mardi 30 mars 2021

L’« antisionisme » homicide de Monte Melkonian

 


Statue du terroriste Monte Melkonian en Arménie

 

Markar Melkonian, My Brother’s Road. An American Fateful Journey to Armenia, Londres-New York, I. B. Tauris, 2007, p. 106 :

« À l’inverse, les camarades de Monte [Melkonian] sont arrivés à tuer plusieurs centaines d’envahisseurs israéliens [c’est-à-dire des soldats des Forces de défense israéliennes envoyés à Beyrouth, en 1982, liquider les camps de terroristes palestiniens et de leurs alliés, notamment l’ASALA de Monte Melkonian] cet été-là et leur nombre augmentait régulièrement, même après que [le Premier ministre israélien Menahem] Begin eut procédé à un “redéploiement” sur des positions moins vulnérables. »

 

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lundi 29 mars 2021

Le vandalisme : une pratique centennale du nationalisme arménien

 


 Ce qu’il reste de la vieille ville de Van


Onnik Mukhitarian (cadre de la Fédération révolutionnaire arménienne avant et pendant la révolte de Van en avril-mai 1915), An Account of the Glorious Struggle of Van-Vaspouragan, Detroit (Michigan), General Society of Vasbouragan/Raven Publishers, 1967 (1re édition, en arménien, Sofia, 1930), 1re partie, p. 117 :

« Durant les trois jours suivants, du 16 au 18 mai [1915], le pillage et l’incendie volontaire continuèrent. […] Il était nécessaire de saccager et de détruire tous les quartiers habités par des Turcs, afin que ces derniers ne pussent plus nourrir aucun espoir de retour. »

 

Emory H. Niles et Arthur E. Sutherland (membres de la commission Harbord, chargés des provinces les plus orientales de l’Anatolie), rapport au gouvernement fédéral américain, 1919, National Archives and Records Administration, College Park, Maryland, reproduit dans Justin McCarthy, « The Report of Niles and Sutherland—An American Investigation of Eastern Anatolia after World War I », in XI. Türk Tarih Kongresi, Ankara, TTK, 1994, tome V, pp. 1809-1852 :

« Dans toute la région [entourant le lac de Van], nous avons été informés des dommages et des destructions commis par les Arméniens [de l’armée russe] qui, après que les Russes se retirèrent, restèrent occuper le pays et qui, lorsque l’armée turque [ottomane] avança, détruisirent tout ce qui appartenait aux musulmans. Par ailleurs, les Arméniens sont accusés d’avoir commis des meurtres, des viols, des pillages et d’horribles atrocités à l’encontre de la population musulmane. Au début, nous avons accueilli ces récits avec incrédulité, mais nous sommes finalement arrivés à les tenir pour vrais, car les témoignages furent absolument unanimes, et sont corroborés par des preuves matérielles. Par exemple, le seul quartier demeuré intact à Van et Bitlis, c’est le quartier arménien, comme cela peut être démontré par la présence d’églises et d’inscriptions caractéristiques sur des maisons, alors que les quartiers musulmans sont entièrement détruits. […] Nous considérons comme incontestable que les Arméniens furent coupables contre les Turcs de crimes de même nature que ceux dont les Turcs sont coupables contre les Arméniens. […] » (pp. 1828-1829)

« Sans nous perdre dans le récit détaillé de nos enquêtes, l’un des faits les plus marquants qui ont retenu notre attention, c’est qu’en chaque lieu, de Bitlis à Trébizonde [Trabzon], dans cette région que nous avons traversée, les Arméniens commirent contre les Turcs tous les crimes et toutes les atrocités commises par des Turcs à l’encontre d’Arméniens.

Au début, nous accueillîmes ces récits avec un grand scepticisme, mais l’unanimité des témoins, le désir évident que ceux-ci avaient de parler de ce qu’ils avaient subi, la haine des Arméniens, et, surtout, les preuves matérielles nous ont convaincus de la véracité générale des faits suivants : premièrement, des Arméniens ont massacré des musulmans en grand nombre, avec bien des raffinements de cruauté ; et, deuxièmement, les Arméniens sont responsables du plus grand nombre de destructions dans les villes et les villages. » (p. 1850)

 




Le district de Zanguezour, région contestée entre Arméniens et musulmans tatars, juin 1919, Archives du ministère des Affaires étrangères, La Courneuve, P 16672 :

« La région du Zanguézour a été réellement le champ de bataille sur lequel l’Arménie a porté ses forces les plus vives. Le général ANDRONIK [Antranik Ozanian], dont le caractère et l’autorité sont énormes, a une petite armée de quelques milliers d’hommes, disciplinés et bien ravitaillés. Il est craint dans tout le district. Les Tatars [Azéris] ont subi du fait des Arméniens des exactions. Les comités nationaux arméniens, loin de faire une politique d’entente, ont laissé sciemment détruire plus de 40 villages tatars ; leurs membres assistaient au pillage et en tiraient bénéfice. »

 

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Aziz Zemouri, « Une plainte en France contre les “combattants français” du Haut-Karabakh », Lepoint.fr, 29 décembre 2020 :

« Gilbert Minassian, un Français de 64 ans, condamné à une peine de prison à perpétuité en 1989 après un braquage datant de 1984 destiné à financer les actions terroristes de l'Armée secrète arménienne pour la libération de l'Arménie (Asala), est lui aussi dans la ligne de mire de l'Azerbaïdjan. L'Asala, de sinistre mémoire, avait commis un attentat à l'aéroport d'Orly en 1983 qui a tué huit personnes et blessé une cinquantaine d'autres. Minassian a rejoint l'Arménie le 9 octobre en vue de se battre aux côtés des Arméniens du Karabakh, comme il l'a annoncé au journal Libération avant de quitter Paris. »

 

Markar Melkonian, My Brother’s Road. An American Fateful Journey to Armenia, Londres-New York, I. B. Tauris, 2007, pp. 166-167 :

