lundi 15 juin 2020

Le racisme antinoir du président américain Woodrow Wilson (figure majeure de l’arménophilie anglo-saxonne)




Sarkis Atamian (membre de la Fédération révolutionnaire arménienne et historien semi-officiel du parti), The Armenian Community, New York, Philosophical Library, 1955, pp. 225-226 :
« Le 26 avril 1920, le Conseil suprême allié se réunit à San Remo et désigna le président [américain Woodrow] Wilson comme arbitre pour la délimitation de l’Arménie turque [plus exactement, le brouillon de traité adopté à ce moment-là prévoyait Wilson comme arbitre, mais c’est un détail]. Le 17 mai 1920, Wilson accepta l’invitation. Alors que les frontières étaient dessinées [par Wilson], les Alliés signèrent le traité de Sèvres le 10 août 1920. Parmi les articles du traité relatif à l’Arménie, les articles 88, 89 et 90 sont les plus importants. Le premier reconnaissait l’indépendance de l’Arménie, le second garantissait l’arbitrage et la reconnaissance des vilayets [provinces] libérés [sic] et le troisième demandait qu’une fois que les frontières seraient établies, la Turquie renoncerait à tous droits sur les territoires transférés. Le 22 novembre 1920, le président Wilson termina la délimitation [mais ne la notifia officiellement que le 6 décembre, soit plus de trois jours après la signature du traité turco-arménien de Gümrü/Gyumri, par lequel l’Arménie renonçait à toutes les dispositions du traité de Sèvres]. […] Certains ont qualifié le président Wilson de rêveur. Pour les Arméniens, il a gagné leur gratitude éternelle (23).

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(23) Dans à peu près tous les agoump (clubs politiques) dachnaks [c’est-à-dire appartenant à la Fédération révolutionnaire arménienne], est suspendu un protrait du président Wilson. Pour les Arméniens, il est devenu le “medz mart” — le grand homme. Ce n’est peut-être pas si étonnant que l’Armenian Youth Federation, le mouvement de jeunesse dachnak, dont la plupart des membres ne sont nés qu’après la mort de Wilson [en 1924], aient placé une couronne de fleurs sur sa tombe, en humble hommage, lors de leur convention tenue à Washington D.C., en 1950. »

Michael Bobelian (auteur nationaliste arménien à succès, congratulé dans l’organe de la Fédération révolutionnaire arménienne), Children of Armenia, New York-Londres, Simon & Schuster, 2009, p. 67 :
« Les États-Unis allaient également connaître un profond changement de position envers l’Arménie, une transition de l’humanitarisme vers le calcul froid. Et peut-être personne dans l’appareil d’État américain n’incarne mieux ce renversement que le contre-amiral Mark L. Bristol. Tandis que Vahan Cardashian, l'avocat arméno-américain responsable de la promotion des intérêts de l'Arménie aux États-Unis, a continué à défendre principes humanitaires de Woodrow Wilson [affirmation particulièrement osée, Cardashian étant l’auteur d’un pamphlet violemment hostile à Wilson, paru en mars 1921, et marqué par l’ingratitude la plus profonde : Wilson, Wrecker of Armenia], Bristol représentait une branche divergente de la politique étrangère américaine. Bien que les deux hommes n’aient que rarement – voire jamais – eu de confrontation face à face, leurs visions concurrentes de la politique étrangère américaine s’affrontèrent au cours des années 1920 [jusqu’en 1927, surtout]. Et au détriment des Arméniens, la vision de Bristol l’emporta. »

« Le C.C.A.F. [Conseil de coordination des associations arméniennes de France] Centre France vous invite à LYON à la commémoration régionale et républicaine du 104e anniversaire du Génocide des Arméniens de 1915.
Le 24 Avril 2019, à 15h30, après l'office religieux organisé par les 3 églises arméniennes, nous nous rassemblerons devant l’église apostolique «Sourp Hagop / Saint-Jacques » (295, rue André Philip à l'angle de la rue d'Arménie - LYON 3ème) pour défiler jusqu'au Mémorial Lyonnais des Génocides (place Antonin Poncet - LYON 2ème). 
Cette Marche pour la Justice fera une halte Pont WILSON pour rendre hommage au Prix Nobel de la Paix et Président des Etats-Unis, Woodrow WILSON. »

Précisons enfin que l’Armenian National Committee of America, branche de la Fédération révolutionnaire arménienne, décerne un prix Wilson. Voyons maintenant quelques-unes des idées de l’intéressé.

