jeudi 3 septembre 2020

François Rigaux : apologiste des Khmers rouges, soutien apprécié du nationalisme arménien



Les nationalistes arméniens, du moins en France et en Belgique, adorent se référer au « jugement » du soi-disant « Tribunal permanent des peuples ». Outre que ce « tribunal » n’en était pas un (un tribunal est une institution créée par un État ou une institution interétatique ; le « TPP » ne comptait pas un seul magistrat dans ses rangs), il est important de savoir qui présidait la séance de 1984, au terme de laquelle, sans qu’aucun membre n’ait mis les pieds aux archives ottomanes, ni aux archives britanniques relatives à l’enquête de 1919-1921 (qui s’est soldée par l’échec le plus complet à trouver des preuves contre les 144 ex-dignitaires ottomans internés à Malte), sans avoir entendu un seul historien contestant la qualification de « génocide arménien » (Türkkaya Ataöv, Heath Lowry, Andrew Mango, Justin McCarthy, Stanford Jay Shaw, Salâhi Sonyel…) a retenu cette qualification. Le président de séance était le Belge François Rigaux, partisan résolu du régime des Khmers rouges au Cambodge — et, ce qui va de pair, irréductible ennemi d’Israël.

 

Franck Latty, « François Rigaux (1926-2013) », Sfdi.fr, 2013 :

« A travers la Fondation pour le droit et la libération des peuples qu’il préside, Rigaux est à l’origine de la Déclaration universelle des droits des peuples, signée à Alger le 4 juillet 1976, puis de la création en 1979 du Tribunal permanent des peuples. Cette “instance éthique”, à la tête de laquelle Rigaux est porté, destinée à répondre au “besoin de justice” des peuples opprimés, prononcera plusieurs “jugements” concernant le Sahara occidental, le génocide arménien, le Tibet etc. Défenseur du peuple palestinien, Rigaux parrainera la mise en place du tribunal Russell pour la Palestine. Le militantisme juridique de Rigaux confine néanmoins à l’aveuglement lorsque, président de l’Association Belgique-Kampuchéa, il se rend au Cambodge en août 1978 à l’invitation des Khmers rouges sans discerner, ni condamner a posteriori, les horreurs commises par le régime en place. »

 


Ossuaire des victimes des Khmers rouges.


Anthony Bochon, « Les Belges qui ont soutenu les Khmers rouges doivent sortir de leur silence », Le Soir (Bruxelles), 18 mars 2010 :

« Le cas du massacre du peuple cambodgien par ses dirigeants khmers rouges entre 1975 et 1979 demeure à ce jour une des atrocités du XXe siècle dont l’ampleur et les motivations idéologiques restent méconnues du grand public européen. Plongé dans une guerre civile jusqu’au début des années nonante, le Cambodge n’a guère pu livrer à la justice internationale les auteurs de cette élimination systématique d’un peuple, au nom d’une idéologie prônant l’émergence d’un Homme nouveau. Et pour cause, la qualification de génocide reste discutée, au grand dam des familles des victimes. Cette impasse juridique n’a pas empêché la création de tribunaux ad hoc qui, depuis plusieurs années, permettent au peuple cambodgien de traduire en justice une partie de leurs bourreaux. Le procès actuellement en cours de Duch, chef de la prison S-21, montre que, à des degrés divers, les responsabilités de ces crimes contre l’Humanité n’ont pas encore été toutes clairement établies.

Ce travail progressif en faveur d’une justice rendue au nom des droits de l’homme ne peut camoufler la complaisance avérée de nombreux intellectuels occidentaux dans les années septante en faveur du Kampuchéa démocratique. C’est en effet le nom que les Khmers rouges avaient attribué à leur pays dès leur prise du pouvoir en avril 1975. Transformé en véritable camp de concentration à ciel ouvert, ce pays fut visité par plusieurs délégations dont celle de l’Association Belgique-Kampuchéa. Présidée par le professeur François Rigaux – depuis fait grand officier de l’Ordre de Léopold – cette ASBL avait publié au retour d’un séjour effectué en 1978 à l’invitation de Pol Pot un bulletin dithyrambique sur la société et la famille au Kampuchéa. Il fut résumé lors d’une conférence de presse tenue le 14 septembre 1978. L’Histoire nous confirmait cependant cinq mois plus tard que le modèle familial khmer rouge reposait sur la dénonciation des parents par leurs enfants et que la société pratiquait l’assassinat de toutes les personnes soupçonnées d’être des intellectuels. […]