« Le 10 janvier 1989, Monte [Melkonian, condamné en France à six ans de prison pour association de malfaiteurs, en relation avec une entreprise terroriste, détention illégale d’arme à feu et d’explosifs, etc.] fut informé qu’il serait expulsé depuis Paris vers New York dans les trois jours. […]

Un contact en France m’avait déjà informé, via une ligne téléphonique que nous espérions être à l’abri des écoutes, que Monte risquait d’être extradé vers les États-Unis [et d’y être à nouveau condamné, mais cette fois pour des infractions plus graves]. […]

Heureusement pour mon frère, je n’étais pas le seul dans ce cas [c’est-à-dire à tenter quelque chose pour empêcher cette extradition] : son camarade Shishko [Gilbert Minassian], perdu de vue depuis longtemps, était déjà entré en action depuis des mois. Un an et demi plus tôt, le Marseillais s’était évadé et avait fui en Grèce puis en Yougoslavie avec des pièces d’identité falsifiées. (Au fil des ans, Shishko s’est retrouvé à posséder pas moins de quarante-sept passeports, pour la plupart des faux.) Pendant ce temps, un cour [la cour d’assises] d’Aix-en-Provence l’avait condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Maintenant que les avocats de Monte [principalement Henri Leclerc] combattaient son extradition vers les États-Unis par des moyens légaux, Shishko s’était embarqué dans une méthode plus directe. Depuis son arrestation en 1984, il avait tenté de convaincre les fonctionnaires français que lui, Monte et ses camarades s’étaient opposés à [Hagop] Hagopian [numéro 1 de l’ASALA jusqu’à sa mort en 1988, Monte Melkonian étant le numéro 2 jusqu’à la scission de 1983] parce qu’ils étaient contre les attentats tuant des non-combattants [affirmation doublement absurde : les diplomates turcs n’étaient pas des « combattants » ; et la clique Melkonian-Toranian-Minassian n’était, en fait, nullement opposée aux tueries dans les lieux publics : voir ci-dessous]. Pourtant, Chicheil et ses flics n’ont pas changé d’opinion : pour eux, tout militant [lire : terroriste] arménien était par nature aussi sanguinaire et sans principe qu’Hagopian ; et que l’opposition proclamée par Sishko et Monte [uniquement après la scission de 1983] au terrorisme aveugle n’était qu’un prétexte pour la lutte pour le pouvoir au sein de l’Armée secrète [arménienne pour la libération de l’Arménie, ASALA].

Sishko décida tourner le cynisme des flics à l’avantage de Monte. Faisant appel à tous ses talents d’acteur, qui sont considérables, le Marseillais entra dans une cabine téléphonique, quelque part en Yougoslavie, et grogna en s’adressant aux fonctionnaires français, à travers ces câbles à longue distance : si Monte était envoyé aux États-Unis, gronda-t-il, les Parisiens “nageraient dans le sang”. Et puisque lui, Sishko, avait été condamné à perpétuité, il se moquait bien de mourir en posant des bombes. Ou du moins, c’est qu’il a prétendu en parlant aux autorités françaises. En réalité, Shishko n’avait ni les moyens, ni l’envie de mettre cette menace à exécution. »

 

Les moyens sûrement pas, mais l’envie, c’est différent : les attentats de l’ASALA dans des lieux publics, destinés à faire un maximum de victimes, ont commencé en 1980 ; la scission n’a eu lieu que trois ans plus tard ; l’attentat d’Orly, perpétré le 15 juillet 1983 (le lendemain de la scission au Liban) avait été annoncé (avec jubilation), dès le 19 janvier de la même année, par le néofasciste Patrick Devedjian, membre de fait de l’ASALA (donc, les Melkonian, les Minassian et consorts étaient donc forcément au courant eux aussi). Sur l’inanité sur la thèse selon laquelle ceux qui firent scission de l’ASALA en 1983 étaient moins sanguinaires que les autres :

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vendredi 19 mars 2021

La stratégie de la tension conduite par l’ASALA : le plasticage de cibles arméniennes, suivi de fausses revendications


 


Laurent Greilsamer, « Les archives sanglantes du terrorisme arménien », Le Monde, 1er décembre 1986 :

« Son goût [celui de Monte Melkonian] pour les archives, ou tout simplement la nécessité d’en posséder, lui a, dès ce moment, joué des tours. Vendredi 28 novembre, devant la quatorzième chambre correctionnelle du tribunal de Paris, le président Jacques Ducos s’est fait un plaisir et un devoir de lui infliger la lecture partielle d’une sombre liste des “opérations spéciales” commises par l’ASALA, autrement dit l’Année secrète arménienne pour la libération de l’Arménie.

C’est ainsi que le président Ducros a révélé publiquement, que l’ASALA, sous le nom d’une prétendue Année islamique turque, avait organisé une série d’attentats, parfois meurtriers, contre des objectifs arméniens “pour tromper la communauté arménienne et engendrer une réaction antiturque extrême”, disent les archivistes.

Ce fut le cas, en mai 1981, contre un centre culturel, à Paris et, un mois plus tard, contre l’église arménienne d’Issy-les-Moulineaux, a précisé le magistrat.

Apparemment, l’ASALA ne voulait pas en rester là puisqu’elle a projeté, en 1980, de commettre une “opération spéciale” contre le Vatican et, en 1981, contre une église à Genève. »

 

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mercredi 17 mars 2021

Le mensonge selon lequel cinq des « documents Andonian » auraient été « authentifiés » au procès Tehlirian (1921)


 

 

Après les mensonges proférés par Soghomon Tehlirian, assassin de l’ex-grand vizir et ex-ministre ottoman de l’Intérieur Talat Pacha, lors de son procès (il prétendait avoir agi seul, alors qu’il faisait partie de Némésis, groupe terroriste créé par la Fédération révolutionnaire arménienne ; il prétendait avoir été déporté en 1915, alors qu’il a rejoint l’armée russe, dès 1914, depuis Belgrade, où il résidait ; etc.), voici un mensonge concernant le déroulé du procès lui-même.

