mardi 3 juin 2025

Le courageux historien Pierre Nora : admiré par ses pairs, haï par les fanatiques arméniens

 



« L’historien Pierre Nora est mort », Le Monde, 3 juin 2025 :

« Son nom restera surtout attaché à l’une des productions historiographiques les plus innovantes des quarante dernières années : Les Lieux de mémoire, entreprise gigantesque de sept volumes, publiés entre 1984 et 1993. Grand maître d’œuvre, il mobilisa 130 historiens, dont Raoul Girardet, Maurice Agulhon, Antoine Prost et Pascal Ory, pour décrypter notamment les symboles de la République (les trois couleurs, le calendrier républicain, La Marseillaise) et ses monuments (le Panthéon, la mairie, les monuments aux morts).

La réputation des Lieux de mémoire fut vite établie. René Rémond en fit l’éloge. “C’est notre Légende des siècles. Cathédrale de la mémoire, pyramide édifiée à l’histoire.” Pierre Nora était le “sourcier de l’identité française”, selon l’expression de Mona Ozouf. Outre une traduction américaine, Rethinking France, des adaptations furent publiées en Espagne, en Allemagne et en Italie. »

 

Pascal Ory, déclaration à France Inter, 3 juin 2025 :

« Le personnage le plus impressionnant qui soit pour un jeune historien. […] Je pense qu’il il n'y a pas d'équivalent à Pierre Nora dans l’histoire française de l’Histoire. »

 

« France : l'historien Pierre Nora, membre de l'Académie française, est décédé », Rfi.fr, 3 juin 2025 :

« Un temps directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), puis enseignant à Sciences Po Paris, Pierre Nora est élu à l'Académie française en 2001. Au cours de sa vie, le lauréat du Grand prix national d'histoire 1993 a inscrit plus de 700 titres chez Gallimard. Un parcours retracé déjà dans une biographie parue de son vivant, celle d'un homme avide de curiosité, accoucheur d'idées, sacrifiant ses passions pour faire écrire les autres.

Sa disparition a suscité nombre d'hommages du monde de la littérature et des représentants politiques. La librairie Mollat, fleuron de la librairie indépendante, salue une “figure essentielle de la vie intellectuelle de la seconde moitié du XXe siècle”. Rachida Dati, la ministre de la Culture, évoque un « cartographe de la France et de la façon dont les souvenirs bâtissent notre identité commune ». Le président de la République, Emmanuel Macron, écrit à propos de Pierre Nora : “Éditeur des voix de courage, historien de notre imaginaire, il fit de la mémoire une discipline pour le plus grand nombre. Écrivain du temps perdu, de la Nation imaginée, de la France tant aimée.” »

 

Pierre Nora, « Gare à la criminalisation générale du passé ! », Le Figaro, 17 mai 2006 :

« La tempête déclenchée, il y a quelques années en France, autour de Bernard Lewis relève du terrorisme intellectuel. »

 

Appel de Blois lancé en 2008 par Pierre Nora :

« L'Histoire ne doit pas être l'esclave de l'actualité ni s'écrire sous la dictée de mémoires concurrentes. Dans un Etat libre, il n'appartient à aucune autorité politique de définir la vérité historique et de restreindre la liberté de l'historien sous la menace de sanctions pénales.

Aux historiens, nous demandons de rassembler leurs forces à l'intérieur de leur propre pays en y créant des structures similaires à la nôtre et, dans l'immédiat, de signer individuellement cet appel pour mettre un coup d'arrêt à la dérive des lois mémorielles.

Aux responsables politiques, nous demandons de prendre conscience que, s'il leur appartient d'entretenir la mémoire collective, ils ne doivent pas instituer, par la loi et pour le passé, des vérités d'Etat dont l'application judiciaire peut entraîner des conséquences graves pour le métier d'historien et la liberté intellectuelle en général.

En démocratie, la liberté pour l'Histoire est la liberté de tous. »

 

Pierre Nora, « Lois mémorielles : pour en finir avec ce sport législatif purement français », Le Monde, 28 décembre 2011 :

« On ne pouvait imaginer pire [que le texte voté par l’Assemblée nationale en décembre 2011 et censuré par le Conseil constitutionnel en février 2012]. Et si le Sénat devait confirmer cette funeste loi sur "la pénalisation de la contestation des génocides établis par la loi", ce sont les espoirs de tous ceux qui ont désapprouvé la généralisation des lois mémorielles et tous les efforts de l'association Liberté pour l'histoire depuis 2005, qui se trouveraient anéantis. A peine y avait-il une cinquantaine de députés en séance pour voter à main levée. Je ne doute pas que les plus conscients d'entre eux ne tarderont pas à se mordre les doigts devant les conséquences de leur initiative. L'ampleur du désastre est telle qu'il faut reprendre la question à zéro.

