Sean McMeekin, The Russian
Origins of the First World War, Cambridge (Massachusetts)-Londres, Harvard
University Press, 2011 :
« Pour le commandement de Tiflis, c’était l’embarras du choix. Les
Arméniens du Caucase avaient déjà établi un bureau central de recrutement dans
la capitale géorgienne pour enrôler des volontaires arméniens ottomans dans l’armée
russe. Ses chefs de file étaient Hampartsum Arakelyan, rédacteur en chef de Mshak, le principal journal en langue
arménienne du Caucase, et le général Andranik Toros Ozanian, un vétéran d’innombrables
escarmouches avec les Turcs qui avait également combattu dans l’armée bulgare
pendant les guerres
des Balkans. Andranik arriva à Tiflis, en passant par Varna et Odessa, le 2
août 1914.
Très vite, il y eut tellement de volontaires arméniens que les Russes ne
purent trouver suffisamment d’armes légères pour les équiper. Le 31 août 1914, soit deux pleins mois
avant que la Porte ne déclarât la guerre, le général Ioudenitch, chef d’état-major
de l’armée du Caucase, demanda à Ianouchkevitch et à la Stavka 25 000 fusils
supplémentaires et 12 millions de cartouches pour armer les bandes de guérilla
arméniennes en cours d’organisation le long de la frontière ottomane. De
fait, Ioudenitch exigea expressément que ces armes (et l’argent pour payer les combattants)
fussent expédiées avant l’entrée en
guerre de la Turquie, car les quelques voies de contrebande encore ouvertes seraient
probablement fermées une fois celle-ci survenue.
L’armée russe chercha donc activement à armer les Arméniens ottomans avant
même que la Turquie n’entrât en guerre, avec la pleine coopération des Dachnaks
[Fédération révolutionnaire arménienne],
du général Andranik et des dirigeants arméniens de Tiflis. Le ministère russe
des Affaires étrangères était également impliqué, et au plus haut niveau. »
(pp. 154-156)
« La planification opérationnelle russe en vue d’un soulèvement
général des Arméniens en Anatolie orientale était en cours bien avant
Sarıkamış, c’est-à-dire avant même l’entrée en guerre de la Turquie.
Conformément à la directive de Sazonov selon laquelle rien ne devait être
entrepris “sans nos instructions”, le commandement de Tiflis, en collaboration
avec le vice-roi Vorontsov-Dashkov, élabora en septembre 1914 une stratégie
minutieuse, étape par étape, visant à donner aux Russes autant de contrôle que
possible sur les événements. De petites cellules arméniennes de guérilla (moins
de 100 hommes chacune) seraient créées dans les villes frontalières du côté
russe de la frontière, notamment Oltu, Sarıkamış, Gizman (Kâğızman) et Igdyr
(Iğdır). En plus d’un fusil par homme (avec les munitions correspondantes),
chaque cellule recevrait également 250 armes supplémentaires à faire passer en
contrebande en Turquie. Des groupes de guérilla similaires se formeraient à Hoy
et Dilman, dans le nord-ouest de la Perse. Ces derniers, parce que les voies de
contrebande y étaient plus faciles, recevraient
chacun 2 000 fusils supplémentaires destinés aux cellules arméniennes en
Turquie. Dans les deux cas, les armes seraient distribuées dès que la
Turquie déclarerait la guerre, en même temps que la première réserve d’argent
liquide.
Au total, le vice-roi estimait qu’il en coûterait à la Russie 100 000
roubles par mois pour mener des opérations de sabotage arméniennes en Turquie.