  

Comité de soutien aux prisonniers politiques arméniens (c’est-à-dire aux terroristes ; ce comité était dirigé par Jean-Marc « Ara » Toranian), 1915. Le génocide des Arméniens, Paris, 1984, p. 77 :

« Seul Soghomon Teilirian [sic : il s’appelait Tehlirian et, parmi les terroristes de l’opération Némésis, Misak Torlakian, a également été arrêté] est arrêté et jugé à Berlin, les 2 et 3 juillet 1921. A l’issue d’un procès qui se transformera rapidement en procès de la “victime” (Talaat), Teilirian est acquitté. Son acte ne pèse rien face à l’énormité et l’évidence du crime de génocide (28).

Au cours du procès, plusieurs documents accablants mettant en évidence la responsabilité directe de Talaat sont présentés au tribunal, en particulier les télégrammes chiffrés adressés par Talaat à la préfecture d'Alep et ordonnant l’extermination des déportés [l’auteur anonyme parle ici de certains des faux publiés en 1920 par Aram Andonian]. Le télégramme suivant, figurant parmi les documents authentifiés et admis comme preuve par le tribunal de Berlin, se passe de tout commentaire.

__________

(28) “Minutes du procès de Tehlirian, traduit de l'allemand par Marcus Fisch” est paru sous le titre “Justicier du Génocide Arménien. Le Procès de Tehlirian”, Diasporas, Paris, 1981. Cet ouvrage contient également en annexe de nombreux documents et témoignages concernant le génocide arménien. »

 

Jean-Marie Carzou (Zouloumian), Arménie 1915, un génocide exemplaire, Paris, 2006, p. 329 :

« Il faut préciser en outre que, bien que l’accès aux archives turques soit également interdit pour cette période [mensonge grossier], on peut disposer d’un certain nombre de documents officiels, soit parce qu’ils ont pu être récupérés lors de la défaite turque de 1918 (c’est le cas des télégrammes reproduits dans l’ouvrage d’Aram Andonian — et nous ne citons que ceux qui ont été présentés et authentifiés à Berlin en 1921, lors du procès de Tehlirian) […]. »

 

Aurore Bruna, L’Accord d’Angora de 1921. Théâtre des relations franco-kémalistes et du destin de la Cilicie, Paris, Le Cerf, 2018, p. 184 :

« C’est la mise en place de l’opération Némésis qui rend la justice aux Arméniens. Soghomon Tehlirian assassine le grand vizir Talat pacha et grand ordonnateur de l’extermination des Arméniens [faute de syntaxe maintenue ici], à Berlin, où ce dernier s’était enfui. Les témoignages de Tehlirian [Mme Bruna ignore, ou fait mine de ne pas savoir, que Tehlirian a menti de bout en bout, par exemple en prétendant avoir agi seul], de Christine Terzibashian, Johannes Lepsius ou même du général Liman von Sanders [sic : voir ci-dessous quelques passages du témoignage en question, qui, au contraire, innocentait Talat], ainsi que les documents retenus, parmi lesquels 5 télégrammes chiffrés adressés par Talat à Naïm Bey [un festival : même le faussaire Aram Andonian, qui a publié ces « télégrammes », ne prétendait pas qu’ils fussent adressés au douteux « Naim Bey » en particulier], donnent une nouvelle dimension au procès, où le crime génocidaire de Talat et des Jeunes-Turcs [rappelons ici que l’Arménien Bedros Hallaçyan faisait partie des dirigeants jeunes-turcs…] est à son tour mis en accusation. Le tribunal acquitte Soghomon Tehlirian [pour folie, ce que Mme Bruna ne précise pas]. »

 

Ara Krikorian (éd.), Justicier du génocide arménien. Le procès de Tehlirian (traduction en français du compte-rendu du procès Tehlirian), Paris, Diasporas, 1981 :

« Déposition de l’expert Son Excellence Otto Liman von Sanders, 66 ans, protestant

Je voudrais ajouter quelques précisions d’ordre liminaire à ce qu’a dit M. le Dr. [Johannes] Lepsius.

À mon avis, tout ce qu’on appelle en général “massacres arméniens” peut se diviser en deux moments : le premier est sans aucun doute un ordre du gouvernement jeune-turc de procéder à la déportation des Arméniens [pas de tous]. De cet ordre, on peut rendre responsable le gouvernement jeune-turc, mais non lui en imputer toutes les conséquences. » (p. 127)

« En tout cas, je dois dire que, durant les cinq années que j’ai passées en Turquie, je n’ai jamais vu une seule signature de Talat contre les Arméniens. » (p. 130)

« Le défenseur [Adolf] von Gordon [avocat de Soghomon Tehlirian] (à S. E. Liman von Sanders) : Excellence, sans le dire positivement, vous avez fait comprendre que ce sont des fonctionnaires subalternes qu’il faut rendre responsables de tous les actes de cruauté ?

L’expert Liman von Sanders : Des cruautés, oui ; mais pas des déportations elles-mêmes.

Le défenseur von Gordon : Mon devoir m’oblige à répondre à ce que vous avez avancé en montrant 5 dépêches de la direction d’Alep [cinq des faux documents publiés par Aram Andonian en 1920].

(Le conseiller privé von Gordon va mettre ces dépêches sur la table.)

En demandant qu’on les considère comme des preuves, je vais lire ici deux de ces dépêches ; M. le professeur Lepsius les a vérifiées.

Le président : En les lisant ici, vous leur enlèverez leur valeur de preuve.

Le défenseur von Gordon : Mais je dois au moins dire leur sens. Les cinq dépêches prouvent que c’est Talat en personne qui a donné l’ordre d’exterminer tous les Arméniens, y compris les enfants. […] Je ne devrais faire vérifier les preuves que si les jurés n’étaient pas convaincus.

Le procureur : Je vous prie de refuser l’authentification. M. le président a déjà permis ici des explications assez vastes sur la responsabilité de Talat dans les cruautés envers les Arméniens. Cette question est tout à fait insignifiante. Car, à mon avis, il est hors de doute que l’accusé était persuadé de tuer en Talat celui qui portait la responsabilité de ces cruautés. Maintenant, la question est élucidée. Je pense aussi qu’il ne peut être question ici, dans ce tribunal, de la responsabilité de Talat. Car on prononcerait un jugement historique pour lequel il faudrait davantage de matériel que celui dont nous disposons.

