René Dzagoyan, « Portrait
d’une manifestation », Armenia,
février 1984, p. 17 :
« Ils étaient venus d’un peu partout : Valence, Lyon, Marseille…
Par TGV. Les premiers qui arrivèrent se dirigèrent tout droit vers un
restaurant. L’Odéon n’était qu’à une demi-heure. Et il y avait le temps d’un
repas. Mais bizarrerie : à la sortie même de l’établissement, attendaient
deux cars de CRS. L’un après l’autre, tous ceux qui étaient entrés dans le
restaurant une heure plus tôt se retrouvaient dans le car des compagnies
républicaines de sécurité. […]
En dépit de cette sélection “naturelle”, quelques manifestants, une
centaine environ, arrivèrent à se regrouper place de l’Odéon. La préfecture de
police avait annulé la manifestation au dernier moment. […]
Manifestation interdite, donc. Mais cela n’empêcha rien [sic]. Les plus
jeunes ne perdirent aucune occasion de bloquer pour quelques secondes le
boulevard Saint-Germain, le temps de déployer une banderole rouge où s’inscrivait
le mot “Hayasdan” [« Arménie »]. Dès qu’elle était en berne, les CRS
dévalai[en]t de nouveau de leur car, matraque au poing, jusqu’au point où,
quelques secondes plus tôt, les “Arménuches” manifestaient avant de se fondre
dans la foule. Ce manège dura de trois heures de l’après-midi jusqu’à sept
heures et demie du soir. Un coup de banderole et un coup de charge de CRS. […]
Mais, au-delà de l’amusement, certains firent une réflexion, qu’ils partagèrent
d’ailleurs : si les Arméniens n’ont pas le droit de réduire le nombre des
ambassadeurs [sic : allusion aux assassinats de diplomates turcs, par
exemple l’ambassadeur à Paris, en 1975, par les terroristes arméniens des
CJGA/ARA et de l’ASALA], s’ils n’ont pas droit de prendre des otages, et s’ils
n’ont pas le droit de manifester pacifiquement ; qu’ont-ils le droit de
faire ? »
Quelques explications sur ce texte délibérément obscur. La manifestation,
illégale, eut lieu à l’appel du Mouvement national arménien (appelé Mouvement
national arménien pour l’ASALA de 1982 à 1983) de Jean-Marc
« Ara » Toranian, et devait avoir lieu devant le palais de
justice de Paris (quelques énergumènes tentèrent de s’en approcher et furent
arrêtés, comme les autres, évoqués ci-dessus). C’était le jour où se tenait le
procès d’une prise d’otage mortelle au consulat général de Turquie à Paris,
devant la cour d’assises. Les prévenus étaient défendus (notamment) par Patrick
Devedjian et Henri
Leclerc.
Les intentions des manifestants se devinent quand on connaît deux
déclarations. D’abord, celle de Franck
« Mourad » Papazian (devenu depuis coprésident du Conseil de
coordination des associations arméniennes de France) dans Haïastan de février 1982, à propos du procès de Max Hraïr Kilndjian
(CJGA) devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence :
« Cette foule qui, pendant deux heures, a crié, a chanté, cette foule
qui, pendant deux jours a soutenu Hraïr, cette foule consciente, concernée,
passionnée, cette foule qui a su quand il fallait crier [sic], chanter ou
garder le silence, a sûrement influencé la décision du jury. […]
Non Hraïr ne devait plus rester en prison. C’en était assez, c’était même
trop. Et puis cette foule, non pas excitée, mais convaincue, quelle allait être
sa réaction [en cas de condamnation supérieure au temps passé en détention
provisoire] ? Mieux vaut ne pas y penser. »
Une manière brutale et cynique de dire que le verdict a été obtenu par la menace de
lynchage.
L’autre déclaration à connaître est celle de Jean-Marc « Ara »
Toranian lui-même, au Figaro du 2
février 1984, à propos cette fois-ci du procès de Paris, qui eut lieu en même
temps que la manifestation illicite de son mouvement : « Nous avons
été trahis, c’est tout le peuple arménien qui a été condamné à sept ans de
prison. » Je passe sur la mégalomanie, au sens clinique du terme, que
révèle cette phrase. L’essentiel, en l’occurrence, est que M. Toranian ait
publiquement avoué que son but était de rééditer la performance d’Aix en 1982,
consistant, non seulement à obtenir une peine bien plus clémente que la
moyenne, mais aussi à faire juger, pour la réduire encore, que le charbon est
blanc — en l’espèce, que ce n’était pas une affaire de meurtre mais d’homicide
involontaire (une absurdité que la cour d’assises a refusé d’avaliser, sa
sécurité physique n’étant pas directement menacée), et à Aix-en-Provence, que
Max Hraïr Kilndjian n’était que complice (une contrevérité extorquée sous la
menace).
Enfin, il n’est pas inutile de savoir que c’est le même René Dzagoyan qui a
écrit l’article signé ci-dessus et qui avait, l’année précédente, refusé
de réprouver l’attentat d’Orly (perpétré, comme la prise d’otages sanglante
de Paris, par l’ASALA), s’employant au contraire à le justifier de manière
insidieuse.
Lire aussi :
L’ASALA
et ses scissionnistes contre la France socialiste de François Mitterrand
Patrick
Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et
antiturc
Les Arméniens dans la Turquie du général Kenan Evren
La
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Quand
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(juillet 2020)
Vandalisme
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