dimanche 28 novembre 2021

L’arménophilie de Walter Duranty (falsificateur au bénéfice de Staline)

 


 

Robert Conquest, Sanglantes moissons, Paris, Robert Laffont, 1995 :

« De plus, une grande partie du grain arraché si douloureusement à la paysannerie [ukrainienne, provoquant ainsi la mort intentionnelle de millions de personnes] ne servit à rien. Comme auparavant (et comme cela arrive encore couramment aujourd’hui), le gâchis fut prodigieux. Postychev note en novembre 1933 qu’“une quantité assez considérable de grains a été perdue par manque de soins”. La presse en cite d’innombrables exemples : à la gare de Kiev-Petrovka, un immense tas de blé pourrit ; au poste de ramassage Traktorski, vingt wagons furent inondés ; à Krasnograd, le blé pourrit dans les balles ; à Bakhmach, il pourrit, entassé sur le sol. Le correspondant — prosoviétique — du New York Times, Walter Duranty, remarqua (sans toutefois l’écrire dans son journal) que “l’on voyait de grosses quantités de grain dans les gares, dont une grande partie en plein air”. » (p. 288)

« En septembre 1933, Walter Duranty déclara à l’ambassade de Grande-Bretagne que “la population du Caucase du Nord et de la Basse-Volga [avait] diminué de 3 millions au cours de l’année passée, celle de l’Ukraine de 4 à 5 millions” et qu’il semblait “tout à fait possible” que le bilan total atteignît 10 millions. » (p. 328)

« Sa qualité d’Occidental qui coopérait étroitement aux falsifications soviétiques valut à Walter Duranty toutes sortes de privilèges — de se voir complimenter et accorder des interviews par Staline en personne, notamment. Il bénéficia en même temps de l’adulation sans réserve de milieux occidentaux influents.

“Il n’y a pas de famine ni de véritable manque de nourriture, et il n’y en aura vraisemblablement pas”, écrivait Duranty en novembre 1932. Puis, lorsque de nombreuses informations parurent sur la famine dans les pays occidentaux et que des articles rédigés par ses collègues furent publiés dans son propre journal, il changea de méthode et se mit à en minimiser l’importance, en parlant de “malnutrition”, de “pénurie de vivres” ou de “résistance affaiblie”.

“Parler de famine en Russie relève aujourd’hui de l’exagération ou de la propagande malveillante”, écrivit-il le 23 août 1933. “La pénurie alimentaire qui a touché la quasi-totalité de la population l’an dernier, notamment dans les régions céréalières — c’est-à-dire en Ukraine, dans le Caucase du Nord et la Basse-Volga — a cependant causé de lourdes pertes humaines.” Le taux de mortalité normal, qui représentait “environ un million d’individus” dans les régions citées, devait, selon toute probabilité, “être au moins triplé”.

Mais ces deux millions de morts supplémentaires qu’il jugeait regrettables, Duranty en minimisait l’importance et niait que l’on pût parler de “famine” (Il en rejetait partiellement la faute sur “la fuite de certains paysans et la résistance passive de certains autres”.)

En septembre 1933, premier correspondant à être admis dans les régions touchées par la famine, Duranty déclara que “l’emploi du mot ‘famine’ à propos du Caucase du Nord était une pure absurdité” ; au moins en ce qui concernait cette région, le nombre de morts excédentaires qu’il avait précédemment prévu lui paraissait désormais “exagéré”. “Bébé dodus” et “mollets grassouillets” étaient un spectacle typique au Kouban [région largement peuplée d’Ukrainiens]. (Litvinov [ministre soviétique des Affaires étrangères] ne manqua pas de citer ces dépêches dans sa réponse à la lettre de Kopelmann.)

Les bruits faisant état d’une famine étaient répandus par des émigrés qu’encourageaient l’ascension d’Hitler et, si “des anecdotes sur la famine étaient alors courantes à Berlin, Riga, Vienne et dans d’autres villes“, c’était parce que “des éléments hostiles à l’Union soviétique y faisaient une tentative de dernière heure pour empêcher qu’elle fût reconnue par les États-Unis, en la décrivant comme un pays en ruine et en proie au désespoir.”

[…]

Malcolm Muggeridge, Joseph Alsop et d’autres journalistes expérimentés le considéraient tout simplement comme un menteur ; “le plus grand menteur de tous les journalistes que j’aie rencontrés en cinquante ans de carrière”, précisa Muggeridge par la suite. » (pp. 344-345)

 




Anne Applebaum, Famine rouge. La guerre de Staline en Ukraine, Paris, Grasset, 2019, pp. 363-364 :

« Duranty fut le correspondant du New York Times à Moscou de 1922 à 1936 : pendant un temps, ce rôle le rendit relativement riche et célèbre. Britannique de naissance, il n’avait aucun lien avec la gauche idéologique. Il se voulait “réaliste”, pragmatique et sceptique, essayant d’écouter les deux versions d’une même histoire. “On peut objecter que la vivisection est une chose triste et affreuse, et il est vrai que le sort des koulaks et d’autres qui se sont opposés aux expériences soviétiques n’est pas heureux“, écrivit-il en 1935. “Dans les deux cas“, cependant, “la souffrance infligée l’est dans un noble dessein.”

Cette position le rendit terriblement utile au régime, qui prit soin de veiller à ce qu’il vive confortablement à Moscou. Disposant d’un grand appartement, d’une voiture et d’une maîtresse, il avait de meilleurs accès qu’aucun autre correspondant et, à deux reprises, il eut le privilège d’interviewer Staline. L’attention que lui valurent ses reportages semble avoir été cependant la principale raison de sa couverture flatteuse de la vie en URSS. »


Gedeon Haganov, Le Stalinisme et les Juifs, Paris, Spartacus, 1951, p. 3 :

« “Staline, en deux ans, a fusillé plus de Juifs que, dans le même laps de temps, il n'en a été tué en Allemagne” : ainsi s'exprimait en 1939 un journaliste stalinien notoire, M. Duranty, dûment stylé au Kremlin, à l'époque où Staline pratiquait la politique de “la main tendue” à Hitler, lequel se faisait prier.

Il s’agissait alors de laisser entendre, par l’intermédiaire d'un correspondant officieux, que rien ne s'opposait à un accord entre les deux États totalitaires, et qu'en matière même d'antisémitisme, Staline avait quelque avance sur Hitler. Le New York Times crut devoir censurer pudiquement l'observation déplaisante de son collaborateur trop “inspiré” mais la phrase fut remarquée néanmoins dans les journaux américains de la “chaîne” où passaient les articles de M. Duranty. Relevée, commentée par diverses publications, notamment la Russie Nouvelle, de Paris, citée dans le Figaro (7 mai 1939), elle mérite d’être tirée de l’oubli au moment où les mesures antisémites de Staline s'amplifient et s'accentuent d'une manière indubitable. 

M. Duranty faisait allusion, pour amadouer les nazis, aux sanglantes “épurations” commises par Staline lors des fameux procès de Moscou en 1936-1938. »

 

Walter Duranty, Stalin & C°. The Politburo—the Men who rule Russia, Londres, Secken and Warburg, 1949, pp. 146-147 :

« À Constantinople [le choix de cet ancien nom, bien après l’adoption officielle d’İstanbul, traduit en soi un mépris des Turcs], ils ont un dicton selon lequel un Grec peut rouler trois Juifs, et un Arménien peut rouler trois Grecs. Les Arméniens, comme les Juifs, ont subi une persécution raciale choquante ; et, comme les Juifs, ils y ont survécu. Pourtant, entre les Juifs et les Arméniens, il y avait une différence fondamentale. Les deux nations ont été dispersées à travers la surface de la terre comme commerçants et étrangers vivant par leur intelligence, mais les Arméniens ont toujours eu une patrie qu’ils aimaient ; et la persécution des Arméniens, contrairement à celle des Juifs, a été menée dans cette patrie, jamais à l’étranger. J’ai connu des patriotes irlandais, des Américains, Britanniques, Français et Texans mais parmi eux tous il n’y a pas de plus grand amour de leur patrie que chez les Arméniens.