Le défenseur Niemeyer [autre avocat de Tehlirian] : Je voudrais rappeler que Talat était le fonctionnaire le plus haut placé, c’est-à-dire le grand vizir [sic : Talat n’est devenu grand vizir qu’en 1917, donc après le déplacement forcé de 1915-1916]. Talat était le grand responsable de tout, on ne peut que le croire.

Le défenseur von Gordon : Après cette prise de position du ministère public et l’influence qu’elle a eue sur Messieurs les jurés, je crois que c’est le cœur gros que je vais me passer de cette demande de vérification. » (pp. 137-138)

« C’est pour cela que je [c’est ici le procureur qui prononce son réquisitoire] crois avoir le droit d’accorder la plus grande valeur à la déposition de l’autre expert, M. le général Liman von Sanders : il était sur les lieux à l’époque, avec un haut grade, et il très au courant de tout ce qui s’est passé. Ils nous a montré qu’il fallait bien distinguer les raisons qui ont dicté au gouvernement de Constantinople l’ordre de déportation et la manière dont cet ordre a été exécuté. Si le gouvernement de Constantinople a cru utile, pour des raisons d’État ou de nécessités militaires de prendre des mesures de déportation, c’est pour que les Arméniens ne les trahissent pas, pour qu’ils ne conspirent pas avec l’Entente et pour qu’ils n’attaquent pas les Turcs dans le dos et ne profitent pas de la situation pour exiger leur indépendance. […]

Il faut que je fasse cette digression pour faire remarquer que les témoins et les experts n’ont pas le droit de dire : “Il est prouvé que Talat Pacha est le responsable direct et conscient des actes de cruauté.” L’utilisation des documents produits ne peut pas non plus m’induire en erreur. Je sais, en tant que procureur, comment des documents portant des signatures de hautes personnalités sont apparus chez nous lors des troubles révolutionnaires et comment on a montré par la suite qu’ils étaient falsifiés. » (pp. 160-161)

 

Şinasi Orel et Sürreya Yuca, Les « Télégrammes » de Talat Pacha. Fait historique ou fiction ?, Paris, Triangle, 1986, pp. 95-99 :

« Cette partie sur les déportés de Malte est en rapport étroit avec les “documents” d’Andonian.

Celui-ci, nous l’avons vu, fondait “l’authenticité des documents” qu’il publiait sur la prétendue signature du préfet d’Alep, Mustafa Abdulhalik Bey.

De même on a vu que les forces britanniques qui occupaient Istanbul avaient exilé à Malte certains Turcs “qui avaient été estimés coupables des événements arméniens” pour y être jugés, et que ce même Mustafa Abdulhalik Bey était du nombre. […]

À la suite de l’armistice de Moudros du 30 septembre 1918, par lequel l’État ottoman acceptait la reddition, les pays de l’Entente qui avaient occupé Istanbul et certaines régions de I’Anatolie avaient procédé sous divers prétextes à des arrestations parmi les dirigeants ottomans. Parmi eux se trouvaient ceux qui étaient considérés comme responsables des “événements arméniens” [approximatif : seul le Royaume-Uni a procédé ainsi].

Les arrestations se faisaient d’après les listes préparées par les soins de la “section gréco-arménienne” qui travaillait auprès du Haut-Commissariat britannique à Istanbul et qui, dans cette besogne, n’épargnait aucun effort. Les Britanniques avaient transféré ensuite les détenus à Malte. Andonian précise dans l’édition française de son livre qu’il était au courant de ce développement:

“Au moment où j‘écris ces lignes, une nouvelle arrivée à Londres dit que les autorités anglaises de Constantinople [Istanbul], craignant sans doute qu’on ne cessât le procès et qu’on ne laissât en liberté tous ces criminels, les ont fait déporter à Malte dans un bateau spécial [51].”

Le préfet d’Alep, Mustafa Abdulhalik (Renda) Bey, a été déporté le 7 juin 1920 à Malte, et son numéro d’exilé était 2.800 [52].

Les pays de l’Entente avaient consacré, en outre, les articles 226 à 230 du traité de Sèvres du 10 août 1920, qu’ils avaient imposé au gouvernement ottoman, à la traduction en justice des “criminels de guerre ottomans”, y compris “ceux qui étaient tenus responsables des événements arméniens”.

[…] Comme on le voit, pas plus dans les archives des États-Unis qu’ailleurs les “preuves” que les Anglais cherchaient contre les déportés de Malte n’avaient pu être trouvées. Le Foreign Office, malgré tout, pour faire condamner les 42 personnes, dont le préfet d’Alep Mustafa Abdulhalik Bey, “responsables des événements arméniens”, avait tenté d’influencer le procureur général [de Sa Majesté en Angleterre et au Pays de Galle] en avançant la raison d’État et les “importantes nécessités politiques” ; le procureur général n’en avait pas moins persisté, à juste titre, à refuser de condamner qui que ce fût sur la base des “preuves” qu’il possédait et il en avait averti le Foreign Office par une lettre du 29 juillet 1921 [60].

La propagande étant battue par le droit, la question des «responsables turcs des événements arméniens» fut ainsi close et les déportés de Malte furent tous libérés.

L’un des 17 exilés rentrés de Malte en Turquie, à Inebolu, le 1er novembre 1921, à bord du Chrysanthemum fut Mustafa Abdulhalik Bey [61].

