jeudi 26 septembre 2024

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

 


 

Sean McMeekin, The Russian Origins of the First World War, Cambridge (Massachusetts)-Londres, Harvard University Press, 2011 :

« Pour le commandement de Tiflis, c’était l’embarras du choix. Les Arméniens du Caucase avaient déjà établi un bureau central de recrutement dans la capitale géorgienne pour enrôler des volontaires arméniens ottomans dans l’armée russe. Ses chefs de file étaient Hampartsum Arakelyan, rédacteur en chef de Mshak, le principal journal en langue arménienne du Caucase, et le général Andranik Toros Ozanian, un vétéran d’innombrables escarmouches avec les Turcs qui avait également combattu dans l’armée bulgare pendant les guerres des Balkans. Andranik arriva à Tiflis, en passant par Varna et Odessa, le 2 août 1914.

Très vite, il y eut tellement de volontaires arméniens que les Russes ne purent trouver suffisamment d’armes légères pour les équiper. Le 31 août 1914, soit deux pleins mois avant que la Porte ne déclarât la guerre, le général Ioudenitch, chef d’état-major de l’armée du Caucase, demanda à Ianouchkevitch et à la Stavka 25 000 fusils supplémentaires et 12 millions de cartouches pour armer les bandes de guérilla arméniennes en cours d’organisation le long de la frontière ottomane. De fait, Ioudenitch exigea expressément que ces armes (et l’argent pour payer les combattants) fussent expédiées avant l’entrée en guerre de la Turquie, car les quelques voies de contrebande encore ouvertes seraient probablement fermées une fois celle-ci survenue.

L’armée russe chercha donc activement à armer les Arméniens ottomans avant même que la Turquie n’entrât en guerre, avec la pleine coopération des Dachnaks [Fédération révolutionnaire arménienne], du général Andranik et des dirigeants arméniens de Tiflis. Le ministère russe des Affaires étrangères était également impliqué, et au plus haut niveau. » (pp. 154-156)

« La planification opérationnelle russe en vue d’un soulèvement général des Arméniens en Anatolie orientale était en cours bien avant Sarıkamış, c’est-à-dire avant même l’entrée en guerre de la Turquie. Conformément à la directive de Sazonov selon laquelle rien ne devait être entrepris “sans nos instructions”, le commandement de Tiflis, en collaboration avec le vice-roi Vorontsov-Dashkov, élabora en septembre 1914 une stratégie minutieuse, étape par étape, visant à donner aux Russes autant de contrôle que possible sur les événements. De petites cellules arméniennes de guérilla (moins de 100 hommes chacune) seraient créées dans les villes frontalières du côté russe de la frontière, notamment Oltu, Sarıkamış, Gizman (Kâğızman) et Igdyr (Iğdır). En plus d’un fusil par homme (avec les munitions correspondantes), chaque cellule recevrait également 250 armes supplémentaires à faire passer en contrebande en Turquie. Des groupes de guérilla similaires se formeraient à Hoy et Dilman, dans le nord-ouest de la Perse. Ces derniers, parce que les voies de contrebande y étaient plus faciles, recevraient chacun 2 000 fusils supplémentaires destinés aux cellules arméniennes en Turquie. Dans les deux cas, les armes seraient distribuées dès que la Turquie déclarerait la guerre, en même temps que la première réserve d’argent liquide.

Au total, le vice-roi estimait qu’il en coûterait à la Russie 100 000 roubles par mois pour mener des opérations de sabotage arméniennes en Turquie. Ces subventions seraient prélevées sur le budget de l’occupation perse, afin de les camoufler. » (p. 161)

