Alain Soral, qui se définit lui-même comme « national-socialiste », a été mis encore une fois en examen. Ce qui est inédit, c’est qu’en l’espèce, il risque cinq ans de prison (risque d’autant moins théorique que son casier judiciaire est chargé).
Profitons-en pour rappeler le 22 janvier 2016, le site de M. Soral a partagé et recommandé un entretien de Jean Varoujan Sirapian accordé à un autre site, également soralien, Médias-presse.info. Mystérieusement, cet article a disparu du site, après que j’eus rappelé l’interpénétration entre le petit monde de M. Soral et celui de M. Sirapian. Je ne vais pas seulement résumer ce que j’exposais en 2016, mais aussi le mettre à jour.
En 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, Sigest, la maison d’édition de M. Sirapian, a publié cinq volumes du très « antisioniste » et « antijudaïque » Youssef Hindi, défenseur de M. Soral (au plein sens du mot, puisqu’il a témoigné pour lui lors d’un de ses procès, le 14 mars 2018). Du reste, le seul autre éditeur qui ait publié M. Hindi, c’est Kontre-Kulture, la maison d’édition de M. Soral. L’un des volumes de M. Hindi publié par M. Sirapian a été préfacé par Jean-Michel Vernochet, collaborateur régulier d’Égalité et réconciliation. M. Vernochet écrit aussi dans Rivarol, feuille frénétiquement antisémite, condamnée à de multiples reprises.
M. Sirapian n’est pas seulement éditeur : il dirige aussi une revue, Europe & Orient. Or, dans la livraison de janvier-juin 2016, se côtoient les signatures de Damien Viguier (avocat et admirateur d’Alain Soral, ainsi d’ailleurs que du défunt Robert Faurisson, le négationniste — au vrai sens du mot — le plus connu de France) ; de Jean-Michel Vernochet, décrit à l’instant ; d’I. A. Shamir, autre chaud partisan d’Alain Soral et lui-même antisémite prolifique (jusqu’à répéter la vieille calomnie des « crimes rituels ») ; de Laurent Leylekian, ancien directeur de la Fédération euro-arménienne pour la justice et la démocratie (FEAJD), condamné pour diffamation et poursuivi (également pour diffamation) par l’auteur de ces lignes ; de Valérie Boyer, auteur de la fameuse proposition de loi censurée par le Conseil constitutionnel en février 2012 (et qui visait à faire taire les historiens qui contestent la qualification de « génocide arménien ») ; etc.
Plus récemment, dans l’édition de juin-décembre 2019, se retrouve Youssef Hindi (décidément) à côté du turcophobe Tigrane Yégavian.
Enfin, M. Sirapian est le président-fondateur de l’Institut Tchobanian, du nom d’Archag Tchobanian (qui s’afficha stalinien puis vichyste puis de nouveau stalinien). Or, pour les Rencontres francophones de l’Institut Tchobanian (2-9 octobre 2018), Youssef Hindi (mais oui) et Jean-Michel Vernochet (encore lui) étaint invités, en compagnie d’Emmanuel Leroy, lequel écrit aussi (vous avez deviné) sur Égalité et réconciliation.
Bref, à part publier M. Soral directement (mais ce dernier n’en a nul besoin, vu l’audience qui est la sienne) M. Sirapian aura vraiment tout fait pour prouver l’osmose de son milieu avec le soralisme. Or, M. Sirapian a été vice-président du Conseil de coordination des associations arméniennes (CCAF) de France de 2001 à 2002. Au stand Arménie du Salon du livre 2015, M. Sirapian s’est retrouvé en compagnie de tout ce que le nationalisme arménien en France compte d’essayistes connus. Encore en 2016, Jean-Marc « Ara » Toranian, coprésident du CCAF depuis 2010 (il l’est toujours en 2020) a jugé de reproduire sur son site une réplique indirecte de M. Sirapian à ma première mise au point sur les idées et les réseaux de ce dernier. Étrangement, cette réplique semble avoir disparu depuis du site de M. Toranian.
Au-delà du seul cas de M. Toranian, il est remarquable que le CCAF n’ait jamais jugé bon de faire le moindre commentaire sur son ancien vice-président. Terminons en citant longuement ce qui peut-être l’article le plus démentiel de M. Sirapian, mais aussi le plus significatif de sa doctrine :
« Qui ont été les véritables organisateurs du génocide des Arméniens ? À qui a profité le crime ? Pourquoi cent ans après, certains, en dehors de la négation institutionnelle de l’État turc, combattent-ils encore bec et ongles la pénalisation de la négation du génocide des Arméniens ? Pour quelles raisons ? Qui sont-ils ? […]
Au demeurant quelles sont ces questions qui gênent tant, que beaucoup soulèvent en privé, mais se montrent d’une grande frilosité quand elles sont effleurées en public ? En voici quelques-unes :
Partant du constat que les principaux organisateurs du génocide des Arméniens sont des juifs convertis (des dönmeh), la plupart originaires de Salonique et que cent ans après les principaux opposants, personnage ou organisation, à la reconnaissance du génocide et/ou à la pénalisation de sa négation sont eux-mêmes très souvent d’origine juive[1], la question dérangeante se pose en ces termes : « y a-t-il un lien ou une relation quelconque entre ces deux faits, et si oui lesquels ? ».
Quelles ont été les relations incestueuses entre le sionisme pratique, l’Empire ottoman et les Jeunes-Turcs ?
Quelle était la nature réelle du marchandage entre Théodore Herzl et le Sultan Abdul-Hamid ? Entre le Comité Union et Progrès et les dirigeants du mouvement sioniste, tels Ben Gourion futur premier Premier ministre d’Israël ou Vladimir Jabotinsky, fondateur de Tsahal ?
Y a-t-il un lien entre la révolution bolchevique, dont les principaux instigateurs sont aussi essentiellement des membres de la communauté juive (comme l’a rappelé récemment le Président Poutine), et la montée en force de Mustafa Kemal[2], originaire de Salonique, membre du Comité Union et Progrès[3], jusqu’à là un officier obscur, qui prend la tête de la guerre d’indépendance à partir de 1919, avec l’aide financière et logistique apportée par Lénine, mais aussi par les Allemands avec notamment le soutien de son parrain, le prussien Liman Von Sanders, mais lui-même d’origine juive [7]. »
Ce texte, d’un antisémitisme aussi désinhibé qu’extrême (le chrétien Otto Liman von Sanders, dont les quatre grands-parents étaient baptisés, y est présenté comme « d’origine juive », alors que même les lois de Nuremberg l’auraient classé « Aryen ») reprend un thème familier aux lecteurs de ce blog : l’imaginaire complot des banquiers juifs derrière le sultan Abdülhamit II, devenu le « complot judéo-maçonnique » derrière les Jeunes-Turcs puis le mouvement kémaliste, etc. Or, M. Sirapian, et aucun responsable associatif franco-arménien ne s’est avisé de le contredire là-dessus, affirme que « beaucoup » sont d’accord avec lui, « en privé ». De fait, M. Toranian, en 1987, n’a pas hésité à reprendre explicitement cette théorie du complot, en reproduisant une caricature antisémite de 1902. Interrogé là-dessus l’an dernier, il n’a pas exprimé le commencement d’un regret.
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