mercredi 1 juillet 2020

Les méthodes anti-historiques de Michel Onfray (défenseur de la cause arménienne)



« Onfray : fin de partie », Le Grand Continent, 1er juillet 2020 :

« ELISABETH ROUDINESCO
J’avais bien sûr déjà croisé Michel Onfray à plusieurs reprises. Onfray était chez Grasset avec comme éditeur Jean-Paul Enthoven, ami intime de Bernard-Henri Lévy qui d’ailleurs l’avait soutenu à ses débuts. En 2010, il bénéficiait du soutien inconditionnel de Franz-Olivier Giesbert, directeur de publication du Point voyait en lui un nouveau Derrida et pensait qu’il était le plus grand philosophe français du début du XXIème siècle. 

GUILLAUME MAZEAU
Oui, je rejoins l’approche d’Élisabeth Roudinesco. L’érudition, la précision des connaissances, ne sont pas des détails dans les différends qui nous opposent à Onfray et aux autres falsificateurs. De mon côté, je suis intervenu sur une petite chose, Charlotte Corday, parce qu’elle relevait de ma spécialité, mais aussi parce qu’elle me permettait de poser une question infiniment plus large : au fond, il s’agissait de démontrer par la preuve qu’Onfray, qui se présentait comme un démythificateur, était en réalité un falsificateur qui, au lieu d’émanciper son public comme il prétendait le faire, le manipulait en réalité. Dans un livre paru chez Galilée en 2009, Onfray se travestissait en historien, pour proposer un éloge de la meurtrière de Marat, Charlotte Corday. Au cours de ma thèse, j’avais identifié Corday comme une des figures importantes de la droite conservatrice et royaliste du XIXe siècle, puis de l’extrême droite du XXe siècle. Une figure dont il faut rappeler qu’elle a assassiné un journaliste et député. Quoiqu’on pense de Marat, faire l’éloge de Charlotte Corday, censée représenter « tous ceux qui, aujourd’hui, opposent la vertu à la corruption politique » (p. 81), est d’une violence innommable. Comme Élisabeth Roudinesco, j’ai par ailleurs été surpris par la même tendance à la falsification et à la mystification. Dans son livre, Onfray inventait de toutes pièces des citations de Marat, semblait croire sérieusement que le cannibalisme était une pratique fréquente sous la Révolution… La liste des erreurs et manipulations est interminable. En tant qu’historien de la Révolution française, je possédais les outils pour comprendre immédiatement que rien de ce qu’Onfray écrivait ne provenait d’aucune source ni d’aucune archive, mais qu’il avait puisé dans toute la tradition de la contre-révolution catholique et royaliste, surtout la tradition utilisée par l’extrême droite du XXe siècle, y compris par Drieu la Rochelle. En vérité la Charlotte Corday dont Onfray faisait l’éloge n’a jamais existé que sous la plume des hommes proches de la droite fascisante ! C’est ce dur labeur du métier d’historien, l’érudition dont parlait Élisabeth Roudinesco, qui nous permettait de détecter l’origine de cette pensée, et de dénoncer son caractère profondément dangereux et réactionnaire. Car dans ce projet fondé sur la destruction du régime de la preuve, sur la falsification et le travestissement des sources, c’est tout l’outillage scientifique issu des Lumières qui se trouve balayé : tous les outils et procédés qui nous permettent de débattre en commun à partir des mêmes critères, était radicalement remis en cause.

[…]

GUILLAUME MAZEAU
Onfray continue à permettre à la droite républicaine de dégommer le marxisme aussi… il continue à publier sur Le Point tout de même !

ELISABETH ROUDINESCO
Certes, mais Le Point… c’est-à-dire Franz-Olivier Giesbert relayé par ses successeurs. »

Les constats sur les méthodes de M. Onfray en histoire n’appellent pas, en eux-mêmes, de commentaires particuliers. Ce qui est dit sur ses réseaux, en revanche, mérite peut-être quelques mots : Franz-Olivier Giesbert, marié à Valérie Toranian (ex-femme de Jean-Marc « Ara » Toranian, elle a aidé son mari d’alors à publier Hay Baykar, journal faisant l’apologie du terrorisme arménien), est l’un des deux seuls éditorialistes français ayant pris position pour la proposition de loi déposée par Valérie Boyer (puis censurée par le Conseil constitutionnel) ; l’autre étant Bernard-Henri Lévy (qui, certes, à la différence de M. Giesbert, a fini par se fâcher avec M. Onfray mais l’a soutenu à une époque où il était déjà indéfendable). 

Lire aussi :



Et sur « la destruction du régime de la preuve » par des auteurs défendant le nationalisme arménien :






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