jeudi 22 avril 2021

L’historien Marc Ferro sur les tabous sur l’historiographie arménienne


 


Marc Ferro, Les Tabous de l’histoire, Paris, Robert Laffont, 2013 (1re édition, 2002) :

« Chez les Arméniens, le tabou fonctionne de façon inverse. Leur tradition historique est polarisée par l’idée que les Arméniens sont un peuple martyr. Depuis trente ans, ils ont pris la relève des Juifs, avant que ne les concurrencent les Kurdes, les Bosniaques, etc. Aujourd’hui, où l’idéologie des droits de l’homme a pris le pas sur le culte des États-nations, chaque peuple fait l’inventaire des crimes dont il a été victime. La mémoire arménienne actuelle fait ainsi de l’histoire de ce peuple un long martyre dont le “génocide” de 1915 figure l’apogée. On rappelle néanmoins que les Arméniens ont constitué le premier État chrétien de l’histoire, avant l’Empire romain : ainsi, glorification et martyre, les Arméniens sont un peuple merveilleux.

Les historiens arméniens n’insistent pas, pourtant, sur l’étonnante prospérité des communautés arméniennes du Xe au XVIIIe siècle : Fernand Braudel l’a décrite dans sa Méditerranée, mais les Arméniens répugnent à se la rappeler. Martyrs, oui, riches, non. Ces historiens n’aiment pas se souvenir non plus qu’à la fin du XIXe siècle, avec les Bulgares, ils ont inauguré la pratique du terrorisme, notamment contre les institutions de l’État ottoman, telle la Banque d’Istanbul. Sur ce comportement – qu’ils ont renouvelé dans les années 1970 pour obliger le gouvernement turc à reconnaître la réalité des massacres de 1915 –, ils sont demeurés discrets parce que ces méthodes assassines les ancreraient dans la tradition orientale alors qu’ils se veulent membres de la communauté chrétienne et de l’Occident. »

Les lecteurs attentifs auront remarqué que Marc Ferro ne parlait de « génocide » qu’entre guillemets.

 

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