« Le 24 septembre 1914, la troisième armée ottomane a rapporté des preuves selon lesquelles les Russes faisaient passer des armes et des munitions en contrebande à travers la frontière, et a averti que quiconque serait surpris en train de faciliter ce trafic “serait immédiatement exécuté”. Tout l’hiver, les zones frontalières ont été animées par une activité intense, alors que des déserteurs arméniens fuyant Van passaient du côté des Russes, tandis que d’autres étaient vus revenir en Turquie. Au début de 1915, la Troisième Armée ottomane avait rassemblé des renseignements exploitables – et en grande partie exacts – sur les “bandes arméniennes” que le commandement de Tiflis avait “mises en place à Oltu, Sarıkamış, Kağızman – que les Russes avaient équipées de mitrailleuses et d’artillerie.” En février et mars 1915, les premiers rapports sur une activité rebelle significative près de Van, Bitlis et Erzurum furent publiés, notamment la coupure de lignes télégraphiques, l’explosion de bombes, des attaques contre des casernes de l’armée et de la police turques et, si l’on en croit le compte rendu plutôt sombre des services de renseignements de l’armée ottomane, le “pillage et la destruction [de] villages musulmans”, les rebelles arméniens “massacrant même les bébés dans leurs berceaux.” Que ces activités partisanes arméniennes aient été ou non approuvées au préalable par le ministère russe des Affaires étrangères, comme l’avait stipulé Sazonov, elles semblaient certainement d’inspiration russe au commandement de la Troisième Armée ottomane, qui commençait à craindre une “catastrophe aux proportions inimaginables”.

Le 13 ou 14 avril 1915, les Turcs connurent leur pire cauchemar : les partisans [arméniens] expulsèrent les forces gouvernementales de Van et érigèrent des barricades autour de la ville. Personne ne sait exactement combien d’hommes les Arméniens réussirent à engager à Van, mais ce nombre dut être important, car ils tinrent finalement la ville pendant plus de quatre semaines contre trois bataillons de la Jandarma (police) ottomane, la première force expéditionnaire envoyée par la troisième armée et un nombre incalculable de miliciens kurdes Hamidiye. » (pp. 168-169)

« Les livres de Vahakn Dadrian et (à quelques exceptions près) de Richard Hovannisian sont plus représentatifs de la ligne arménienne générale d’aujourd’hui. Dans The History of Armenian Genocide (paru en 1995 ; six éditions à ce jour), Dadrian consacre six pages au rôle de la Russie dans “le désastre arménien” — et ces pages couvrent exclusivement la période précédant la Première Guerre mondiale. Hovannisian, dans “The Armenia Question in the Ottoman Empire”, son principal article dans le volume qu’il a récemment édité sur The Armenian People from Ancient to Modern Times (2004), fournit une discussion assez approfondie de la politique arménienne de la Russie — mais encore une fois, uniquement pour la période précédant la Première Guerre mondiale. Ce n’est pas que Hovannisian ne soit pas au courant de la dimension russe de son sujet durant la Première Guerre mondiale — en fait, il a traité ce sujet de manière assez approfondie il y a quarante ans dans “The Allies and Armenia, 1915–18” (1968). Il semble plutôt avoir laissé tout cela de côté dans ses œuvres ultérieures, après être devenu une sorte de porte-parole officiel de la cause arménienne dans le milieu universitaire américain. » (pp. 272-273, n. 3)

« Il est intéressant de noter que, pour réfuter les affirmations turques selon lesquelles il y aurait une menace arménienne importante à Erzurum, où se trouvait le quartier général de la Troisième Armée ottomane, Akçam cite un rapport du consul allemand de cette ville, Scheubner-Richter (le même qui sera plus tard abattu au milieu des partisans d’Hitler lors de leur marche dans Munich après le putsch de la Brasserie). Le consul russe à Erzurum, Adamov, bien mieux informé des activités arméniennes, a fait un rapport tout différent. » (p. 278, n. 75)

 

« Les volontaires arméniens de l’armée russe », L’Homme libre, 22 février 1915, p. 2 :

« Le comité central du parti arménien hentchakiste avait adressé  à tous les Arméniens de l’étranger un appel pour les inviter à apporter l’étranger leur contingent aux alliés, comme quote-part du peuple arménien.

“Allié naturel de la Triple-Entente, et surtout des armées russes, dit cet appel, notre parti, par tous les moyens politiques, militaires dont il dispose, secondera les victoires russes en Arménie [Anatolie orientale], en Cilicie, au Caucase et dans en Azerbaïdjan [il s’agit de l’Azerbaïdjan iranien, envahi en 1914 par la Russie, malgré la proclamation de neutralité de l’Iran]. En agissant ainsi, le parti aura rempli son devoir suprême aussi bien envers la Russie qu’envers l’Arménie, afin de délivrer du joug sanglant du despotisme turc la patrie arménienne.”

