Franck « Mourad » Papazian est coprésident du Conseil de
coordination des associations arméniennes de France (CCAF) depuis 2010, l’autre
étant son cousin germain Jean-Marc « Ara » Toranian, dont nous avons
parlé la dernière fois. En 2015, il est devenu
membre du bureau mondial de son parti, la Fédération révolutionnaire
arménienne (FRA, dont il avait déjà été le coprésident pour l’Europe
occidentale), puis reconduit
à ce poste en 2019. Le premier engagement significatif de M. Papazian en
politique fut en faveur du terrorisme, et plus précisément de la branche
terroriste de la FRA, les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA),
rebaptisés Armée révolutionnaire arménienne (ARA) en 1983. Deux preuves (parmi
d’autres) sont apportées ci-dessous. Ensuite, il sera expliqué quel est l’héritage
contemporain de cet engagement.
Franck « Mourad »
Papazian, compte-rendu du procès de Max Hraïr Kilndjian devant la cour d’assises
d’Aix-en-Provence pour tentative d’assassinat sur l’ambassadeur de Turquie à
Berne, Haïastan, février 1982, p. 14 :
« Pendant une demi-heure, des lamentations [sic] et des slogans : “Libérez
Kilndjian.”
Lorsque les avocats de la défense [Patrick Devedjian et Henri Leclerc] ont
pris la parole, toute manifestation s’est interrompue afin de ne pas gêner leur
plaidoirie [contrairement, donc, à ce qui s’était passé durant la plaidoirie de
l’avocat de la partie civile, Alain Vidal-Naquet[1]].
[…]
À l’extérieur, nous étions tous conscients de la gravité du moment que nous
vivions. Les jurés allaient délibérer. D’un coup, la foule a commencé à
entonner des slogans. J’étais fou [sic], je n’avais jamais vécu cela. Deux
heures de délibérations, deux heures de slogans incessants, seulement
interrompus par des chants révolutionnaires.
Cette foule qui, pendant deux heures, a crié, a chanté, cette foule qui,
pendant deux jours a soutenu Hraïr, cette foule consciente, concernée,
passionnée, cette foule qui a su quand il fallait crier [sic], chanter ou
garder le silence, a sûrement influencé la décision du jury. […]
Non Hraïr ne devait plus rester en prison. C’en était assez, c’était même
trop. Et puis cette foule, non pas
excitée, mais convaincue, quelle allait être sa réaction [en cas de
condamnation supérieure au temps passé en détention provisoire] ? Mieux vaut
ne pas y penser. »
Franck « Mourad »
Papazian, « Coupable ou non, nous soutenons Hampig Sassounian », Haïastan, mai 1982, pp. 7-9 :
« Le mercredi 5 mai 1982, la F.R.A. NOR SEROUND [organisation de
jeunesse du parti en France] et le Comité de soutien à H[ampig] Sassounian ont organisé
une manifestation partant de la place Saint-Augustin (à Paris), pour aboutir à
quelques mètres de l’ambassade des U.S.A.
Malgré les conditions météorologiques, 700 personnes [sic : la
photographie d’illustration incite à penser que ce chiffre est exagéré] se sont
mobilisées à l’appel de la F.R.A. NOR SEROUND.
Quelles étaient les intentions de cette manifestation ?
— Condamner l’attitude insupportable du gouvernement turc qui nie les
droits les plus élémentaires du peuple arménien [allusion aux revendications
territoriales de la FRA : le « génocide » est un prétexte, à
peine évoqué ici].
— Dénoncer la complicité des U.S.A. qui aident, sans compter la Turquie,
tant sur le plan financier que militaire [dans un contexte de guerre froide :
c’est ce qui s’appelle choisir son camp].
— Soutenir le [sic] “COMMANDO DES
JUSTICIERS DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN” qui, est selon moi, la seule organisation
armée qui lutte efficacement pour la résolution du problème arménien [d’où
il suit que la critique que M. Papazian adressait, au printemps 1982, à l’Armée
secrète arménienne pour la libération de l’Arménie tenait à un manque d’«
efficacité »].
— Et, bien évidemment, nous étions là pour marquer notre indéfectible
soutien à Hampig Sassounian.