[…]

Le livre d’Andonian a été publié en Grande-Bretagne et en France en 1920. Cette parution, avec celle des “documents” prétendus “authentiques”, est arrivée juste au moment où les Britanniques cherchaient partout des preuves contre les déportés de Malte, fouillant les archives turques aussi bien que celles des États-Unis d’Amérique [il faut ajouter ici que des doubles de certains faux d’Andonian figurent au dossier d’accusation de plusieurs ex-dignitaires ottomans internés à Malte]. Il aurait suffi de quelques-uns seulement de des “documents” pour faire condamner nombre des prétendus responsables des “événements arméniens”, entre autres Mustafa Abdulhalik Bey. Pourquoi donc les Britanniques n’ont-ils pas accordé crédit à ces “documents” et cherché à les utiliser contre les déportés de Malte ? La réponse à cette question est simple : les Britanniques savaient que les “documents” étaient des faux et qu’ils avaient été fabriqués par les milieux [nationalistes] arméniens. »

 

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lundi 15 mars 2021

L’assassin et menteur Soghomon Tehlirian : un modèle récurrent pour le terrorisme arménien contemporain

 



 Soghomon Tehlirian (1897-1960) est un terroriste arménien, surtout connu pour avoir assassiné, le 15 mars 1921, à Berlin, l’ancien ministre de l’Intérieur et ancien Grand vizir Talat Pacha, pour avoir été acquitté (la cour d’assises ayant cru, à tort, qu’il était atteint de troubles mentaux le rendant pénalement irresponsable) et dans une moindre mesure pour avoir assassiné l’Arménien loyaliste Haroutiun Mugerditchian, un an plus tôt.

 

Christopher Gunn, « Getting Away with Murder: Soghomon Tehlirian, ASALA, and the Justice Commandos, 1921-1984 », dans Hakan Yavuz et Feroz Ahmad (dir.), War and Collapse: World War I and the Ottoman State, Salt Lake City, University of Utah Press, 2016, pp. 910-911 :

« Ce témoignage [de Tehlirian lors de son procès], cependant, pose un problème majeur qui est ignoré, passé sous silence ou simplement omis dans l’essentiel de la littérature [par exemple Jean-Marie Carzou (Zouloumian)[1]]. La preuve que tout le récit personnel qu'il a donné au tribunal de Berlin, sans doute l'un des rapports de témoins oculaires les plus célèbres sur les massacres d’Arméniens en 1915, a été complètement inventé. Contrairement à ce qu’il a déclaré devant la cour d’assises [de Berlin], Tehlirian n'était pas à Erzincan en 1915 et n'aurait pu y assister à un massacre. En 1913, Tehlirian a quitté l'Anatolie orientale pour rejoindre son père et son frère à Belgrade afin de poursuivre ses études d'ingénieur. Dès que la Première Guerre mondiale a éclaté, Tehlirian a quitté Belgrade pour Tbilissi [qui faisait alors partie de l’Empire russe] pour rejoindre les régiments de volontaires arméniens qui ont envahi l'Empire ottoman avec l'armée russe. Il ne revint à Erzincan qu'en juillet 1916, lorsque l'armée russe prit la ville aux Ottomans. Toutes les informations de Tehlirian sur ce qui s'est passé à Erzincan sont venues de sources secondaires. De plus, son père ne semble jamais avoir quitté Belgrade.

Ces précisions sur la trajectoire de Soghomon Tehlirian de l'Anatolie orientale (pendant la guerre) jusqu’à Berlin en 1921, qui contredisent son témoignage sous serment, ont été rendus publics dès 1960 dans l'Armenian Review [une nécrologie hagiographique en quatre parties, rédigée par Sarkis Atamian, membre et historien semi-officiel de la Fédération révolutionnaire arménienne] et ont continué à percer dans le livre d'Avakian et dans la presse de la FRA. Même si les détails manquaient dans les publications des années 1960, 1970 et du début des années 1980, le livre complet de Jacques Derogy Opération Némésis, d'abord publié en français [chez Fayard] en 1986 puis en anglais en 1990, a confirmé ces précisions sur le parcours de Tehlirian. Derogy affirme également que toute la stratégie de défense, y compris la rétractation de déclarations antérieures faites à la police de Berlin, les horribles détails sur la destruction de sa famille et l'injonction qui aurait été faite à Tehlirian par fantôme de sa mère, a été organisée et financée par la FRA [dans le cadre de l’opération Némésis, alors que Tehlirian a prétendu avoir agi seul]. Ces preuves semblent très crédibles, étant donné que Derogy avait eu accès aux archives de la FRA et en considérant, que, selon toute vraisemblance, la FRA n'avait aucune raison d’altérer intentionnellement les détails de la vie de Tehlirian d’une modifier qui porteraient atteinte à son statut de légende. »


Sarkis Atamian, « Soghomon Tehlirian: A Portrait of Immortality — Part I », Armenian Review, automne 1960, p. 40 :

« Tehlirian, partit en 1913 pour la Serbie, rejoindre son père et ses frères, dans le but de rester brièvement là-bas, le temps de trouver l’université idoine, en Europe, pour poursuivre des études d’ingénieur. […] Là-dessus, éclata la Première Guerre mondiale. 

[…] Tehlirian ne dit rien de ses intentions à son père… Il quitta purement et simplement leur domicile, voyagea à travers la Bulgarie et la Roumanie, puis atteignit le Caucase [pour s’engager dans un régiment de volontaires arméniens combattant sous commandement russe]. »


Khatchig Tölöyan, « Terrorism in modern Armenian political culture », Terrorism and Political Violence, IV-2, 1992, pp. 17-18 :

« [Tehlirian] écrit dans la revue [créée en 1931 par Chahan Nathalie, coresponsable de Némésis, chargé plus spécifiquement de l’assassinat de Talat par Tehlirian, mais exclu de la FRA en 1929 parce qu’il voulait faire tuer des hommes d’État français et britanniques], numéro du 11 janvier 1933 : “Ce dont nous avons besoin, c’est d’action. Laissons les autres aller mendier l’aumône à Genève et Lausanne. Nous avons besoin d'une seule foi, et nous devons mettre cette foi dans notre bras.” »

  

Christopher Gunn, Secret Armies and Revolutionary Federations: The Rise and Fall of Armenian Political Violence, 1973-1993, thèse de doctorat, Florida State University, 2014, pp. 89-92 :

