mardi 26 janvier 2021

La Cour constitutionnelle belge rejette les prétentions liberticides du Comité des Arméniens de Belgique


 

Cour constitutionnelle belge, Arrêt n° 4/2021 du 14 janvier 2021 :

« I. Objet des recours et procédure

a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 juillet 2019 et parvenue au greffe le 11 juillet 2019, Luc Lamine a introduit un recours en annulation totale ou partielle de l’article 115 de la loi du 5 mai 2019 « portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code pénal social » (publiée au Moniteur belge du 24 mai 2019).

b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 novembre 2019 et parvenue au greffe le 12 novembre 2019, Alphonsius Mariën a introduit un recours en annulation de la même disposition légale.

[…]

f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 novembre 2019 et parvenue au greffe le 26 novembre 2019, un recours en annulation de la même disposition légale a été introduit par Serge Artunoff, Yalim Bogoz, Cengiz Demirci, Taniyel Dikranian, Yahni Harutyun, Mariam Nersessian, Kirikur Okmen, Peter Petrossian, Serco Proudian, Noebar Sipaan, Karen Tadevosyan, Roza Tadevosyan et Nicolas Tavitian [président du Comité des Arméniens de Belgique ; les requérants aux noms turcs sont des Arméniens belgo-turcs], assistés et représentés par Me E. Van Nuffel, avocat au barreau de Bruxelles.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7229, 7278, 7283, 7302, 7303 et 7308 du rôle de la Cour, ont été jointes.

Des mémoires ont été introduits par :

- le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (UNIA), assisté et représenté par Me M. Kaiser, Me M. Verdussen et Me C. Jadot, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante dans l’affaire n° 7308);

- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me J. Vanpraet, Me B. Van den Berghe et Me R. Veranneman, avocats au barreau de Flandre occidentale (dans toutes les affaires).

Les parties requérantes dans les affaires nos 7283, 7302, 7303 et 7308 ont introduit des mémoires en réponse.

Des mémoires en réplique ont été introduits par :

- le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (UNIA) ;

- le Conseil des ministres (dans les affaires nos 7283, 7302, 7303 et 7308).

[…]

Quant au fond

A.8. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, et des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que la disposition attaquée n’est applicable qu’aux crimes établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale.

Cette limitation du champ d’application de la disposition attaquée sur la base du critère selon lequel les crimes doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale » a pour effet d’exclure le génocide arménien de la protection offerte. La disposition attaquée est donc contraire à la reconnaissance du génocide arménien par la Belgique, par une résolution de la Chambre des représentants du 23 juillet 2015 et par une résolution du Sénat du 26 mars 1998. Dans la mesure où le législateur avait reconnu le génocide arménien - fût-ce par un acte politique -, il ne pouvait faire usage de la faculté, offerte par l’article 1er, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 « sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal » (ci-après : la décision-cadre 2008/913/JAI), de limiter la punissabilité de la négation et de la minimisation à des crimes établis par une juridiction internationale, sans qu’existe une justification à cet égard [Précisons ici que dans ce paragraphe et les autres de la section A.8, la Cour constitutionnelle ne fait que résumer les arguments présentés par le Comité des Arméniens de Belgique ; elle les réfute plus bas].

Le critère de distinction retenu n’est ni pertinent, ni raisonnablement justifié. Ainsi, la référence faite par le législateur au principe de non-rétroactivité n’est pas pertinente. Le législateur confond donc l’acte qu’il souhaite sanctionner (la négation, la minimisation, l’apologie) et son objet (le crime de génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre). Dans la mesure où le législateur renvoie aux obligations qui découlent de la décision-cadre 2008/913/JAI, les parties requérantes observent qu’en matière de droits fondamentaux, les normes internationales n’énoncent que des prescriptions minimales, et que les États membres ont toujours la faculté d’offrir une protection plus étendue. De plus, l’article 1er, paragraphe 4, de la décision-cadre précitée ne fait qu’offrir aux États membres la faculté de limiter l’incrimination aux crimes établis par une juridiction internationale, sans les y obliger. La transposition tardive de cette décision-cadre n’offre pas non plus de justification puisque le délai pour y procéder a déjà expiré le 28 novembre 2010, et que le retard n’est imputable qu’au législateur lui-même. Le délai qui s’est écoulé depuis les faits ne saurait justifier davantage leur exclusion de la protection offerte. En droit international, il est en effet admis qu’un juge considère un événement comme étant prouvé si les faits allégués permettent de l’établir « hors de tout doute raisonnable ». Le génocide arménien a ainsi été établi « hors de tout doute raisonnable ».

