Johann von Leers, « Armeniertum und Ariertum », Armeniertum und Ariertum, Postdam, Deutsch-Armenischen
Gesellschaft, 1934, pp. 10-11 :
« On peut affirmer sans aucun doute que le peuple arménien, par son origine,
sa langue et par son caractère purement
nordique [sic] fait partie des peuples aryens [...] D’une façon générale,
on peut dire ceci : une grande part de la tragédie qu’a connu ce peuple
dans son histoire tient à ce qu’il a su maintenir avec ténacité sa culture et
ses coutumes aryennes, dans un territoire de transit géopolitique, où se
rencontraient Sémites,
Mongols et Ouraliens […]
Il suffit qu’un peuple n’ait pas accueilli d’éléments juifs en son sein, qu’il
n’ait pas de sang noir et qu’il ait un lien de sang clairement reconnaissable
avec la race nordique, pour le définir comme aryen. Non seulement le peuple
arménien réunit ces conditions, mais il est également prouvé qu’il fait partie
de la branche européenne de la famille aryenne, qu’il parle une langue et qu’il
possède encore aujourd’hui des caractères nordiques clairement reconnaissables.
Les Arméniens sont donc un peuple aryen. »
ð Ce volume a été publié par l’Association Allemagne-Arménie, dirigée par Paul Rohrbach. Rohrbach était nettement favorable au régime nazi, mais ce qui l’attirait avant tout dans le Troisième Reich, c’était sa nature raciste et les projets d’expansion vers l’est ; alors que von Leers se souciait relativement peu de cette expansion et se consacrait surtout à l’antisémitisme (un thème secondaire sous la plume de Rohrbach) et à l’exaltation de l’agriculteur allemand tel qu’il l’imaginait. Toutefois, ces différences ne rendent que plus remarquables la facilité avec laquelle von Leers et Rohrbach ont collaboré pour persuader les militants et sympathisants nazis que les Arméniens étaient « aryens ».
Gregory Paul Wegner, « ‘A
Propagandist of Extermination:’ Johann von Leers and the Anti‐Semitic Formation
of Children in Nazi Germany », Paedagogica
Historica, XLIII-3, juin 2007, pp. 299-325 :
« La récente étude du célèbre historien Christopher Browning sur Les Origines de la Solution finale
(2004) suggère qu’environ deux groupes d’antisémites allemands dominaient le
Troisième Reich. Un groupe, relativement modéré, poursuivait un programme
conservateur et xénophobe qui considérait les Juifs comme des étrangers
indésirables. En revanche, les antisémites radicaux ont revêtu les qualités d’un
antisémitisme “rédemptionniste” et “chimérique”. Pour les membres de ce groupe,
les Juifs étaient responsables de tous les malheurs de l’Allemagne et
méritaient donc d’être éliminés. Les antisémites radicaux voyaient ainsi dans l’élimination
un moyen de racheter l’honneur du pays. Browning a conclu que les antisémites
radicaux n’ont jamais été représentatifs de la majorité de la population
allemande ni même de la majorité des membres du parti nazi. Ils ont réussi en
grande partie à cause de la passivité et de l’indifférence de la plupart des
autres Allemands.