« Pour un homme comme Gourgen Yanikian, le chemin vers l'adulation dont il rêvait apparaissait donc clairement. En fait, Yanikian a non seulement lu le livre de [Lindy] Avakian sur Tehlirian [ouvrage hagiographique et frénétiquement antiturc, mais qui a au moins le mérite de dire que Tehlirian n’était pas à Erzincan en 1915, ce qui démontre qu’il a menti lors de son procès], mais il avait contacté l'auteur pour saluer la qualité du contenu en 1967, l'avait rencontré au moins une fois en 1968 et possédait un exemplaire dédicacé du livre. Le lien entre l'histoire de Tehlirian et les meurtres commis par Yanikian a été porté à l'attention du FBI par le bureau du procureur du district de Santa Barbara, qui avait reçu une copie du livre par l'avocat défendant Yanikian. Les efforts du FBI pour interroger Avakian se sont toutefois révélés infructueux : l’auteur a refusé de coopérer à l’enquête ; mais il a placé Yanikian dans la même catégorie que les membres de Némésis dans un éditorial d’une page entière qu’il a écrit juste avant le début du procès de Yanikian.

Fait intéressant, Yanikian lui-même a été évasif, lors de son interrogatoire, lors de son procès, sur sa connaissance qu’il avait du cas Tehlirian, mais dans un entretien accordé trois ans après le double attentat  [et donc deux ans après la confirmation, en appel, de sa condamnation à perpétuité], Yanikian a admis qu’il connaissait l'opération Némésis en détail, et semblait même avoir cru qu'il serait acquitté lui aussi : “Jamais, jamais je n'ai soupçonné que je recevrais une peine maximale pour cet acte. Après au moins deux attentats similaires, dans le passé, les assassins d'autres dirigeants des Turcs ottomans, responsables du massacre des Arméniens, ont été déclarés ‘non coupables’ par les tribunaux européens et finalement libérés.”

Comme Tehlirian, le récit biographique de Yanikian a été établi uniquement grâce à son propre témoignage, présenté en juin 1973 devant la cour d’assises et les deux se ressemblent beaucoup. Yanikian a affirmé qu'il était tourmenté par les souvenirs d'une enfance du début du XXe siècle en Anatolie orientale et qu'il était obsédé, depuis des décennies, par l’idée de se venger. Né à quelques kilomètres de Tehlirian à Erzurum en 1895, sa famille a à peine échappé aux massacres d'Abdul Hamid II en fuyant à Kars. Huit ans plus tard, il aurait vu son frère de vingt ans assassiné par deux soldats turcs lors d'un voyage de retour à Erzurum pour récupérer des dossiers de famille et de l'or ; un voyage fait uniquement par lui-même, sa mère et son frère aîné. Dès que la Première Guerre mondiale éclata, Yanikian interrompit ses études universitaires à Moscou et partit rejoindre les irréguliers arméniens combattant contre l'Empire ottoman. Yanikian a affirmé avoir personnellement été témoin de milliers de victimes des atrocités turques, y compris certains membres de sa propre famille, au cours de son service auprès de l’unité de volontaires arméniens commandée par le général Dro.

Enfin, il a prétendu avoir vu en apparition son frère assassiné, neuf mois avant de commettre son double homicide, et avoir juré au fantôme de son frère de se venger de sa mort. Le spectre lui serait revenu quelques instants après avoir assassiné le Baydar et Demir. Semblable à la défense de Tehlirian, la stratégie employée par ses avocats visait à montrer que les scènes horribles dont Yanikian avait été témoin dans son enfance avaient causé un “traumatisme durable”, qui, combiné à la douleur causée par le refus continu de la Turquie des atrocités, et sa colère contre le rôle de la Turquie dans le commerce de l'opium et de la drogue [confusion volontaire, de la part de Yanikian, entre la production d’opium médical et celle d’opium destiné à devenir de l’héroïne], l'a laissé mentalement déficient. L'ensemble de cette stratégie de défense a été soigneusement construit pour que Yanikian puisse se présenter comme une autre victime, devenu héros de guerre, devenu Vengeur arménien, comme Soghomon Tehlirian, et récolter les récompenses éventuelles de la diaspora, et les similitudes ont même été abordées lors du procès de Yanikian.

[…]

Presque tous les aspects de l’autobiographie de Yanikian ont été soit réfutés, soit du moins remis en question par l’enquête du FBI. Il n’y a aucune preuve qu'il soit né Erzurum, ou même qu’il ait visité Kars, et, en fait, sur tous les documents officiels, et oralement à diverses reprises, il a affirmé être né à Tabriz, en Iran, avoir séjourné à Moscou pendant toute la durée de la guerre. L'histoire de son frère est également incohérente [avec les documents transmis au FBI par l’Iran et l’Union soviétique]. […]

Malgré son apparente obsession de se venger de la Turquie et de ses représentants, notamment qu’il a affirmé au FBI (ce qui est faux) qu’il aurait écrit sept livres et des articles, qu’il aurait donné des conférences pendant des années sur le “meurtre de deux millions d’Arméniens” et sur la confiscation de 6 milliards de dollars de “biens arméniens” par la Turquie, il n’y a absolument aucune preuve que Yanikian se fût intéressé, même de loin, à la question arménienne avant 1965 [c’est-à-dire avant d’avoir lu le livre de Lindy Avakian sur Tehlirian]. »

 

Gaïdz Minassian, Guerre et terrorisme arméniens, 1972-1998, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 28 :