Ces subventions seraient prélevées sur le budget de l’occupation perse, afin de
les camoufler. » (p. 161)
« Le 24 septembre 1914, la troisième armée ottomane a rapporté des
preuves selon lesquelles les Russes faisaient passer des armes et des munitions
en contrebande à travers la frontière, et a averti que quiconque serait surpris
en train de faciliter ce trafic “serait immédiatement exécuté”. Tout l’hiver,
les zones frontalières ont été animées par une activité intense, alors que des
déserteurs arméniens fuyant Van passaient du côté des Russes, tandis que d’autres
étaient vus revenir en Turquie. Au début de 1915, la Troisième Armée ottomane avait
rassemblé des renseignements exploitables – et en grande partie exacts – sur
les “bandes arméniennes” que le commandement de Tiflis avait “mises en place à
Oltu, Sarıkamış, Kağızman – que les Russes avaient équipées de mitrailleuses et
d’artillerie.” En février et mars 1915, les premiers rapports sur une activité
rebelle significative près de Van, Bitlis et Erzurum furent publiés, notamment
la coupure de lignes télégraphiques, l’explosion de bombes, des attaques contre
des casernes de l’armée et de la police turques et, si l’on en croit le compte
rendu plutôt sombre des services de renseignements de l’armée ottomane, le “pillage et la destruction [de] villages
musulmans”, les rebelles arméniens “massacrant même les bébés dans leurs
berceaux.” Que ces activités partisanes arméniennes aient été ou non
approuvées au préalable par le ministère russe des Affaires étrangères, comme l’avait
stipulé Sazonov, elles semblaient certainement d’inspiration russe au
commandement de la Troisième Armée ottomane, qui commençait à craindre une “catastrophe
aux proportions inimaginables”.
Le 13 ou 14 avril 1915, les Turcs connurent leur pire cauchemar : les
partisans [arméniens] expulsèrent les
forces gouvernementales de Van et érigèrent des barricades autour de la ville.
Personne ne sait exactement combien d’hommes les Arméniens réussirent à engager
à Van, mais ce nombre dut être important, car ils tinrent finalement la ville
pendant plus de quatre semaines contre trois bataillons de la Jandarma (police)
ottomane, la première force expéditionnaire envoyée par la troisième armée et
un nombre incalculable de miliciens kurdes Hamidiye. » (pp. 168-169)
« Les livres de Vahakn Dadrian et (à quelques exceptions près) de Richard Hovannisian sont plus représentatifs de la ligne
arménienne générale d’aujourd’hui. Dans The
History of Armenian Genocide (paru en 1995 ; six éditions à ce jour),
Dadrian consacre six pages au rôle de la Russie dans “le désastre arménien” —
et ces pages couvrent exclusivement la période précédant la Première Guerre
mondiale. Hovannisian, dans “The Armenia Question in the Ottoman Empire”, son
principal article dans le volume qu’il a récemment édité sur The Armenian People from Ancient to Modern
Times (2004), fournit une discussion assez approfondie de la politique
arménienne de la Russie — mais encore une fois, uniquement pour la période
précédant la Première Guerre mondiale. Ce n’est pas que Hovannisian ne soit pas
au courant de la dimension russe de son sujet durant la Première Guerre
mondiale — en fait, il a traité ce sujet de manière assez approfondie il y a
quarante ans dans “The Allies and Armenia, 1915–18” (1968). Il semble plutôt avoir laissé tout cela de
côté dans ses œuvres ultérieures, après être devenu une sorte de porte-parole
officiel de la cause arménienne dans le milieu universitaire américain. »
(pp. 272-273, n. 3)
« Il est intéressant de noter que, pour réfuter les affirmations
turques selon lesquelles il y aurait une menace arménienne importante à
Erzurum, où se trouvait le quartier général de la Troisième Armée ottomane, Akçam cite un rapport du consul allemand de cette
ville, Scheubner-Richter (le même qui sera plus tard abattu au milieu des partisans d’Hitler lors de leur marche dans Munich après le
putsch de la Brasserie). Le consul russe à Erzurum, Adamov, bien mieux informé
des activités arméniennes, a fait un rapport tout différent. » (p. 278, n.
75)
« Les volontaires arméniens
de l’armée russe », L’Homme
libre, 22 février 1915, p. 2 :
« Le comité central du parti arménien hentchakiste avait adressé à tous les Arméniens de l’étranger un appel
pour les inviter à apporter l’étranger leur contingent aux alliés, comme quote-part
du peuple arménien.
“Allié naturel de la Triple-Entente, et
surtout des armées russes, dit cet appel, notre parti, par tous les
moyens politiques, militaires dont il dispose, secondera les victoires russes en Arménie [Anatolie orientale], en Cilicie, au Caucase et dans en Azerbaïdjan
[il s’agit de l’Azerbaïdjan iranien,
envahi en 1914 par la Russie, malgré la proclamation de neutralité de l’Iran].
En agissant ainsi, le parti aura rempli son devoir suprême aussi bien envers la
Russie qu’envers l’Arménie, afin de délivrer du joug sanglant du despotisme turc la patrie arménienne.”
