jeudi 24 avril 2025

L’évolution et les remords d’Arnold Toynbee

 


Résumé : universitaire de formation et de profession, Arnold Toynbee (1889-1975) a passé la guerre comme propagandiste, produisant des textes de propagande contre l’Allemagne et l’Empire ottoman, en particulier deux brochures qu’il a rédigées seul (Armenia. The Murder of a Nation en 1915, puis The Murderous Tyranny of the Turk en 1917), et un recueil de textes dont il est le principal commentateur et compilateur (The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire, 1916). Le recueil de 1916 contient — entre autres — des falsifications et des textes d’origine plus que douteuse. 

Après la Première Guerre mondiale, a renié publiquement plusieurs affirmations essentielles de ses publications propagandistes (publications qu’il n’a jamais fait rééditer), notamment le racisme explicite de sa brochure de 1917, l’affirmation selon laquelle le déplacement forcé d’Arméniens, en 1915-1916, était un acte injustifié, et le déni des massacres de Turcs. Il semble qu’en privé il soit allé encore plus loin.

 

Arnold Toynbee, Armenia. The Murder of a Nation, Londres-New York-Toronto, Hodder & Stoughton, 1915, p. 69 :

« Toutes ces horreurs, aussi bien le crime concerté que les raffinements locaux, ont été infligées aux Arméniens sans qu’il y ait eu l’ombre d’une provocation. »

 

Arnold Toynbee, The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire (aussi appelé « Livre bleu »), Londres, G. P. Putnam’s Sons, 1916, p. 639 :

« Les habitants arméniens de Van, alertés par le sort des villageois et par ce dernier crime des plus sinistres, se préparèrent, en cas de besoin, à l'autodéfense [affirmation dépourvue de tout rapport avec la réalité]. Leur action fut justifiée par Djevdet Bey lui-même, car il avait établi un cordon autour des faubourgs de Van, où vivait la majorité de la population arménienne, et, le 20 avril, il déchaîna ses troupes sur eux sans provocation. »

 

Lettre d’un Arménien des Pays-Bas à Boghos Nubar, via Genève, mai 1917, copiée par le ministère français des Affaires étrangères et reproduite dans Hasan Dilan (éd.), Les Événements arméniens dans les documents diplomatiques français. 1914-1918, Ankara, TTK, 2005, tome III, pp. 8-9 (les passages soulignés le sont dans l’original) :

« RECTIFICATION À APPORTER AU LIVRE DE LORD BRYCE SUR LES ARMÉNIENS

Lord Bryce m’a envoyé directement son livre [livre cité ci-dessus, et en fait rédigé pour l’essentiel par Toynbee] et je continue à correspondre avec lui, afin de corriger les erreurs éventuelles dans les rapports, et pour rester en relations avec lui à cause du sort futur des Arméniens.

Malheureusement, il se trouve parmi les rapports venant d’Ourfa recueillis dans le livre de Bryce un rapport n° 134, p. 530, qui est inventé de toutes pièces. On y accuse à tort M. Eckart (par erreur écrit Eckhard) d’avoir pris une part active au massacre. D’après ce rapport, Eckart serait venu à Ourfa comme missionnaire et espion, et c’est lui qui serait responsable de la triple répétition des massacres. Il serait capitaine d’artillerie allemand et aurait saccagé le quartier arménien et annihilé la population arménienne d’Ourfa.

Sur sa demande, on aurait emprisonné Messieurs Abraham Attarian, Salomon Effendi Kenadjian, A. Abouhayatian et Hagopian. Tout cela est des mensonges inventés, dans le but évident de rendre les Allemands responsables des massacres. M. Eckart est depuis 20 ans mon ami et collaborateur ; il était pendant 20 ans directeur de son orphelinat arménien et de l’industrie qui s’y rattache. Il a voué toute son activité au peuple arménien. Il est instituteur de son métier et n’a jamais fait de service militaire. Il n’a jamais tiré un coup de canon et ne connaît pas l’odeur de la poudre. […]

M. [Jakob] Künzler, qu’on donne à tort comme source d’information est au service de ma mission et un ami de M. Eckart. »

Commentaire : ce faux, publié dans un journal nationaliste arménien de New York, est maintenu, moyennant une correction très partielle dans une note de bas de page, dans l’édition française du Livre bleu, parue en 1917 (pp. 463-464).