« Après avoir avalisé le travail en commission, le congrès [tenu en décembre 1972 par la Fédération révolutionnaire arménienne, le parti de Tehlirian] déclare qu’il faut “renforcer la lutte pour la libération des terres arméniennes de Turquie en ayant recours à tous les moyens”. Les mots sont lâchés : “tous les moyens”, ce qui signifie l’usage de la force armée. Le Conseil militaire [de la FRA] procède à la réorganisation de ses structures et crée les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA). L’origine du sigle est d’une simplicité déconcertante et confirme l’appartenance de cette entreprise terroriste à la FRA. Pour des raisons de sécurité, la FRA, disposant d’un vaste réseau d’affiliation légal, ne peut pas associer son nom aux opérations terroristes. Elle utilise le nom de l’organisation dachnak [dachnak : qui relève de la FRA, qui lui appartient] des Justiciers du génocide arménien, immortalisée par l’opération Némésis, chargée d’exécuter les hauts responsable du génocide entre 1921 et 1923 [cette chronologie omet intentionnellement les assassinats d’Arméniens loyalistes, tous commis en 1920, et de deux anciens responsables azerbaïdjanais, la même année ; pour une raison inconnue, elle va jusqu’en 1923, or la seule tentative d’attentat par la FRA, cette année-là, visait İsmet İnönü, lequel n’a eu aucune responsabilité dans le déplacement forcé de 1915-1916]. »

 

Jean-Pierre Richardot, Arméniens, quoi qu’il en coûte, Paris, Fayard, 1982, pp. 187-188 :

« [Max Hraïr] Kilndjian est jugé en France [pour tentative d’assassinat sur la personne de l’ambassadeur de Turquie à Berne] parce que, citoyen français, il ne peut être extradé. À travers le procès de cette homme assez terne (qui semble bien souvent réciter une leçon apprise par cœur), tout le problème arménien se trouve à nouveau posé. Le monde entier [sic] est à l’écoute et l’on peut d’emblée se poser la question : ce procès n’a-t-il pas été “voulu” ? Max Kilndjian n’a-t-il pas servi d’“appât” afin d’obtenir un débat de classe internationale, en vue de rouvrir ce “dossier arménien” que tout un chacun, on l’a vu, n’a que trop tendance à refermer ? Une telle supposition vient à l’esprit quand on voit la manière dont Max Kilndjian s’est comporté à Berne.

Voilà un homme qui se rend en Suisse pour participer à une action contre un diplomate turc. Or, il loue une voiture pour son réseau, les “Justiciers du génocide”, sous son propre nom, sa véritable identité, comme si l’un des principaux soucis des gens qui le mènent était de laisser une trace, une piste derrière lui. Bref, comme s’ils cherchaient à déclencher un procès et à transformer un tribunal en caisse de résonance. »

ð  Trois remarques pour compléter les observations de ce journalistes, aussi complaisant envers le terrorisme arménien (du moins celui d’avant l’été 1982) que bien introduit dans les milieux qui le soutiennent :

    a) la FRA a publié, en 1981, pour les soixante ans de l’attentat et du procès Tehlirian, une traduction française du compte-rendu sténographique dudit procès (ou plus précisément de la version publiée par Johannes Lepsius, qui n’est pas un modèle d’exactitude) ;

b) l’attentat commis par Max Hraïr Kilndjian a eu lieu en janvier 1980, et le procès a failli se tenir en 1981 (de fait, il a eu lieu en janvier 1982) ;

c) cela dit, Tehlirian n’est pas l’unique modèle, car pour faire admettre à la cour d’assises d’Aix-en-Provence que le charbon est blanc, que M. H. Kilndjian n’était pas auteur mais seulement complice de la tentative (ratée) d’assassinat, une foule déchaînée a été rassemblée pour menacer les juges et jurés (une méthode qui rappelle davantage les menaces de mort adressées par écrit aux magistrats militaires britanniques, lors du procès d’un autre terroriste de Némésis, Misak Torlakian, également en 1921).

 


Hampig Sassounian, membre de la FRA et des CJGA, condamné depuis à perpétuité, posant devant le monument à la gloire de S. Tehlirian, peu avant d’assassiner le consul général de Turquie à Los Angeles (1982)


Michael M. Gunter, « Contemporary Armenian Terrorism », Terrorism: An International Journal, VIII-3, 1986, p. 215 :

« Par exemple, un journal dachnak a récemment affirmé que le procès de deux terroristes arméniens qui avaient tué Galip Balkar, l’ambassadeur de Turquie en Yougoslavie [que ses amis du ministère turc des Affaires étrangères voulaient ensuite pousser vers le poste d’ambassadeur à Washington, voire de secrétaire général dudit ministère], se mettait “à ressembler au procès Tehlirian”, en ce sens que les accusés justifiaient leurs actions par leurs demandes de nature politique contre la Turquie (9) [commencer, peut-être, mais non point finir : les deux accusés furent condamnés à vingt ans de prison]

 

___________

(9) “The Belgrade 2 Trial: Becoming Like Tehlirian Trial”, The Armenian Weekly, 24 décembre 1983, p. 1. »

 

https://twitter.com/momofrob/status/1323221628063522816 

« Nous avons besoin [en 2020] d’un nouveau Tehlirian. »


https://www.facebook.com/NorSeroundAYFcentreFrance/

« Aujourd'hui, les Nor Serountagans de Lyon, dont la section porte le nom du Héros Soghomon Tehlirian, ont souhaité lui rendre hommage pour le centenaire de l'exécution de Talaat Pasha, principal instigateur du génocide des arméniens

Le matin même, FRA Badanis France - ՀՅԴ Ֆրանսայի Պատանեկան Միութիւններ de Lyon ont chanté "Kini Lits" et ont trinqué à la santé de notre héros National. 