Sous les tsars, l’Arménie était une “colonie” comme l’Asie centrale, exploitée et vidée de ses richesses [quelles richesses ? Il ne le dit pas…]. La moitié de la population arménienne vivait en dehors de l’empire tsariste sous domination turque. Pendant la Première Guerre mondiale et durant les années suivantes, ils ont été si complètement “éliminés” qu’aujourd’hui il n’y a pas un seul Arménien dans les provinces de l’Est de la Turquie, Kars et Ardahan, dont la population était autrefois arménienne pour les neuf dixièmes [affirmation aussi grotesque que les autres]. La domination tsariste était une froide belle-mère pour l’Arménie russe ; les Turcs assassiné les Arméniens qui se trouvaient sous leur domination.

Une visite en Arménie soviétique (ce que les étrangers font rarement) fournit une preuve tout à fait convaincante que ce petit pays des hautes terres a plus tiré de la révolution bolchevique que presque tous les États ou nationalités qui composent l’U.R.S.S. Une indication en est que l’Arménie est la seule République soviétique dans laquelle un grand nombre de ses ressortissants vivant à l’étranger, même aux États-Unis, sont volontairement retournés ces dernières années [dès 1947, la déception a été profonde et l’immigration s’est arrêtée en 1948, les « rapatriés » ne trouvant que misère]. C’était le premier pays soviétique à jouir d’une pleine liberté religieuse [sic !], et a fait de grands progrès dans l’agriculture et l’industrie grâce à un programme de travaux généreux, en particulier les projets d’irrigation, menés par Moscou.

L’Arménie doit sans aucun doute ces avantages au premier degré à l’énergie et la diligence de ses gens, qui sont immensément reconnaissants aux bolcheviks de leur protection contre les Turcs et pour l’aide apportée aux survivants arméniens de Turquie pour retourner en Arménie soviétique. Mais le pays doit aussi beaucoup à son premier citoyen, Anastas Ivanovich Mikoyan, membre depuis 1935 du Politburo bolchevique. »

 

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samedi 27 novembre 2021

Le procès Gauin contre Toranian et Leylekian (en appel) vu de la partie civile

 


 

Le 18 novembre 2021 s’est tenu le procès en appel que j’ai engagé contre Jean-Marc « Ara » Toranian, ancien chef de la branche « politique » de l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) et Laurent Leylekian, ancien directeur de France-Arménie (organe de la Fédération révolutionnaire arménienne), qui m’avaient traité de « négationniste » et de « suppôt de l’État turc ». Comme en première instance, a été plaidée ma question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi du 29 janvier 2001 (rupture d’égalité devant la loi pénale, autorisation d’abus de la liberté d’expression, normativité incertaine) et, comme en première instance, la défense n’a su apporter aucun argument un tant soit peu sérieux. Nous nous sommes entendus répondre qu’aucune loi n’avait été censurée, dans le cadre d’une QPC, pour normativité incertaine. Et alors ? La question ne s’était pas encore posée, voilà tout. Plus risible fut la prétention à soutenir que la loi ne serait pas applicable au litige, alors qu’elle est utilisée nommément par la défense de M. Leylekian pour demander sa relaxe. « Pile, je gagne ; face, vous perdez » : non, dans un État de droit, ce raisonnement est impossible.

Une fois de plus, ceux que je poursuis ont tenté d’inverser les rôles et une fois de plus, ils ont été confrontés aux faits. Par exemple, M. Toranian a osé prétendre que ce serait mon « onzième procès » contre lui. Sa propre avocate, Me Lucille Vidal, s’est sentie obligée de rectifier. Interrogé par mon avocat, Me Olivier Pardo, sur un article qu’il avait publié en 1982 pour faire l’éloge de l’attentat perpétré par l’ASALA contre l’aéroport d’Ankara (neuf touristes tués, dont une Américaine et un Allemand), M. Toranian a tenté de biaiser. Questionné sur sa vision de ces attentats aujourd’hui, il a complètement perdu le contrôle de ses nerfs, l’espace d’un instant, et s’est mis à hurler pour répondre qu’il ne réprouvait toujours pas, en aucune manière, ces crimes — qu’il continuait, en 2021, de les justifier.

Quant à M. Leylekian, il s’est permis de m’accuser de « racisme », pas moins, uniquement parce que j’ai dit la vérité sur Patrick Devedjian (néofasciste sans remords, adepte de la violence sans limite) et sur Charles Aznavour (effectivement condamné pour fraude fiscale, sous le coup d’une procédure judiciaire pour le même motif à la fin de sa vie et défenseur du terrorisme arménien, auquel il ne reprochait que ses divisions). Interrogé par mon avocat sur un article ultra-raciste qu’il a commis en 2009 et publié de nouveau en 2012, M. Leylekian n’a rien regretté. Pour rappel, voici le pire passage :

« Alors oui, les “maudits Turcs” restent coupables ; ils restent tous coupables quelle que soient leur bonne volonté, leurs intentions ou leurs actions. Tous, de l’enfant qui vient de naître au vieillard qui va mourir, l’islamiste comme le kémaliste, celui de Sivas comme celui de Konya, le croyant comme l’athée, le membre d’Ergenekon comme Orhan Kemal Cengiz qui est “défenseur des droits de l’homme, avocat et écrivain” et qui travaille pour “le Projet kurde des droits de l’homme”. Aussi irrémédiablement coupables que Caïn, coupables devant les Arméniens, devant eux-mêmes, devant le tribunal de l’Histoire et devant toute l’Humanité. »

C’est exactement le style de Julius Streicher, directeur du journal nazi Der Stürmer, condamné à mort puis pendu à  Nuremberg, en 1946 :

« Une grande guerre — la Guerre mondiale — s’était déchaînée et n’avait finalement laissé qu’un monceau de décombres. De cette guerre effroyable, un seul peuple était sorti victorieux, un peuple dont le Christ disait qu’il avait le Diable pour père. Ce peuple avait ruiné le peuple allemand corps et âme.

[…] [Grâce à Hitler], l’humanité sera libérée de ce peuple qui, marqué du signe de Caïn a erré sur le globe pendant des siècles et des millénaires. » (Julius Streicher, discours du 22 juin 1935, cité dans Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Gallimard, 2006, tome I, p. 48)

Comme M. Leylekian est un ancien responsable de la Fédération révolutionnaire arménienne et que ce parti a collaboré avec l’Allemagne nazie, sur des bases idéologiques, et qu’il continue, aujourd’hui, de se réclamer fièrement de ses dirigeants et de ses cadres de l’époque qui ont porté l’uniforme du Troisième Reich, toute cette ignominie est logique.

Interrogé par le président sur mes thèses concernant 1915, j’ai expliqué, à nouveau la nature contre-insurrectionnelle de la décision de déplacer une partie (mais une partie seulement) des Arméniens ottomans, la répression des agissements criminels (massacres, assassinats individuels, viols, pillages) par le gouvernement jeune-turc, la place des Arméniens loyalistes au Parlement ottoman (huit députés, quatre sénateurs, de 1914 à 1918), y compris après 1918 (avec l’exemple de Dikran Barsamian) et la coopération de l’Empire ottoman avec les Américains pour faciliter l’acheminement de l’aide qui ne s’appelait pas encore humanitaire, dès 1915. Je n’ai eu droit à aucune contestation là-dessus de la part de la défense, qui signifiait une fois plus de son incapacité totale à me répondre sur le fond. M. Toranian ayant invoqué (avec des chiffres exagérés, mais passons) la chute de la population arménienne dans ce qui est devenu la Turquie, le président a voulu savoir quelle était mon explication là-dessus.