Le critère selon lequel les crimes doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale » n’est pas non plus nécessaire pour garantir le caractère prévisible de l’incrimination. Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’incrimination de la négation de crimes contre l’humanité que l’existence de ces crimes peut être établie sur la base de la notion de « fait clairement établi », qui peut par exemple résulter du consensus entre historiens [Mensonge : seuls la Shoah et certains autres crimes nazis, sur la base, notamment, du verdict rendu à Nuremberg en 1946, sont qualifiés de « faits clairement établis » dans des décisions de la CEDH]. Les parties requérantes soulignent à cet égard qu’un historien et un juge recourent aux mêmes méthodes pour établir les faits examinés : dans les deux cas, la confrontation des faits fait surgir la vérité. La limitation à des crimes établis comme tels par une juridiction internationale semble donc poursuivre un but étranger à l’objectif de la loi de combattre le racisme et la xénophobie. Cette limitation garantit le respect de décisions coulées en force de chose jugée et ne protège donc pas tant les faits proprement dits, mais leur qualification par une juridiction internationale.

En outre, la différence de traitement fondée sur le critère selon lequel le crime a été établi par une juridiction internationale ou non serait disproportionnée. En effet, l’exclusion d’un crime non établi par une juridiction internationale a pour conséquence que la négation de ce crime n’est plus sanctionnée et que la victime du crime est perçue comme le falsificateur. Les faits du génocide arménien seraient en outre similaires voire identiques à des faits qui ont été commis ultérieurement au siècle dernier et qui, eux, ont fait l’objet d’une décision rendue par une juridiction internationale. Il est significatif à cet égard que l’holocauste soit considéré [par qui et sur quels critères ?] comme une répétition du génocide arménien.

Enfin, la limitation à des crimes « établis comme tels par une juridiction internationale » n’est pas nécessaire pour protéger la liberté d’opinion. En effet, la disposition attaquée ne sanctionne pas comme telle la négation du crime en tant que fait historique, mais le caractère haineux de propos incitant à la haine ou à la violence vis-à-vis d’un groupe donné. La circonstance que le crime nié a été établi comme tel ou non par une juridiction internationale est donc sans pertinence. Un crime contre l’humanité peut également être établi avec certitude sur la base d’autres critères, sans que le juge saisi de la négation punissable de ce crime doive encore se prononcer sur l’existence de ce crime.

[…]

B.15.2. Sur la question spécifique de l’incrimination de comportements négationnistes, la Cour européenne des droits de l’homme précise que, pour mettre les intérêts en balance, il faut tenir compte de la nature des déclarations tenues dans le cadre des propos contestés, des contextes géographique et historique dans lesquels est opérée la restriction à la liberté d’expression, de la mesure dans laquelle les propos ont heurté les droits des intéressés, de l’existence ou non d’un consensus parmi les États membres quant à la nécessité de recourir à des sanctions pénales à l’égard de propos de cette nature, à l’existence de règles de droit international en la matière et de la gravité de l’ingérence dans la liberté d’expression (CEDH, grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § 228).

B.16. La Cour [constitutionnelle belge] doit examiner si la disposition attaquée, en ce qu’elle limite l’incrimination qu’elle prévoit de l’acte de nier, de minimiser grossièrement, de chercher à justifier ou d’approuver des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre à des crimes qui ont été « établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale », est compatible avec les dispositions constitutionnelles et conventionnelles, citées par les parties requérantes, qui garantissent le droit au respect de la vie privée, compte tenu de ce que cette disposition pénale limite la liberté d’expression.

[…]

B.17.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a jugé opportun de recourir à ce critère, « étant donné que ni la décision-cadre, ni le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, n’imposent de limitation quant à la portée ratione temporis de l’infraction de négationnisme à insérer en droit interne » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3515/001, p. 155).

En limitant la disposition pénale attaquée aux crimes « établis comme tels par une décision  définitive rendue par une juridiction internationale », le législateur a ainsi voulu préciser dans des termes offrant une sécurité juridique suffisante les crimes pour lesquels les comportements négationnistes cités sont punissables. Le législateur a donc voulu respecter le principe de légalité en matière pénale qui découle des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution et de l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et qui procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est punissable ou non.

B.17.3. Compte tenu du fait que la disposition attaquée, en ce qu’elle porte atteinte à la liberté d’expression et en ce qu’elle est une loi pénale, appelle une interprétation restrictive, il ressort de ce qui précède que le choix opéré par le législateur de faire usage de la faculté offerte par l’article 1er, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/913/JAI de limiter l’incrimination sur la base du critère selon lequel les crimes visés doivent avoir été « établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale », n’est pas sans justification raisonnable.

B.18. La disposition attaquée ne viole dès lors pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le moyen unique n’est pas fondé.

