vendredi 28 février 2025

Amusant : la dispute entre la FRA-Dachnak et le Hintchak en France, en 2025

 




 

« Droit de réponse : Le génocide arménien n’est pas sujet à débat, par Anahit Hakopian, Jules Boyadjian, Harout Mardirossian », armenews.com, 22 février 2025 :

« Nous, actuelle et anciens Présidents du Comité de Défense de la Cause Arménienne [branche de la Fédération révolutionnaire arménienne], écrivons en réaction à la tribune publiée le 9 février 2025 sur le site des Nouvelles d’Arménie, par laquelle, son auteur, René Dzagoyan [hintchakiste, M. Dzagoyan a refusé de prononcer la moindre réprobation contre l’attentat d’Orly, et a été témoin de la défense lors du procès du réseau logistique de l’ASALA, en 1985], formule des accusations abjectes à l’encontre de notre organisation. Ces dernières étant soutenues par des impasses et contre-vérités historiques majeures, procédées qui concourent à une manœuvre de falsification de l’histoire, nous faisons valoir un droit de réponse. »

 

« L’auteur de cette tribune revient sur les déclarations de Nikol Pashinyan qu’il cite partiellement pour leur faire dire ce qu’elles ne disent pas à savoir que le mouvement international de reconnaissance du génocide arménien aurait été de l’initiative exclusive de l’Arménie soviétique. Il omet, certainement à dessein, la première partie de la déclaration de Pashinyan qui a déclaré “Nous devons comprendre ce qui s’est passé et pourquoi cela s’est passé, comment nous l’avons perçu et à travers qui nous l’avons perçu.” Ces propos ne sont rien d’autre qu’un pamphlet négationniste visant à relativiser le génocide, à présenter l’accusation de génocide comme une perception subjective, exactement la même rhétorique qui a conduit le CDCA à intenter une action judiciaire contre Bernard Lewis à l’issue de laquelle, en 1995, les juridictions ont constaté le caractère négationniste. »

Commentaires :

1)      L’expression « pamphlet négationniste », pour désigner un constat élémentaire par le Premier ministre arménien (issu des urnes, alors que la FRA-Dachnak tourne autour de 5 % aux élections arméniennes), suffit à montrer le caractère délirant de ce texte ;

2)      Le CDCA a été débouté, en 1994, de son action contre Bernard Lewis, de même que l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française (Agrif, à l’époque satellite du Front national) et l’Union médicale arménienne de France, en 1995 ;

3)      La condamnation civile de 1995, à la suite de l’action engagée par le Forum des associations arméniennes de France (nationaliste, mais hostile à la FRA-Dachnak), ne parle pas d’un quelconque « caractère négationniste », refuse de prendre position sur 1915 et se réfère à une utilisation de l’article 1382 (aujourd’hui 1240) du code civil qui n’est plus admise par la Cour de cassation depuis 2005 ;

4)      Le CDCA a été débouté, en 2007, de son action en justice contre le Quid, pour un motif similaire ;

5)      Le CDCA s’est toujours abstenu de poursuivre en justice Marc Ferro, Odile Moreau, Robert Mantran, Xavier de Planhol, Gilles Veinstein, l’auteur de ce blog, ou Bernard Lewis lui-même, pour la traduction française de son Histoire du Moyen-Orient, parue en 1997 chez Albin Michel, où il reprend les mêmes arguments qu’en 1993-1994.

 

« Le premier acte de dimension mondiale visant à faire reconnaître le crime de 1915 n’est autre que le procès Tehlirian lui-même. Parfaitement documenté depuis l’ouvrage de Jacques Derogy, le procès Tehlirian est issu de la volonté de la FRA Dachnaktsoutioun que le vengeur du peuple arménien soit arrêté par les autorités allemandes, pour que le procès Tehlirian devienne en réalité le procès de Talaat Pacha. »

Commentaire : j’ai expliqué ici que la défense de Tehlirian reposait sur une série de mensonges, et le CDCA en confirme un, puisqu’il rappelle que l’assassinat de Talat était un acte mûrement prémédité de la FRA-Dachnak, alors que Tehlirian a toujours prétendu, durant l’instruction comme durant son procès, avoir agi seul.

 

« Et si le concept de « génocide » n’existe pas à cette date, celui qui en est à l’origine, le juriste Raphael Lemkin, s’est précisément inspiré de ce procès pour le concevoir comme l’indique l’universitaire au CNRS Claire Mouradian. C’est dire le caractère essentiel quasi séminal du procès Tehlirian. »

Commentaire : Mme Mouradian peut prétendre ce qu’elle veut, ce n’est pas supérieur à l’humble réalité des faits. Raphael Lemkin (professeur de droit de la famille dans une université polonaise de Province…) a fait sa première incursion dans le droit international en réclamant (en vain), en 1933, la création du « crime de barbarie », notion vague. Dans sa communication de 1933, il n’est à aucun moment question de Tehlirian, ni des Arméniens en général, ni de l’Empire ottoman.

Le livre de Raphael Lemkin Axis Rule in Occupied Europe, écrit en 1943 et paru en 1944, où Lemkin invente le mot « génocide », n’utilise pas plus les termes « Arméniens », « Talat », ou « Empire ottoman ». Il ne parle de la Turquie qu’une seule fois (p. 185), et encore parce qu’il y est question d’une ville grecque proche de la Thrace turque. Il n’y parle jamais du procès Tehlirian. Dans son article sur le crime de génocide paru en 1946, il n’évoque pas davantage du procès Tehlirian, et ne fait que deux très courtes allusions aux Arméniens ottomans, sans donner un rôle particulier à la tragédie de 1915-1916 dans l’élaboration du terme « génocide ». Enfin, la définition que Lemkin donnait de ce terme a été rejetée par l’ONU en 1948, lorsque de simple mot, le génocide est devenu un crime de droit international.

 

« Le Comité de Défense de la Cause Arménienne est né en 1965, autour de personnalités comme Ara Krikorian et Jules Mardirossian, à la suite d’une décision du Congrès Mondial de la FRA Dachnaktsoutioun de 1963 de réinvestir avec force et détermination le terrain politique en vue d’obtenir la reconnaissance du génocide arménien. »

Commentaire : Cette phrase confirme la remarque de M. Pachinyan sur le rôle essentiel de l’URSS dans la dissémination internationale de l’accusation de « génocide arménien », puisque c’est lors de ce même congrès qu’ont été élus au bureau mondial des dirigeants de la FRA, en particulier Hraïr Maroukhian et P. Papazian, prônant la sortie de l’alliance américaine pour entrer dans l’alliance soviétique (cf. Gaïdz Minassian, Guerre et terrorisme arméniens, Paris, PUF, 2002, pp. 18-20).

 

« Le CDCA a aussi œuvré en 1987 auprès du Parlement européen pour la reconnaissance du génocide arménien »

Commentaire : Outre que le CDCA fait l’impasse sur les votes négatifs du Parlement européen en 1985 et 1986, il omet de préciser que le vote favorable de 1987 a été extorqué par la menace physique avec armes.

 

Lire aussi :

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