James
Barton (1855-1936) était un missionnaire américain, directeur de l’institution
scolaire américaine d’Elazığ (Turquie) de 1892 à 1899, puis secrétaire
chargé des affaires étrangères à l’American Board of Commissioner of Foreign
Missions (ABCFM, Boston) et, à partir de 1915, président de l’American Committee
for Armenian and Syrian Relief, devenu ensuite Near East Relief et finalement,
en 1930, Near East Foundation (elle existe toujours, sous ce nom). Il prit sa
retraite en 1927.
Justin McCarthy, The Turk in America.
The Creation of an Enduring Prejudice, Salt Lake City, University of Utah
Press, 2010, p. 237 :
« Sur les 150 textes qui se trouvent dans le livre de Bryce [The Treatment of Armenians in the Ottoman
Empire, 1916, couramment appelé Le
Livre bleu] 59 étaient écrits par des missionnaires et 52 l’étaient par des
Arméniens ou avaient été copiés de journaux arméniens. La majorité des documents
source missionnaire et arménienne avaient été envoyées par James L. Barton, qui
dirigeait à la fois l’American Board [ABCFM] et l’American Committee for
Armenian and Syrian Relief, et par William Rockwell, le principal propagandiste
de l’ACASR. […] Barton, en particulier, s’engagea dans une longue correspondance
avec [Arnold]
Toynbee, lui fournissant des documents, suggérant des sources et donnant
son avis. »
Guenter Lewy, The Armenian
Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press,
2005, p. 138 :
« Les comptes-rendus reproduits dans le Livre bleu contiennent des détails
importants sur les déportations et les massacres ; mais contrairement aux
assurances de Lord Bryce, selon lequel “l’essentiel d’entre eux sont des récits
de témoins oculaires”, il apparaît que la majorité des exactions énormes qui s’y
trouvent décrites reposent sur des on-dit. »
James Barton, “The
Ottoman Empire and the War”, The
Journal of Race Development, XI-1, juillet 1918, pp. 11-12 :
« Les problèmes posés par la partie orientale de l’Empire turc, y compris
ce qui a été connu jusqu’ici comme l’Arménie, mais dont les frontières ne sont
pas clairement définies, est encore une autre question de première importance
pour l’Arménien, et à laquelle beaucoup de monde, en
Europe et en Amérique, porte un vif intérêt. Pendant des générations, les
Arméniens ont rêvé d’un pays autonome, d’un pays à eux, avec une forme de
gouvernement présentant une certaine stabilité et une certaine sûreté. Aucune
race n’a plus sévèrement souffert que les Arméniens de la mauvaise administration
dans l’Empire ottoman. La
persécution qu’ils ont endurée de la part des Turcs s’est étendue sur
plusieurs générations a culminé depuis
le début de la guerre par l’attaque la plus brutale jamais menée contre eux
en tant que race, et qui s’est étendue aux Grecs et aux Syriens
[Assyriens]. Il semblerait que le monde ait décrété que replacer les Arméniens
et l’Arménie sous le règne turc-musulman serait non seulement mal avisé, mais
constituerait la plus grave injustice, la plus grave cruauté, envers un peuple
sinistré. »
Lettre
de l’amiral Mark Bristol (haut-commissaire américain en Turquie de 1919 à 1927)
à James Barton, 28 mars 1921, Bibliothèque du Congrès (Washington), département des
manuscrits, Bristol papers, carton 34 :
« Je vois que des rapports circulent librement aux États-Unis, selon
lesquels les Turcs ont massacré des milliers d’Arméniens dans le Caucase
[allusion à la prise de Kars, en octobre 1920]. Ils sont répétés si souvent que
j’en ai le sang qui bout. Le Near East Relief a les rapports de Yarrow et de
nos compatriotes, qui montrent de façon catégorique que ce qui est rapporté par
des Arméniens est absolument faux. La circulation de ces contrevérités aux
États-Unis, sans réfutation, est un outrage et fait certainement plus de mal
que de bien aux Arméniens. Il me semble que nous devrions décourager les
Arméniens de se livrer à ce genre de travail, non seulement parce que ce n’est
pas correct, mais aussi parce qu’ils se font du mal à eux-mêmes. Outre les
rapports de nos compatriotes qui font un travail d’assistance [nous dirions
aujourd’hui : travailleurs humanitaires], et ceux envoyés par des hommes
tels que Yarrow, j’ai les rapports de mon propre officier de renseignement
[Robert Steed Dunn] et je sais que ce qui est rapporté côté arménien n’est pas
vrai. Ne pourriez-vous pas faire quelque chose, vous et le Near East Relief,
pour empêcher ces contrevérités de circuler ? »
Lettre
de James Barton à l’amiral Bristol, 6 mai 1921 (même fonds d’archives, même
carton) :
« S’agissant des contrevérités
qui sont répandues sur des massacres d’Arméniens par des Turcs [à Kars en octobre 1920 et
Ardahan en février 1921] : nul ne saurait les désapprouver davantage que moi. Mais
la situation qui prévaut ici [aux États-Unis] est difficile à décrire. Il y a
un jeune Arménien, brillant, diplômé de l’université de Yale, du nom de [Vahan]
Cardashian [aucun lien de parenté avec Kim Kardashian, ou alors très lointain].