Par ces motifs,

la Cour rejette les recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 janvier 2021. »

 

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samedi 23 janvier 2021

L’obsession raciste dans le discours politique en Arménie


 Statue du criminel nazi Garéguine Nejdeh, inaugurée à Erevan en 2016


Sahag Sukiasyan, « Le peuple arménien et la démocratie responsables de la défaite ? », armenews.com, 23 janvier 2021 :

« Certains acteurs et observateurs de la vie politique en appellent maintenant à une véritable “purification ethnique” interne. Ainsi, Aram Gabrielianov, le fondateur de “WarGonzo”, une grande société de médias russe, propose sans sourciller de vérifier l’appartenance ethnique de certains responsables politiques arméniens : “Pachinian, Anna Hakobian, Andranik Kocharian, Arman Babadjanian et tous les députés de la fraction du parti Mon pas devraient se soumettre à un test ADN” (Pasd-Info – 12 Novembre 2020).

Le 18 janvier, dans un article qu’il publie sur le site “1-In am”, le journaliste Aram Amadouni s’interroge sur ces nouvelles “tendances” de la vie politique arménienne qui nous font non seulement toucher les bas-fonds de la pensée, mais accréditent une fois de plus l’idée que les Arméniens, et leur désir mortifère de démocratie, seraient eux-mêmes les causes de la catastrophe. Amadouni écrit : “Vahram Baghdassarian, l’ancien chef de la fraction du Parti Républicain d’Arménie au Parlement déclarait récemment que si après tout cela, le peuple arménien ne descend pas dans la rue contre Nikol Pashinyan, on est alors en droit de douter de la qualité du sang du peuple arménien.” »


Rien n’autorise à considérer ces déclarations comme des délires isolés, ou comme des conséquences de la seule défaite :

La Fédération révolutionnaire arménienne rend encore hommage à son ex-dirigeant Garéguine Nejdeh (nazi)

Le regard sans complaisance de Nune Hakhverdyan et Arman Grigoryan sur la situation intellectuelle en Arménie et en diaspora

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mercredi 20 janvier 2021

Les promoteurs de la loi du 29 janvier 2001 savaient, avant son adoption, qu’elle était inconstitutionnelle

 



Ara Krikorian, « L’action du Comité de défense de la cause arménienne et la reconnaissance du génocide des Arméniens », Haïastan, 29 juin 2020 :

« Pour bien appréhender la mécanique parlementaire, le CDCA [Comité de défense de la cause arménienne, créé en 1965 par la Fédération révolutionnaire arménienne] décide, sur les conseils de Me [Gérard] Tcholakian (AFAJA), de commander une étude à Patrick Gaïa, expert en droit constitutionnel à la Faculté d’Aix-en-Provence. Sans mésestimer la complexité des règlements du Parlement, Patrick Gaïa fait ressortir, dans son excellente étude d’une vingtaine de pages, deux difficultés de taille susceptibles d’entraver le cours de la procédure. La première, d’ordre strictement constitutionnel, porte sur l’habilitation des parlementaires à se prononcer sur des questions de politique étrangère. Cette remarque renvoie immédiatement à la seconde objection. Selon l’article 20 de la Constitution, la responsabilité de la politique étrangère relève exclusivement du pouvoir exécutif, un pouvoir partagé entre le président de la République Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin. Cependant, en pleine période de cohabitation, aucune des deux têtes de l’exécutif ne souhaite manifestement se prononcer sur ce sujet ultrasensible. »

 

Le principe de séparation entre l’exécutif et le législatif est effectivement l’une des multiples raisons pour lesquelles la « loi » du 29 janvier 2001 est un monstre juridique, une caricature de texte inconstitutionnel :

« Ce ne sont pas seulement l’article 34 et la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire qui sont méconnus par la loi du 29 janvier 2001. Tout aussi grave est l’usurpation par le législateur de compétences concernant les relations internationales et la conduite de la diplomatie. Comme c’est le cas dans beaucoup de démocraties, si le Parlement et le législateur ont, en France, à intervenir dans ces matières, c’est dans des conditions et sous des formes qui excluent que le législateur français puisse représenter l’État souverain et, par conséquent, se servir du subterfuge d’une formulation législative pour empiéter sur les attributions du président de la République et du gouvernement. » (Georges Vedel, « Les questions de constitutionnalité posées par la loi du 29 janvier 2001 », dans Didier Mauss et Jeanette Bougrab (dir.), François Luchaire, un républicain au service de la République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2005, p. 47).