J’ai donc expliqué que le déplacement forcé de 1915 est une des principales raisons de cette chute, mais non la seule. En 1917-1918, la troisième vague de massacres de Turcs et autres musulmans par les nationalistes arméniens a provoqué la fuite d’environ 50 000 Arméniens d’Anatolie orientale, qui craignaient d’être confondus avec la minorité responsable de ces crimes. Pendant l’occupation française de la région d’Adana, les crimes des légionnaires arméniens et de la fraction des civils qui les soutenaient, crimes qui ont commencé dès la fin de 1918, ont créé une ambiance délétère, et surtout, lors de l’évacuation française, les nationalistes arméniens ont employé tous les moyens, y compris les menaces de mort, pour pousser à l’émigration de leurs coreligionnaires, comme je l’explique longuement dans ma thèse. Enfin, la politique de la terre brûlée mise en œuvre par l’armée grecque, en 1922, s’est accompagnée d’un exode forcé des civils chrétiens (Grecs et Arméniens) pour aggraver encore le marasme économique. À la conférence de Lausanne, le chef de la délégation turque, İsmet İnönü, a proposé un retour massif, à la seule condition de revenir comme citoyens loyaux de la nouvelle Turquie, mais en vain. Là encore, la défense n’a rien répliqué.

Je relève avec intérêt qu’une des conseillères (assesseurs) m’a demandé de rappeler le contexte du tweet poursuivi — c’est-à-dire une discussion qui n’avait rien à voir, à la base, avec les Arméniens. Me Vidal l’a bien compris et a tenté, dans sa plaidoirie, d’en limiter les effets, mais à l’impossible, nul n’est tenu. Avant cela, elle m’a interrogé sur ma réaction à une déclaration stupide de M. Macron. J’ai répondu que la séparation des pouvoirs et le principe de compétence territoriale s’opposent à ce que le président de la République française s’érige en juge de l’histoire des autres pays. Elle est tout de suite revenue à la charge en me demandant si je contesterais d’autres commémorations, ce à quoi j’ai répondu : « S’il s’agit d’un génocide condamné par un tribunal international reconnu par la France ou par la justice française, bien sûr que non. » Il n’y eut pas, cette fois, de relance.

Quant aux témoins de la défense, ce serait sadique d’insister outre mesure sur leur piètre performance. Quelques lignes sont pourtant inévitables. Vincent Duclert, qui, selon le mot du propre fils de M. Toranian, avait été « ridiculisé » par mon avocat en première instance, a voulu insister. Yves Ternon, ridiculisé au moins autant, n’a pas souhaité s’acharner. Claire Mouradian, plus que déstabilisée par mes réponses lors du procès de 2019 (par exemple lorsque j’ai rappelé que son propre étudiant de thèse, Georges Mamoulia, est l’un des historiens qui a le plus traité de la collaboration de la FRA avec l’Italie fasciste), n’a pas souhaité renouveler l’expérience. Il y a donc une spécificité de M. Duclert et je doute qu’elle soit attribuable à des raisons glorieuses. Mieux habillé, mais surtout plus agressif que la dernière fois (il savait que j’avais déjà parlé et que l’heure tardive rendait improbable que la possibilité que je répliquasse), M. Duclert a, encore davantage qu’en première instance, manié le mensonge. Il a répété que ma thèse « ne serait pas admise en France » et l’a qualifiée de « thèse maison ». Toute personne alphabétisée peut constater que c’est faux : sur cinq membres de mon jury, deux n’appartenaient pas à mon université, parmi lesquels la présidente du jury — l’autre membre extérieure, Yonca Anzerlioğlu, étant non seulement professeur des universités, mais directrice de département. Cette situation est tout à fait comparable à ce qui se pratique en France. Ajoutons qu’il est risible de donner des leçons quand, comme M. Duclert, on n’a pas utilisé un seul carton d’archives pour sa thèse d’habilitation à diriger des recherches.

En première instance, il avait déclaré : « Je n’ai jamais prétendu être spécialiste du génocide arménien. » En appel, il a prétendu que si, puis qu’en fait non. La cohérence n’était pas au rendez-vous. En première instance comme en appel, il a été incapable d’apporter la moindre critique sur le fond. Mais cette fois, il a ajouté deux mensonges à sa vacuité. D’abord, il a prétendu que je ne citerais jamais Raymond Kévorkian dans ma thèse. En réalité, je le cite et le critique à plusieurs reprises. Puis, il a prétendu que mes articles seraient tous parus dans la revue du Centre d’études eurasiennes (AVIM, où je travaille) et dans des revues similaires. C’est complètement faux : j’ai aussi écrit dans l’European Journal of International Law (revue Oxford), le Journal of Muslim Minority Affairs (Routledge) et le Journal of South Asian and Middle Eastern Studies (revue éditée par l’université de Villanova, aux États-Unis) ; j’ai contribué à un ouvrage collectif publié par Bloomsbury Academics (un grand éditeur londonien), ouvrage qui a été salué cette année dans de grandes revues, comme le Journal of Contemporary History et le Journal of Military History. J’ai cherché sur Google scholars sans trouvé la moindre trace d’un article de M. Duclert paru dans une revue anglo-saxonne, ni de la moindre traduction d’une seule de ses publications en anglais. L’interrogatoire par mon avocat fut une nouvelle épreuve pour lui. Encore une fois, je n’aurai pas la cruauté de m’y attarder.

Quant à Mikaël Nichanian, spécialiste des Arméniens à l’époque byzantine, c’est-à-dire au Moyen Âge, il a été aussi bref qu’inconsistant, tout en réussissant à devenir ennuyeux. Il n’a pas prétendu avoir lu ma thèse, n’a pas pu citer précisément une seule de mes publications, et a parlé de « négationnisme » à mon sujet sans donner un seul fait précis, sans donner un quelconque exemple de source que j’aurais altérée ou arbitrairement écartée — et pour cause.

Mon a avocat a bien plaidé, comme d’habitude. Celle de M. Toranian, très gênée par le cadeau empoisonné que lui ont fait les juges de première instance, a successivement plaidé que les termes poursuivis sont une opinion, une injure et une diffamation de bonne foi — trois qualifications incompatibles en droit. La plaidoirie de l’avocat de M. Leylekian fut encore plus confuse et inintéressante que la fois dernière. L’arrêt a été mis en délibéré au 6 janvier. Le collectif VAN, qui avait pourtant soutenu vigoureusement M. Toranian avant le procès, s’est abstenu de tout commentaire sur l’audience, ou même d’un simple résumé. Le site armenews.com lui-même n’a pas publié de compte-rendu le soir même ; il a attendu le lendemain, ce qui est sans précédent.

Faut-il s’arrêter là ? Hélas non. Il a déjà été expliqué ici, source à l’appui, qu’en janvier 1982, une foule déchaînée a menacé ouvertement de lyncher la cour d’assises d’Aix-en-Provence. Y figurait Franck « Mourad » Papazian, cousin germain de M. Toranian, venu le soutenir, comme à chaque fois (j’ai rappelé cette affaire à l’audience, et cité la présence de M. Papazian, qui n’a pas aimé). Lors du procès de quatre terroristes de l’ASALA, janvier 1984, les énergumènes les plus ouvertement agressifs ont été refoulés par la police à coups de matraque, mais, selon le chroniqueur judiciaire de France 3, cela n’a pas suffi à ôter tout doute pour leur sécurité aux jurés et aux juges. Dans Hay Baykar du 20 décembre 1986, M. Toranian a écrit qu’il fallait perpétrer de nouveaux attentats, y compris des attentats de type Orly, pour tordre le bras à la justice française. Le 24 avril 2009, il a appelé « à renouer l’esprit de la lutte [c’est-à-dire le terrorisme] des années 1975-1980 », 1980 étant l’année qui a vu le palais de justice de Genève partiellement dévasté par une bombe de l’ASALA, pour intimider la justice locale. En 2012, le président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré a été menacé par des fanatiques arméniens, qui ont ainsi tenté, en vain, d’empêcher la censure de la proposition de loi Boyer. En 2017, M. Toranian (forcément au courant, puisque M. Debré en a parlé dans un livre paru en 2016) a déclaré : « La cible, c’est effectivement le Conseil constitutionnel » — un choix de mot dépourvu d’ambiguïté. Pas plus tard que cette année, plusieurs ses partisans ont soit appelé à intimider la justice française, soit l’ont couverte d’injures, sans qu’il s’en montrât ému.

Dans ces conditions, comment ne pas redouter que le président et les conseillères ne reçoivent des lettres anonymes, menaçant de vitrioler ou de tuer leurs enfants ? Que vont faire les ministères de la Justice et de l’Intérieur à ce sujet ?