Répondant sont à cet déjà appel, 500 volontaires sont partis de Bulgarie et 1 500 de Roumanie et les premiers contingents de volontaires sont arrivés d’Amérique. »

 


Andranik Ozanian (à droite) et ses hommes (photographie de gauche)


Hovannès Katchaznouni (dirigeant de la Fédération révolutionnaire arménienne jusqu’en 1923, Premier ministre de la République d’Arménie de 1918 à 1919), The Armenian Revolutionary Federation Has Nothing to Do Anymore, New York, Armenian Information Service, 1955, pp. 5-6 (discours prononcé devant le congrès de la Fédération révolutionnaire arménienne à Bucarest, en avril 1923), pp. 5-6 :

« Alors même que la Turquie n’était pas encore entrée en guerre — bien qu’elle en commençât les préparatifs — des groupes de volontaires arméniens se formèrent [à partir d’août-septembre 1914], avec beaucoup de zèle. Malgré la résolution prise par le comité central à Erzurum, quelques semaines plus tôt [en août], la Fédération révolutionnaire arménienne contribua de façon active à la mise en place de ces groupes, et en particulier à leur armement, contre la Turquie.  […]

À l’automne 1914, des bandes de volontaires arméniens s’organisèrent, et combattirent contre les Turcs, parce qu’ils [ses membres] ne pouvaient pas s’en empêcher. Ce fut le résultat inévitable de la mentalité que le peuple arménien avait lui-même développée pendant toute une génération : cette mentalité avait trouvé son aboutissement et s’exprimait.

Si la formation des bandes fut une erreur, les origines de cette erreur doivent être cherchées beaucoup plus loin dans le passé. À présent, il est important de noter seulement cette évidence que nous [Fédération révolutionnaire arménienne-Dachnaktsoutioune, FRA-Dachnak] avons participé à ce mouvement de volontaires de la façon la plus large, en contradiction avec ce qui avait été décidé lors du congrès du parti. […]

Nous avions embrassé la Russie de tout notre cœur, sans aucune hésitation. Sans aucun fondement positif, nous pensions que le gouvernement tsariste nous accorderait une autonomie plus ou moins large dans le Caucase et dans les vilayets arméniens libérés de la Turquie, en récompense de notre loyauté, de nos efforts et de notre aide.

Nous avions créé dans nos esprits une atmosphère dense d’illusions.

Nous avions attribué nos propres désirs aux autres ; nous avions perdu le sens de la réalité et nous étions emportés par nos rêves. De bouche à oreille, d’oreille à oreille passaient des paroles mystérieuses qui semblaient avoir été prononcées dans le palais du vice-roi ; on attirait l’attention sur une sorte de lettre de Vorontzov-Dashkov au Catholicos, présenté comme un document important se trouvant entre nos mains et permettant de faire état de nos droits et de nos revendications — une lettre habilement composée avec des phrases très vagues et des généralités qui pouvaient être interprétées de n’importe quelle manière, selon le désir de chacun. »

 

Stéphane Yerasimos, « Caucase : la grande mêlée », Hérodote, n° 54-55, 4e trimestre 1989, pp. 155-157 :

« Au même moment [été 1914], le catholicos d’Etchmiadzin, patriarche de tous les Arméniens, lance un appel vibrant à Vorontzov-Dachkov, vice-roi du Caucase, demandant à la Russie de protéger les Arméniens et de modifier le statut d’autonomie, déjà acquis à leur profit, avec la nomination d’un gouverneur chrétien choisi par la Russie à la tête des six provinces unifiées. En même temps, Vorontzov-Dachkov contacte les personnalités du Conseil national arménien à Tiflis [regroupement des partis nationalistes, sous la direction de la Fédération révolutionnaire arménienne], dont le maire de la ville Khatissian [membre de la Fédération révolutionnaire arménienne], et promet l’autonomie arménienne dans les six provinces orientales turques, si celles-ci sont conquises avec l’aide arménienne. Les Arméniens proposent alors la création d’unités de volontaires et des télégrammes sont aussitôt envoyés par le Conseil national arménien à toute la communauté, lui demandant de se mobiliser. Entre cette date et le début de la guerre turco-russe, le 1er novembre, quatre détachements de volontaires arméniens, composés d’Arméniens de Turquie — puisque les Arméniens de Russie sont enrôlés dans l’armée  régulièrement formée — sont constitués. Leur quantité est sans doute négligeable dans la masse de l’armée russe, puisque chaque détachement compte environ mille hommes, mais utilisés au début comme éclaireurs et ensuite dans toutes les batailles sensibles mettant en cause des populations kurdes et arméniennes dans les endroits les plus contestés, leur rôle politique fut sans commune mesure avec leur poids réel [il y a là une confusion entre les unités autonomes de volontaires et le total des volontaires recrutés pour l’armée russe, la grande majorité étant intégrée dans des unités régulières de l’armée russe. Fin octobre 1914, le consul britannique estime le total à presque 45 000 hommes : Muammer Demirel, British Documents on Armenians. 1896-1918, Ankara, Yeni Türkiye, 2002, p. 665].