James Morgan Read, Atrocity Propaganda, New Haven-Londres, Yale University Press/Oxford University Press, 1941, p. 221 :

« Il est aussi nécessaire d’ajouter que l’impression générale, après avoir lu ces pages de détails poignants concernant des actes aussi énormes, telles que recueillies dans le Livre bleu, est que la plus grande part repose sur des on-dit. »

 

Justin McCarthy, The Turk in America. The Creation of an Enduring Prejudice, Salt Lake City, University of Utah Press, 2010, p. 426, n. 214 :

« Barton [responsable missionnaire américain et fournisseur de documents pour le Livre bleu] a admis son ignorance dans plusieurs lettres (par exemple, FO 96/205, Barton à Toynbee, Boston, 1er mai 1916) :

“Mon cher Monsieur Toynbee,

Je regrette vivement que nous ne soyons pas en mesure de compléter les documents que notre comité a publiés sous forme d'épreuves pour la presse, datés du 4 octobre 1915. La plupart de ces documents ne sont pas ici ; en fait, beaucoup d'entre eux ne nous sont pas accessibles. Je doute que les noms de nombreux lieux soient particulièrement significatifs.

Dans les notes de Mme Christie, les noms ne nous ont pas été fournis.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

James L. Barton” »

Commentaire : malgré cet aveu, ces textes ont été publiés…

 

William H. McNeill, Arnold Toynbee. A Life, Oxford-New York, Oxford University Press, 1989, p. 74 :

« Plus tard, Toynbee a senti que cette présentation déséquilibrée trahissait la vérité historique. Ses sympathies, de fait, s’inversèrent, en partie du moins, parce qu’il sentait qu’il avait été injuste envers les Turcs et qu’il devait expier cette faute. »

 

Arnold Toynbee, The Western Question in Greece and Turkey, Londres-Bombay-Sydney, Constable & C°, 1922 :

« Or, au moment même où l'accord [sur le partage de l’Empire ottoman] était en cours de conclusion, j'étais employé par le gouvernement de Sa Majesté pour compiler tous les documents disponibles sur le traitement récent des Arméniens par le gouvernement turc dans un “Livre bleu” qui a été dûment publié et distribué comme propagande de guerre ! » (p. 50)

« Mon épouse et moi sommes également témoins des atrocités commises par les Grecs dans les régions de Yalova, Gemlik et Ismid, sur lesquelles portent en grande partie les rapports de ces derniers enquêteurs [Maurice Gehri et une commission anglo-franco-italienne]. Nous n’avons pas seulement recueilli de nombreuses preuves matérielles : maisons incendiées et pillées, cadavres récents et survivants terrorisés. Nous avons également été témoins de vols commis par des civils grecs et d’incendies criminels commis par des soldats grecs en uniforme. Nous avons également obtenu des preuves convaincantes que des atrocités similaires à celles que nous avions observées dans les environs de la Marmara en mai et juin 1921 avaient été commises depuis la même date dans de vastes zones du reste des territoires grecs occupés. » (pp. 259-260)

 « […] il est bien possible que, comme l’affirment les Turcs, les atrocités contre les Arméniens en 1915 aient été précédées d’une provocation similaire. » (p. 276)

Commentaire : Toynbee renie par cette phrase une des affirmations principales de ses publications propagandistes de la Première Guerre mondiale (voir ci-dessus).

« Préjugés occidentaux (passim)

Toynbee, Arnold J. : “The Murderous Tyranny of the Turks”. (Londres, 1917, Hodder & Stoughton.) [Un exemple — pas pire, peut-être, que la moyenne — de l’attitude erronée envers la “question d’Orient”.] » (p. 282)

Commentaire : Toynbee renie ici nommément et entièrement une des brochures qu’il a publiées durant la guerre.