Maxime Gauin


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vendredi 26 novembre 2021

Question prioritaire de constitutionnalité déposée devant la cour d'appel de Paris, contre la loi « portant reconnaissance du génocide arménien »


 

 



À Monsieur le Président et à Mesdames et Messieurs les conseillers composant la Chambre 7 Pôle 2 de la Cour d’appel de Paris

 

 

Affaire 21/02286

 

 

Audience du 18 novembre 2021 à 13 heures 30

Parquet n°16252000332

 

 

 

MEMOIRE A L’APPUI D’UNE

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

 

 

En application des dispositions de l’article 61-1 de la Constitution et de la loi organique
2009-1523 du 10 décembre 2009, la partie civile a l’honneur de soulever la question prioritaire de constitutionnalité ci-après exposée relative à la constitutionnalité de l’interprétation jurisprudentielle de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 et, ensemble, les dispositions de cet article.

 

 

POUR :                       Monsieur Maxime Gauin,

né le 9 avril 1985 à Agen, de nationalité française, demeurant, chercheur demeurant [...]

 

Partie civile

Demandeur à la question prioritaire de constitutionnalité

 

Ayant pour avocat

Maître Olivier Pardo

Selas OPLUS

Avocats au barreau de Paris

74, avenue de Wagram - 75017 Paris

Tel : 01 46 22 56 56 - Fax : 01 46 22 56 66

Palais K. 170

Elisant domicile à son cabinet.

 

 

 

Dans l’instance l’opposant à :

 

                                    Monsieur Laurent Leylekian

né le 11 aout 1967 à Lyon, de nationalité française, ingénieur, demeurant [...]

Prévenu

Ayant pour avocat

Maître Frédéric Forgues

Avocat au Barreau de Paris

70 rue Jean de la Fontaine – 75016 Paris

Tél. : 01.87.37.37.12 - Fax : 09.89.02.07.55

Toque : E 2135

 

 

ET :                             Monsieur Jean-Marc Toranian

né le 20 février 1954, à Boulogne-Billancourt, de nationalité française, gérant de société, demeurant [...]

Prévenu

Ayant pour avocat

 

Maître Lucille Vidal

Avocat au Barreau de Paris

5 rue Cassette – 75006 Paris

Tel : 01 .44.39.06.30 - Fax : 01.44.39.06.31

Toque : P110

 

 

 


 

PLAISE A LA COUR

 

 

Avant d’en venir aux motifs d’inconstitutionnalité, un bref rappel des faits et de la procédure s’impose.

 

 

I-                   LES FAITS A L’ORIGINE DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

Le 5 juin 2016, Monsieur Carlo Sommaruga, un parlementaire Suisse, a publié le propos suivant sur son compte Twitter :

« @maximegauin lorsque la remarque vient d’un suppôt du pouvoir turc, d’un négationniste du génocide arménien comme vous, tout est dit ! »

 

Ce tweet a fait l’objet d’une capture d’écran et a été publié, le 5 juin 2016, sur le site « Armenews » dont Monsieur Jean-Marc Toranian est le directeur de la publication.

 

Le tweet litigieux a également été publié le 5 juin 2016 par Monsieur Laurent Leylekian sur son compte twitter « @Eurotopie ».

 

Le 2 septembre 2016, Monsieur Maxime Gauin a déposé plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique envers un particulier pour les propos suivants :

 

 « @maximegauin lorsque la remarque vient d’un suppôt du pouvoir turc, d’un négationniste du génocide arménien comme vous, tout est dit ! »

 

Une information judiciaire a été ouverte le 10 février 2017.

 

Les 16 et 19 octobre 2017, Messieurs Toranian et Leylekian ont été mis en examen du chef de diffamation publique envers un particulier.

 

Par ordonnance du 10 avril 2018, Messieurs Toranian et Leylekian ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel.

 

Le 24 mai 2018, Monsieur Toranian a été cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel pour avoir:

 

«  à Paris et à Boulogne Billancourt, le 05 juin 2016 et en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription étant le directeur de publication du site www.armenews.com commis le délit de diffamation publique envers un particulier par un moyen de communication au public par voie électronique en mettant en ligne sur ledit site à l’adresse : http://www.armenews.com/article.pbp3?idarticle=127444 «  un article intitulé ‘Carlo Sommaruga tacle Maxime Gauin » et contenant les propos suivants :

« @maximegauin lorsque la remarque vient d’un suppôt du pouvoir truc, d’un négationniste du génocide arménien comme vous, tout est dit »

Lesdits propos contennt des allégations ou des imputations de faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération de Maxime Gauin.

 

Faits prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 »

 

Le 24 mai 2018, Monsieur Leylekian a également été cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel pour avoir :

«  à Paris et Orsay, le 05 juin 2016 et en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription étant le directeur de publication du compte twitter « @Eurotopie » commis le délit de diffamation publique envers un particulier par un moyen de communication au public par voie électronique en mettant en ligne sur ledit site à l’adresse : « https://twitter.com/eurotopie/status/739497023972466688 » «  un article intitulé « Et pan dans l’gauin. Alors @MaximeGauin vite un procès ? » et contenant les propos suivants :

« @maximegauin lorsque la remarque vient d’un suppôt du pouvoir truc, d’un négationniste du génocide arménien comme vous, tout est dit »

Lesdits propos contenant des allégations ou des imputations de faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération de Maxime Gauin.

 

Faits prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 »

 

Pour exciper de leur bonne foi, Monsieur Toranian et Monsieur Leylekian font valoir, en s’appuyant sur la jurisprudence récente, que le génocide arménien de 1915 ayant été reconnu publiquement par la France par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 aux termes d’un article unique, il ne saurait être contesté qu’il s’agit d’un « sujet politico-historique important » et « d’un débat d’intérêt général ».

 

Ainsi, Monsieur Gauin avait, à l’occasion de l’audience qui s’est tenue en première instance devant la 17ème chambre correctionnelle, soumis au tribunal la présente question prioritaire constitutionnalité.

 

Le tribunal avait dit n’y avoir lieu à sa transmission par un jugement manifestement contradictoire du 25 mars 2021, considérant à la fois que la loi du 29 janvier 2001 est applicable au litige et que celle-ci est dépourvue de portée normative rendant la question prioritaire de constitutionnalité irrecevable.

 

Dès lors, il sera démontré que ce jugement est contraire à la jurisprudence établie du Conseil constitutionnel, et qu’il revient à la Cour de transmettre la présente question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation.

 

 

 

 

 

 


 

II-                DISPOSITIONS LEGISLATIVES FAISANT L’OBJET DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

L’interprétation constante que les juridictions suprêmes donnent de l’article 1er de la loi n2001-70 du 29 janvier 2001, aux termes duquel « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 », porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en tant que cette disposition éclairée par ladite interprétation :

 

-       Fonde des décisions juridictionnelles antérieures sur lesquelles les mis en cause s’appuient pour faire valoir leur bonne foi et démontrer l’absence de faute civile commise au préjudice de la victime, sans pour autant lui permettre, en violation de son droit à un recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de contester cette base légale par voie de question prioritaire de constitutionnalité au motif que l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 serait, selon cette interprétation, « dépourvue de portée normative » ;

-       Introduit une rupture d’égalité devant la loi pénale, contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, en distinguant, d’une part, les diffamations de droit commun et, d’autre part, les diffamations couvertes par la loi du 29 janvier 2001 ;

-       Méconnaît par là même les exigences inhérentes à la liberté d’expression garanties par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en autorisant un « abus », au sens dudit article, pourtant réprimé par la loi ;

-       Revêt par conséquent une portée normative ambiguë contraire au principe de normativité de la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et par l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi ?

 

 


 

III-             DISCUSSION

 

 

1.      FONDEMENTS LEGISLATIFS

 

 

L’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose :

 

« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

 

L’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution prévoit que la juridiction saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité statue « sans délai par une décision motivée » sur sa transmission au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

 

« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

 

3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. »

 

Le présent mémoire démontre que les trois conditions précitées sont remplies et justifient de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité sans délai à la Cour de Cassation afin que le Conseil constitutionnel en soit saisi.