C’est un avocat, dont le cabinet se trouve à Wall Street je crois. Il a organisé,
soi-disant, un comité [American Committee for the Independence of Armenia], qui
ne s’est jamais réuni et qui n’a jamais été consulté, avec M. [James] Gerard
[ancien ambassadeur américain en Allemagne] comme président. Cardashian fait tout. Il a mis en place ce qu’il
appelle un Bureau arménien de publicité, ou quelque chose de ce genre [Armenian
Press Bureau], avec du papier à en-tête. Gérard signe tout ce que Cardashian
écrit. Il me l’a dit lui-même une fois. […] Nous avons eu de nombreuses discussions avec des dirigeants arméniens
sur ce qui peut être fait pour arrêter cette propagande malveillante menée par
Cardashian. Il rapporte constamment des atrocités qui n’ont jamais eu lieu
et produit des informations erronées sur la situation en Arménie et en Turquie.
Nous n’aimons pas nous manifester et l’attaquer en public. Cela ferait du mal à
toute la cause que nous essayons tous de défendre, parce que les gens [les
donateurs] diraient que nous nous querellons entre nous et ils perdraient
confiance dans toute cette affaire. »
Mark Malkasian, “The Disintegration of the Armenian Cause in the United States,1918-1927”, International Journal of
Middle East Studies, XVI-3, août 1984, p. 357 :
« Pour Barton, cependant, la cause arménienne tirait plus ou moins à sa fin.
Lors d’une conversation avec le sous-secrétaire d’État William Philipps, le 8
février [1923] il indiqua sa volonté de négocier avec les Turcs. »
Robert Daniel, “The
Armenian Question and American-Turkish Relations, 1914-1927”, Mississippi Valley Historical Review,
XLVI-2, septembre 1959, p. 269 :
« Dans la bataille pour influencer la décision du Sénat [étasunien sur la
ratification du traité turco-américain signé à Lausanne, le 6 août 1923, pour
rétablir des relations diplomatiques normales et régler les litiges de guerre],
les partisans du traité avaient la partie la plus difficile. Non seulement ils
devaient obtenir deux votes pour chacun de ceux acquis par leurs adversaires
[la Constitution américaine exigeant une majorité qualifiée des deux tiers pour
ratifier un traité] mais certains d’entre eux se trouvaient face à la nécessité
de venir à bout des effets produits par leurs propres efforts, dans le passé,
pour diffamer le Turc. À cet égard, James
L. Barton, un porte-parole éminent des organisations missionnaires et d’assistance,
depuis 1915, y consacra une bonne partie de son temps, durant toute la période
durant laquelle le traité fut devant le Sénat [1924-1927]. Il commença par
faire amende honorable en pointant les erreurs et les exagérations qui apparaissaient
dans la propagande passée [1915-1920], contestant des accusations plus
récentes, portées contre les nationalistes [kémalistes] et affirma voir dans le
gouvernement de Kemal [Atatürk] le début d’un État politique moderne. […] Sa réussite la plus tangible fut
probablement de constituer un groupe d’organisations missionnaires, d’Églises,
d’associations philanthropiques, etc. : un comité pour la préparation d’un
livret destiné à promouvoir la ratification du traité. »
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