« Pendant la guerre européenne [1914-1918], alors qu’en Angleterre, certains invoquaient l'ascendance nomade des Turcs ottomans afin de rendre compte du meurtre de 600 000 Arméniens, 500 000 nomades turcophones d’Asie centrale, appartenant à la Confédération kirghizo-kazake, étaient exterminés — également en exécution d’ordres supérieurs — par ce “le plus juste de l'humanité”, le muzhik russe. Des hommes, des femmes et des enfants ont été abattus ou ont été mis à mort de la façon la plus horrible, en se faisant voler leurs animaux et leur équipement, puis en étant chassés en plein hiver pour périr dans la montagne ou dans le désert. Quelques chanceux se sont échappés en passant de l'autre côté de la frontière chinoise. Ces atrocités ont été courageusement dénoncées et dénoncées par M. Kerensky à la Douma avant la première révolution russe, mais qui a écouté ou s'en est soucié ? Ni le gouvernement du tsar, ni le grand public occidental. » (p. 342)

« Leurs crimes [ceux des Turcs] sont indéniablement exagérés dans les dénonciations populaires publiées en Occident, et les crimes similaires commis par des chrétiens d’Orient sont presque toujours passés sous silence. » (p. 354)

Commentaire : l’omission des crimes commis par des Arméniens, des Assyriens et des Grecs est justement une des trois publications de Toynbee durant la guerre ; il le savait mieux que personne. Il admet par ailleurs une « part d’exagération » est à défalquer du Livre bleu (« The Truth about Near East Atrocities », Current History, XVIII-4, juillet 1923, p. 546).

 

Arnold Toynbee, « The Dénouement in the Near East », Contemporary Review, octobre 1922, p. 414 :

« En second lieu, les Grecs, au moment de leur sortie, ont manifestement répété à grande échelle ces crimes de massacre, d'incendie criminel et de pillage dont ils ont donné un exemple local lors de l'évacuation de la ville d'Ismid en juin 1921. Voici le récit de ces horreurs par un témoin oculaire américain* :

“Sans livrer bataille à aucun moment après la chute d'Ushak, l'armée grecque a ravagé la campagne, incendiant villages, détruisant ponts, laissant derrière elle une confusion sans issue.

Ushak est rasée. Alashehr n'est plus qu'un amas de ruines fumantes. Aïdin est plus qu'à moitié détruite. Du sommet du col de montagne au-dessus de Magnésie, j'ai vu cette ville s'élever en fumée.

Partout où les troupes grecques passaient, villages et villes étaient incendiés. De Panderma vers Brusa, à perte de vue, s'étendaient les hameaux en flammes. L'armée grecque a évacué — certes, mais elle a laissé l'Anatolie occidentale en ruines.

Des récits d'horreur indescriptible ont été rapportés au quartier général de l'armée grecque par des réfugiés chrétiens et des hommes d'affaires américains de retour de l'intérieur. Un Américain de renom m'a rapporté que les Grecs d'Aïd al-Adha avaient rassemblé un grand nombre de musulmans dans la mosquée, avaient jeté des bombes sur eux, puis avaient incendié le bâtiment. Une autre histoire provient des villages plus éloignés, où des femmes et des enfants ont été brûlés lorsque la mosquée a été incendiée. Ce ne sont là que deux des nombreuses histoires racontées, non par des propagandistes, mais par des chrétiens et des Américains témoins de ces actes.

Une armée incontrôlable, une armée orientale, est capable de choses terribles.”

Avant la publication de ce télégramme, l'auteur avait déjà reçu d'un ami britannique à Smyrne une lettre privée datée du 31 août 1922, dans laquelle figure le passage suivant :

“Un de nos Arméniens, descendu hier de Nazli, nous raconte avec une satisfaction apparente que, lorsque les Grecs ont réoccupé Ortakeui l'autre jour, le commandant a donné l'ordre de détruire quinze villages turcs de la région avec leurs habitants, et que cet ordre a été immédiatement exécuté. À quoi pouvons-nous nous attendre lorsque les Turcs en auront l'occasion ?”

* M. John Clayton, correspondant du Chicago Tribune (télégramme publié dans le Daily Telegraph du 12 septembre 1922). »

 

Stanford Jay Shaw, From Empire to Republic. The Turkish War of National Liberation, 1918-1923, Ankara, TTK, 2000, tome I, p. 62, n. 21 :

« Toynbee a admis devant Robert Zeidner en juin 1957 et devant l’auteur de ce livre, quand il a visité Harvard, en 1959, que les volumes qu’il a publiés durant la Première Guerre mondiale étaient “de la pure propagande de guerre”, contrairement aux livres qu’ils a rédigés ultérieurement : Zeidner, The Tricolor over the Taurus, p. 112. »

 