[…]

Ce qui frappe dans la loi adoptée le 22 décembre, son urgence, son téléguidage par l'Élysée, c'est le cynisme politicien, la volonté de couper l'herbe sous le pied d'une initiative parallèle de la gauche au Sénat, son arrière-pensée d'en finir avec toute candidature à l'UE de la Turquie, ainsi diabolisée, et pratiquement "nazifiée".

Il en va de même de la notion de crime contre l'humanité, associée dans la loi à celle de génocide. La notion est entrée dans le droit en 1945 au procès de Nuremberg, et son imprescriptibilité signifiait qu'aucun des auteurs du crime n'était à l'abri de poursuites jusqu'à sa mort. On l'a vu pour les nazis. Mais l'Arménie ? Aucun des acteurs n'étant encore en vie et le crime datant de près d'un siècle, faut-il que ce soient les historiens qui en portent la responsabilité ? Comment ceux-ci pourraient-ils travailler sur un sujet désormais tabou ? »

 

Déclaration à La Nouvelle République, 15 octobre 2011 :

« Je suis un attaqué permanent. Il y a un an, alors que des Arméniens manifestaient au Sénat en faveur de la “Gayssotisation” de la loi [il s’agit de la proposition de loi Masse, rejetée par le Sénat en mai 2011], on a vu une banderole “Nora est le Himmler des Turcs”. Bernard-Henry Lévy m’en a fait une photo. »

Remarque : cette manifestation était organisée par le Conseil de coordination des associations arméniennes de France, déjà présidé par Jean-Marc « Ara » Toranian et Franck « Mourad » Papazian ; rien n’indique les organisateurs ont demandé aux porteurs de la banderole de la replier.


https://x.com/N_Kechichian/status/1447005344383873025 

« Simone Veil, Pierre Nora, Robert #Badinter... Des fossoyeurs de mémoire, de petits laquais qui ont rendu service aux negationnistes du génocide des Arméniens. Leurs insultes aux martyrs de 1915 ne resteront pas impunis. De + en + de voix s'élèveront pour dénoncer leurs saloperies. »


https://x.com/YerazYera/status/1929853119002820958 

« Cette phrase de Pierre Nora illustre l’élitisme mémoriel de certains intellectuels français, qui ont nié le terme génocide aux Arméniens, aux Rwandais ou aux Cambodgiens pour préserver l’“unicité” de la Shoah.

Souffrance hiérarchisée, mémoire instrumentalisée. 

Il est enfin mort ce jour. Il devra rendre des comptes à tous ceux qui sont morts dans ces génocides niés. »

 

Lire aussi, sur le fanatisme des nationalistes arméniens en France et ailleurs :

Le terrorisme arménien (physique et intellectuel) envers des historiens, des magistrats, des parlementaires et de simples militants associatifs

Avril 2001 : le boucher d’Orly libéré après le vote de la loi inconstitutionnelle « portant reconnaissance du génocide arménien »

L’affaire Bernard Lewis (1993-1995)

L’affaire Gilles Veinstein : la liberté des historiens attaquée

Le terroriste d’extrême droite Franck « Mourad » Papazian s’en prend à TF1 ; deux de ses lecteurs appellent au meurtre ; un seul commentaire est effacé

Un nostalgique de l’ASALA menace de mort des journalistes français

 

Sur la tragédie de 1915 :

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Talat Pacha et les Arméniens

Les destins parallèles de Simon Petlioura et Talat Pacha

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

L’évolution et les remords d’Arnold Toynbee

L’évolution et les remords de James Barton

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

 

Sur la perception de la question arménienne en France :

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

L’arménophile Francis de Pressensé sur l’impossibilité démographique du séparatisme arménien en Anatolie (1895)

Les milieux coloniaux français face à la fin de l’Empire ottoman, au conflit turco-arménien et au conflit turco-grec

L’hostilité de l’opinion française (presse, Parlement) au traité de Sèvres (Grande Arménie incluse)

La gauche française et la question turco-arménienne dans les années 1920

Le soutien public d’Henri Rollin (officier de renseignement) aux conclusions de Pierre Loti

L’évolution d’Émile Wetterlé sur la question arménienne et les Turcs

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