J’ai déjà rappelé ici qu’en février 2019, Jean-Marc « Ara » Toranian (chef de la branche « politique », en France, de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie, de 1976 à 1983) avait refusé de présenter le moindre regret pour la publication, par son journal de l’époque, en 1987, d’une caricature exprimant un antisémitisme particulièrement virulent (un banquier juif à nez crochu et avec des lèvres épaisses, présenté comme coresponsable de l’assassinat d’Arméniens). J’ai aussi rappelé, à plusieurs reprises, ces derniers temps, que les idées exprimées par ce dessin continuent de s’étaler impunément sur le forum d’armenews, le site dont M. Toranian est le directeur de publication depuis sa création.
En dépit de quelques censures, toujours postérieures à l’affichage, sur ce
blog, de propos haineux envers les Juifs, ce discours continue d’être diffusé,
et même de plus en plus, sur le forum en question. Le recensement effectué ici
n’a aucune prétention à l’exhaustivité.
En guise d’introduction, ce message :
C’est le recyclage de la diffamation d’Israël, de tous ses habitants juifs
(et arabes loyalistes), de tous les Juifs sionistes de la diaspora (y compris
ceux de gauche et d’extrême gauche), mise à jour avec la seconde phase (commencée le 27 septembre dernier) de la guerre
arméno-azerbaïdjanaise. La présentation d’Israël comme État raciste et
génocidaire est une invention de la propagande stalinienne en 1952-1953,
réactivée ensuite en URSS, surtout à partir de 1964 et reprise par certains
régimes et mouvements politiques arabes, puis aussi par certains éléments de l’extrême
droite européenne, notamment François Duprat à partir de 1967.
Un autre élément de cette propagande d’origine soviétique est repris
ici : le « Grand Israël du Nil à l’Euphrate », un
thème cher au soralien Jean
Varoujan Sirapian, ancien vice-président du Conseil de coordination des
associations arméniennes de France (CCAF) :
Si le but d’Israël était de s’étendre « du Nil à l’Euphrate »,
pourvoir avoir rendu le Sinaï, de 1979 à 1982 ? Pourquoi avoir fait la paix
avec la Jordanie en 1994, reconnaissant ainsi la frontière avec son voisin de l’est ?
L’accusation est donc complètement délirante.
Avec cette
attaque contre un journaliste russe, traité de vendu en raison de son
patronyme, on descend un peu plus dans l’ignoble :
Mais la descente n’est pas finie. Nil Agopoff, ancien dirigeant du CCAF,
qui signe désormais InfoHay1915, exprime son antisémitisme avec plus clarté que
d’habitude, en
reprenant le thème des Juifs qui contrôlent les médias :
Néanmoins, le plus grave est peut-être cette
répétition de l’accusation de « judéo-bolchevisme », un thème
central dans la propagande nazie (par exemple chez les arménophiles Alfred
Rosenberg et Johann
von Leers) repris en France, depuis les années 2000 par l’arménophile[1]
d’extrême droite Hervé Lalin, dit Hervé Ryssen :
Notons juste en passant la grossièreté du codage : le mot « Juifs »
n’est pas utilisé ; il est remplacé par « Israéliens ». Or, la
révolution bolchevique date de 1917 et la création de l’État d’Israël de 1948.
Principal dirigeant du sionisme, puis Premier ministre d’Israël, David Ben
Gourion a soutenu les États-Unis lors de la guerre de Corée (contre le
communisme), orienté son pays vers l’alliance avec la France anticommuniste de
Pierre Mendès France et Guy Mollet, puis également avec les États-Unis de John
F. Kennedy.
Quant aux clés d’explications de cette hargne antijuive, qui n’est pas la
conséquence mais une des causes de l’alliance israélo-azerbaïdjanaise, nous la
trouvons dans le thème obsédant du « complot
judéo-maçonnique derrière le Comité Union et progrès » (le parti
au pouvoir dans l’Empire ottoman de 1913 à 1918), thème lui-même dérivé du « complot
des banquiers juifs derrière Abdülhamit II », et dont voici une mise
à jour :
Rien de tout cela n’a été effacé, plusieurs jours après la mise en ligne des messages. Quoi d’étonnant, de la part d’un site dont le directeur de la publication ne voit aucune raison de regretter la publication d’une caricature raciste envers les Juifs ?
Lire aussi :
L’Arménie
essuie revers sur revers : pour les nationalistes arméniens, c’est la faute des
Juifs
Haut-Karabakh
: la symbiose entre irrédentisme arménien et néo-nazisme
Le
complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux
L’helléniste
Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble
connu)
Aram
Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien
en 2020
La
popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en
Arménie même
L'arménophilie
de Johann von Leers
Johannes
Lepsius dans l'imaginaire nazi
L’arménophilie-turcophobie
d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal
La
place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien
L'antisémitisme
arménien : quelques pistes à explorer
Les
massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens
(1914-1918)
[1] Cf. les références au « génocide arménien
», présenté comme le résultat d’un non moins prétendu « complot juif »
dans Hervé Ryssen, Le Miroir du judaïsme,
Levallois-Perret, Baskerville, 2009.
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