Arnold Toynbee, Acquaintances, Londres-New York-Toronto, Oxford University Press, 1967, pp. 241-242 :

« Depuis la guerre russo-turque de 1877-1878, la diaspora arménienne vivant dans le nord-est de l’Empire ottoman nourrissait des ambitions politiques. Comme la diaspora grecque plus à l’ouest de l’Anatolie, les Arméniens espéraient pouvoir, un jour, se tailler un État successeur sur des territoires ottomans. Ces aspirations politiques, arméniennes et grecques, n’étaient pas justifiées ; elles étaient le fait de minorités dispersées dans une majorité turque. Leurs aspirations ne menaçaient pas seulement de briser l’Empire turc ; elles ne pouvaient être mises en œuvre sans causer une grave injustice au peuple turc lui-même. Pour la Turquie, la question arménienne en était arrivée à un point critique lorsque le pays est intervenu dans la Première Guerre mondiale, quand les Russes ont battu les forces turques qui tentaient d’envahir le Caucase et quand ils ont envahi le nord-est de la Turquie. Les autorités turques sont arrivées à la conclusion que la population arménienne pouvait servir aux envahisseurs de ce qui s’appelle aujourd’hui une cinquième colonne. Elles ont donc décidé de déporter les Arméniens des zones concernées par la guerre, et cela, en soi, peut passer pour une mesure légitime de sécurité. »

 

Lire aussi, sur Arnold Toynbee et la manipulation de ce qu’il a réellement écrit :

L’urologue Yves Ternon : menteur sous serment

 

Sur une autre évolution de ce genre :

L’évolution et les remords de James Barton

 

Sur les missionnaires :

L’ingratitude de Vahan Cardashian envers les missionnaires américains

 

Sur l’usage récurrent de faux et de sources plus que douteuses par le nationalisme arménien et ses perroquets :

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

 

Sur le rôle de cinquième colonne joué par les nationalistes arméniens :

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

Le 24 avril 1915 : mythe, réalités, contexte

 

Sur les massacres de Turcs :

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

La Légion arménienne, ses soutiens civils, leurs crimes et la dissolution de la légion par les autorités françaises (1919-1920)

 

Sur la politique arménienne des Jeunes-Turcs :

Talat Pacha et les Arméniens

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Le rôle des Arméniens loyalistes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale

Artin Boşgezenyan : un Jeune-Turc à la Chambre des députés ottomane

Zareh Dilber Efendi : conseiller d’État sous Abdülhamit II, sénateur jeune-turc et admirateur de Pierre Loti

 

Sur la guerre gréco-turque :

Le soutien nationaliste arménien à l’irrédentisme grec-constantinien, massacreur de marins français et de civils turcs

Les volontaires arméniens dans l’armée de la Grèce de Constantin Ier, massacreur de Français et de Turcs (1921-1922)

Aram Effendi et Süleyman al-Boustani contre les crimes de guerre grecs (1922)

lundi 21 avril 2025

Mort du pape François : la Russie et ses alliés arméniens perdent un soutien de poids


 


Jean-François Bouthors, « François,la Russie et la Chine : un désastre obstiné », Desk Russie, 16 septembre 2023 :

« Vladimir Poutine n’en attendait pas tant. En quelques mots, adressés en visioconférence à des jeunes rassemblés dans l’église Sainte-Catherine de Saint-Pétersbourg à l’occasion de la Journée de la jeunesse catholique russe, le 25 août dernier, le pape François a une nouvelle fois perdu une occasion de se taire. “Vous êtes les enfants de la grande Russie, celle des grands saints et des tsars, de Pierre le Grand, de Catherine II, d’un peuple russe de grande culture et de grande humanité, a-t-il déclaré. […] N’oubliez jamais ce grand héritage. Vous êtes les héritiers de la grande mère Russie, allez de l’avant avec cela.” […]

Rappelons que François, contrairement aux principaux responsables politiques occidentaux, ne s’est pas rendu à Kyïv pour s’entretenir avec Volodymyr Zelensky et, surtout, manifester personnellement son soutien au peuple ukrainien. Il n’a rencontré en tête à tête le président ukrainien qu’en mai dernier lorsque celui-ci est venu plaider la cause de l’Ukraine au Vatican. Un an plus tôt, le pape avait déclaré qu’il viendrait volontiers à Kyïv, mais qu’il devait commencer par se rendre à Moscou. Ce qui revenait à dire qu’il n’irait nulle part ! »