La jeunesse arménienne de Lyon est prête à prendre la relève de tous nos héros en se battant pour la justice et les réparations du Génocide des arméniens. »



Lire aussi, sur Tehlirian et l’opération Némésis :

Le contexte de l'acquittement de Soghomon Tehlirian (1921) : conflit germano-polonais et volonté de rapprochement avec l'Angleterre de Lloyd George

Misak Torlakian : du terrorisme de Némésis au renseignement du Troisième Reich

Le dachnak Hratch Papazian : de l'opération "Némésis" aux intrigues hitlériennes

Le terrorisme interarménien pendant l’entre-deux-guerres

 

Sur Johannes Lepsius, témoin de la défense au procès Tehlirian :

Johannes Lepsius dans l’imaginaire nazi

 

Sur les évènements de 1915-1916 :

La nature contre-insurrectionnelle du déplacement forcé d’Arméniens ottomans en 1915

Les massacres de musulmans et de juifs anatoliens par les nationalistes arméniens (1914-1918)

Tahsin Bey : protecteur des Arméniens, homme de confiance de Talat Paşa et membre de l'Organisation Spéciale

Turcs, Arméniens : les violences et souffrances de guerre vues par des Français

 

Sur le terrorisme arménien depuis les années 1970 :

Franck « Mourad » Papazian et l’apologie du terrorisme arménien

Monte Melkonian : assassin d’enfant, criminel de guerre, héros national arménien

Les Arméniens turcs et l’émergence de l’accusation de « génocide »

L’ASALA et ses scissionnistes contre la France socialiste de François Mitterrand

Patrick Devedjian (1944-2020) : un soutien constant pour le terrorisme antifrançais et antiturc

Le soutien réitéré du fraudeur Shahnourh Varinag Aznavourian, dit Charles Aznavour, au terrorisme arménien

L’approbation du terrorisme par les polygraphes de la cause arménienne

La justification insidieuse ou explicite de l’attentat d’Orly dans la presse arménienne de France

Quand Jean-Marc « Ara » Toranian menaçait d’attentats la France de la première cohabitation (1986)

Avril 2001 : le boucher d’Orly libéré après le vote de la loi inconstitutionnelle « portant reconnaissance du génocide arménien »

Le terrorisme arménien (physique et intellectuel) envers des historiens, des magistrats, des parlementaires et de simples militants associatifs



[1] Jean-Marie Carzou, Arménie 1915 : un génocide exemplaire, Paris, 2006, pp. 250-260.

samedi 13 mars 2021

La remarquable complaisance d’Aurore Bruna pour l’antisémitisme visant Kemal Atatürk

 


 

Aurore Bruna, L’Accord d’Angora de 1921. Théâtre des relations franco-kémalistes et du destin de la Cilicie, Paris, Le Cerf, 2018, p. 35 :

« Mustafa Kemal [Atatürk] naît à Salonique en 1881, dans une famille de condition moyenne, que certains disent d’origine albanaise ou juive (1).

_____________

(1) Michel Paillarès, Le Kémalisme devant les Alliés : l’entrée en scène du kémalisme, le traité de Sèvres, l’accord d’Angora, vers la paix de l’Orient, (1re éd. : 1922), réédité en 2005, p. 48. »

 

Commentaire : confondre quelqu’un avec un Juif (Atatürk était de famille turque et sunnite) n’est pas antisémite en soi ; c’est diaboliser un adversaire et en faire un Juif qui l’est, a fortiori si s’y ajoute une théorie du « complot judéo-maçonnique », ce qui est précisément le cas de la source indiquée, ainsi que d’un autre livre, très utilisé par Mme Bruna dans le sien : La Passion de la Cilicie de Paul de Rémusat, alias Paul du Véou, un agent d’influence de l’Italie fasciste. À un degré moindre, cette théorie du complot se trouve (dans sa variante visant le Comité Union et progrès) chez une troisième référence appréciée par Mme Bruna : René Puaux. Cette complaisance pour Paillarès est d’autant plus inexcusable que Mme Bruna cite aussi (ce qui est, en revanche, parfaitement justifié), l’ouvrage collectif dirigé par Gérard Groc et İbrahim Çağlar, La Presse française de Turquie, de 1795 à nos jours : la contribution de François Georgeon explique, documents à l’appui, que Paillarès s’était vendu à la Grèce. Par ailleurs, à longueur de pages, Mme Bruna répète des calomnies contre le mouvement national turc en général, et contre Kemal Atatürk en particulier (j’y reviendrai).

Or, Mme Bruna n’est pas n’importe qui : figure du parti Ramkavar, elle a été élue, en février 2018, président du Conseil de coordination des associations arméniennes de France pour le sud du pays (CCAF Marseille).

 

Sur la théorie du « complot judéo-maçonnico-dönme derrière le Comité Union et progrès et le kémalisme » :

Paul de Rémusat (alias Paul du Véou) : un tenant du « complot judéo-maçonnique », un agent d’influence de l’Italie fasciste et une référence pour le nationalisme arménien contemporain

La grécophilie, l’arménophilie et l’antijudéomaçonnisme fort peu désintéressés de Michel Paillarès

Le vrai visage de « l’alternative libérale » au Comité Union et progrès et au kémalisme

L’helléniste Bertrand Bareilles : arménophilie, turcophobie et antisémitisme (ensemble connu)

Le complotisme raciste des arménophiles-hellénophiles Edmond Lardy et René Puaux

 

Sur sa prégnance dans l’historiographie paléo-nationaliste arménienne, notamment ramkavar :

Le soutien d’Arthur Beylerian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

Le soutien de Vahakn Dadrian à la thèse du « complot judéo-maçonnico-dönme » derrière le Comité Union et progrès

 

Et dans le discours militant :

L’« antisionisme » constant de Jean-Marc « Ara » Toranian

Jean-Marc « Ara » Toranian semble « incapable » de censurer la frénésie antijuive de son lectorat

La place tenue par l’accusation de « génocide arménien » dans le discours soralien

 

Sur le Ramkavar lui-même :

De l’anarchisme au fascisme, les alliances très variables d’Archag Tchobanian

L’arménophilie vichyste d’André Faillet — en osmose avec l’arménophilie mussolinienne et collaborationniste

L’Union générale arménienne de bienfaisance et le scandale des piastres

 

Sur le mouvement national turc et les Arméniens :

Non, il n’y a pas eu de « massacre d’Arméniens » à Kars en 1920 (ce fut le contraire)

Février-mars 1920 : une campagne francophobe et turcophobe des organisations nationalistes arméniennes

Cinq témoignages américains contredisant la prétendue « extermination des chrétiens du Pont-Euxin » en 1921

Kemal Atatürk et les Arméniens

Le rôle des Arméniens loyalistes en Turquie pendant la guerre de libération nationale et la conférence de Lausanne