Némésis était le nom donné par la Fédération révolutionnaire arménienne à un groupe terroriste contrôlé par les instances dirigeantes du parti, créé à la fin de 1919 et actif jusqu’en 1922 au moins, pour assassiner des anciens ministres ottomans, des anciens ministres azerbaïdjanais et des Arméniens loyalistes.
Eyal Ginio, « Debating the Nation in Court: The Torlakian Trial (Istanbul,
1921) », Armenian Review, LV/1-2, automne-hiver
2015, pp. 1-16 :
« Le 18 juillet 1921, vers minuit, un petit et joyeux groupe de trois
hommes et une femme sont sortis du bâtiment de la municipalité à Topbaşı
retour à son hôtel dans le quartier de Beyoğlu à Istanbul. Après
avoir passé la soirée dans l'un des théâtres du quartier, le groupe était
engagé dans une conversation animée. En raison de l'obscurité ambiante et la
musique bruyante émanant du café voisin, des maisons et des clubs, personne
dans le groupe n'avait pu remarquer qu'ils étaient suivis de près par un
inconnu. Arrivés à l'hôtel Péra — leur résidence temporaire depuis leur arrivée
de Bakou — le suiveur a ouvert le feu sur l'un d'eux avec son pistolet. L'homme
visé, Behbud Han Cevançir, a été grièvement blessé. Il avait auparavant été
ministre des Affaires intérieures de l’éphémère République indépendante d'Azerbaïdjan
(1918-1920). Cependant, son séjour à Istanbul était dû à une nouvelle
nomination qu’il avait pu obtenir après la dissolution de la jeune république.
Il était maintenant l'attaché commercial représentant la République soviétique
d’Azerbaïdjan — une entité politique intérimaire qui affirmait conduire sa
propre politique étrangère, avant d'être incorporée, à la fin de 1922, dans la
Fédération soviétique de Transcaucasie, une partie de l'Union soviétique.
Les deux autres hommes présents sur les lieux étaient ses deux frères ; la
femme était son épouse. Alors que Cevançir était toujours blessé sur le au sol,
ses frères ont pu poursuivre le tireur anonyme et l'appréhender avant l'arrivée
de la police. L’identité du tireur a été immédiatement révélée : son nom était
Misak Torlakian, un Arménien au début de la trentaine détenant la citoyenneté
ottomane. Originaire de la région de Trabzon, il a passé une partie de la
Première Guerre mondiale dans les territoires russes, notamment Bakou. En
janvier 1921, Torlakian arriva à Istanbul où, plus tard, il rencontra sa
victime. Alors que Torlakian était interrogé, Cevançir est décédé des suites de
ses blessures dans un hôpital militaire britannique voisin. »
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Torlakian
fut acquitté pour troubles mentaux (alors qu’il n’était pas cliniquement fou)
par un tribunal militaire britannique (İstanbul était alors une ville occupée). Ce
que Mme Ginio ne dit pas, probablement parce qu’elle ne le sait pas,
c’est que les juges militaires ont reçu des menaces de mort.
Mehmet Perinçek, « Nazi-Dashnak collaboration during World War II », dans AVIM (dir.), Turkish-Russian Academics. A Historical Study on the Caucasus,
Ankara, Terazi, 2016, pp. 199-231 :
« Après la bataille de Stalingrad, les responsables de l’Abwehr
[service de renseignement de l’armée allemande] se mirent à former un groupe
arménien particulier. Le groupe de Dro [Drastamat Kanayan, ancien ministre de
la Guerre pendant la République indépendante d’Arménie, 1918-1920] (qui avait
été promu au rang de général) faisait aussi partie de cette formation. Créé au
début d’avril 1943, le groupe reçut le nom d’Abwehrgruppe (AG)-114 “Dromedar”.
Initialement, il était prévu de parachuter ces hommes en Arménie [soviétique],
depuis des avions, derrière la ligne de front [rappelons ici que si la bataille
de Stalingrad fut une lourde défaite pour l’Axe, c’est celle de Koursk, en
juillet 1943, qui brisa définitivement tout élan offensif des nazis et de leurs
alliés sur le front de l’est]. Toutefois, les conditions sur le front en
question étant défavorables, le commandement allemand et le quartier général de
Dro durent changer quelque peu leurs plans.
À la fin d’avril 1943, le groupe reçut un statut indépendant. Le premier subordonné de Dro, était Kuro (Nikolai Tarhanian) et le chef d’état-major Tigran
Bagdassarian. Misak Torlakian reçut la responsabilité des activités de
renseignement et de sabotage. L’équipe d’espionnage de l’AG-114 était formée d’anciens
membres de l’armée de l’Arménie dachnake (1918-1920). » (pp. 207-208)
« Lui [Torlakian] et Dro arrivèrent en Crimée en 1942, où il dirigea
le bureau dachnak [donc la branche locale de la Fédération révolutionnaire
arménien, « dachnak » étant le surnom donné aux membres de ce parti,
et au parti lui-même]. Il présenta aussi à [Alfred]
Rosenberg [ministre nazi pour les territoires soviétiques occupés] des
documents sur les plans de la Turquie dans le Caucase. Il partit dans les
Balkans avec les armées allemandes en 1944. Après la guerre, il mena des
activités antisoviétiques avec Dro, aux États-Unis et en Allemagne occupée. »
(p. 214)
« ARF Armenia Chairman Visits Montebello
Armenian Community », Asbarez,
11 février 2020 :
« Le 6 février, Ishkhan Saghatelyan, président du Conseil suprême de
la Fédération
révolutionnaire arménienne d’Arménie, a rendu visite à la communauté
arméno-américaine de Montebello, dans le cadre de son voyage de travail dans l’ouest
des États-Unis.
Il était accompagné de Garo R. Madenlian, Levon Kirakosian, Aida Dimejian
et Stepan Boyadjian, membres du Comité central de la FRA pour l’ouest des
États-Unis, ainsi que du président de la section « Dro » de
Montebello Viken Pakradouni, de Koko Artinian et Gev Iskajyan, autres cadres
locaux, d’Ashod Mooradian, membre de l’ANCA [Armenian National Committee of
America] de Montebello.
[…]
Après l’école Mesrobian, le groupe s’est dirigé vers le cimetière Evergreen
où ils ont rendu hommage au héros
national arménien Misak Torlakian dans la section arménienne du cimetière.
Saghatelyan et son entourage ont déposé des couronnes sur la tombe ; des
membres du clergé de la cathédrale arménienne de Sainte-Croix ont prié. »
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