jeudi 8 avril 2021

Le racisme aryaniste, substrat idéologique du nationalisme arménien

 


Statue du criminel nazi Garéguine Nejdeh à Erevan

 

Augustus W. Williams (arménophile américain) et Mgrditch Simbad Gabriel (né Gabrielian, fondateur du nationalisme arménien aux États-Unis), Bleeding Armenia: Its History and Horrors, Chicago, Publishers’ Union, 1896, p. 425 :

« Le Turc n’est pas membre de la meilleure race humaine — la race indo-européenne ou aryenne, dont font partie les Arméniens. […] Il forme une branche de la race mongole, et, à ce titre, il est incapable d’assimiler des idées complexes et des formes supérieures de civilisation.

L’infériorité mentale du Turc, malheureusement assortie d’une religion d’un très bas niveau, a fait de lui ce qu’il est, pire que des sauvages. »

 

Éditorial du journal Haïastan, organe de la Fédération révolutionnaire arménienne en Bulgarie, paraissant à Sofia, n° 56, 19 août 1914, cité dans Aspirations et agissements révolutionnaires des comités arméniens, avant et après la proclamation de la Constitution ottomane, 1917, p. 155 :

« La race mongole, funeste et traîtresse, attaque une fois encore, mais avec plus de violence, un des peuples les plus purs et les meilleurs de la race arienne. Ces luttes qui continuent depuis des siècles sous différentes formes ne sont autre que l’assaut d’une nation restée dans les ténèbres contre une autre qui ayant déjà parcouru le cycle des progrès sociaux, s’avance vers la lumière. […]

Ou nous, ou eux ! Cette lutte ne date ni d’une année ni d’un siècle. La nation arménienne a toujours bravement résisté à cette race qui a eu comme ligne de conduite la trahison et le crime.

Le monde doit être débarrassé de ce fléau et, pour le repos et la tranquillité de l’univers, la nation turque doit être supprimée. Nous attendons la tête haute et armés de la foi en la victoire. »

ð  Pour mesurer tout à fait le caractère délirant de cet éditorial, il est nécessaire de savoir qu’en août 1914, l’Empire ottoman n’est pas encore entré dans la guerre mondiale, que les provinces, même orientales, ne souffrent plus du banditisme, et que les Arméniens loyalistes sont intégrés à tous les échelons : Bedros Hallaçyan siège au comité central du Comité Union et progrès (CUP, au pouvoir), Artin Boşgezenyan est député d’Alep, membre du CUP, Onnik Ihsan est député sans étiquette d’İzmir, Dikran Barsamian est député sans étiquette de Sivas, Manuk Azaryan est sénateur, ami personnel de plusieurs ministres en exercice, Aram Efendi est sénateur lui aussi, Berberian Efendi est directeur de la Comptabilité publique, Ohannes Kuyumciyan est gouverneur du Liban, etc.

 

Mikaël Varandian (idéologue de la Fédération révolutionnaire arménienne de 1905 à sa mort, en 1934), L’Arménie et la question arménienne, Laval, G. Kavanagh & Cie, 1917 :

« De toute façon, le peuple arménien est une branche de la race indo-européenne, de la grande famille Aryenne. » (pp. 14-15)

« Le contraste est absolu entre l’élément arménien et son milieu ethnographique. Un petit fragment de race indo-européenne, placé entre des peuplades primitives et nomades appartenant à la race touranienne et professant une religion toute différente :

De là la grande tragédie de l’histoire arménienne. Les envahisseurs turcs, seldjoukides, mongols, osmanlis, se sont successivement établis sur le sol arménien, en hordes guerrières, qui ne savaient manier que l’épée et le cheval ; ils ont campé durant des siècles en Arménie, comme des corps étrangers, incapables de produire, d’assimiler et de gouverner, uniquement fort dans l’art de consommer, d’asservir et de détruire.

Le plus frappant exemple de cette mentalité de toute une race nous est donné par les Turcs ottomans, qui furent maîtres de la plus grande partie de l’Arménie pendant six siècles.

