Le collectif VAN, groupuscule fondé en 2004 à l’initiative de Jean-Marc
« Ara » Toranian (même s’il lui est arrivé, surtout depuis
2015-2016, d’avoir des désaccords
tactiques avec M. Toranian), tente de
profiter de l’émotion internationale causée par la bavure homicide dont a
été victime George Floyd, un Américain noir. Or, ce même collectif VAN avait
précédemment publié
sur son site une série de citations qui, outre les habituelles
contrevérités francophobes sur l’occupation de la plaine de Çukurova et ses
environs (« la Cilicie »), de l’automne 1918 au 4 janvier 1922,
décrit la Légion arménienne (issue de la scission, en janvier 1919, de la
Légion d’Orient, elle-même créée à l’automne 1916) d’une manière entièrement
positive, dépourvue de la moindre critique. La fraction des civils arméniens
qui la soutenait n’est, quant à elle, même pas évoquée. Vu la prégnance du
racisme antinoir chez les nationalistes arméniens de la région, à cette époque,
voilà qui ne manque pas d’ironie.
Capitaine Pierre André, Rapport
sur les incidents du caza de Deurtyol, du 13 au 17 avril 1920, 20 avril 1920, Centre
des archives diplomatiques de Nantes, 1SL/1V/148 :
« L’émotion était à peine dissipée qu’un nouvel incident se produisit
le 15 au matin.
Après le travail, les Sénégalais étaient tranquillement rentrés à la
caserne, déposèrent leurs outils, prirent les armes et s’en allèrent
tranquillement du côté d’Alexandrette [İskenderun]. Une section de leurs camarades
avait été relevée il y a quelques temps d’Erzine et envoyée à Alexandrette. Ces
hommes auraient écrit, ou fait dire, à leurs camarades de Deurtyol qu’à
Alexandrette, il y avait des cinématographes, des femmes et des cafés. Nos
Sénégalais, depuis 4 mois à Deurtyol, sevrés de tout plaisir, avaient eu le
cafard, et avaient tout bonnement décidé de se rendre eux aussi à Alexandrette,
quitte à revenir ensuite reprendre leur poste. Pour ne pas donner à l’affaire
une gravité qu’elle n’avait pas, le lieutenant Massimy, commandant le
détachement, resta sur sa porte mais envoya ses gradés à la poursuite des
fugitifs. Les gradés rattrapèrent leurs hommes à 8 ou 900 mètres de la caserne,
devant le village d’Euzerli, avant qu’ils n’aient franchi la rivière qui sépare
Deurtyol d’Euzerli. Après avoir parlementé quelques instants, les Sénégalais se
laissèrent convaincre, et rentrèrent tranquillement à leur caserne et tout
rentra dans l’ordre. Voyant arriver le
détachement et la discussion, les chrétiens [Arméniens] d’Euzerli prirent peur,
s’enfuirent à Deurtyol et racontèrent là que les Sénégalais avaient voulu
attaquer le village. De là, [la] surexcitation.
Le soir, une dizaine de Sénégalais au plus se rendirent au village pour faire
des achats. Il y eut, paraît-il, des discussions comme il y en a toujours pour
les questions de change, parce que les Arméniens auraient exagéré leur
commission sur ces opérations. Les Arméniens se plaignirent de ce que les
Arméniens feraient des avances aux femmes rencontrées et auraient même fait des
gestes d’invitation. Que s’est-il passé après ? Les rapports sont assez
contradictoires. Il semble que les Sénégalais auraient passé devant l’école des
filles [arméniennes] dirigée par Madame Archagouni, que l’un d’eux se serait
mis dans le chambranle et aurait fait quelques gestes, ou plus probablement, le
large sourire du Sénégalais qui montre ses dents blanches. Madame Archagouni demandait il y a quelques jours s’il était vrai que
les Sénégalais étaient anthropophages et qu’ils se nourrissent de petites
filles.
Une peur intense s’empara des enfants et des jeunes filles, qui s’enfuirent
de tous côtés en criant au secours. Aussitôt, croyant au viol, les hommes
[arméniens] de Deurtyol bondirent dans la rue, avec des fusils de toutes
espèces, coutelas, revolver, donnèrent une chasse intense aux Sénégalais [un
scénario remarquablement proche des scènes de lynchage dans le Sud profond, aux
États-Unis, à la même époque], qui, pris de peur à leur tour, se trouvèrent
sans armes, détalèrent au plus vite vers la caserne, suivis par une foule
hurlante, bondirent au râtelier d’armes, bourrèrent leurs poches de cartouches
et vinrent occuper hors de la caserne un petit mur se trouvant entre les
bâtiments militaires et la ville. Ils se préparaient à tirer froidement sur la
population [munie d’armes à feu et qui les avaient poursuivis pour les
tuer, rappelons-le], lorsque le lieutenant Lemaire surgit au moment
psychologique et, se plaçant devant la ligne, réussit à empêcher le feu. Un des
Sénégalais lui présenta les armes ; ce geste sauva la situation. L’ont pu
causer, le lieutenant Massimy arriva, les Sénégalais rentrèrent dans leur
casernement, la population dans la ville. Naturellement, les Arméniens étaient
furieux ; [ils] avaient perdu ce soir-là toute confiance dans le
Gouvernement [au sens de : gouvernorat du sandjak, l’équivalent ottoman du
département] et dans la troupe [sénégalaise]. »
On trouve également sur le site du collectif VAN un texte
qualifiant le militant arménophile (et turcophobe) Paul Rohrbach (1869-1956) de « grand
savant », en omettant de parler de son racisme antinoir, qui dépassait
très largement la moyenne de son temps, en Allemagne (moyenne pourtant déjà
élevée), et omettant aussi, bien entendu, toute discussion sur son ralliement
au nazisme. Le collectif VAN pourrait d’autant moins plaider l’ignorance, en l’espèce,
que, pour une fois, l’urologue Yves Ternon, qu’ils aiment tant défendre, figure
au premier rang des auteurs francophones ayant écrit sur le racisme de
Rohrbach et son adhésion au Troisième Reich. L’excellence des relations entre
Rohrbach et la Fédération révolutionnaire arménienne est tout à fait cohérente
avec le
soutien de cette même FRA à l’Italie fasciste, au moment de l’invasion de l’Éthiopie,
justifié, dans la propagande mussolinienne, par un racisme dont la grossièreté
commençait à passer de mode dans l’Europe démocratique.
Paul Rohrbach
Signalons enfin, pour l’anecdote, l’agitateur de Twitter Charles Vanetzian,
autre apologiste
de la Légion arménienne, qui tente, sans honte, de tirer profit de l’émotion
suscitée par l’affaire George Floyd. Particulièrement maladroit, comme souvent,
le hayctiviste a retweeté un tweet sur l’avocat arménien du Black Panthers
Party, mouvement extrémiste noir, opposé au légalisme et à l’universalisme de
Martin Luther King, lié aux terroristes palestiniens et prônant la violence, y
compris homicide.
Voilà qui fait penser aux tentatives répétées, et désespérées, déployées
par Charles Vanetzian pour cacher son
antisémitisme viscéral et structurant. Le personnage a même osé affirmer
qu’une caricature montrant un banquier au nez crochu et aux lèvres épaisses, et
présenté qui plus est comme un complice de « massacres », par pur esprit
de lucre, n’est pas antisémite.
Lire aussi :
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