Répondant sont à cet déjà appel, 500 volontaires sont partis de Bulgarie et
1 500 de Roumanie et les premiers contingents de volontaires sont arrivés d’Amérique. »
Hovannès Katchaznouni
(dirigeant de la Fédération révolutionnaire arménienne jusqu’en 1923, Premier
ministre de la République d’Arménie de 1918 à 1919), The Armenian Revolutionary Federation Has
Nothing to Do Anymore, New York, Armenian Information Service,
1955, pp. 5-6 (discours prononcé devant le congrès de la Fédération
révolutionnaire arménienne à Bucarest, en avril 1923), pp. 5-6 :
« Alors même que la Turquie n’était pas encore entrée en guerre — bien qu’elle
en commençât les préparatifs — des groupes de volontaires arméniens se
formèrent [à partir d’août-septembre
1914], avec beaucoup de zèle. Malgré la résolution prise par le comité
central à Erzurum, quelques semaines plus tôt [en août], la Fédération révolutionnaire arménienne contribua de
façon active à la mise en place de ces groupes, et en particulier à leur
armement, contre la Turquie. […]
À l’automne 1914, des bandes de volontaires arméniens s’organisèrent, et
combattirent contre les Turcs, parce qu’ils [ses
membres] ne pouvaient pas s’en empêcher. Ce fut le résultat inévitable de
la mentalité que le peuple arménien avait lui-même développée pendant toute une
génération : cette mentalité avait trouvé son aboutissement et s’exprimait.
Si la formation des bandes fut une erreur, les origines de cette erreur
doivent être cherchées beaucoup plus loin dans le passé. À présent, il est important
de noter seulement cette évidence que nous
[Fédération révolutionnaire
arménienne-Dachnaktsoutioune, FRA-Dachnak] avons participé à ce mouvement
de volontaires de la façon la plus large, en contradiction avec ce qui avait
été décidé lors du congrès du parti. […]
Nous avions embrassé la
Russie de tout notre cœur, sans aucune hésitation. Sans aucun fondement positif, nous pensions que le
gouvernement tsariste nous accorderait une autonomie plus ou moins large dans
le Caucase et dans les vilayets arméniens libérés de la Turquie, en récompense
de notre loyauté, de nos efforts et de notre aide.
Nous avions créé dans nos esprits une atmosphère dense d’illusions.
Nous avions attribué nos propres désirs aux autres ; nous avions perdu le sens de la réalité et nous étions emportés par nos
rêves. De bouche à oreille, d’oreille à oreille passaient des paroles
mystérieuses qui semblaient avoir été prononcées dans le palais du vice-roi ;
on attirait l’attention sur une sorte de lettre de Vorontzov-Dashkov au
Catholicos, présenté comme un document important se trouvant entre nos mains et
permettant de faire état de nos droits et de nos revendications — une lettre
habilement composée avec des phrases très vagues et des généralités qui
pouvaient être interprétées de n’importe quelle manière, selon le désir de
chacun. »
Stéphane Yerasimos, « Caucase : la grande mêlée », Hérodote, n° 54-55, 4e
trimestre 1989, pp. 155-157 :
« Au même moment [été 1914],
le catholicos d’Etchmiadzin, patriarche de tous les Arméniens, lance un appel
vibrant à Vorontzov-Dachkov, vice-roi du Caucase, demandant à la Russie de
protéger les Arméniens et de modifier le statut d’autonomie, déjà acquis à leur
profit, avec la nomination d’un gouverneur chrétien choisi par la Russie à la
tête des six provinces unifiées. En même temps, Vorontzov-Dachkov contacte les
personnalités du Conseil national arménien à Tiflis [regroupement des partis nationalistes, sous la direction de la Fédération révolutionnaire arménienne], dont le maire de la ville Khatissian
[membre de la Fédération révolutionnaire
arménienne], et promet l’autonomie arménienne dans les six provinces
orientales turques, si celles-ci sont conquises avec l’aide arménienne. Les Arméniens proposent alors la création d’unités
de volontaires et des télégrammes sont aussitôt envoyés par le Conseil national
arménien à toute la communauté, lui demandant de se mobiliser. Entre cette
date et le début de la guerre turco-russe, le 1er novembre, quatre
détachements de volontaires arméniens, composés d’Arméniens de Turquie — puisque
les Arméniens de Russie sont enrôlés dans l’armée régulièrement formée — sont constitués. Leur
quantité est sans doute négligeable dans la masse de l’armée russe, puisque
chaque détachement compte environ mille hommes, mais utilisés au début comme
éclaireurs et ensuite dans toutes les batailles sensibles mettant en cause des
populations kurdes et arméniennes dans les endroits les plus contestés, leur rôle
politique fut sans commune mesure avec leur poids réel [il y a là une confusion entre les unités autonomes de volontaires et
le total des volontaires recrutés pour l’armée russe, la grande majorité étant
intégrée dans des unités régulières de l’armée russe. Fin octobre 1914, le
consul britannique estime le total à presque 45 000 hommes : Muammer
Demirel, British Documents on Armenians. 1896-1918, Ankara, Yeni Türkiye, 2002, p. 665].
