dimanche 1 novembre 2020

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

 J’ai déjà rappelé ici qu’en février 2019, Jean-Marc « Ara » Toranian (chef de la branche « politique », en France, de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie, de 1976 à 1983) avait refusé de présenter le moindre regret pour la publication, par son journal de l’époque, en 1987, d’une caricature exprimant un antisémitisme particulièrement virulent (un banquier juif à nez crochu et avec des lèvres épaisses, présenté comme coresponsable de l’assassinat d’Arméniens). J’ai aussi rappelé, à plusieurs reprises, ces derniers temps, que les idées exprimées par ce dessin continuent de s’étaler impunément sur le forum d’armenews, le site dont M. Toranian est le directeur de publication depuis sa création.

En dépit de quelques censures, toujours postérieures à l’affichage, sur ce blog, de propos haineux envers les Juifs, ce discours continue d’être diffusé, et même de plus en plus, sur le forum en question. Le recensement effectué ici n’a aucune prétention à l’exhaustivité.

 

En guise d’introduction, ce message :



C’est le recyclage de la diffamation d’Israël, de tous ses habitants juifs (et arabes loyalistes), de tous les Juifs sionistes de la diaspora (y compris ceux de gauche et d’extrême gauche), mise à jour avec la seconde phase (commencée le 27 septembre dernier) de la guerre arméno-azerbaïdjanaise. La présentation d’Israël comme État raciste et génocidaire est une invention de la propagande stalinienne en 1952-1953, réactivée ensuite en URSS, surtout à partir de 1964 et reprise par certains régimes et mouvements politiques arabes, puis aussi par certains éléments de l’extrême droite européenne, notamment François Duprat à partir de 1967.

 

Un autre élément de cette propagande d’origine soviétique est repris ici : le « Grand Israël du Nil à l’Euphrate », un thème cher au soralien Jean Varoujan Sirapian, ancien vice-président du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF) :



Si le but d’Israël était de s’étendre « du Nil à l’Euphrate », pourvoir avoir rendu le Sinaï, de 1979 à 1982 ? Pourquoi avoir fait la paix avec la Jordanie en 1994, reconnaissant ainsi la frontière avec son voisin de l’est ? L’accusation est donc complètement délirante.

 

Avec cette attaque contre un journaliste russe, traité de vendu en raison de son patronyme, on descend un peu plus dans l’ignoble :

 


Mais la descente n’est pas finie. Nil Agopoff, ancien dirigeant du CCAF, qui signe désormais InfoHay1915, exprime son antisémitisme avec plus clarté que d’habitude, en reprenant le thème des Juifs qui contrôlent les médias :

 


Néanmoins, le plus grave est peut-être cette répétition de l’accusation de « judéo-bolchevisme », un thème central dans la propagande nazie (par exemple chez les arménophiles Alfred Rosenberg et Johann von Leers) repris en France, depuis les années 2000 par l’arménophile[1] d’extrême droite Hervé Lalin, dit Hervé Ryssen :



Notons juste en passant la grossièreté du codage : le mot « Juifs » n’est pas utilisé ; il est remplacé par « Israéliens ». Or, la révolution bolchevique date de 1917 et la création de l’État d’Israël de 1948. Principal dirigeant du sionisme, puis Premier ministre d’Israël, David Ben Gourion a soutenu les États-Unis lors de la guerre de Corée (contre le communisme), orienté son pays vers l’alliance avec la France anticommuniste de Pierre Mendès France et Guy Mollet, puis également avec les États-Unis de John F. Kennedy.

 

Quant aux clés d’explications de cette hargne antijuive, qui n’est pas la conséquence mais une des causes de l’alliance israélo-azerbaïdjanaise, nous la trouvons dans le thème obsédant du « complot judéo-maçonnique derrière le Comité Union et progrès » (le parti au pouvoir dans l’Empire ottoman de 1913 à 1918), thème lui-même dérivé du « complot des banquiers juifs derrière Abdülhamit II », et dont voici une mise à jour :

 


 

Rien de tout cela n’a été effacé, plusieurs jours après la mise en ligne des messages. Quoi d’étonnant, de la part d’un site dont le directeur de la publication ne voit aucune raison de regretter la publication d’une caricature raciste envers les Juifs ?

 

Lire aussi :

L’Arménie essuie revers sur revers : pour les nationalistes arméniens, c’est la faute des Juifs

Haut-Karabakh : la symbiose entre irrédentisme arménien et néo-nazisme

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

Aram Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien en 2020

La popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en Arménie même

L'arménophilie de Johann von Leers

Johannes Lepsius dans l'imaginaire nazi

Paul Chack : d’un conservatisme républicain, philosémite et turcophile à une extrême droite collaborationniste, antisémite, turcophobe et arménophile

L’arménophilie-turcophobie d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal

La place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien

L'antisémitisme arménien : quelques pistes à explorer

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)


Mise à jour : le forum d’armenews.com a fini par être fermé.


[1] Cf. les références au « génocide arménien », présenté comme le résultat d’un non moins prétendu « complot juif » dans Hervé Ryssen, Le Miroir du judaïsme, Levallois-Perret, Baskerville, 2009.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le régime baasiste s’effondre en Syrie : la Fédération révolutionnaire arménienne perd un allié historique

  Logo du parti baasiste syrien   Gaïdz Minassian, Guerre et terrorisme arméniens. 1972-1998 , Paris, PUF, 2002 : « En Syrie, après pl...

Textes les plus consultés