 

 


 

2.      APPLICATION DES CRITERES A LA QUESTION POSEE

 

2.1. La disposition législative visée est applicable au litige

 

En droit, les articles 23-2 et 23-4 de l’ordonnance n58-1067 du 7 novembre 1958 conditionnent le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel à l’applicabilité de la disposition législative, soit au litige, soit à la procédure.

 

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’applicabilité au litige s’entend, d’une part, de « l’existence d’un lien réel entre la disposition législative critiquée et l’objet de la demande du justiciable » et, d’autre part, de « l’incidence qu’aurait une éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité sur la solution du litige » (Cass., Rapport 2012, Livre 4, p. 493).

 

Quant à la notion même de « disposition législative », s’il est admis qu’elle ne saurait recouvrir les « constructions jurisprudentielles » (3e Civ., 30 mars 2017, QPC n16-22.058), la Cour de cassation a néanmoins précisé, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (2010-39 QPC, 6 octobre 2010),  que tout justiciable peut contester « la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative », à condition que l’interprétation émane d’une juridiction suprême, qu’elle porte sur une disposition législative précise et que cette interprétation soit constante (Cass., Rapport 2017, Livre 3, p. 295-296 ; 1ère Civ., 14 mars 2019, n°18-21.567).

 

En l’espèce, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 est applicable au litige en ce qu’il fonde la défense de Monsieur Toranian et Monsieur Leylekian, ainsi que des décisions de justice antérieures concernant les mêmes parties ou des faits similaires (A), qu’il entretient par conséquent un lien réel et étroit avec l’objet de la demande de Maxime Gauin, de telle sorte que son inconstitutionnalité aura inévitablement une influence sur la solution du litige (B), sans que puisse être invoqué, au soutien du non-renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, le motif tiré de l’hypothétique défaut de normativité de la loi du 29 janvier 2001, étant donné que la présente question prioritaire de constitutionnalité porte précisément sur l’interprétation constante que le Conseil d’état donne de cette disposition (C).

             

A – L’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 est applicable au litige en ce qu’il fonde la défense de Monsieur Toranian et Monsieur Leylekian

 

Le raisonnement suivi par Monsieur Toranian et Monsieur Leylekian, fondé sur la jurisprudence récente, révèle que l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 constitue le fondement de leur défense.  

 

Le 25 mai 2018, Monsieur Leylekian a formulé une offre de preuves à laquelle s’est joint Monsieur Toranian concernant la formule « négationniste du génocide arménien comme vous, tout est dit ». Il ressort de cette offre de preuves que Monsieur Leylekian entend prouver :

 

« Que M. Maxime Gauin est un négationniste du génocide arménien reconnu en France par la loi n°2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 ».

 

Ainsi, la défense tente de démontrer que Monsieur Gauin serait véritablement un « négationniste du génocide arménien » tel que défini comme tel par la loi du 29 janvier 2001, qui dès lors est incontestablement applicable au litige.

 

Aussi, dans les décisions antérieures rendues dans des affaires similaires ayant opposé les mêmes parties, la loi de 2001 est visée à 5 reprises.

 

Ces décisions antérieures ont jugé que les propos tenus sont sans conteste des « faits précis […] et attentatoires à l’honneur ou à la considération, en ce qu’il est imputé [à Maxime Gauin] un comportement manifestement contraire à la probité intellectuelle d’un chercheur et à l’éthique d’un historien, puisqu’il mènerait ses travaux sur commande, sans indépendance et au mépris de toute recherche de la vérité ».

 

Toutefois, la Cour d’appel avait relevé, après avoir visé explicitement le fait que la loi du 29 janvier 2001 reconnaissance le génocide arménien, que « compte tenu de ce contexte […], la vivacité des termes utilisés ne dépasse pas les limites autorisées de la liberté d’expression dans une société démocratique », puisque « le message poursuivi concerne un sujet d’intérêt général et un débat d’intérêt public portant sur la qualification de génocide des faits subis par les Arméniens de l’Empire ottoman de 1915 » et « qu’une particulière liberté de ton peut en outre être admise dès lors que [le prévenu] s’exprime dans le cadre d’une polémique historique et politique vive et douloureuse ». En d’autres termes, l’adoption de la loi du 29 janvier 2001 a contribué à élever la question de la qualification de « génocide » au rang de sujet d’intérêt général et de débat d’intérêt public, l’ensemble formant un « contexte » permettant de faire jouer l’exception de bonne foi au bénéfice des mis en cause.

 

C’est ainsi que la 17ème chambre correctionnelle saisie de la présente question prioritaire de constitutionnalité, avait, le 25 mars 2021, constaté que :

 

« L’article unique de la loi du 29 janvier 2001 est convoqué par les prévenus comme élément de contexte et comme argument pour justifier du caractère d’intérêt général du débat concernant l’existence des arméniens, au titre de la bonne foi au sens du droit de la presse, dont ils se prévalent.

 

Il est produit aux débats des décisions antérieures, émanant de la cour d’appel de Paris, ayant tenu compte de cette disposition législative au titre de l’analyse de la bonne foi de prévenus devant répondre de faits de diffamation publique envers un particulier dans le contexte général d’un conflit opposant les membres de la communauté arménienne française et les tenants de thèses réfutant l’emploi du terme l’emploi du terme « génocide » pour désigner les massacres commis contre le peuple arménien, par le pouvoir turc, en 1915-1916.

 

Ainsi, sans préjuger des motifs d’une décision sur le fond, le juge n’étant pas lié par la chose jugée dans le cadre d’une autre affaire, il convient de considérer que la loi  n°2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, de par son objet même, est en rapport direct avec le présent procès et est susceptible d’intervenir, de manière légitime, dans l’analyse des moyens présentés par les parties alors même qu’elle ne serait pas déterminante pour la solution du litige.

 

Dans une acceptation large de la notion d’applicabilité au litige, il y a donc lieu de dire que l’article unique de la loi n°2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 est applicable au litige. »

 

 

Par conséquent, en tant qu’il fonde le « contexte » ayant permis, dans des décisions antérieures opposant soit les mêmes parties, soit portant sur des propos identiques, de faire bénéficier les prévenus de l’exception de bonne foi, alors même que le caractère diffamatoire des propos était reconnu, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 est nécessairement applicable au litige.

 

 

B – L’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 entretient un lien réel et étroit avec l’objet de la demande si bien que son inconstitutionnalité déterminera l’issue du litige

 

Si l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 est applicable au litige en tant qu’il fonde la défense des mis en cause, son influence sur le litige est encore démontrée par le fait qu’une déclaration d’inconstitutionnalité de cette disposition aurait une influence déterminante sur son issue. 

 

Traditionnellement, la condition générale d’applicabilité au litige fixée par le législateur est automatiquement remplie, en matière pénale, lorsque la disposition législative constitue « le fondement des poursuites ». Il va de soi que cette éventualité, réservée au cas où le demandeur de la question prioritaire de constitutionnalité est le prévenu, serait contraire au principe d’égalité des armes si elle n’impliquait pas corollairement, dans le cas où le demandeur est la victime, que la disposition constituant le fondement d’un potentiel rejet de ses demandes soit automatiquement applicable au litige.

 

Ainsi, la Cour de cassation reconnaît qu’un lien réel et étroit avec l’objet de la demande existe lorsque la disposition législative visée dessert les droits du plaignant ou du demandeur : pour ne prendre qu’un exemple, dans un arrêt du 21 février 2012, la chambre commerciale a ainsi reconnu qu’était applicable au litige une disposition législative qui conduisait à regarder des demandeurs comme irrecevables à agir (Com., 21 février 2012, QPC n11-23.097).

 

Dès lors, le lien réel et étroit entre la disposition législative et l’objet de la demande peut être constaté lorsque la disposition législative dessert l’action intentée par le demandeur.

 

En l’espèce, puisqu’il a conduit, d’une part, à des décisions antérieures de relaxe des prévenus et, d’autre part, à l’absence de reconnaissance de faute civile, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 a desservi l’action intentée par Maxime Gauin, révélant par là même le lien réel et étroit qu’il entretient avec l’objet actuel de la demande qui est identique aux précédentes : il est donc applicable au litige.