Ainsi, dès le 24 octobre, une semaine avant le début des hostilités, le deuxième  détachement volontaire arménien, dont le commandant en second est un député arménien au Parlement ottoman [Garéguine Pasdermadjian, député de 1908 à 1912], part d’Igdir en direction de Van. La région allant du lac de Van à celui d’Ourmia est un des endroits clés du conflit, parce qu’elle constitue le chemin le plus court entre le Caucase russe et Mossoul, le centre de la haute Mésopotamie, d’où la jonction avec les Britanniques, qui attendaient déjà au Koweït la déclaration de la guerre pour occuper Basra, était possible. En même temps, cette région était considérée comme le “ventre mou” de la défense turque parce que peuplée par des chrétiens. La seule région en Anatolie où les Arméniens étaient en majorité était celle du lac de Van [affirmation discutable : il n’est pas avéré que fût véritablement une majorité] ; Ourmia était peuplée d’Assyriens et le massif de Hakkâri abritait des tribus nestoriennes.

Le deuxième détachement arménien sera arrêté par les Turcs le 1er novembre, Mais, dès le début des hostilités, les troupes russes pénètrent en territoire turc en se servant des détachements de volontaires arméniens comme éclaireurs. De leur côté, les Turcs mobilisent les Kurdes en les utilisant comme cavalerie irrégulière Dès le premier contact avec les Russes, dix mille de ces cavaliers, sur un total de treize mille, désertent et se dispersent dans les villages des environs, où ils sont reçus à coups de fusil. De même, les fantassins kurdes et arméniens, mobilisés dans l’armée régulière, désertent et vont avec leurs armes protéger leurs villages. Dès le premier mois de la guerre, la confusion est totale.

Après l’échec de la première pénétration vers Van, les Russes décident d’utiliser le territoire iranien8. En novembre, le khan de Maku est déposé et remplacé par un cousin plus docile. Une colonne russe, accompagnée du premier détachement de volontaires arméniens, dirigé par Antranik, le chef arménien le plus célèbre, traverse Khoy et Qotur et occupe Saray, à l’intérieur du territoire turc et à 70 kilomètres de Van. […]

Après l’échec de la grande offensive turque, la région Van-Ourmia retrouve son importance. En février, les Russes réoccupent les territoires iraniens et Simko bascule encore une fois dans le camp russe. Mais cette fois les Turcs préparent à Mossoul une division, sous la direction de Halil Bey (futur pacha), oncle d’Enver Pacha, qui quitte cette ville en mars en direction d’Ourmia, à travers les défilés du Grand Zab. C’est à cette occasion que des émissaires russes sont envoyés chez Mar Shimoun, le patriarche (dans le sens biblique du terme) des nomades nestoriens qui tiennent, conjointement avec les Kurdes, cette région. En même temps les 2e, 3e, 4e et 5e (nouvellement créé) détachements de volontaires arméniens sont réunis en un corps spécial, chargé de marcher sur Van. La région est en effervescence depuis le début du printemps et, le 20 avril, la révolte arménienne de Van éclate. »

 

Grégoire Tchalkhouchian, Le Livre rouge, Paris, Imprimerie Veradzenount, 1919 (initialement rédigé en russe), p. 105 :

« Nous n’avons pas seulement su, à l’égal des soldats russes, mourir comme sujets de la Russie, mais nous avons fourni des volontaires par dizaines de mille. »

 

Gabriel Korganoff (Gorganian, officier et membre de Fédération révolutionnaire arménienne), La Participation des Arméniens à la guerre mondiale sur le front du Caucase (1914-1918), Paris, Massis, 1927 :