N’ont-ils pas été, dès le début, réfractaires à toute culture, ne sont-ils pas malheureusement restés depuis cinq siècles, campés sur le vaste territoire, comme un parasite gigantesque, vivant de l’exploitation des peuples assujettis ? N’ont-ils pas détruit, paralysé les modestes cultures grecque, arménienne, slave, sous le poids de leur militarisme, orgueilleux et paresseux ? » (pp. 29-30)

 

Anna Yervant Azarian, L’Arménie, Paris, Imprimerie H. et H. Durville/Comité France-Arménie, 1917, p. 5 :

« La Race. — Considérés d’une manière générale, les Arméniens sont des Aryens. »

 

Vartan Malcolm (nationaliste arménien qui n’était même pas le plus radical de son temps), The Armenians in America, Boston-Chicago, The Pilgrim Press, 1919, p. 7 :

« Cependant, le témoignage des plus grands historiens, philologues et anthropologues du monde prouve, hors de tout doute, que les Arméniens sont aryens et appartiennent à la même souche raciale que tous les peuples européens. Tout comme l’homme blanc a supplanté l’Indien en Amérique, les Arméniens, des siècles avant l’ère chrétienne, ont émigré du sud-est de l’Europe vers l’Asie mineure et y ont établi l’ancien État d’Arménie. »

 

Vahan Cardahsian (principale figure de la Fédération révolutionnaire arménienne aux États-Unis de 1919 à 1923), « Should America Accept a Mandate for Armenia ? », reproduit dans America as Mandatary for Armenia, New York, The American Committee for the Independence of Armenia, 1919, p. 27 :

« Par la race, les Arméniens sont des Européens alpins, ils appartiennent à l’une des trois principales branches de la famille aryenne ; ils ont quitté leur foyer du sud-est européen vers 1 300 ans avant Jésus-Christ et ont émigré en Asie mineure […]. »

 

Lettre d’Avétis Aharonian (président de la Délégation de la République d’Arménie) à Raymond Poincaré, 9 février 1922, Archives du ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, P 16676 :

« La suppression de la domination turque conduirait sûrement à un rapprochement marqué des Arméniens et des Kurdes, tous deux d’origine aryenne, et rendrait possible la vie en commun et l’étroite collaboration de ces deux peuples dans un État arménien indépendant. »




 

Jordi Tejel Gorgas, Le Mouvement kurde de Turquie en exil. Continuités et discontinuités du nationalisme kurde sous le mandat français en Syrie et au Liban (1925-1946), Berne, Peter Lang, 2007, p. 227 :

« Les dirigeants kurdes [du Hoyboun, créé en 1927] et arméniens [Fédération révolutionnaire arménienne] tentent par ailleurs de convaincre le gouvernement iranien de soutenir la cause kurdo-arménienne au nom de la fraternité aryenne. Les plus grands défenseurs de cette « fraternité aryenne » sont les frères Bedir Khan, du côté kurde, et Roupen Ter Minassian, du côté arménien. L’idée d’une origine commune entre Kurdes et Arméniens n’était pas nouvelle. De même, l’idée de l’origine aryenne des Kurdes avait déjà été émise auparavant. En revanche, le projet d’union politique kurdo-arménienne justifiée par la filiation aryenne commune est un élément idéologique nouveau. En effet, l’objectif final de ces intellectuels est la création d’une “Confédération aryenne” formée par Arméniens et Kurdes. Pour assurer la survie de cette union des membres de la famille aryenne, la Perse est invitée à présider cette confédération. »

 

Garéguine Nejdeh (créateur, en 1933, de l’organisation de jeunesse de la Fédération révolutionnaire arménienne aux États-Unis), déclaration à l’Hairenik Weekly, 10 avril 1936, citée dans [Arthur Derounian], « John T. Flynn and the Dashnags », The Propaganda Battlefront, 31 mai 1944 :

« Aujourd’hui, l’Allemagne et l’Italie sont fortes car, comme nations, elles vivent et respirent en termes de race. »

 

Houri Berberian, « From Nationalist-Socialist to National Socialist? The Shifting Politics of Abraham Giulkhandanian », dans Bedross Der Matossian (dir.), The First Republic of Armenia (1918-1920) on Its Centenary: Politics, Gender, and Diplomacy, Fresno, California State University, 2020, p. 71 :