 

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La résolution adoptée en 1987 par le Parlement européen sur le prétendu « génocide arménien » est dépourvue de toute valeur juridique

mardi 19 janvier 2021

Hrant Dink : entre racisme antiturc et refus de l’irrédentisme arménien

 Hrant Dink, éditorial paru dans Agos, 13 février 2004 :

« La meilleure façon de créer de nouveaux mots forgeant l’identité arménienne consiste à aider l’Arménie. Une fois que le “Turc” sera retiré, nous aurons, au lieu de ce sang empoisonné, du bon sang propre, coulant dans les artères des Arméniens, créées avec l’Arménie. »

ð  Pour ceux qui crient « Contexte ! Contexte ! », comme si ce seul mot feraient disparaître la phrase au goût nazi citée ci-dessus : le contexte ne fait que l’aggraver. Hrant Dink parlait textuellement de « soutenir l’Arménie » en 2004, c’est-à-dire presque quatre ans après l’érection, près d’Erevan, du mausolée de Drastamat « Dro » Kanayan, général de Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale ; et presque trois ans après la réception, en grande pompe, par le Premier ministre arménien de l’époque, de Varoujan Garbidjian, le boucher d’Orly. Dink n’a d’ailleurs jamais cherché à faire croire, par le moindre article, qu’il réprouvait les attentats de l’ASALA et des CJGA, ou qu’il était en désaccord avec la glorification obsessionnelle des nazis Dro et Garéguine Nejdeh, exactement ce qui enkyste le plus la haine, alors que les enfants ne naissent pas plus pour haïr à Erevan qu’ailleurs. Bien au contraire, dans un de ses derniers articles, il présentait comme scandaleux le slogan « Dieu maudisse l’ASALA ».

 

 Hrant Dink, déclaration pour le documentaire Sarı Gelin, 2005 :

« Les Arméniens ont-ils tué les Turcs ? Oui. Ils l’ont fait en 1918, avec les Russes, ils ont pris leur revanche. Revanche… Je maudis ce mot. »

ð  En quelques phrases, il niait ainsi, sans le commencement d’un argument, tous les massacres de civils musulmans commis par les nationalistes arméniens avant 1918, notamment ceux de 1914, 1915 et 1916. Par comparaison, même un historien aussi résolument antiturc que Donald Bloxham parle sans équivoque de ceux de 1916, devant la masse de sources britanniques à ce sujet (Donald Bloxham, The Great Game of Genocide, Oxford-New York, Oxford University Press, 2009, p. 100 et 103-105). Dans le « dialogue », la « paix » et la « réconciliation » selon Dink, il ne saurait être question d’évoquer seulement les centaines de milliers de Turcs et autres musulmans massacrés avant 1918 ; quant aux tueries de cette année-là, elles devraient être à moitié excusées, comme de simples actes de « revanche ». On rappellera au passage que ce partisan autoproclamé du « dialogue » ne publiait, dans sa feuille Agos, que des auteurs tels que le falsificateur de sources Taner Akçam, alors même que certaines de ses falsifications avaient été exposées par l’historien Ferudun Ata au colloque contradictoire d’İstanbul Üniversitesi, en avril 2006, devant un Ara Sarafian et un Hilmar Kaiser (deux historiens partisans de qualification de « génocide ») fort peu soucieux de défendre M. Akçam. Dink, qui ne pouvait ignorer ce qui s’était dit lors de ce colloque, agissait donc en toute connaissance de cause.

 

Même déclaration pour le même documentaire :

« D’abord, la question du Karabakh doit être résolue. L’Azerbaïdjan, la Turquie, l’Arménie, la Russie et peut-être les États-Unis doivent se concerter sur ce problème. Je le dis clairement, l’Arménie doit se retirer des territoires occupés. »

ð  Si cette déclaration est effectivement claire, elle semble tenir plus de la situation géographique de Dink que d’autre chose ; seul le refus des revendications territoriales pouvait lui donner, dans sa situation, une apparence de crédibilité auprès des naïfs.

 

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Le député Markar Esayan

 

Markar Esayan, « Önce ben özür dilerim », Milliyet, 19 décembre 2008 :

« Et moi en tant qu’Arménien, je ne me suis jamais considéré comme coupable ni responsable pour les meurtres commis par l’ASALA. Ni éprouvé le besoin de développer une quelconque empathie pour les assassins de musulmans dans l’Est du pays, meurtriers qui étaient venus avec les Russes après [sic] 1915. Au contraire, au nom de tous les gens qui ont été massacrés au cours des deux périodes, je ressens au moins autant de douleur, de tourment et de tristesse que j’en ai eus pour les Arméniens. »

 

« Turkish-Armenian deputy Markar Esayan among the new names in AK Party ruling board », Daily Sabah, 22 mai 2016 :

« Markar Esayan, membre du Parlement turco-arménien du Parti de la justice et du développement (AKP), élu de la deuxième circonscription d’Istanbul, figure parmi les nouveaux noms de membres du MKYK [bureau exécutif] du parti, annoncés lors de la convention d’urgence du parti.

Esayan fait partie des 23 nouveaux membres du MKYK, qui a subi une révision majeure lors de la convention d’urgence au cours de laquelle Binali Yıldırım a été élu nouveau président du parti AK avec 1 405 des 1 470 voix des délégués.