Woodrow Wilson, A History of the American People, tome V, New York-Boston, Harper & Brothers, 1903, p. 58 :
« Les hommes blancs du Sud étaient stimulés par le simple instinct de conservation pour se débarrasser, par des méthodes loyales ou non, du fardeau intolérable que constituaient ces dirigeants maintenus en place par le vote de Nègres ignorants et qui agissaient dans l’intérêt d’aventuriers. […] Pour les hommes qui étaient les chefs authentiques des communautés du sud, il n’y avait aucune possibilité d’action à ciel ouvert ou de combat dans le cadre de la Constitution, selon les termes imposés par la Reconstruction [occupation militaire du Sud, 1865-1877]. »
ð  Suit alors un développement de plusieurs pages sur le Ku Klux Klan première manière (1866-1872), que Wilson excuse sans approuver tout à fait.


Mark E. Benbow, « Birth of a Quotation: Woodrow Wilson and “Like Writing History with Lightning” », Journal of the Gilded Age and the Progressive Era, IX-4, octobre 2010, pp. 509-533 :
« Pour commencer, je dois préciser que cette étude n’a pas pour but de nier que Wilson était effectivement raciste. Né dans la Virginie [État esclavagiste] d’avant la guerre de Sécession, en 1856, Wilson a grandi pendant cette guerre civile et pendant la Reconstruction [période qui va de la fin de la guerre à la fin de l’occupation militaire du Sud, en 1877] en Géorgie et en Caroline du Sud [États également esclavagistes jusqu’à la guerre de Sécession]. Le père de Wilson était un pasteur qui a défendu l’esclavage en chaire […]. En tant que président de l’université de Princeton (1902-1910), Wilson dissuada les étudiants noirs de présenter leur candidature pour être admis dans cet établissement. En tant que président des États-Unis (1913-1921), Wilson autorisa la plupart de ses ministres à pratiquer la ségrégation dans la fonction publique fédérale, pour la première fois depuis la guerre de Sécession. Quand une délégation de noirs protesta contre ses actions discriminatrices, Wilson leur dit : “Si les personnes de couleur ont commis l’erreur de voter pour moi, il leur revient de la corriger.” »

Pour bien comprendre ce paragraphe, il faut savoir qu’entre la fin de la guerre de Sécession et l’élection de Wilson, les États-Unis ont eu deux présidents issus du Parti démocrate, formation beaucoup moins favorable aux Noirs, à l’époque, que le Parti républicain (le Parti démocrate n’est devenu le parti préféré des Américains noirs et métis qu’à l’époque de Franklin Roosevelt, à partir de 1932) : Andrew Johnson (lui aussi né dans le Sud esclavagiste) et Grover Cleveland. Bien que dépendant, tout comme Wilson, des électeurs du Sud, ni l’un ni l’autre n’ont osé imposer la ségrégation dans la fonction publique fédérale. Wilson n’était donc pas simplement un homme de son temps, un sudiste imprégné par les préjugés de son milieu, mais un acteur-clé dans le transfert, au Nord, de pratiques qui n’avaient cours, initialement, que dans le Sud anciennement esclavagiste. L’article de M. Benbow est essentiellement une longue démonstration pour établir que si une citation attribuée à Wilson sur le film Naissance d’une nation (The Birth of a Nation, film faisant l’éloge du Ku Klux Klan première manière et présentant les Américains noirs comme des êtres lubriques autant que dominateurs, à mener par le fouet) n’est sans doute pas entièrement authentique, il semble bien que Wilson, qui a vu le film, avait une opinion relativement positive des idées ainsi défendues.



Le but de ces observations n’est pas de demander qu’une seule des statues de Woodrow Wilson soit déboulonnée, ni de réduire ce président à son racisme ; mais de constater que la vision manichéenne et moralisatrice (pour ne pas dire « en blanc et noir », ce qui passerait pour un mauvais jeu de mots) des nationalistes arméniens est une fois de plus en contradiction avec les faits. Wilson était raciste (même s’il était beaucoup plus que cela) et c’est précisément ce racisme qui est l’explication principale de son soutien à la cause arménienne : là encore, il essentialisait les uns et les autres, au nom de théories pseudo-biologiques.

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