[…]
Tout en justifiant l’action
de Los Angeles [assassinat du consul général de Turquie, Kemal Arıkan] revendiquée par
le “COMMANDO DES JUSTICIERS DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN”, tout en réaffirmant son
soutien à Hampig Sassounian, la représentante de la F.R.A. NOR SEROUND affirme
que “personne ne pourra étouffer la voix du peuple arménien, personne ne pourra
arrêter notre peuple qui est prêt à tous les sacrifices pour reprendre ses
terres” [sic !].
[…]
Cependant, si Hampig [Sassounian] est condamné à une lourde peine de réclusion
criminelle [il a effectivement été condamné à perpétuité en 1984, peine
confirmée en appel en 1986], nous multiplierons les actions de soutien à son
égard. […]
La lutte de libération du peuple arménien entreprise depuis 1975 [avec l’assassinat
des ambassadeurs de Turquie à Vienne et Paris] par le “ COMMANDO DES JUSTICIERS
DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN” est en marche et RIEN [hurlement typographique dans l’original]
ne pourra l’arrêter.
Mourad PAPAZIAN. »
Or, le 26 avril 2009, quand M. Papazian était coprésident de la FRA pour l’Europe
occidentale, le nommé Mesrop Altounian, dirigeant du même parti, a prononcé, à Arnouville, un discours
au nom de la FRA, c’est-à-dire donc, entre autres, de M. Papazian, où se
trouvaient les propos suivants :
« Il a fallu attendre la fin des années 70 pour que de tels sujets
soient abordés suite aux actions armées menées par de jeunes arméniens contre
des représentations turques.
N’oublions pas qu’à ce jour et depuis 1982, un jeune arménien qui avait alors 20
ans est toujours emprisonné aux Etats-Unis pour être accusé d’avoir exécuté un représentant turc à Los
Angeles : il s’appelle Hampig
SASSOUNIAN. »
De même, en 2008, la FRA de l’agglomération lyonnaise a rendu hommage à ses
cinq terroristes kamikazes, auteurs d’un attentat-suicide contre l’ambassade de
Turquie à Lisbonne.
L’hommage a été réitéré depuis, notamment en 2013 (« Voici trente ans… Les
cinq de Lisbonne », France-Arménie,
juillet-août 2013, pp. 14-17) et en
2018. Or, outre le fait que la FRA est depuis sa création, en 1890, un parti hiérarchisé
où l’indiscipline est punie aussi sévèrement que possible (elle était même,
autrefois, punie de mort), M. Papazian n’a pas hésité à recourir à la méthode
la plus radicale que la loi autorise, l’unique fois où il a considéré que la
violence était une erreur tactique. En effet, il a demandé à l’énergumène (alors
membre de la FRA Nor Seround) qui avait agressé, en 2015, l’ambassadeur de
Turquie à Paris, de s’excuser, car M. Papazian espérait encore que le président
François Hollande ferait adopter une disposition législative interdisant de « contester
l’existence du génocide arménien » et il pensait (à juste titre) que cette
affaire compromettrait les tentatives de la FRA pour obtenir une telle
disposition (effectivement votée en 2016, mais censurée en 2017 par le Conseil
constitutionnel). Devant le refus du militant en question et le soutien de la
plupart des dirigeants de la FRA Nor Seround à ce dernier, M. Papazian et ses
subordonnés ont exclu
tout le monde — créant chez les exclus une rancœur telle que même le
retournement de la FRA en la faveur du militant poursuivi (et finalement
condamné) ainsi que de son complice (condamné aussi), après la censure du
Conseil constitutionnel, n’a pas conduit à une quelconque réconciliation.
Par conséquent, l’éloge d’Hampig Sassounian en 2009, les éloges de l’attentat-suicide
de Lisbonne en 2013 et 2018 (pour ne citer que ces exemples) n’ont pu avoir
lieu qu’avec sa pleine approbation, pour ne pas dire à son initiative.
Question prioritaire de constitutionnalité déposée contre la « loi portant reconnaissance du génocide arménien »
Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)
[1] Comité de soutien à Max Kilndjian, Les Arméniens en cour d’assises. Terroristes
ou résistants ?, Roquevaire, Parenthèses, 1983 (compte-rendu sténographique
du procès), p. 156 : « Mouvement de salle, brouhaha de protestation.
»
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