 

Pour se prononcer sur la plainte de Maxime Gauin, le Tribunal aura à connaître de moyens dont le sort dépend de l’éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001. Si l’article 1er de ladite loi est jugé contraire à la Constitution, alors le régime de droit commun de la diffamation s’appliquera au litige.

 

Par conséquent, en desservant l’action intentée par Maxime Gauin et en conditionnant la solution au fond, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 entretient un lien réel et étroit avec l’objet de la présente demande, si bien que son inconstitutionnalité aura une influence directe sur la solution du litige : il est donc nécessairement applicable au litige.

 

C – Le motif tiré de l’hypothétique défaut de normativité de la loi du 29 janvier 2001 ne saurait être invoqué au soutien du rejet de la question prioritaire de constitutionnalité

 

Une conception étroitement normativiste a conduit le Conseil d’état, par deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre la loi du 29 janvier 2001, à refuser de soumettre ladite disposition au contrôle du Conseil constitutionnel et à regarder la loi du 29 janvier 2001 comme, par nature, inapplicable au litige en raison de son présumé défaut de normativité.

 

La 17ème chambre correctionnelle a, dans son jugement manifestement contradictoire du 25 mars 2021, maladroitement tenté de faire application de cette jurisprudence du Conseil d’Etat en jugeant, après avoir déclaré la loi du 29 janvier 2001 applicable au litige, que celle-ci serait finalement dépourvue de portée normative et que par conséquent la question prioritaire de constitutionnalité serait irrecevable.

 

Pourtant, une telle motivation ne peut en l’espèce être opposée, car c’est précisément cette interprétation constante de la disposition de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001, émanant de la juridiction suprême de l’ordre administratif qu’est le Conseil d’État, qui fait l’objet de la présente question prioritaire de constitutionnalité.

 

i.                    L’interprétation de la juridiction suprême est constante et porte sur une disposition précise.

 

Alors même que le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à se prononcer sur la disposition législative litigieuse (cf. III du présent mémoire), le Conseil d’État a jugé, le 19 octobre 2015, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre la loi du 29 janvier 2001, que « les dispositions d’une loi qui sont dépourvues de portée normative ne sauraient être regardées comme applicables au litige […] ; qu’une disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide n’a pas de portée normative ; que, par suite, les dispositions de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 […] ne peuvent être regardées comme applicables au litige » (CE, 19 octobre 2015, req. n392400).

 

Dans ses conclusions, le rapporteur public relevait que la disposition précitée « n’a jamais été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel et, si vous l’estimiez applicable au litige, la question devrait à notre avis être renvoyée », avant toutefois d’affirmer dogmatiquement « qu’une disposition non normative ne peut, par nature, pas être applicable au litige ».

 

Cette interprétation émanée de la juridiction suprême de l’ordre administratif a été confirmée par une autre décision du Conseil d’état rendue le 13 janvier 2017 (CE, 13 janvier 2017, req. n392400) : elle est donc constante, porte sur une disposition législative précise et émane d’une juridiction suprême.

 

ii.                  Une interprétation jurisprudentielle constante émanant du Conseil d’Etat peut être contestée devant la Cour de cassation

 

En se fondant sur les conditions posées par le Conseil constitutionnel (décision du 8 avril 2011, n2011-120 QPC), la Cour de cassation rappelle que la contestation peut « concerner la portée que donne à une disposition législative précise l’interprétation qu’en fait la juridiction suprême de l’un ou de l’autre ordre » (Cass., Rapport 2014).

 

Dès lors, les justiciables peuvent contester devant la Cour de cassation l’interprétation constante que le Conseil d’État donne d’une disposition législative, et réciproquement.

 

Ainsi, de la même manière que le Conseil d’État transmet des questions prioritaires dirigées contre une interprétation jurisprudentielle retenue par la Cour de cassation (par exemple, CE, 28 février 2019, req. n424993), la Cour de cassation a d’ores et déjà pu transmettre des questions dirigées contre l’interprétation d’une disposition législative émanant de la juridiction suprême de l’ordre administratif (Civ. 3e, 28 septembre 2011, QPC n11-14.363 ; décision du Cons. const., 2 décembre 2011, n2011-201 QPC).

 

iii.                L’application du critère de normativité par la Cour de cassation

 

Enfin, il convient de rappeler que la chambre criminelle ne retient pas la conception étroite de la normativité promue par le Conseil d’état et a une conception plus pragmatique du « droit souple ».

 

Dans son étude annuelle de 2018, la Cour note ainsi que « si les principes du droit pénal font mauvais ménage avec le droit souple, il est inévitable cependant qu’on invoque devant la Cour de cassation […] des instruments qui ont en commun, à leur origine, non pas d’obliger leurs destinataires, mais plutôt de contribuer à orienter des comportements. Dès lors que la chambre criminelle de la Cour de cassation les prend en considération, soit pour favoriser la répression ou la réparation, soit au contraire pour épargner les personnes poursuivies, ces normes douces deviennent du droit, qui n’est plus simplement proposé, recommandé, conseillé, mais effectif pour l’espèce abordée et pour d’autres similaires ».

 

Ainsi, une loi, même purement incantatoire, déclaratoire, dont se saisit une juridiction, pour favoriser la répression ou épargner les personnes poursuivies, devient du droit : tel est le cas, en l’espèce, de la loi du 29 janvier 2001 qui a servi à épargner les personnes poursuivies.

 

Par conséquent, l’hypothétique défaut de normativité de la loi du 29 janvier 2001 ne saurait être invoqué pour motiver un non-lieu à renvoi en excipant de l’inapplicabilité au litige de la disposition législative, car :

 

-          1° : C’est précisément cette interprétation constante d’une disposition législative précise qui émane d’une juridiction suprême qui fait l’objet de la présente question prioritaire de constitutionnalité ;

 

-          2° : Dès lors que la loi du 29 janvier 2001 est, ainsi que l’a constaté la 17ème chambre correctionnelle le 25 mars 2021, « susceptible d’intervenir, de manière légitime, dans l’analyse des moyens présentés par les parties », celle-ci a nécessairement une portée normative bien qu’ambiguë.

 

           


 

2.2. La disposition législative visée n’a pas fait l’objet d’une déclaration de conformité

 

Aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance de 1958 susvisée, auquel renvoie l’article 23-4, il est procédé à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité « si les conditions suivantes sont remplies : […] 2° [la disposition contestée] n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstance ».

 

Ainsi, sauf changement de circonstances, est irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition législative qui a été « spécialement examinée » par le Conseil constitutionnel (décis. n2010-9 QPC, 2 juillet 2010, Section française de l’Observatoire international des prisons).

 

En l’espèce, il convient en premier lieu de rappeler que l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 n’a fait l’objet d’aucun contrôle a priori sur le fondement de l’article 61 al. 2 de la Constitution : à l’adoption de la loi, les députés et sénateurs se sont refusés à saisir le Conseil constitutionnel, et cette disposition ne figure pas au répertoire des décisions déclarées conformes à la Constitution publié sur le site internet du Conseil constitutionnel.

 

En second lieu, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 n’a fait l’objet d’aucun contrôle a posteriori : depuis l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2010, aucune question relative à la disposition législative contestée n’a été renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

En troisième lieu, le Conseil constitutionnel n’a pas eu à connaître de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 au cours d’un contrôle incident au titre de la jurisprudence dite « néo-calédonienne ».

 

En effet, lors de l’examen de la conformité à la Constitution de la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, le Conseil s’est refusé à faire application de cette technique de contrôle incident et a affirmé que « la loi déférée étant censurée, il ne pouvait, en tout état de cause, être considéré qu’était modifié, complété ou affecté le domaine de la loi du 29 janvier 2001 » (commentaire sur décis. n2012-627 DC, 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi). Le communiqué de presse du Conseil constitutionnel relatif à cette décision prend d’ailleurs le soin de préciser que « le Conseil constitutionnel ne s’est ainsi pas prononcé dans cette décision sur la loi du 29 janvier 2001 […]. Cette loi ne lui était pas soumise et, a fortiori, il n’a formulé aucune appréciation sur les faits en cause ».