Ainsi, dès le 24 octobre, une semaine avant le début des hostilités, le
deuxième détachement volontaire
arménien, dont le commandant en second est un député arménien au Parlement
ottoman [Garéguine Pasdermadjian, député
de 1908 à 1912], part d’Igdir en direction de Van. La région allant du lac
de Van à celui d’Ourmia est un des endroits clés du conflit, parce qu’elle
constitue le chemin le plus court entre le Caucase russe et Mossoul, le centre
de la haute Mésopotamie, d’où la jonction avec les Britanniques, qui
attendaient déjà au Koweït la déclaration de la guerre pour occuper Basra, était
possible. En même temps, cette région était considérée comme le “ventre mou” de
la défense turque parce que peuplée par des chrétiens. La seule région en
Anatolie où les Arméniens étaient en majorité était celle du lac de Van [affirmation discutable : il n’est pas
avéré que fût véritablement une majorité] ; Ourmia était peuplée d’Assyriens
et le massif de Hakkâri abritait des tribus nestoriennes.
Le deuxième détachement arménien sera arrêté par les Turcs le 1er
novembre, Mais, dès le début des hostilités, les troupes russes pénètrent en
territoire turc en se servant des détachements de volontaires arméniens comme
éclaireurs. De leur côté, les Turcs mobilisent les Kurdes en les utilisant
comme cavalerie irrégulière Dès le premier contact avec les Russes, dix mille
de ces cavaliers, sur un total de treize mille, désertent et se dispersent dans
les villages des environs, où ils sont reçus à coups de fusil. De même, les
fantassins kurdes et arméniens, mobilisés dans l’armée régulière, désertent et
vont avec leurs armes protéger leurs villages. Dès le premier mois de la
guerre, la confusion est totale.
Après l’échec de la première pénétration vers Van, les Russes décident d’utiliser
le territoire iranien8. En novembre, le khan de Maku est déposé et remplacé par
un cousin plus docile. Une colonne russe, accompagnée du premier détachement de
volontaires arméniens, dirigé par Antranik, le chef arménien le plus célèbre,
traverse Khoy et Qotur et occupe Saray, à l’intérieur du territoire turc et à 70
kilomètres de Van. […]
Après l’échec de la grande offensive turque, la région Van-Ourmia retrouve
son importance. En février, les Russes réoccupent les territoires iraniens et
Simko bascule encore une fois dans le camp russe. Mais cette fois les Turcs
préparent à Mossoul une division, sous la direction de Halil Bey (futur pacha),
oncle d’Enver Pacha, qui quitte cette ville en mars en direction d’Ourmia, à
travers les défilés du Grand Zab. C’est à cette occasion que des émissaires
russes sont envoyés chez Mar Shimoun, le patriarche (dans le sens biblique du terme)
des nomades nestoriens qui tiennent, conjointement avec les Kurdes, cette
région. En même temps les 2e, 3e, 4e et 5e
(nouvellement créé) détachements de volontaires arméniens sont réunis en un
corps spécial, chargé de marcher sur Van. La
région est en effervescence depuis le début du printemps et, le 20 avril, la
révolte arménienne de Van éclate. »
Grégoire Tchalkhouchian, Le Livre rouge, Paris, Imprimerie Veradzenount, 1919 (initialement rédigé en russe), p.