« Dans cette lettre, [Ardaches] Abeghian [membre de la Fédération révolutionnaire arménienne, ancien député au Parlement arménien de 1918 à 1920, alors professeur à l’université de Berlin, futur président du Conseil national arménien créé à Berlin en 1942] se plaint que, à l’occasion, des informations parues dans Hayrenik Amsagir sur l’Allemagne (lire l’Allemagne nazie) et la situation actuelles étaient “exagérées et fausses”. Après avoir porté cette appréciation assez apologétique, il passe à la confrontation des Arméniens avec les Juifs dans les médias allemands, qui “les mettent dans le même panier” [affirmation au moins exagérée : les Arméniens étaient classés aryens par l’Allemagne nazie depuis 1933, et le très officiel Völkischer Beobachter parlait même d’une aryanisation partielle des Arabes dans l’histoire, par les mariages mixtes avec des Arméniens]. Il ajoute que lui et d’autres s’efforcent de montrer la nature fallacieuse de telles affirmation, que les Arméniens “ont des liens culturels et autres importants avec l’Allemagne et que l’Allemagne a intérêt à préserver ces liens”, et qu’ils prennent des mesures — allant des réunions individuelles à des publications — pour “prouver” que “nous sommes aryens et que nous n’avons aucun lien avec les juifs.” »

 

Rouben Khérumian (lié au vichyste arménophile André Faillet), Les Arméniens. Race, origines ethno-raciales, Paris, Vigot, 1941, p. 15 :

« Si la famille aryenne est composée, à l’heure actuelle, par des peuples très différents du point de vue somatique, il paraît certain qu’à l’origine il existait un seul peuple, leur ancêtre commun, auquel ses descendants se rattachent encore, non seulement par les racines linguistiques communes, mais aussi par des réminiscences profondes et des liens ethniques, dont l’action s’est manifestée souvent au cours de l’histoire. L’étude ddes ancêtres ethniques des Arméniens modernes — les Hittites [cet apparentement est une ineptie, une de plus] — en fournit un exemple frappant, par son antagonisme à l’ethnie sémite des Assyriens. »

 

Kricor Tellalian (ancien représentant des Arméniens catholiques à l’Union nationale arménienne d’Adana, lié à Boghos Nubar, alors président du parti Ramkavar), Histoire arméno-européenne, Paris, Araxes, 1943, p. 11 :

« Les Arméniens appartiennent à la branche européenne (Aryenne) de la grande race indo-européenne. »

 

Laurent Leylekian (dirigeant de la Fédération révolutionnaire arménienne de 2001 à 2011), éditorial paru en octobre 2009 et publié à nouveau le 26 mars 2012 :

« Alors oui, les “maudits Turcs” restent coupables ; ils restent tous coupables quelle que soient leur bonne volonté, leurs intentions ou leurs actions. Tous, de l’enfant qui vient de naître au vieillard qui va mourir, l’islamiste comme le kémaliste, celui de Sivas comme celui de Konya, le croyant comme l’athée, le membre d’Ergenekon comme Orhan Kemal Cengiz qui est “défenseur des droits de l’homme, avocat et écrivain” et qui travaille pour “le Projet kurde des droits de l’homme”. Aussi irrémédiablement coupables que Caïn, coupables devant les Arméniens, devant eux-mêmes, devant le tribunal de l’Histoire et devant toute l’Humanité. »

 

Lev Golinkin, « Nazi collaborator monuments in Armenia », Forward, 26 janvier 2021 :

« En 2016, la capitale arménienne a fait la une des journaux internationaux [sauf en France, on se demande bien pourquoi] après avoir érigé ce monument géant au nationaliste Garegin Nzhdeh (1886–1955) [Nejdeh ; idéologue du nazisme à l’arménienne, cité ci-dessus, et plus longuement ailleurs sur ce blog] dans le centre d’Erevan, où Nzhdeh possède également une rue et une place centrale à son nom.

[…]

Gyumri, Kapan et dix-sept autres localités [sont dans le même cas] — Gyumri, la deuxième plus grande ville d’Arménie, rend hommage à Nzhdeh avec une rue et une statue bien en vue, en haut à gauche. Kapan, en haut à droite, a également une rue Nzhdeh et un mémorial, érigé en 2003. 

Des rues Nzhdeh se trouvent également à Agarak, Aparan, Artik, Ashtarak, Burastan, Byuravan, Dvin, Goris, Mrgavan, Mrgavet, Nshavan, Sisian, Stepanavan, Vanadzor, Verin Artashat et Yeghvard. Un village porte lui aussi son nom. »

 

« Garegin Nzhdeh’s Statue to Be Erected in Bulgaria », The Armenian Weekly (Boston), 26 janvier 2018 :

« PLISKA, Bulgarie (A.W.) - Une statue du vénéré homme d’État arménien et stratège militaire Garegin Nzhdeh (également orthographié Karekin Nejdeh et Njdeh) sera érigée dans la cour cyrillique de Pliska [elle a été retirée depuis, en raison du nazisme de la personne ainsi représentée]. »

 

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