 

Aussi, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 8 janvier 2016 Vincent Reynouard (n° 2015-512 QPC) qu’il n’était pas saisi de la loi du 29 janvier 2001 qui figure au visa de la décision précitée : « Vu la loi n2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 […] Considérant que […] l’ANEHTPS demande en outre l’abrogation de la loi du 29 janvier 2001 susvisée dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi ».

 

Enfin, la loi du 29 janvier 2001 ne figure pas parmi les dispositions législatives déclarées conformes par le Conseil le 26 janvier 2017 alors qu’il était saisi par plus de soixante sénateurs et soixante députés de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté dont l’article 173 entendait réprimer la négation de certains crimes n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation judiciaire (Décision n°2016-745 DC du 26 janvier 2017).

Par conséquent, il ressort de ce qui précède que la loi du 29 janvier 2001 n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

 

 

2.3. La question posée est à la fois sérieuse et nouvelle

 

 

Aux termes de l’article 23-4 de l’ordonnance de 1958 susvisée, la question prioritaire de constitutionnalité est transmise si elle est « nouvelle » ou si elle « présente un caractère sérieux ». Ainsi, « pour apprécier le caractère sérieux ou non de la QPC, la Cour de cassation se livre à un véritable précontrôle de constitutionnalité, en reprenant les principes dégagés par le Conseil constitutionnel » (Cass., Rapport 2012).

 

En l’espèce, outre le fait qu’il serait opportun de faire trancher définitivement par le Conseil constitutionnel une question qui se pose à l’occasion de nombreux litiges et qui soulève de forts enjeux d’opinion, ce qui caractérise sa « nouveauté » au sens de la jurisprudence constitutionnelle, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 introduit une rupture d’égalité devant la loi pénale (A), méconnaît les exigences relatives à la liberté d’expression en autorisant des « abus » pourtant réprimés par la loi (B), alors même que l’interprétation constante que les juridictions suprêmes donnent de cet article prive le justiciable de son droit à un recours effectif (C) et que l’ensemble des décisions relatives à cet article révèle sa portée normative ambiguë contraire au principe de normativité de la loi et au principe de sécurité juridique (D).

 

 

A – L’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 introduit une rupture d’égalité devant la loi pénale

 

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

 

Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel rappelle, de jurisprudence constante, que si « le principe d’égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu’une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente » (décis. 7 novembre 1989, n89-262 DC), la loi pénale ne saurait, toutefois, « pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi » (décis. 9 septembre 2011, n2011-161 QPC). De la même manière, la loi ne pourrait « dans l’édiction des crimes ou des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, instituer au profit de quiconque une exonération de responsabilité à caractère absolu, sans par là même porter atteinte au principe d’égalité » (décis. 7 novembre 1989, n89-262 DC). Ainsi, le principe d’égalité s’oppose à une application différenciée de la loi pénale.

 

Dès lors, est contraire au principe d’égalité devant la loi pénale, la disposition qui, soit directement, soit indirectement, conduit à exonérer de responsabilité une catégorie de personnes pour des faits pourtant incriminés sous la prévention d’une même infraction.

 

Pourtant, en l’espèce, la loi du 29 janvier 2001 introduit une application différenciée d’un même régime d’infraction selon que le propos réputé diffamatoire concerne ou non la question du « génocide arménien ».

 

Selon la Cour d’appel de Paris, le fait que la qualification de « génocide » arménien soit consacrée par la loi du 29 janvier 2001 autorise impunément des propos diffamatoires qui, sans cette loi, tomberaient sous le coup du régime de droit commun posé par la loi du 29 juillet 1881.

 

En effet, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation, constituent l’infraction de diffamation, les propos qui attribuent à la personne visée la commission d’un délit ou d’un crime (Crim., 15 octobre 1985, n84-91.598). La Cour de cassation considère que les thèses négationnistes portent incontestablement atteinte à l’honneur et à la considération (Crim. 14 juin 2000, JurisData n°2000-003094). Ainsi, la Cour de cassation a estimé l’imputation de « négationnisme au sens primaire du terme » diffamatoire alors qu’il était fait référence à l’histoire coloniale française (Crim. 9 novembre 2010 n°10-80816).

 

En l’espèce, dans un contexte excluant la loi du 29 janvier 2001, les propos affirmant que Maxime Gauin est un « négationniste du génocide arménien », auraient été constitutifs d’une diffamation publique envers particulier, sans que les mis en cause puissent bénéficier de la bonne foi et jouer de l’atténuation tirée du de la loi du 29 janvier 2001 qui fonde le « cadre d’un sujet d’intérêt public sur la reconnaissance du génocide arménien de 1915 ».

 

Par conséquent, la loi du 29 janvier 2001 introduit une rupture d’égalité devant la loi pénale : une même infraction (la diffamation) reçoit deux traitements différents selon qu’elle porte sur le « génocide » arménien ou non.

 

B – L’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 méconnaît les exigences relatives à la liberté d’expression en autorisant des « abus » pourtant réprimés par la loi

 

La liberté d’expression est fondée sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

 

Selon le Conseil constitutionnel, cette « liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi » (décis. 28 mai 2010, n2010-3 QPC).

 

Ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel, « il est loisible au législateur d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et d’imprimer ; qu’il lui est également loisible, à ce titre, d’instituer des incriminations réprimant les abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers » (décis. 8 janvier 2016, n2015-512 QPC).

 

Plus spécifiquement, les exigences inhérentes à la liberté d’expression doivent se comprendre à l’aune de la définition générale de la liberté posée à l’article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». Sont par conséquent constitutifs d’un abus de liberté d’expression les propos qui nuisent à autrui et qui sont, à ce titre, incriminés par la loi.

 

En l’espèce, la loi du 29 janvier 2001 autorise les abus de cette liberté.

 

Les articles de la loi du 29 juillet 1881 relatifs à la diffamation ont pour finalité de déterminer les exigences inhérentes à l’exercice de la liberté d’expression, en vue de garantir le maintien de l’ordre public, les droits des tiers et les bornes « qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».

 

Ainsi, en contribuant à soumettre les propos visés en l’espèce à un régime dérogatoire au droit commun, exorbitant des incriminations prévues précisément pour garantir la protection des droits de chacun, la loi du 29 janvier 2001 autorise des abus contraires à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

C – L’interprétation constante que les juridictions suprêmes donnent de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 prive le justiciable de son droit au recours effectif

 

Sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution », le Conseil constitutionnel a dégagé le « droit au recours » (décis. 13 août 1993, n93-325 DC) ou, plus précisément, « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif » (décis. 16 février 2018, n2017-691 QPC). Ce droit au recours effectif s’oppose à ce qu’un justiciable soit privé d’accès au juge.

 

Pourtant, en l’espèce, l’interprétation de la loi du 29 janvier 2001 prive le justiciable d’accès au juge constitutionnel.

 

En affirmant de façon constante que la loi du 29 janvier 2001 est, par nature, dépourvue de portée normative, les juridictions suprêmes – plus précisément le Conseil d’État – procèdent à une interprétation qui aboutit au paradoxe suivant : les justiciables se voient appliquer, soit devant les juridictions, soit devant l’administration, les significations que les juges du fond ou les autorités administratives prêtent à la loi du 29 janviers 2001, laquelle emporte donc des effets juridiques et des effets pratiques, alors même qu’est refusée à ces justiciables la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, au motif que cette loi serait dépourvue de portée normative, et lors même que le défaut de normativité des lois est un grief d’inconstitutionnalité qui implique, dans un état de droit, une censure.

 

Cette interprétation de la loi du 29 janvier 2001 prive donc les justiciables d’accès au juge, en violation du droit à un recours effectif.

 

 


 

D – L’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 revêt une portée normative ambiguë contraire au principe de normativité de la loi

 

Sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « la loi doit être la même pour tous », ainsi que sur le fondement de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi, notamment l’article 34 de la Constitution, le Conseil constitutionnel considère « l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi » comme un « objectif de valeur constitutionnelle » (décis. 16 décembre 1999, n° 99-421 DC). Il en a déduit « qu'il appartient au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution » et qu’une disposition législative dont « la portée normative est incertaine » est dès lors inconstitutionnelle (décis. 24 juillet 2003, n° 2003-475 DC).