105 :
« Nous n’avons pas seulement su, à l’égal des soldats russes, mourir comme
sujets de la Russie, mais nous avons fourni des volontaires par dizaines de
mille. »
Gabriel Korganoff (Gorganian,
officier et membre de Fédération révolutionnaire arménienne), La Participation des Arméniens à la guerre
mondiale sur le front du Caucase (1914-1918), Paris, Massis, 1927 :
« Après de nombreux pourparlers, au milieu du mois de Septembre, le “Bureau
National Arménien” de Tiflis reçut l’autorisation de former au Caucase 4 légions
de volontaires arméniens. Leur formation fut terminée vers la fin du mois d’octobre
1914, c’est-à-dire au moment même de la déclaration de la guerre par la
Turquie. L’effectif de ces légions atteignait [autour du 1er novembre 1914, et sans compter les dizaines
de milliers de volontaires intégrés dans des unités régulières] 2.500 hommes,
ayant 600 hommes en réserve.
Le commandement en fut confié à des héros nationaux arméniens, à Andranik,
Dro, Amazaspe et Ken, tous les quatre des partisans éprouvés
dans la lutte contre les Turcs.
Les Légions ne furent pas réunies en unités supérieures, mais attachées à
divers corps et groupes du vaste front du Caucase, car on les considérait
utiles surtout pour le service de reconnaissance; ceci explique leur
répartition presque égale sur tout le front. » (p. 10)
« Chaque légion comptant [en
1915] 1.000 hommes, l’effectif total des légions arméniennes représentait
une force de 6.000 combattants [toujours
sans compter la majorité des volontaires arméniens, intégrés, eux, à des unités
régulières]. Complétées ci renforcées pendant leur court répit, elles furent
de nouveau envoyées au front de l’armée, quatre d’entre elles (les 2e,
3e, 4e, et 5e) entrant dans le détachement de
Van.
Une telle répartition de quatre légions dans le même détachement s’explique
premièrement par la tâche imposée à ce dernier. C’est à Van que la population arménienne s’était soulevée contre les
Turcs et se défendait héroïquement ; mais, entourée de tous côtés d’ennemis
mieux organisés et armés, die demandait d’urgence d’être secourue. Ensuite, par
la composition de ces légions qui, originaires de cette région, connaissaient à
perfection le terrain sur lequel les opérations militaires devaient se dérouler.
La 1re légion resta, comme auparavant, attachée au détachement d’Azerbaïdjan
du Général Tchernozouboff, tandis que la 6e, de nouvelle formation,
fut incorporée dans le détachement du Général Baratoff (groupe de Sarikamiche). »
(p. 21)
« Comme nous l’avons dit plus haut, les 2e, 3e,
4e et 5e légions
avaient été dirigées sur Van au printemps de 1915, et nous avons indiqué les raisons
d’une pareille concentration de ces quatre légions dans un même groupe et du
choix d’une direction opérative déterminée d’avance.
Les légions formèrent un détachement indépendant, appelé détachement de l’Ararat,
commande par Vartan. Peu dc temps avant sa rentrée en campagne, la 5e
légion fut dissoute, ses cadres servant à compléter et renforcer les 2e,
3e et 4e légions.
Parti d’Erivan le 28 avril, le détachement dc l’Ararat franchit le 4 mai le
col de Tchinghil (sur l’ancienne frontière russo-turque) et atteignit le même
jour les approches de Kizil-Diza, situé au pied du mont Tapariz, sur la route
de la vallée de Bayazid à Van.
Le 11 mai ce détachement, formant l’avant-garde du détachement du Général
Nikolaieff, s’empara de Beghni-Kala.
Le 14 mai le détachement passa de nouveau à l’offensive, le lendemain elle emporta
le village de Djanik et entra le 18 mai dans le village Alour, où la population de Van, libérée d’un long
siège, fit un accueil enthousiaste au détachement. Les troupes turques se retirèrent
en toute hâte le long de la rive sud du lac de Van, dans la direction de
Vostan.
À l’occasion de la prise
de Van, le Commandant du 4e Corps d’Armée envoya un télégramme de
félicitations au Catholicos de tous les Arméniens […] » (pp. 23-24)
Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Paris, Triangle, 1984, p. 237 :
« Un message envoyé par l’état-major général à l’état-major de la IIIe
armée le 25 septembre, précisait que les membres du Dachnaksoutioun au Caucase
et les membres du comité Hentchak s’étaient mis d’accord avec la Russie pour
pousser les Arméniens de Turquie à s’insurger.