Nommé candidat pour les élections législatives du 7 juin et du 1er novembre [2015, le Parlement ayant été automatiquement dissous après les échecs, en juin, des discussions entre l’AKP et le CHP, puis entre l’AKP et le MHP, pour former un gouvernement de coalition], Esayan a été élu au Parlement les deux fois. »

 

« President Erdoğan attends Markar Esayan’s funeral », tccb.gov.tr, 22 octobre 2020 :

« Le président Recep Tayyip Erdoğan a assisté aux funérailles du député AKP d’İstanbul Markar Esayan organisées à l'église arménienne de la Vierge Marie de cette ville.

À son arrivée à l'église, le président Erdoğan a été accueilli par le 85e patriarche arménien de Turquie Sahak Maşalyan. Accompagné de la première dame Emine Erdoğan, du ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu, du ministre de la Justice Abdulhamit Gül, du ministre de la Santé Fahrettin Koca, du ministre de la Culture et du Tourisme Mehmet Nuri Ersoy, le Président Erdoğan s'est rendu au Patriarcat arménien de Turquie.

À la suite de sa rencontre avec le patriarche Maşalyan, le Président Erdoğan est retourné à l’église arménienne de la Vierge Marie pour les funérailles de M. Esayan. »

 

Soner Çağaptay, The Rise of Turkey: The Twenty-First Century’s First Muslim Power, Lincoln (Nebraska), Potomac Books/University of Nebraska Press, 2014, p. 120 :

« Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, des dizaines de milliers de citoyens de la République d’Arménie sont arrivés à İstanbul pour y chercher un emploi. Ce flux est si important que ces immigrés sont désormais plus nombreux que les 60 000 Arméniens stambouliotes de nationalité turque. En réponse, Ankara a récemment modifié sa législation pour permettre aux enfants de ces immigrés sans papiers [sans papiers car la Turquie et l’Arménie n’entretiennent aucune relation diplomatique] d’accéder au système éducatif turc. »

 

« Exhibition organized by Turkish Ministry of Foreign Affairs traces 800 years of shared history between Turkish and Armenian communities in Anatolia », Flint-culture.com, 8 avril 2016 :

« Le 7 avril 2016, une exposition intitulée “Le temps de se souvenir et non d’oublier” s’ouvre au public au Centre culturel et artistique Tophane-i Amire à Istanbul. Organisée par le ministère turc des Affaires étrangères, l’exposition vise à mettre en lumière 800 ans d'histoire partagée entre les Turcs et les Arméniens.

L’exposition comprendra des cartes postales rares des archives d’Orlando Carlo Calumeno, la plus grande collection de cartes postales ottomanes au monde. Les cartes postales sélectionnées révèlent la période multiculturelle de l’Empire ottoman, aux côtés d'un riche matériel visuel et de documents d'archives. L’exposition cherche à retracer la vie commune de deux nations qui ont coexisté en Anatolie pendant des centaines d'années, et leur rappelle leurs joies et leurs peines, leurs cultures communes ainsi que l'importance de ce patrimoine commun. »


« Four Armenians to Take Part in Turkey’s Upcoming Elections », The Armenian Weekly (Boston), 31 mai 2018 :

« Elmas Giragos — membre fondatrice du İYİ Parti — participera également aux élections. Fondé en octobre [2017], le İYİ est décrit comme une alternative nationaliste, conservatrice libérale, laïque et anti-Erdoğan pour les électeurs de droite désabusés par le Parti du mouvement nationaliste (MHP) [passé de l’opposition à la majorité] et l’AKP au pouvoir. »

 

Siranush Ghazanchyan, « St. Giragos Armenian Church in Diyarbakir being restored », en.armradio.am (site de la radio publique d’Arménie), 18 décembre 2019 :

« L’église arménienne Saint-Giragos, située dans l’arrondissement de Sur à Diyarbakir (Tigranakert) est en cours de restauration, rapporte l'agence Tarafsız Haber.

La rénovation a été initiée par le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisation. Le sous-préfet de Sur, Abdullah Ciftci, a fourni 30 millions de livres turques (environ 5 millions de dollars des États-Unis) pour la restauration de quatre églises de la région.

L’église a été construite en 1376 ; elle est connue pour être la plus grande église arménienne du Proche- et Moyen-Orient. Elle a été utilisée par l’armée allemande comme quartier général pendant la Première Guerre mondiale et a été convertie en entrepôt après la guerre.

Entre les années 1960 et 1980, la communauté arménienne a obtenu sa propriété mais en raison de l'immigration massive vers les zones urbaines [ce qui signifie que des Arméniens turcs étaient encore en nombre significatif dans ce département jusque dans les années 1980], l’église est restée déserte pendant plusieurs années.