« Après de nombreux pourparlers, au milieu du mois de Septembre, le “Bureau National Arménien” de Tiflis reçut l’autorisation de former au Caucase 4 légions de volontaires arméniens. Leur formation fut terminée vers la fin du mois d’octobre 1914, c’est-à-dire au moment même de la déclaration de la guerre par la Turquie. L’effectif de ces légions atteignait [autour du 1er novembre 1914, et sans compter les dizaines de milliers de volontaires intégrés dans des unités régulières] 2.500 hommes, ayant 600 hommes en réserve.

Le commandement en fut confié à des héros nationaux arméniens, à Andranik, Dro, Amazaspe et Ken, tous les quatre des partisans éprouvés dans la lutte contre les Turcs.

Les Légions ne furent pas réunies en unités supérieures, mais attachées à divers corps et groupes du vaste front du Caucase, car on les considérait utiles surtout pour le service de reconnaissance; ceci explique leur répartition presque égale sur tout le front. » (p. 10)

« Chaque légion comptant [en 1915] 1.000 hommes, l’effectif total des légions arméniennes représentait une force de 6.000 combattants [toujours sans compter la majorité des volontaires arméniens, intégrés, eux, à des unités régulières]. Complétées ci renforcées pendant leur court répit, elles furent de nouveau envoyées au front de l’armée, quatre d’entre elles (les 2e, 3e, 4e, et 5e) entrant dans le détachement de Van.

Une telle répartition de quatre légions dans le même détachement s’explique premièrement par la tâche imposée à ce dernier. C’est à Van que la population arménienne s’était soulevée contre les Turcs et se défendait héroïquement ; mais, entourée de tous côtés d’ennemis mieux organisés et armés, die demandait d’urgence d’être secourue. Ensuite, par la composition de ces légions qui, originaires de cette région, connaissaient à perfection le terrain sur lequel les opérations militaires devaient se dérouler. La 1re légion resta, comme auparavant, attachée au détachement d’Azerbaïdjan du Général Tchernozouboff, tandis que la 6e, de nouvelle formation, fut incorporée dans le détachement du Général Baratoff (groupe de Sarikamiche). » (p. 21)

« Comme nous l’avons dit plus haut, les 2e, 3e, 4e et 5e  légions avaient été dirigées sur Van au printemps de 1915, et nous avons indiqué les raisons d’une pareille concentration de ces quatre légions dans un même groupe et du choix d’une direction opérative déterminée d’avance.

Les légions formèrent un détachement indépendant, appelé détachement de l’Ararat, commande par Vartan. Peu dc temps avant sa rentrée en campagne, la 5e légion fut dissoute, ses cadres servant à compléter et renforcer les 2e, 3e et 4e légions.

Parti d’Erivan le 28 avril, le détachement dc l’Ararat franchit le 4 mai le col de Tchinghil (sur l’ancienne frontière russo-turque) et atteignit le même jour les approches de Kizil-Diza, situé au pied du mont Tapariz, sur la route de la vallée de Bayazid à Van.

Le 11 mai ce détachement, formant l’avant-garde du détachement du Général Nikolaieff, s’empara de Beghni-Kala.

Le 14 mai le détachement passa de nouveau à l’offensive, le lendemain elle emporta le village de Djanik et entra le 18 mai dans le village Alour, où la population de Van, libérée d’un long siège, fit un accueil enthousiaste au détachement. Les troupes turques se retirèrent en toute hâte le long de la rive sud du lac de Van, dans la direction de Vostan.

À l’occasion de la prise de Van, le Commandant du 4e Corps d’Armée envoya un télégramme de félicitations au Catholicos de tous les Arméniens […] » (pp. 23-24)

 

Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Paris, Triangle, 1984, p. 237 :

« Un message envoyé par l’état-major général à l’état-major de la IIIe armée le 25 septembre, précisait que les membres du Dachnaksoutioun au Caucase et les membres du comité Hentchak s’étaient mis d’accord avec la Russie pour pousser les Arméniens de Turquie à s’insurger.