Les œillères idéologiques sont incompatibles avec un engagement en faveur des droits humains et rendent ceux qui ne peuvent s’en départir responsables, par leur vision déformée, de ne pas avoir profité de ces voyages en délégation pour dénoncer au monde entier les atrocités du régime khmer rouge.

À la même époque, le journaliste français Jean Lacouture avait pourtant déjà admis s’être trompé quant à la nature du régime du Kampuchéa démocratique. Il lui suffisait – à lui du moins mais pas à d’autres – de prêter foi aux flots grossissants de témoignages de survivants, sans qu’il n’ait besoin de se rendre sur place pour vérifier leurs dires. Ces récits attestant la violence du régime de Pol Pot furent malheureusement discrédités à cause de l’engagement de ces intellectuels occidentaux dépeignant un Kampuchéa pastoral, agreste mais somme toute idyllique ! Ce fut là une non-assistance à un peuple en danger.

Les anciens membres de l’Association Belgique-Kampuchéa n’ont, au contraire d’homologues étrangers, jamais exprimé le moindre regret sur cet aveuglement idéologique – pour ne pas dire plus. Par un véritable pied de nez à la raison, son ancien président François Rigaux est depuis estimé comme un expert des droits de l’homme et couvert de tous les honneurs académiques et nationaux. Etre un brillant intellectuel n’excuse en rien des agissements inadmissibles.

Le retour sur la complicité idéologique avec le régime khmer rouge est un impératif. »

 

Il est remarquable que François Rigaux soit mort en ayant obstinément refusé (y compris après la parution, dans un des quotidiens les plus vendus de Belgique, de la tribune citée ci-dessus) de présenter la moindre apparence de regret. La seule explication à un tel refus, c’est qu’il est resté toute sa vie convaincu que les méthodes des Khmers rouges étaient les bonnes.

De même, il n’est nullement anecdotique ou accidentel qu’un partisan déclaré des crimes de Pol Pot ait joué un rôle fondamental dans la propagande nationaliste arménienne des années 1980, et plus précisément dans un contexte (1984) où les attentats de Paris, Orly, Lisbonne et Marseille, en 1983, avaient considérablement terni l’image du nationalisme arménien. Ce n’est nullement anecdotique car le journal, en France, de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA), dirigé par Jean-Marc « Ara » Toranian, a largement dépendu, jusque vers 1980, de l’aide du quotidien Libération[1], créé avec une ligne maoïste et qui s’est réjoui de la victoire des Khmers rouges en 1975.





De même, Jacques Vergès, avocat de dirigeants khmers rouges en raison d’une complaisance assumée pour ce régime, avait été avocat de Varoujan Gardibjian, principal responsable de l’attentat d’Orly, là encore en raison d’affinités (feu Vergès appartenait de fait au groupe Carlos, lui-même très lié à l’ASALA). Cette filière cambodgienne doit se comprendre aussi au vu de l’héritage stalinien, encore pleinement revendiqué de nos jours, d’une partie du nationalisme arménien.


Lire aussi :

La popularité du stalinisme dans la diaspora arménienne

Le stalinisme en France et le mythe Manouchian

L’engagement (non regretté) d’Henri Leclerc (avocat de terroristes arméniens) au PCF stalinien

L’arménophilie stalinienne de Léon Moussinac

Janvier 1984 : la police de la République met au pas les énergumènes de Jean-Marc « Ara » Toranian

Avril 2001 : le boucher d’Orly libéré après le vote de la loi inconstitutionnelle « portant reconnaissance du génocide arménien »

Question prioritaire de constitutionnalité déposée contre la « loi portant reconnaissance du génocide arménien »



[1] « L’Arménie vit à Libé », Hay Baykar, février-mars 1979.

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