jeudi 19 novembre 2020

Les erreurs et les fautes accumulées par les gouvernements arméniens depuis les années 2000

 



Olivier Roy, « L’Arménie a cru au mythe de la Russie chrétienne », Le Monde, 19 novembre 2020 :

« […] À l’inverse, l’Arménie, en déclin démographique, a vu son budget militaire stagner et surtout être largement obéré par la corruption et la prévarication des officiels, renforcées par l’instabilité politique. C’est une armée démunie et démoralisée qui a vu débouler les forces azerbaïdjanaises et leurs alliés [l’Azerbaïdjan a certs des alliés, mais rien ne prouve que l’armée turque ou l’armée israélienne, a fortiori l’armée pakistanaise ait participé à la contre-offensive de reconquête] en septembre.


Pas d’effet de surprise

Mais cela n’explique pas tout. Cela fait quinze ans que l’on sait que l’Azerbaïdjan réarme pour reprendre ce qu’il considère comme son territoire. Le président Ilham Aliev, soucieux de se démarquer de son père, Heydar Aliev, le président de la défaite, en a fait une affaire personnelle et s’en est donné les moyens. Il n’y a eu aucun effet de surprise dans l’offensive azerbaïdjanaise : la tension montait depuis deux ans sur la ligne de cessez-le-feu et les Russes, bien implantés dans les deux pays, n’en ignoraient rien. Ce qui est donc étonnant, c’est l’absence d’anticipation du côté arménien.

Sans nier l’impact de l’incompétence, de la corruption et de l’instabilité politique, sans nier la dissymétrie des forces, il y a certainement un autre facteur qui a joué : l’Arménie comptait sur le soutien indéfectible de la Russie contre la menace “turque” et musulmane. Bref, elle a pris au mot cette image d’une Russie chrétienne, dernier rempart de l’Occident dans la grande ligne de faille qui le sépare de l’islam, où l’Arménie serait à l’avant-poste. Dans ce rôle, la Russie aurait pu dissuader Bakou de passer à l’offensive.


Abandon de l’Arménie

Pourtant la Russie a consciemment et délibérément laissé l’Arménie se faire écraser [en fournissant quand même des armes pendant l’été 2020 puis à nouveau pendant la guerre de cet automne, il faudrait le préciser]. Tout laisse penser que non seulement les Russes étaient au courant du déclenchement de l’offensive, mais qu’ils en avaient probablement discuté les limites avec Bakou et fixé à l’avance les lignes rouges (ne pas franchir les frontières de l’Arménie et se contenter de reprendre des territoires qui, selon le droit international, sont azerbaïdjanais).

Cette image d’une Russie “chrétienne” est agitée depuis vingt ans par des géopoliticiens occidentaux, souvent proches de l’extrême droite et qui aiment à lier la question migratoire avec la géostratégie : l’Occident menacé de l’intérieur comme de l’extérieur par l’islam aurait la Russie comme dernier défenseur. D’où un thème fréquent que l’on a souvent entendu dans des milieux militaires : on s’est trompé d’ennemis, il fallait être du côté des Serbes en Bosnie et du côté d’Assad en Syrie.

C’est ne rien comprendre à la vision russe, qui est fondée d’abord sur une realpolitik des rapports de force, et sur une conception proprement russe et fort peu “occidentale” (et encore moins chrétienne) de la géostratégie. »


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