vendredi 12 juin 2020

Racisme antinoir : quand des nationalistes arméniens « oublient » leurs classiques


Le collectif VAN, groupuscule fondé en 2004 à l’initiative de Jean-Marc « Ara » Toranian (même s’il lui est arrivé, surtout depuis 2015-2016, d’avoir des désaccords tactiques avec M. Toranian), tente de profiter de l’émotion internationale causée par la bavure homicide dont a été victime George Floyd, un Américain noir. Or, ce même collectif VAN avait précédemment publié sur son site une série de citations qui, outre les habituelles contrevérités francophobes sur l’occupation de la plaine de Çukurova et ses environs (« la Cilicie »), de l’automne 1918 au 4 janvier 1922, décrit la Légion arménienne (issue de la scission, en janvier 1919, de la Légion d’Orient, elle-même créée à l’automne 1916) d’une manière entièrement positive, dépourvue de la moindre critique. La fraction des civils arméniens qui la soutenait n’est, quant à elle, même pas évoquée. Vu la prégnance du racisme antinoir chez les nationalistes arméniens de la région, à cette époque, voilà qui ne manque pas d’ironie.

Capitaine Pierre André, Rapport sur les incidents du caza de Deurtyol, du 13 au 17 avril 1920, 20 avril 1920, Centre des archives diplomatiques de Nantes, 1SL/1V/148 :
« L’émotion était à peine dissipée qu’un nouvel incident se produisit le 15 au matin.
Après le travail, les Sénégalais étaient tranquillement rentrés à la caserne, déposèrent leurs outils, prirent les armes et s’en allèrent tranquillement du côté d’Alexandrette [İskenderun]. Une section de leurs camarades avait été relevée il y a quelques temps d’Erzine et envoyée à Alexandrette. Ces hommes auraient écrit, ou fait dire, à leurs camarades de Deurtyol qu’à Alexandrette, il y avait des cinématographes, des femmes et des cafés. Nos Sénégalais, depuis 4 mois à Deurtyol, sevrés de tout plaisir, avaient eu le cafard, et avaient tout bonnement décidé de se rendre eux aussi à Alexandrette, quitte à revenir ensuite reprendre leur poste. Pour ne pas donner à l’affaire une gravité qu’elle n’avait pas, le lieutenant Massimy, commandant le détachement, resta sur sa porte mais envoya ses gradés à la poursuite des fugitifs. Les gradés rattrapèrent leurs hommes à 8 ou 900 mètres de la caserne, devant le village d’Euzerli, avant qu’ils n’aient franchi la rivière qui sépare Deurtyol d’Euzerli. Après avoir parlementé quelques instants, les Sénégalais se laissèrent convaincre, et rentrèrent tranquillement à leur caserne et tout rentra dans l’ordre. Voyant arriver le détachement et la discussion, les chrétiens [Arméniens] d’Euzerli prirent peur, s’enfuirent à Deurtyol et racontèrent là que les Sénégalais avaient voulu attaquer le village. De là, [la] surexcitation.
Le soir, une dizaine de Sénégalais au plus se rendirent au village pour faire des achats. Il y eut, paraît-il, des discussions comme il y en a toujours pour les questions de change, parce que les Arméniens auraient exagéré leur commission sur ces opérations. Les Arméniens se plaignirent de ce que les Arméniens feraient des avances aux femmes rencontrées et auraient même fait des gestes d’invitation. Que s’est-il passé après ? Les rapports sont assez contradictoires. Il semble que les Sénégalais auraient passé devant l’école des filles [arméniennes] dirigée par Madame Archagouni, que l’un d’eux se serait mis dans le chambranle et aurait fait quelques gestes, ou plus probablement, le large sourire du Sénégalais qui montre ses dents blanches. Madame Archagouni demandait il y a quelques jours s’il était vrai que les Sénégalais étaient anthropophages et qu’ils se nourrissent de petites filles.
Une peur intense s’empara des enfants et des jeunes filles, qui s’enfuirent de tous côtés en criant au secours. Aussitôt, croyant au viol, les hommes [arméniens] de Deurtyol bondirent dans la rue, avec des fusils de toutes espèces, coutelas, revolver, donnèrent une chasse intense aux Sénégalais [un scénario remarquablement proche des scènes de lynchage dans le Sud profond, aux États-Unis, à la même époque], qui, pris de peur à leur tour, se trouvèrent sans armes, détalèrent au plus vite vers la caserne, suivis par une foule hurlante, bondirent au râtelier d’armes, bourrèrent leurs poches de cartouches et vinrent occuper hors de la caserne un petit mur se trouvant entre les bâtiments militaires et la ville. Ils se préparaient à tirer froidement sur la population [munie d’armes à feu et qui les avaient poursuivis pour les tuer, rappelons-le], lorsque le lieutenant Lemaire surgit au moment psychologique et, se plaçant devant la ligne, réussit à empêcher le feu. Un des Sénégalais lui présenta les armes ; ce geste sauva la situation. L’ont pu causer, le lieutenant Massimy arriva, les Sénégalais rentrèrent dans leur casernement, la population dans la ville. Naturellement, les Arméniens étaient furieux ; [ils] avaient perdu ce soir-là toute confiance dans le Gouvernement [au sens de : gouvernorat du sandjak, l’équivalent ottoman du département] et dans la troupe [sénégalaise]. »



On trouve également sur le site du collectif VAN un texte qualifiant le militant arménophile (et turcophobe) Paul Rohrbach (1869-1956) de « grand savant », en omettant de parler de son racisme antinoir, qui dépassait très largement la moyenne de son temps, en Allemagne (moyenne pourtant déjà élevée), et omettant aussi, bien entendu, toute discussion sur son ralliement au nazisme. Le collectif VAN pourrait d’autant moins plaider l’ignorance, en l’espèce, que, pour une fois, l’urologue Yves Ternon, qu’ils aiment tant défendre, figure au premier rang des auteurs francophones ayant écrit sur le racisme de Rohrbach et son adhésion au Troisième Reich. L’excellence des relations entre Rohrbach et la Fédération révolutionnaire arménienne est tout à fait cohérente avec le soutien de cette même FRA à l’Italie fasciste, au moment de l’invasion de l’Éthiopie, justifié, dans la propagande mussolinienne, par un racisme dont la grossièreté commençait à passer de mode dans l’Europe démocratique.

Paul Rohrbach


Signalons enfin, pour l’anecdote, l’agitateur de Twitter Charles Vanetzian, autre apologiste de la Légion arménienne, qui tente, sans honte, de tirer profit de l’émotion suscitée par l’affaire George Floyd. Particulièrement maladroit, comme souvent, le hayctiviste a retweeté un tweet sur l’avocat arménien du Black Panthers Party, mouvement extrémiste noir, opposé au légalisme et à l’universalisme de Martin Luther King, lié aux terroristes palestiniens et prônant la violence, y compris homicide.



Voilà qui fait penser aux tentatives répétées, et désespérées, déployées par Charles Vanetzian pour cacher son antisémitisme viscéral et structurant. Le personnage a même osé affirmer qu’une caricature montrant un banquier au nez crochu et aux lèvres épaisses, et présenté qui plus est comme un complice de « massacres », par pur esprit de lucre, n’est pas antisémite.

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