 

« "Hisser le drapeau blanc" : on vous résume les tensions entre le pape et l’Ukraine », Lexpress.fr, 12 mars 2024 :

« Tout part de la déclaration du pape François, diffusée samedi 9 mars. Dans une interview à la télévision suisse, le pontife appelle à "avoir le courage de hisser un drapeau blanc et à négocier" pour mettre un terme à la guerre en Ukraine "avant que les choses ne s’aggravent". Dans une allusion apparente à Kiev, il ajoute : "Négocier est un mot courageux. Quand vous voyez que vous êtes vaincu, que les choses ne marchent pas, ayez le courage de négocier." »

 

« Massacre des Arméniens : pour la première fois, un pape prononce le terme "génocide" », France24.com, 12 avril 2015 :

« Le pape François a utilisé, dimanche 12 avril, dans le cadre solennel de la basilique Saint-Pierre de Rome, le terme de "génocide" pour décrire le massacre des Arméniens il y a cent ans, au risque de fortement perturber ses relations diplomatiques avec la Turquie.

"Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme 'le premier génocide du XXe siècle' a frappé votre peuple arménien", a déclaré le pontife en citant un document signé en 2001 par le pape Jean Paul II et le patriarche arménien. »

 

Commentaires :

1)      François a utilisé (à tort) le terme « génocide » pour parler de la tragédie arménienne de 1915-1916, faisant fi des conclusions inverses auxquelles était arrivé son prédécesseur Benoît XV (1914-1922), dont la politique a été constamment turcophile, comme du refus de Paul VI de parler de « génocide », refus qui a entraîné l’assassinat de l’ambassadeur turc au Vatican, Taha Carim, le 9 juin 1977, assassinat que François s’est montré peu enclin à commémorer ;

2)      Il l’a fait quand l’Arménie était encore un protectorat russe, qui votait systématiquement contre les résolutions de l’ONU demandant la fin de l’occupation de la Crimée ;

3)      Sa déclaration de 2015 n’est pas seulement turcophobe (usage polémique du terme « génocide » et omission des victimes turques) :elle est aussi profondément méprisante pour les Hereros exterminés en 1905, par les forces allemandes de Namibie, elles-mêmes directement inspirées par le militant arménophile Paul Rohrbach, théoricien du génocide des ethnies noires, dès lors qu’elles contestent leur exploitation par le colonisateur blanc.

 

Lire aussi, sur la dimension russe de la question arménienne :

La crise arménienne de 1895 vue par la presse française

Arthur Tchérep-Spiridovitch : arménophile militant, antisémite professionnel, raciste aryaniste et inspirateur du nazisme

1914-1915 : la mobilisation du nationalisme arménien au service de l’expansionnisme russe

Le caractère mûrement prémédité de la révolte arménienne de Van (avril 1915)

Le consensus poutiniste chez les nationalistes arméniens

Jean-Marc « Ara » Toranian relaie la désinformation russe contre l’Ukraine et la Turquie

Jean-Marc « Ara » Toranian déplore l’orientation européenne et occidentale du Premier ministre arménien Nikol Pachinyan et préfère la Russie

L’hostilité intangible des nationalistes arméniens à l’égard de l’Ukraine

 

Sur les Arméniens catholiques :

L’Empire ottoman tardif et ses catholiques (y compris les Arméniens catholiques)

Les catholiques (y compris les Arméniens catholiques) et la guerre d’indépendance turque

Aram Effendi et Süleyman al-Boustani contre les crimes de guerre grecs (1922)

 

Sur la tragédie de 1915-1916 :

Talat Pacha et les Arméniens

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Le grand vizir Sait Halim Pacha et les Arméniens

Hamit (Kapancı) Bey et les Arméniens

L’augmentation de la population arménienne à Istanbul entre 1914 et juillet 1922

L’urologue Yves Ternon : menteur sous serment

Florilège des manipulations de sources dont s’est rendu coupable Taner Akçam

Le rôle des Arméniens loyalistes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale

Le « négationnisme » d’Yves Ternon et Pierre Tévanian

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

 

Sur les patriotes ukrainiens et ottomans :

Les destins parallèles de Simon Petlioura et Talat Pacha