Elle a été rénovée et a rouvert avec le soutien du patriarcat arménien de Constantinople en octobre 2011, mais a été gravement endommagé en septembre 2015 à la suite des affrontements entre les Kurdes [du PKK] et l’armée turque. »

 

 

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Le rôle des Arméniens loyalistes dans l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

L’assassinat du maire de Van Bedros Kapamaciyan par la Fédération révolutionnaire arménienne (1912)

lundi 18 janvier 2021

1963 : la Fédération révolutionnaire arménienne tente d’assassiner un archevêque



« Attentat contre l'archevêque orthodoxe arménien de Damas », Le Monde, 17 avril 1963 :

« Damas, 16 avril (A.F.P.).- Quatre Arméniens appartenant au parti tachnakk (d'extrême droite) [Fédération révolutionnaire arménienne] ont pénétré dans les locaux de l'archevêque arménien orthodoxe de Damas et ont tiré plusieurs coups de revolver sur le prélat, Mgr Charvache Kouyoumdjian, qui a été atteint au bras droit, à la hanche et à la jambe. Il serait dans un état grave.

Mgr Charvache Kouyoumdjian, qui est le chef de la communauté arménienne orthodoxe de Damas, a été transporté d'urgence à l'hôpital.

La police a ouvert une enquête et poursuit activement ses recherches pour retrouver les auteurs de l'attentat. »


Cet attentat raté, comme l’assassinat de l’archevêque L. Tourian (1933), commis par sept de ses membres (dont le secrétaire de la section de New York), n’a jamais empêché la FRA, depuis 1965, d’entonner l’air des « gentils chrétiens contre les méchants Turcs musulmans ».


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dimanche 17 janvier 2021

Les Arméniens turcs et l’émergence de l’accusation de « génocide »


 

Nubar Gulbenkian (millionnaire vivant entre Londres, Cannes et İstanbul, fils de Calouste Gulbenkian), entretien à Hürriyet, 24 avril 1965, traduit dans Réalités exprimées par des Arméniens turcs, İstanbul, Jamanak, 1980, p. 17 :

« Personne ne désire que les évènements oubliés soient ranimés. D’ailleurs, les provocations de cette sorte ne viennent pas de l’intérieur mais de l’extérieur. De toute façon, je suis sûr que même un seul Arménien ne servira pas d’instrument aux provocations extérieures de cette sorte.

Nous tous, nous sommes nés en Turquie. Nous avons reconnu la Turquie comme notre patrie. Aujourd’hui, nous avons reconnu la Turquie comme notre patrie [Nubar Gulbenkian a effectivement demandé puis obtenu la nationalité turque]. Aujourd’hui, en Turquie, il n’y a aucune distinction entre les Turcs et les Arméniens. Les Arméniens y mènent une vie pleine de tranquillité et de sécurité. Ils ne seront jamais la dupe des jeux politiques. »

 

Torkom İstepanyan (réinstallé avec sa famille à Simav, dans la province de Kütahya, en 1915), Hepimize bir Bayrak, İstanbul, Tarla yayınevi, 1967, cité ibid., pp. 23-24 :

« Après une dizaine de jours que nous étions arrivés  Simav et installés dans une auberge, j’ai attrapé une dysenterie aigüe. Cette maladie m’avait épuisé. […]

En quelques secondes, un soldat a apparu à la porte. Juste au moment où ma tante allait lui parler, on a entendu une voix en haut de l’escalier ordonnant au soldat : “Fais monter vite le malade ici !” Le médecin [Hüseyin Bey] lui a dit : “Ne vous en faites pas ma petite ! Vous allez voir votre malade dans peu de temps grimper ces arbres.” (en montrant par la fenêtre les arbres d’en face). Et il a commencé à écrire une ordonnance pour moi. Pendant qu’il écrivait, ma tante, touchée des pensées du médecin, était en train de chercher son mouchoir dans ses poches pour essuyer ses larmes. Le médecin, croyant qu’elle voulait le payer, lui a dit : “Ma fille, sors vite ta main de ta poche, parce que moi, je ne reçois jamais d’argent de ceux qui se trouvent dans votre situation.” »

 

Şınorhk Kalustyan (patriarche de 1962 à sa mort, en 1990), entretien à Yeni İstanbul, 25 juillet 1968, cité ibid., p. 27 :

« En tant que compatriotes turcs, nous n’agissons que selon les intérêts de notre patrie sur chaque question concernant la Turquie. Qu’elles soient faites aux États-Unis ou n’importe où, toutes les manifestations et actions visant la Turquie nous tourmentent.

Aujourd’hui, les hommes ont à regarder l’avenir et non le passé. En tant qu’humain, mener une vie fraternelle doit être notre but. Nous sommes attachés à notre patrie, soit comme individu, soit comme communauté. Je prie toujours pour la prospérité et le progrès de notre patrie. »

 

Dr Andresiyan, entretien à Hergün, 31 mai 1969, cité ibid., p. 28 :

« En 1915, j’étais hospitalisé à l’hôpital militaire de Hayarpacha, parce que je faisais mon service militaire dans l’armée turque.