Le 8 octobre 1914, le gouverneur de Trabzon, Cemal Azmi Bey, dans un message
envoyé au ministère de l’Intérieur, précisait :
“Une bande de 800 hommes, constituée d’Arméniens de Turquie et de Russie, a
été armée par les Russes et envoyée du côté d’Artvin. Ils se déploieront entre
Artvin et Ardanuç, leur effectif sera porté à 7 000 hommes, et ceux-ci seront
employés à susciter des désordres en territoire ottoman.”
Le 11 octobre 1914, le
commandant de la IIIe armée envoya à l’état-major général le message
suivant :
“Il a été établi que les
Russes ont armé et constitué dans le Caucase des bandes de francs-tireurs
formés d’Arméniens de Turquie, et de Russie ainsi que de Grecs. Ces bandes ont
été envoyées dans notre pays pour élargir leur organisation et le nombre des
déserteurs arméniens est en train d’augmenter.”
Le 13 octobre 1914, le
commandant de la IIe division de cavalerie faisait savoir au
commandant de la IIIe armée que les Russes distribuaient des fusils
aux Arméniens de Narman.
Le 14 octobre 1914, le gouverneur de Beyazit envoyait ce message au ministère
de l’Intérieur :
“Le 26 septembre, un comitadji arménien répondant au nom de Sehpat est
arrivé à Hoy avec 600 volontaires arméniens puis s’est rendu à Selmas. Une
grande majorité de ces Arméniens sont nos sujets et appartiennent à la
population de Van, Mus, Bitlis, Kars et Gümrü. On a appris qu’ils attendent l’arrivée
de leur commandant Antranik.
Dans la région de Van, le pharmacien Rupen Migirditchian, Toros Karakachian
et Portakalian tous trois habitants d’Ercis et Surin, qui s’occupe de commerce
à Beyazit, ont projeté de passer à Selmas avec les forces qu’ils ont réunies
dans les régions d’Igdir ; de Revan les nommés Melkon et Ohannes de Hoy ont été
envoyés à Van, dans le but de faire de la propagande. (...)”
Le 22 octobre 1914, le commandant de la IIe division de
cavalerie fit savoir au commandant de l’armée que des volontaires arméniens de
Mus, Van et Bitlis étaient mobilisés, que des bandits arméniens rodaient à
proximité des frontières et que 30 à 40 bandits avaient été découverts dans le
village de Pertos. »
Lire aussi, sur la Première Guerre mondiale :
Le caractère mûrement prémédité de la
révolte arménienne de Van (avril 1915)
La nature contre-insurrectionnelle du
déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915
Le grand vizir Sait Halim Pacha et les
Arméniens
Hamit (Kapancı) Bey et les Arméniens
Les massacres de musulmans et de juifs
anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)
Turcs, Arméniens : les violences et
souffrances de guerre vues par des Français
Florilège des manipulations de sources
dont s’est rendu coupable Taner Akçam
Nationalisme arménien et nationalisme assyrien
: insurrections et massacres de civils musulmans
Sur l’utilisation
du nationalisme arménien par la Russie tsariste :
L’évolution de Jean Jaurès sur la question
arménienne et l’Empire ottoman
La crise arménienne de 1895 vue par la
presse française
Et par l’URSS :
L’alliance soviéto-nazie (1939-1941) et
les projets staliniens contre la Turquie
L’agitation irrédentiste dans l’Arménie
soviétique à l’époque de l’alliance entre Staline et Hitler
La popularité du stalinisme dans la
diaspora arménienne
De l’anarchisme au fascisme, les alliances
très variables d’Archag Tchobanian
L’arménophilie stalinienne de Léon
Moussinac
L’Union générale arménienne de
bienfaisance et le scandale des piastres
Sur la
russophilie du nationalisme arménien contemporain :
Le consensus poutiniste chez les
nationalistes arméniens
Jean-Marc « Ara » Toranian relaie la
désinformation russe contre l’Ukraine et la Turquie
L’hostilité
intangible des nationalistes arméniens à l’égard de l’Ukraine
Et par
contraste :
L’hostilité de l’opinion française
(presse, Parlement) au traité de Sèvres (Grande Arménie incluse)
L’ASALA et ses scissionnistes contre la
France socialiste de François Mitterrand
Quand Jean-Marc « Ara » Toranian menaçait
d’attentats la France de la première cohabitation (1986)
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