Jean-Marc « Ara » Toranian a annoncé, le 14 novembre 2020, que le forum de son site était fermé, du moins jusqu’à ce qu’une solution permettant d’identifier avec certitude chaque participant. Cela nous ramène à 2008, puisqu’en janvier cette année-là, le même M. Toranian avait supprimé la possibilité de réagir en bas des articles, à la suite d’une plainte pour incitation à la violence raciale, déposée par le Comité de coordination des associations franco-turques de la région lyonnaise, puis fermé la version précédente du forum de discussion, à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par moi. Arguer d’un anonymat problématique des intervenants les plus agressifs, en 2020 est donc pour le moins étrange, douze ans après cette double expérience pénible. C’est d’autant plus étrange que certains des pires messages sont dus à un internaute parfaitement identifié : Samuel Tilbian. Et quoi qu’en soit, il ne faut pas s’étonner que des lecteurs d’un site qui recommande la lecture d’Aram Turabian — un agitateur nationaliste arménien de l’entre-deux-guerres, qui se revendiquait fasciste, raciste et antisémite — publient des messages fascisants, racistes et antisémites.
Je profite de cette suppression pour montrer ici la reproduction d’un message qui n’a jamais été censuré en tant que tel (il a disparu avec le reste du forum) et qui, ce qui est encore plus grave, n’a pas suscité la moindre réaction hostile de la part des autres participants :
Ce texte touche au négationnisme, au vrai sens du mot puisqu’il nie (du moins en très grande partie) la politique nazie visant à exterminer les Juifs en Europe. Il s’agit d’un négationnisme particulièrement grossier, puisqu’il consiste à faire dire aux premiers historiens de la Shoah ce qu’ils n’ont jamais dit. Dans le Bréviaire de la haine, publié pour la première fois en 1951 chez Calmann-Lévy, Léon Poliakov donnait le chiffre d’environ six millions de victimes. Dans The Final Solution, dont la première édition date de 1953, Gerald Reitlinger donnait une estimation volontairement minimaliste de 4 200 000. Dans la première édition (1961) de The Destruction of the European Jews comme dans les suivantes (traduction française des deuxième et troisième éditions : La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Gallimard, 1988 et 2006), Raul Hilberg arrivait à 5 100 000 morts. Dans The War against the Jews paru en 1975 (version française : La Guerre contre les Juifs, Paris, Hachette, 1977), Lucy S. Dawidowicz en tenait pour environ 5 934 000.
À part Reitlinger, qui ne prétendait donner qu’un minimum minimorum, tous les travaux historiques, de 1951 à nos jours, ont donné, pour le nombre de Juifs assassinés par les nazis et leurs auxiliaires, une estimation comprise entre cinq et six millions. Quant au tribunal militaire international de Nuremberg, il avait retenu le chiffre de 5 700 000. Par contre, ce chiffre d’un million et demi figure dans un article de l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol paru le 31 mai 1951 (cité dans Joseph Algazy, La Tentation néofasciste en France de 1944 à 1965, Paris, Fayard, 1984, p. 131). Il faut vraisemblablement y voir l’origine lointaine de cette affabulation écrite en 2020.
Il est tout à fait remarquable qu’un négationnisme aussi grossier ne provoque strictement aucune réaction négative dans un milieu qui s’emploie à détourner ce mot pour discréditer des thèses historiennes auxquelles il n’a rigoureusement rien à répondre sur le fond. C’est remarquable, mais nullement étonnant, puisque l’Arménie est l’alliée, depuis son indépendance, de l’Iran des mollahs, qui a fait du négationnisme (le vrai) une politique d’État depuis la fin des années 1990 (affaire Roger Garaudy, concours de caricatures sur la Shoah, remise d’un prix à Robert Faurisson, iinancement d’Alain Soral, etc.).
Cette véhémence antisémite et nazifiante ne se limite pas à l’Arménie elle-même et à la France. Pas plus tard que le 13 novembre 2020, la nommée Anna Kachikyan, rédactrice en chef de l’Armenia Report (site qui se présente comme la principale source d’information en anglais sur l’Arménie) et qui a vingt-huit mille abonnés sur Twitter (parmi lesquels le principal dirigeant du parti Ramkavar aux États-Unis, Mihran Toumajan) a repris un slogan néonazi en écrivant : « Hitler avait raison depuis le début. »
Comme chacun peut le constater, elle a obtenu 185 retweets, sans compter ceux qui incluaient un commentaire (parfois positif, parfois négatif), et pas moins de 1 073 J’aime.
L’antisémitisme arménien étant l’un des moins réprimés, son tweet a certes été supprimé, mais son compte est toujours actif : elle n’a même pas eu à subir 24 h de suspension.
Lire aussi :
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Patrick Devedjian et le négationniste-néofasciste François Duprat
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