Tous les Arméniens [loyalistes] défendaient leur patrie côté à côte avec leurs frères musulmans dans les rangs de l’armée turque. Je suis un citoyen qui a connu l’époque du sultan Abdülhamit. Nous n’avons pas oublié la sympathie témoignée pour nous par l’administration ottomane et par les musulmans, ainsi que le respect montré aux droits civils des citoyens. La même sympathie et le même respect sont laissés en héritage à la jeune République turque. C’est injuste de faire semblant d’ignorer ceci et s’efforcer pour le voiler aux yeux du monde.

Nous, les Arméniens qui étions au service de l’État à chaque époque de l’Empire ottoman, nous nous inquiétons des propagandes subversives faites par des traîtres qui se trouvent parmi nous et les Arméniens qui vivent à l’étranger. Nous, qui sommes de même âge, avons vécu soit sur le territoire ottoman, soit sur celui de la République turque, nous ne nous sommes jamais sentis étrangers sur ces territoires, parce que personne ne nous a traités d’étrangers, sauf nos stupides frères arméniens vivant en France ou ailleurs. »

 

Levon Panos Dabağyan (cofondateur du Parti d’action nationaliste, MHP, avec Alparslan Türkeş), entretien à Son Havadis, 10 janvier 1970, cité ibid., p. 29 :

« Les communistes doivent notamment savoir qu’il est possible de trouver entre les Arméniens turcs quelques malheureux qui pourront leur servir de valets. Cela se peut dans n’importe quelle nation. Mais ils ne pourront jamais acquérir tous les Arméniens turcs. Nous sommes attachés à notre patrie : la Turquie.

Que l’on sache que nous sommes grégoriens de religion, mais que de nationalité, nous sommes turcs. »

 

Me Agop Binyat, avocat, entretien à Cumhuriyet, 22 février 1973, cité ibid., p. 34 :

« Je suis stupéfait [par le double assassinat du consul général de Turquie à Los Angeles et de son adjoint, commis par Gourgen Yanikian]. Je ne peux pas y croire. Je ne veux pas croire à l’assassinat commis par un maniaque, soi-disant écrivain [Yanikian avait commis quelques livres, bien avant son double crime], qui n’a pas encore tiré de leçon de l’histoire.

En un seul mot, ma douleur est insupportable. Le degré de la sincérité de mes paroles pourrait être apprécié par mes collaborateurs, qui travaillent pour moi depuis environ vingt-sept ans, dans le domaine de la politique, par les membres du barreau d’İstanbul, auquel j’adhère depuis près de vingt-quatre ans, par les juges et les membres distingués du conseil municipal d’İstanbul dont moi aussi j’étais membre à l’époque [1963-1968] où M. Hasim Işcan était le maire [CHP], et finalement par tous mes amis familiers. »


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vendredi 15 janvier 2021

Nicolas Sarkozy et les milliardaires russo-arméniens Sarkisov




Yann Philippin et Antton Rouget, « Les millions russes de Nicolas Sarkozy », Médiapart, 15 janvier 2021 :

« Selon nos informations, l’ancien président de la République, redevenu avocat après sa défaite à la présidentielle de 2012, a conclu en 2019 un contrat de conseil pluriannuel, dont le montant total s’élève à 3 millions d’euros, avec le groupe d’assurances russe Reso-Garantia, contrôlé par deux frères russo-arméniens, les milliardaires Sergey et Nikolay Sarkisov. […]

La justice cherche à vérifier si l’ancien chef de l’État a seulement agi comme consultant, ce qui serait parfaitement légal, ou s’il se serait adonné à des activités de lobbying potentiellement délictuelles pour le compte des oligarques russes.

Le family office des frères Sarkisov nous a répondu qu’ils sont “honorés de confirmer” que leur société d’assurances Reso-Garantia a embauché Nicolas Sarkozy en juillet 2019 en tant que “conseiller spécial” et “président du comité de conseil stratégique auprès du conseil d’administration”. Ils avaient, jusqu’ici, décidé de ne pas dévoiler publiquement cette information. […]

Sergey et Nikolay ont hérité de leur père la double nationalité russo-arménienne. Ils sont très engagés aux côtés de l’Arménie, y compris financièrement. Sergey a produit un documentaire sur le génocide arménien récompensé par un prestigieux Emmy Award. Selon leur family office, les deux frères ont même démissionné de leurs fonctions d’administrateur de Reso en 2013 pour devenir consuls d’Arménie. […]

Les frères Sarkisov sont de grands adeptes des paradis fiscaux, et pas seulement pour leurs sociétés. Selon nos informations, Sergey a obtenu dès 2010 la très convoitée résidence fiscale à Monaco, où l’impôt est égal à zéro. Son porte-parole nous a précisé qu’il vit dans la principauté depuis 2018, lorsqu’il a quitté les États-Unis à la fin de sa mission de consul. »

 

