Claudine Girod, « Le
Canard enchaîné, centenaire déconnecté mais fringuant », EDITO, n° 5, 2015, p. 23 :
« Moins connue mais tout aussi savoureuse, une petite histoire dans la
grande histoire concerne le journaliste suisse Victor Snell, premier rédacteur
en chef du Canard. Ce dernier avait prêté une pièce de cent sous
à Mussolini, alors socialiste désargenté à Genève. Un argent dont Victor Snell
ne reverra jamais la couleur et qui lui inspirera une rubrique à succès appelée
“Et mes cent sous ?”. »
Pierre Loti, La Mort de notre chère France en Orient, Paris, Calmann-Lévy, 1920 :
« Je disais qu'ils n'étaient pas nos ennemis, ces Turcs si calomniés,
et qu'ils ne nous avaient fait la guerre qu'à contrecœur. Je disais, en outre,
et j'ai dit toute ma vie qu'ils composaient l'élément le plus sain, le plus
honnête de tout l'Orient, — et le plus tolérant aussi, cent fois plus que
l'élément orthodoxe, qui est l'intolérance même, bien que cette dernière
assertion soit pour faire bondir les non-initiés. Or, sur ces deux points,
voici tout à coup, depuis la guerre, mille témoignages qui me donnent raison,
même devant les plus entêtés. Des généraux, des officiers
de tous grades, de simples soldats qui étaient partis de France pleins de préjugés
contre mes pauvres amis de là-bas et me considérant comme un dangereux rêveur, m'ont
spontanément écrit, par pur acquit de conscience, pour me dire à l'unanimité :
“Oh! comme vous les connaissez bien, ces gens chevaleresques, si doux aux
prisonniers, aux blessés, et les traitant en frères! Comptez sur nous au retour
pour joindre en masse nos témoignages au vôtre.” » (p. 18)
« Il est regrettable pour eux [les Arméniens], — du reste comme pour les Grecs, — que la guerre ait permis à trop de témoins européens de pénétrer au
cœur de leur pays et de les voir à l’œuvre ; alors beaucoup de légendes sont
tombées. On sait à présent que, s’ils ont été massacrés, ils ne se sont jamais
fait faute d’être massacreurs. Maints rapports officiels en font foi. J’ai
envoyé dernièrement à l’Illustration des photographies de charniers de Turcs
préparés par leurs mains chrétiennes et où figuraient au tableau surtout des
femmes et des enfants, car ces plus récentes tueries avaient été opérées dans
des villages d’où les hommes étaient partis pour la guerre. Seulement les Turcs
n’ont pas, comme eux, fatigué de tout temps les oreilles du monde entier par
l’excès de leurs plaintes. Surtout ils ne sont pas chrétiens, les pauvres
Turcs, et c’est là, aux yeux de l’Europe, une tare capitale. Les Arméniens et
les Orthodoxes en ont-ils assez usé, abusé et surabusé, de ce titre de chrétien
qui chez nous impressionne même les matérialistes et les athées ! » (p. 57)
Victor Snell, « Pierre
Loti », La Lanterne, 12 juin
1923, p. 1 :
« Peintre,
il le fut autant que quiconque et plus que d'autres qui ont une palette et des pinceaux.
Et on peut se demander si c'est l'amour de la lumière et de la couleur qui fit de
lui un homme de l'Orient, ou si c'est, le contraire qui se produisit, sa nature
essentiellement orientale l'inclinant à poursuivre partout et toujours
l'évocation de son cadre propre.
Mais, il ne faut pas s'y tromper : l'amitié profonde que Loti avait vouée
aux Turcs ne procède pas essentiellement de son esthétique orientale. Si Loti aima les Turcs et le proclama généreusement,
c'est par la raison seule et suffisante qu'il les connaissait et qu'il les
comprit. Ce n'est pas une sympathie colorée
qu'il eut pour eux mais une affection du cœur et de l’esprit. Il pouvait d’ailleurs
l’avouer hautement, puisqu’elle n’a rien à faire avec les choses de la
politique internationale. Mais c’est là encore une vérité qui n’est pas
accessible à tout venant. »
Lire aussi :
Le soutien public d’Henri Rollin (officier de renseignement) aux conclusions de Pierre Loti
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