Ce qui distingue les antisémites radicaux comme von Leers de membres du
monde universitaire allemand comme l’historien Günther Franz (1902-1992), de l’université
d’Iéna, ou le philosophe Alfred Bäumler (1887-1968), de l’université de Berlin,
qui ont tous deux rejeté le nazisme après 1945 ? , c’est qu’il est resté
totalement et sans vergogne fidèle aux idéaux raciaux et antisémites des nazis
jusqu’au jour de sa mort. De plus, contrairement à beaucoup d’autres figures nazies,
Leers a continué à diffuser la propagande antisémite après 1945, lors de ses
années en Argentine (1952-1956), avec le soutien de Juan Peron (1895-1974), et
en Égypte (1956-1965) sous les auspices de l’homme fort du pays, Gamel Abdel
Nasser (1918-1970) qui lui a donné un poste de conseiller en propagande sur les
Affaires juives au Département de l’Information du Ministère de l’Orientation. »
(pp. 305-306)
« En mai 1936, le Reichsführer Heinrich Himmler (1900-1945) fit de Leers
un membre honoraire dans la SS en tant qu’Untersturmbannführer attaché à l’état-major
du Bureau des races et de la réinstallation. » (p. 309)
« Le dernier paragraphe de l’histoire [écrite par von Leers à destination des enfants sous le régime nazi]
rassemblait ce que Leers considérait comme le message central de l’enseignement
de l’histoire. Ce recueil d’histoires n’était pas la seule contribution de
Leers à l’éducation raciale, mais il restait l’un des rares qu’il consacrât
spécifiquement au lectorat des enfants des classes d’histoire élémentaires.
Tout comme son style, Leers faisait appel à l’émotion et utilisait souvent un
langage potentiellement explosif pour faire progresser son programme
antisémite. Dans ce paragraphe de clôture, Leers a amené les élèves à une
conclusion incontournable, dont la nature justifiait une oppression encore plus
brutale :
“La communauté juive escroque sans vergogne. Les Juifs, de tous temps, depuis
les pères fondateurs jusqu’à nos jours, ont utilisé la tromperie des
travailleurs comme arme pour accéder au pouvoir. Dans la vie économique, les
Juifs ont apporté pendant des siècles cet esprit sérieux du marché noir qui
doit également être retiré de son dernier coin glissant. De plus, les années d’industrialisation
rapide à partir de 1872 furent en réalité une époque juive. Les personnes qui
subissent chaque jour du mal de la part des Juifs ont été dans une large mesure
maltraitées. Profondément honteux, ruinés économiquement et opprimés par des
structures de dette tortueuses, imposées par les Juifs, beaucoup de ces gens ont
abandonné ou se sont cachées dans les ténèbres de la pauvreté. À cette
époque, ceux qui caractérisaient déjà librement la malversation juive ont bien manié
la situation. La lutte contre les Juifs est une lutte contre un mal ancien du
monde.
Si l’important est de savoir
qui survivra à cette lutte, alors nous survivrons et les Juifs périront. Moins
il y a de Juifs, plus le monde et tous les travailleurs sont heureux ! [Le point d’exclamation est de von Leers].”
C’est le genre de rhétorique antisémite bruyante et implacable pour
laquelle Leers est devenu bien connu. Il
existe peu d’autres passages, à l’exception peut-être de Mein Kampf, Der Stürmer ou
d’Ernst Hiemer, qui apportent aux enfants une suggestion aussi directe et
puissante sur l’anéantissement des Juifs. […]
La vision du monde étroite et inflexible inculquée aux enseignants et aux
élèves sur les Juifs était aussi liée à ce que Leers considérait comme une
réalité géopolitique proche-orientale. Dans les colonnes du journal enseignant
le plus diffusé du Reich, Leers a félicité Hadj Amin-el Husseini (1888-1974),
le Grand Mufti de Jérusalem, pour avoir dirigé le monde arabe dans sa “lutte
contre l’invasion juive de la Palestine”. » (pp. 317-318)
« Les enquêtes menées par l’Office of Military Government-United
States (OMGUS) en 1946 et 1948 offrent quelques révélations utiles. Les
résultats de ces enquêtes ont conclu qu’environ deux Allemands sur dix dans la
zone d’occupation américaine étaient “clairement antisémites”. Le rapport de l’OMGUS
a noté que les Allemands âgés de quinze à dix-neuf ans manifestaient plus d’attitudes
antisémites que n’importe quelle autre catégorie d’âge. Ces jeunes citoyens
allemands faisaient partie des élèves auxquels Leers s’était adressé avec son
message de propagande. » (pp. 322-323)
« Von
Leers — nazi notoire en fuite — est au Caire révèle le "Toronto Star" »,
Le Monde, 29 août 1956 :
« Toronto, 28 août (U.P.). - Le Toronto
Star a publié lundi un article de son correspondant au Caire. William
Stevenson, qui vient d’être expulsé d’Égypte, apportant des révélations sur les
nazis au service de Nasser.