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La triple défaite des nationalistes arméniens devant le Conseil constitutionnel (2012, 2016, 2017)


mercredi 13 janvier 2021

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

  


Arthur Beylerian, Les Grandes Puissances, l’Empire ottoman et les Arméniens dans les Archives françaises (1914-1918), Paris, 1983 :

« L’un des faits les plus saillants de la Révolution de 1908 est le rôle précis et actif de certains représentants de l’importante communauté israélite de Salonique. Des personnalités juives et plus encore, des deunmehs, ont, dès la première heure, collaboré étroitement avec les Jeunes Turcs pour l’établissement du régime constitutionnel, entretenant avec eux des liens d’une confiance sans égale. Carasso, avocat, et plus tard député juif de Salonique, bien connu dans les milieux de la franc-maçonnerie occidentale, comptera ainsi parmi les figures de premier plan durant l’époque constitutionnelle de 1908 à 1918. Avec l’encouragement des Jeunes Turcs, Carasso fondera même plusieurs loges maçonniques à Salonique et Constantinople, recrutant les membres principalement dans les cercles du Comité Union et Progrès. Le cheïkh-ul Islam, lui-même, le plus grand dignitaire de la religion musulmane dans l’Empire Ottoman, sera initié dans la loge “Constitution” dont le vénérable est Djavid bey. Bien que le siège central du CUP soit à Constantinople, Salonique restera le foyer du mouvement jeune turc jusqu’à l’occupation grecque en 1912. » (p. XVI)

« L’influence des deunmehs chez les Jeunes-Turcs semble avoir été importante au point qu’après la défaite de l’Empire ottoman en 1918, le nouveau ministre turc de l’Intérieur Izzet bey en février 1919, avouait [sic] à un journaliste : “Les criminels ne sont pas les vrais musulmans, mais ce sont les deunmehs!” [les lecteurs attentifs auront noté l’usage de l’article défini : les dönmes] » (p. LVI)

 

Il a déjà été expliqué ici que le rôle des Juifs, des francs-maçons et des dönmes au Comité Union et progrès a été exagéré de manière démesurée par divers antisémites (britanniques, arméniens, grecs, maronites, islamistes, pseudo-libéraux…), et qu’en particulier, Emmanuel Carasso n’a jamais été « une figure de premier plan durant l’époque constitutionnelle, de 1908 à 1918 ». Il n’a, par exemple, jamais été membre du comité central (contrairement à l’Arménien Bedros Hallaçyan, par exemple). Quant aux loges créées par Carasso, elles servaient avant tout de lieu de réunion pour le CUP, quand il était encore dans l’opposition, car la police du sultan ne pouvait y pénétrer que difficilement.

Rappelons aussi que feu Beylerian s’appuyait sur les livres de Paul de Rémusat et Michel Paillarès, deux autres tenants de la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » : Arthur Beylerian, « L’échec d’une percée internationale : le mouvement national arménien (1914-1923) », Relations internationales, n° 31, automne 1982, p. 370. Or, Arthur Beylerian n’était pas n’importe qui : outre qu’il a été secrétaire de l’Association arménienne d’aide sociale (AAAS), il est cité régulièrement comme une référence incontestable. L’urologue Yves Ternon (par ailleurs manipulateur de source et qui s’appuie lui aussi sur les complotistes de Rémusat et Paillarès), la référence numéro 1 des militants arméniens en France, a ainsi écrit : « Je me mis aussitôt en rapport avec Arthur Beylerian pour lequel j’ai la plus grande estime et que je tiens pour l’un des chercheurs les plus compétents sur le génocide arménien. »

Le recueil cité ci-dessus a été réédité en 2018 par les éditions Sigest, propriété de Jean Varoujan Sirapian (figure du parti Ramkavar et très marqué du côté d’Alain Soral), avec une postface laudative de Raymond Kévorkian, également Ramkavar et référence numéro 2 des militants arméniens en France, depuis les années 1990. Les passages cités ci-dessus sont également reproduits sur le site de Nil Agopoff, ancien dirigeant du Conseil de coordination des associations arméniennes de France, figure du parti Hintchak — et antisémite profond, comme les lecteurs réguliers de ce blog ont déjà pu le constater.

 

Lire aussi :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

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Le regard sans complaisance de Nune Hakhverdyan et Arman Grigoryan sur la situation intellectuelle en Arménie et en diaspora

 

Et sur l’héritage historique :

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

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De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian

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L’arménophilie fasciste, aryaniste et antisémite de Carlo Barduzzi

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L’arménophilie-turcophobie d’Édouard Drumont, « le pape de l’antisémitisme », et de son journal

L’arménophilie aryaniste, antimusulmane et antisémite de D. Kimon

Albert de Mun : arménophilie, antidreyfusisme et antisémitisme

Maurice Barrès : de l’antisémite arménophile au philosémite turcophile