Le 8 octobre 1914, le gouverneur de Trabzon, Cemal Azmi Bey, dans un message envoyé au ministère de l’Intérieur, précisait :

“Une bande de 800 hommes, constituée d’Arméniens de Turquie et de Russie, a été armée par les Russes et envoyée du côté d’Artvin. Ils se déploieront entre Artvin et Ardanuç, leur effectif sera porté à 7 000 hommes, et ceux-ci seront employés à susciter des désordres en territoire ottoman.”

Le 11 octobre 1914, le commandant de la IIIe armée envoya à l’état-major général le message suivant :

“Il a été établi que les Russes ont armé et constitué dans le Caucase des bandes de francs-tireurs formés d’Arméniens de Turquie, et de Russie ainsi que de Grecs. Ces bandes ont été envoyées dans notre pays pour élargir leur organisation et le nombre des déserteurs arméniens est en train d’augmenter.”

Le 13 octobre 1914, le commandant de la IIe division de cavalerie faisait savoir au commandant de la IIIe armée que les Russes distribuaient des fusils aux Arméniens de Narman. Le 14 octobre 1914, le gouverneur de Beyazit envoyait ce message au ministère de l’Intérieur :

“Le 26 septembre, un comitadji arménien répondant au nom de Sehpat est arrivé à Hoy avec 600 volontaires arméniens puis s’est rendu à Selmas. Une grande majorité de ces Arméniens sont nos sujets et appartiennent à la population de Van, Mus, Bitlis, Kars et Gümrü. On a appris qu’ils attendent l’arrivée de leur commandant Antranik.

Dans la région de Van, le pharmacien Rupen Migirditchian, Toros Karakachian et Portakalian tous trois habitants d’Ercis et Surin, qui s’occupe de commerce à Beyazit, ont projeté de passer à Selmas avec les forces qu’ils ont réunies dans les régions d’Igdir ; de Revan les nommés Melkon et Ohannes de Hoy ont été envoyés à Van, dans le but de faire de la propagande. (...)”

Le 22 octobre 1914, le commandant de la IIe division de cavalerie fit savoir au commandant de l’armée que des volontaires arméniens de Mus, Van et Bitlis étaient mobilisés, que des bandits arméniens rodaient à proximité des frontières et que 30 à 40 bandits avaient été découverts dans le village de Pertos. »

 

Lire aussi, sur la Première Guerre mondiale :

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Talat Pacha et les Arméniens

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Hamit (Kapancı) Bey et les Arméniens

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

Nationalisme arménien et nationalisme assyrien : insurrections et massacres de civils musulmans

 

Sur l’utilisation du nationalisme arménien par la Russie tsariste :

Arthur Tchérep-Spiridovitch : arménophile militant, antisémite professionnel, raciste aryaniste et inspirateur du nazisme

L’évolution de Jean Jaurès sur la question arménienne et l’Empire ottoman

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

 

Et par l’URSS :

L’alliance soviéto-nazie (1939-1941) et les projets staliniens contre la Turquie

L’agitation irrédentiste dans l’Arménie soviétique à l’époque de l’alliance entre Staline et Hitler

La popularité du stalinisme dans la diaspora arménienne

De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian

L’arménophilie stalinienne de Léon Moussinac

L’Union générale arménienne de bienfaisance et le scandale des piastres

 

Sur la russophilie du nationalisme arménien contemporain :

Le consensus poutiniste chez les nationalistes arméniens

Jean-Marc « Ara » Toranian relaie la désinformation russe contre l’Ukraine et la Turquie

Les séparatistes arméniens de Khankendi (« Stepanakert ») hissent une nouvelle fois des drapeaux russes

Les États-Unis sanctionnent une entreprise arménienne pour son soutien à l’effort de guerre russe contre l’Ukraine

L’hostilité intangible des nationalistes arméniens à l’égard de l’Ukraine

 

Et par contraste :

L’hostilité de l’opinion française (presse, Parlement) au traité de Sèvres (Grande Arménie incluse)

Les milieux coloniaux français face à la fin de l’Empire ottoman, au conflit turco-arménien et au conflit turco-grec

La France briando-poincariste contre l’axe FRA-Hoyboun (alliance de nationalistes arméniens et kurdes)

L’ASALA et ses scissionnistes contre la France socialiste de François Mitterrand

Quand Jean-Marc « Ara » Toranian menaçait d’attentats la France de la première cohabitation (1986)

 

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