tolérer qu’ils se trouvent ainsi sans cesse sur les arrières de l’armée, coupant nos lignes de retraite, ni tolérer le danger qu’ils pouvaient faire encourir à nos services en retrait du front. Les informations venant des armées ainsi que les notes envoyées sans cesse par les gouverneurs, nous ont finalement mis dans l’obligation de prendre des mesures catégoriques.

La question du transfert est avant tout le résultat de mesures prises en raison des nécessités créées par l’état de guerre.

Ce que je voudrais préciser est que, partout, le transfert des Arméniens a eu lieu dans des conditions régulières et seulement dans la mesure où la nécessité y contraignait. Dans plusieurs endroits, les hostilités accumulées depuis longtemps ont explosé et ont occasionné des abus que nous n’avions absolument pas souhaités. Certains fonctionnaires ont manifesté une violence et une cruauté excessives. J’avoue également que, dans de nombreux endroits, beaucoup d’innocents ont été injustement sacrifiés. »

 

Lire aussi :

L’assassinat du maire de Van Bedros Kapamaciyan par la Fédération révolutionnaire arménienne (1912)

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

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Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

L’affaire Bernard Lewis (1993-1995)

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