[…]
“Aujourd’hui, poursuit le journaliste, j’ai réussi à ‘coincer’ l’un d’eux,
un ancien propagandiste du Dr Gœbbels qui s’était enfui en Argentine
et a vendu ses services au dictateur Peron.
Il s’agit de Johann von Leers, docteur en philosophie et ancien professeur
d’histoire, ayant un long passé nazi.”
[…]
“Israël, a-t-il dit, est quelque chose d’anormal. Il n’est pas assez grand
ou assez fertile pour faire vivre des millions de Juifs. Il doit disparaître. C’est
une cause de désordre.
Vous demandez pourquoi Nasser dépense du temps et de l’argent pour rallier
les Arabes hors d’Égypte contre Israël, alors qu’il y aurait tant à faire chez
lui ? C’est que les
sionistes sont responsables de 90 % des attaques de la presse mondiale
contre Nasser et l’Égypte.” »
John Rogge (ancien procureur chargé de d’enquêtes sur les agents nazis et leurs réseaux aux États-Unis dans les années 1930 et 1940), The Official German Report, New York-Londres, Thomas Yoseloff, 1961, p. 380 :
« Le Dr Johann von Leers, qui avait été l'un des agitateurs
antisémites les plus efficaces de Goebbels, fut nommé conseiller politique au ministère
[égyptien] de l’Information. […] L’ancien
grand mufti de Jérusalem [Amin
al-Husseini] avait obtenu pour lui ce poste au Caire et, à son arrivée, l’avait
salué publiquement en ajoutant : ”Nous vous remercions d'avoir osé entreprendre
la bataille contre le pouvoir des ténèbres qui s'est incarné dans la juiverie
mondiale.” »
Lire aussi, sur l’arménophilie d’extrême droite :
L’arménophilie
d’Alfred Rosenberg, inspirateur et ministre d’Hitler
L’arménophilie
du nazi norvégien Vidkun Quisling
L’arménophilie
fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi
L’arménophilie
du régime de Vichy
L’arménophilie-turcophobie
d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal
La
place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien
Dissolution
du groupuscule néonazi « Les zouaves », fervent soutien du nationalisme
arménien
Sur des héritiers idéologiques d’Amin al-Husseini :
L’arménophilie
de Mahmoud Abbas
La
« brigade Nubar-Ozanyan » soutient le Dijihad islamique palestinien contre
Israël
Sur d’autres arménophiles obsédés par les « complots juifs » :
«
L’Assiette au beurre » : soutien à la cause arménienne, turcophobie et
antisémitisme prénazi
Albert
de Mun : arménophilie, antidreyfusisme et antisémitisme
Auguste
Gauvain : arménophilie, grécophilie et croyance dans le « complot
judéo-bolchevique »
Le
complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux
L’helléniste
Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble
connu)
Sur les amis arméniens de Johann von Leers :
La
popularité du fascisme italien et du nazisme dans la diaspora arménienne et en
Arménie même
La
collaboration de la Fédération révolutionnaire arménienne avec le Troisième
Reich
Le
Hossank, l’autre parti nazi arménien
Le
racisme aryaniste, substrat idéologique du nationalisme arménien
Les
massacres de Juifs par les dachnaks en Azerbaïdjan (1918-1919)
Sur les racines de l’antisémitisme arménien contemporain :
L’antisémitisme
arménien à l’époque ottomane dans le contexte de l’antisémitisme chrétien
1897
: le choc entre le loyalisme juif à l’État ottoman et l’alliance
gréco-arménienne
Aram
Turabian : raciste, antisémite, fasciste et référence du nationalisme arménien
en 2020
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