 

Le Conseil est ensuite allé plus loin, posant le principe selon lequel « sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative » et que dès lors, « une portée normative incertaine » viole l’article 34 de la Constitution (décis. 29 juillet 2004, n° 2004-500 DC).

 

Dès lors, les lois dépourvues de portées normatives sont contraires à la Constitution et systématiquement censurées par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, depuis 2005, le Conseil constitutionnel censure systématiquement les dispositions législatives dépourvues de toute portée normative, en se fondant sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et sur « l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi » :

-          Décision n°2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école :

« Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... » ; qu'il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative ; 

Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu'à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;

(…) Considérant que ces dispositions sont manifestement dépourvues de toute portée normative ; que, dès lors, le II de l'article 7 de la loi déférée est contraire à la Constitution ; (…). »

 

-          Décision n°2016-741 DC du 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique :

« L'article 134 complète l'article L. 225-18 du code de commerce afin d'indiquer que l'assemblée générale ordinaire d'une société anonyme peut désigner un administrateur chargé du suivi des questions d'innovation et de transformation numérique.

Les sénateurs requérants soutiennent que cet article est dépourvu de portée normative et, par suite, inconstitutionnel.

Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... ». Il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative.

Les dispositions de l'article 134 de la loi déférée, qui se bornent à conférer à l'assemblée générale ordinaire d'une société anonyme le pouvoir de confier à un administrateur la charge de suivre des évolutions technologiques, sont dépourvues de portée normative. Dès lors, cet article est contraire à la Constitution. »

 

-          Décision n°2016-745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté :

« L'article 68 de la loi déférée se borne à prévoir : « La Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant à compter de 2020 l'âge de dix-huit ans à bénéficier, avant ses vingt-cinq ans, d'une expérience professionnelle ou associative à l'étranger ». Dépourvu de portée normative, cet article est contraire à la Constitution. »

 

-          Décision n°2018-766 DC du 21 juin 2018, Loi relative à l’élection des représentants au Parlement européen :

« Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale ... ». Il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative. 

(…) Il résulte de tout ce qui précède que, sans que le Conseil constitutionnel ait à se prononcer sur le bien-fondé des dispositions contestées, celles-ci, qui, d'ailleurs, ont pour effet de nuire à l'intelligibilité du reste du premier alinéa de l'article 9, sont dépourvues de portée normative. Elles sont donc contraires à la Constitution. »

 

C’est ainsi que dès le 29 novembre 2006, un collectif de 56 juristes de renom avait lancé un appel contre les lois mémorielles au motif que « la loi n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution. Or ces lois, que les autorités compétentes se gardent bien de soumettre au Conseil constitutionnel, violent à plus d’un titre la Constitution :

-          Elles conduisent le législateur à outrepasser la compétence que lui reconnait la Constitution en écrivant l’histoire. Les lois non normatives sont ainsi sanctionnées par le Conseil constitutionnel. Telle est le cas des lois dites « mémorielle ».

-          (…) Par leur imprécision quant à la nature de l’infraction, ce dont témoignent les décisions de justice qui s’y rapportent, le législateur attente au principe constitutionnel de la légalité des peines et à la sécurité juridique en matière pénale » (Pièce n°1).

 

Encore récemment, le Conseil constitutionnel a eu, à l’occasion de sa saisine relative à des lois mémorielles, à rappeler le principe constitutionnel de normativité de la loi que violent les lois mémorielles : « Considérant qu'une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi (…) » (Décision n°2012-647 DC du 28 février 2012).

 

Ainsi, loin d’accorder une forme d’immunité aux dispositions législatives non normatives qui les protégerait de tout contrôle de constitutionnalité, le Conseil censure systématiquement celles qui lui sont soumises.

 

Aussi, au-delà du défaut de normativité des lois, le Conseil constitutionnel juge contraire à la Constitution toute loi qui présente une normativité ambiguë :

 

-          Décision n°2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l’élection des sénateurs :

« 23. Considérant, en deuxième lieu, que la portée normative du premier alinéa inséré à l'article L. 52-3 du code électoral est incertaine ; 

(…) Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 7 de la loi déférée est contraire tant à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi qu'au principe de loyauté du suffrage ; 

(…) L'article 7 de la loi portant réforme de l'élection des sénateurs est déclaré contraire à la Constitution. »

 

-          Décision n°2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales :

« Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale » ; qu'il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative ; 

Considérant, de plus, qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu'à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;

(…) Considérant que la première des deux conditions prévues par l'article 4 de la loi déférée, relative à la garantie de la libre administration des collectivités territoriales, outre son caractère tautologique, ne respecte, du fait de sa portée normative incertaine, ni le principe de clarté de la loi ni l'exigence de précision que l'article 72-2 de la Constitution requiert du législateur organique ;(…). »  

 

Dès lors, la contrariété au principe de normativité des lois n’implique pas automatiquement l’absence de toute portée normative, mais inclut les cas de normativité ambiguë.

 

Enfin, comme l’indiquait un article extrait des Cahiers du Conseil constitutionnel, « les droits ne sont pas garantis lorsque l’existence de telle ou telle obligation ou de telle ou telle interdiction est incertaine, lorsqu’il appartient au citoyen de déterminer ce qui, dans la loi, relève de la règle, ou seulement de l’orientation, de la déclaration d’intention ou de la croyance. […] Les droits sont menacés par la loi si le caractère normatif de celle-ci est sujet à caution et, plus encore, lorsque la portée normative et son intensité normative sont incertaines. Non seulement une loi qui édicte une règle incertaine est susceptible d’inégale application […] mais encore elle menace la liberté de l’individu en ne définissant pas de manière précise les bornes qui peuvent être assignées à sa liberté » (« La normativité de la loi : une exigence démocratique », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2007, n21).

 

En l’espèce, la loi du 29 janvier 2001 revêt une portée normative ambiguë particulièrement préjudiciable en matière pénale.

 

En effet, ce texte déclaratif est pourtant, ainsi que l’a relevé la 17ème chambre correctionnelle le 25 mars 2021, « applicable au litige » et « susceptible d’intervenir, de manière légitime, dans l’analyse des moyens présentés par les parties ».

 

Il ne fait nul doute que la présence de la loi du 29 janvier 2001 dans l’ordonnancement juridique entraîne des effets normatifs incertains et attentatoires aux droits du plaignant.

 

Dès lors, il n’est d’autre voie de recours, pour clarifier l’application du corpus législatif actuel, que de transmettre la présente question prioritaire de constitutionnalité.

 

 


 

Par ces moyens et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au besoin d’office, le plaignant conclut qu’il plaise à la Cour d’Appel de Paris de :  

 

-          Prendre acte que la question prioritaire de constitutionnalité porte, d’une part, sur l’interprétation constante que les juridictions suprêmes donnent de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 et, d’autre part, ensemble, sur les dispositions elles-mêmes de l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 ;

 

-          Prendre acte que Maxime Gauin fait grief à cette interprétation et, ensemble, à l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 de :

 

o   Violer le principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

 

o   Violer la liberté d’expression garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, tout particulièrement, les exigences relatives aux « abus » de cette liberté ;

 

o   Violer le droit à un recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en tant que l’interprétation précitée rend inapplicable à tout litige, pour défaut de normativité, l’article 1er de la loi du 29 janvier 2001 ;

 

o   Violer le principe de normativité des lois garanti par l’article 34 de la Constitution ;

 

-          Constater que les conditions de transmission sont remplies ;

 

-          Transmettre, dans les conditions prévues par l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, à la Cour de Cassation sans délai la question prioritaire de constitutionnalité soulevée afin que celle-ci procède à l’examen qui lui incombe en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel pour qu’il relève l’inconstitutionnalité de la disposition contestée, prononce son abrogation et fasse procéder à la publication qui en résultera.

 

 

Fait à Paris, le 16 novembre 2021

 

 


 

Bordereau de pièces

 

Pièce n°1 :       Appel des professeurs de droit


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